JPM - Films vus - Notules -  Décembre 2014

Notules - Décembre 2014

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : In the family – Interstellar – Astérix - Le Domaine des DieuxUn illustre inconnu – Le prénom –The prodigies – La nuit des enfants rois – Calvary – Nazarín – Night callNightcrawlerNos enfantsI nostri ragazzi – Nos meilleures années – Les opportunistes – Le dînerNotre enfance à Tbilissi – Dzma – Retour à Ithaque – La terrasse – Ressources humaines – Le palmier et l’étoile10 + 4Dah be alaveh chahar – Ten – From Tehran to London – Sweet gin and cold wine – The search – The artist – Les anges marqués – Full metal jacket – Le Père Noël – Samba – Terre battueLe premier hommeTimbuktuComing homeGui lai – Épouses et concubines – Winter sleepKis uykusuGaby Baby DollL’interview qui tueThe interviewLa terre éphémèreSimindis kundzuliBaal – Les désarrois de l’élève Törless – Hannah Arendt

Personnes citées : Patrick Wang – Chip Taylor – Sebastian Banes – Sebastian Brodziak – Louis Clichy – Alexandre Astier – René Goscinny – Albert Uderzo – Matthieu Delaporte – Alexandre De La Patellière – Mathieu Kassovitz – Bernard Lentéric – John Michael McDonagh – Luis Buñuel – Dan Gilroy – Ivano De Matteo – Alessandro Gassman – Luigi Lo Cascio – Herman Koch – Christopher Nolan – Xavier Dolan – Téona Mghvdeladze Grenade – Thierry Grenade – Ludwig van Beethoven – Glenn Gould – Zuka Tsirekidze – Laurent Cantet – Ettore Scola – Leonardo Padura Fuentes – Mania Akbari – Asghar Farhadi – Severyn Banes – Abbas Kiarostami – Amin Maher – Michel Hazanavicius – Bérénice Béjo – Maksim Emelyanov – Henri-Georges Clouzot – Maurice Pialat – Fred Zinnemann – Montgomery Clift – Alexandre Coffre – Tahar Rahim – Stéphane Demoustier – Gianni Amelio – Jacques Gamblin – Albert Camus – Abderrahmane Sissako – Michel Ciment – Yimou Zhang – Nuri Bilge Ceylan – Anton Tchékov – Franz Schubert – Sophie Letourneur – Benjamin Biolay –Evan Goldberg – Seth Rogen – Judd Apatow – Ellen de Generes – Eminem – Jong-il Kim – George Ovashvili – Volker Schlöndorff – Bertold Brecht – Margarethe Von Trotta – Rainer Werner Fassbinder

In the family

Lundi 1er décembre 2014

Réalisé par Patrick Wang

Sorti aux États-Unis (Festival d’Hawaii) le 16 octobre 2011

Sorti en France le 19 novembre 2014

Où il est prouvé qu’un petit film sans vedettes, tourné en 18 jours par un acteur et scénariste quasiment inconnu, et n’ayant coûté qu’une poignée de cacahuètes, peut intéresser davantage qu’un film ayant exactement la même durée, deux heures et quarante-neuf minutes, tourné en plus de cinq mois et qui a coûté... 166,8 millions de dollars. Évidemment, je fais allusion à Interstellar, ce film médiocre qui a envahi les salles, quand In the family n’est tardivement distribué à Paris que dans trois salles, et pas tous les jours, et pas plus de deux fois par jour ! Dans la salle où je l’ai vu, il ne passera pas non plus au-delà de la présente semaine...

Au centre de l’histoire, un petit garçon de six ans, que son père Cody a prénommé Chip en hommage à son chanteur favori Chip Taylor, et qu’il a eu avec sa femme Rebecca. L’enfant est vif et intelligent, et il est joué par un petit garçon aussi doué que son personnage, Sebastian Banes (nommé Sebastian Brodziak au générique de fin, il a joué dans deux autres films depuis, un long et un court métrage), qui se tire fort bien des scènes parfois très longues et filmées en plans-séquences qu’il a dû assurer. Si la justice existe, il y a de l’Oscar dans l’air, pour ce garçon. Cody avait rédigé un testament faisant de sa sœur Eileen sa légataire universelle, donc responsable de Chip si lui-même venait à mourir, mais c’est Rebecca qui meurt. Puis Cody rencontre Joey, un garçon asiatique de son âge, orphelin adopté dans son enfance par une famille d’accueil qui l’a très bien éduqué, mais dont les parents adoptifs sont morts eux aussi (personnage joué par Patrick Wang, également auteur et réalisateur du film). Et c’est le coup de foudre, les deux hommes décident de vivre ensemble dans la maison de Cody, avec Chip, qui dès lors vit très heureux avec ses deux pères.

Or, à son tour, Cody meurt brusquement, et sa sœur sort le testament de son frère défunt, exigeant alors que Joey, auquel jusque là elle faisait bonne figure, vide les lieux, et que l’enfant lui soit retiré. La loi ne prévoyant rien pour les beaux-pères dans cette situation, aucun avocat ne peut rien pour Joey, jusqu’à ce qu’un avocat à la retraite, Paul, décide de s’occuper de son cas et de procéder autrement, avec intelligence et humanité. Si bien que la partie adverse, Eileen et son mari Dave, faisant enfin preuve de compréhension, renoncent à leurs droits et lui permettent de revoir l’enfant.

Ce film ne s’engage nullement dans la voie qu’on s’attend à lui voir emprunter, le militantisme pro-homo, et n’a rien non plus d’un mélodrame, puisque, à aucun moment, Joey ne montre du chagrin d’avoir perdu son compagnon – c’est même l’un des griefs que l’avocat de la famille va lui opposer au cours d’une audience de conciliation réclamée par Paul. Mais le récit n’en est pas moins fort, et le film devrait être montré à tous les crétins qui hurlent, en France, que le mariage gay va « détruire la famille », car Joey est un second père absolument parfait, et l’enfant l’aime beaucoup.

On remarque plusieurs particularités. Tout d’abord, jamais le dialogue ne mentionne les mots gay ou homosexuel : la situation est présentée (et vue par les spectateurs) comme normale, et elle l’est bel et bien. Ensuite, tout se dénoue au cours de la très longue séquence de l’audience, qui commence assez mal : l’avocat de la famille essaie en effet de démolir Joey par des questions insidieuses, argüant que, décidément, « beaucoup de monde meurt autour de lui », qu’il a été impliqué dans des bagarres (mais à douze ou treize ans), qu’il n’a pas pris la parole lors des obsèques de son ami, et que... ne serait-il pas pédophile, par hasard ? On reconnaît les méthodes crapoteuses des avocats aux États-Unis.

Il y a aussi, dans ce film très classiquement tourné, deux scènes de retour en arrière, qui tranchent par leur caractère, la première montrant Cody et Joey juste après la mort de Rebecca et avant qu’ils découvrent leur avenir ensemble, la seconde montrant comment ils prennent conscience qu’ils s’aiment, et s’embrassent pour la première fois. Or ces deux scènes ne sont pas filmées comme le reste du récit, mais en gros plan, en caméra portée gesticulant de manière très désagréable (la première ne montre pas Joey, présent hors champ), et procurent une impression de malaise. On ne comprend qu’après la première que c’est sans doute voulu, et je n’ai jamais vu au cinéma cette volonté de déstabiliser ainsi le spectateur – c’est original, mais enfin, ce n’est qu’un détail de mise en scène, et pas indispensable. Elle vise à faire écho au revirement d’Eileen, sympathique au début, mais qui bascule dans le camp des salauds après un quart du film, avant de revenir à de meilleurs sentiments à la toute dernière scène. Bref, le spectateur est malmené comme l’est Joey, par un changement inattendu et désagréable.

Le film, par son dénouement, fait en somme l’éloge de la conciliation dans la dignité, ainsi que de la générosité, même si elle n’est ici qu’un moyen de parvenir à ses fins.

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Astérix - Le Domaine des Dieux

Mercredi 3 décembre 2014

Réalisé par Louis Clichy

Sorti en France le 26 novembre 2014

Bonne adaptation, par Alexandre Astier, de l’album d’Astérix dû à René Goscinny et Albert Uderzo. Tout est fait en images de synthèse, donc les célèbres acteurs de la distribution ne font que les voix. Le film est amusant, bien conçu, et il est court, ce qui repose tout le monde et ne fait pas fuir les enfants... qui brillaient néanmoins par leur absence lorsque je l’ai vu.

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Un illustre inconnu

Jeudi 4 décembre 2014

Réalisé par Matthieu Delaporte

Sorti en France (Festival du Film Francophone d’Angoulême) le 23 août 2014

Sorti en France le 19 novembre 2014

Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière, connus pour leur pièce et leur film à succès Le prénom, ainsi que pour The prodigies, adaptation complètement ratée, en 2011, d’un roman de Bernard Lentéric, La nuit des enfants rois, sont ici réalisateur pour le premier et scénariste pour le second. Mais leur réussite est moins éclatante. Si l’idée est la même, celle d’une mystification, les conséquences en sont différentes : elle débouchait sur une comédie dans le premier film, et sur un drame dans le second, puisque le personnage principal annonce son suicide – feint – dès la première scène. Et si l’invraisemblance ne gênait guère dans Le prénom, où rien n’était vraiment sérieux, elle est particulièrement handicapante ici.

Bref, Mathieu Kassovitz incarne un personnage falot et terne, un agent immobilier qui s’ennuie et donne un sens à son existence en copiant, à grand renfort de maquillages savants, les gens qu’il croise. D’abord un fleuriste, mais cela tourne mal, car il croise dans le métro... un copain du fleuriste, qui s’étonne de ne pas avoir reçu de réponse à son salut, et cela se termine par une altercation suivie d’une fuite piteuse. Or le « client » suivant sera un violoniste célèbre mais qui ne joue plus après avoir perdu deux doigts de sa main gauche dans un accident (à ce propos, sa secrétaire prétend qu’il « pourrait encore jouer », ce que je trouve douteux !).

L’originalité du film est que Kassovitz a tout du tueur, et qu’il ne tue personne : le corps qu’il utilise pour son faux suicide est celui du violoniste, qui s’est réellement suicidé. Néanmoins, le faux criminel va être arrêté comme un vrai, puis condamné à dix ans de prison. Et l’ex-compagne ainsi que le fils de sa fausse victime continueront de croire qu’il est bien le musicien, ce que le spectateur a beaucoup de mal à croire – même si l’acteur joue les deux rôles et donc apparaît presque semblable... à lui-même.

Le film est très correctement réalisé. C’est dans sa conception qu’il pêche.

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Calvary

Vendredi 5 décembre 2014

Réalisé par John Michael McDonagh

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 19 janvier 2014

Sorti en France le 26 novembre 2014

Le personnage central est fort, mais on se demande où l’auteur veut en venir : exalter, ou fustiger le clergé catholique irlandais ? Car il semble hésiter entre les deux partis.

La scène qui ouvre le film en plan-séquence fixe est percutante : en confession, le curé, un homme qui, marié puis veuf, est entré dans les ordres après la naissance de sa fille, et que tout montre comme étant absolument bon (on pense un peu au Nazarín de Buñuel, qui était aussi persécuté par ses propres paroissiens), reçoit en confession un homme que l’on ne voit pas, et qui attaque par cette phrase : « La première fois que j’ai goûté au sperme, j’avais sept ans ». Bref, pendant les cinq années suivantes et tous les deux jours, il a été violé par un prêtre catholique, « oralement et analement », précise-t-il. Or le violeur étant mort depuis, il entend se venger sur... un complet innocent, et a choisi le prêtre auquel il se confesse : dans une semaine, il le tuera sur la plage.

Le prêtre se confie à son évêque, qui doit être un peu jésuite, car, dit-il, attendu que l’homme n’a pas demandé l’absolution et n’a exécuté aucune pénitence, il n’y a aucun inconvénient à trahir le secret de la confession !

La suite est une plongée dans les horreurs de la petite ville, qui commence par l’incendie de l’église, se poursuit par l’enquête que le prêtre mène sur le crime dont il sera la victime, avant de s’achever, comme prévu, par l’exécution annoncée. Le responsable, un ami du prêtre, mais qui donne sa propre définition de l’amitié (« Un ami est un ennemi qu’on ne connaît pas encore »), finira en prison.

Tout cela semble finalement assez forcé, et le scénariste a chargé la barque un peu inutilement, pour les besoins d’une cause que l’on décèle mal. Mais l’acteur principal fait tout passer, son talent aidant.

À noter que la sous-titreuse du film est une adepte, comme la majorité de ses confrères, de l’argot à tout prix, dans les circonstances les moins propices. Ainsi, lorsque le prêtre demande à son évêque s’il doit aller to the police, les sous-titres lui font dire « chez les flics ». C’est tout à fait saugrenu.

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Night call

Lundi 8 décembre 2014

Réalisé par Dan Gilroy

Titre original : Nightcrawler

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 2 septembre 2014

Sorti en France le 26 novembre 2014

Lou Bloom est un petit voleur qui tente de revendre ce qu’il a volé : câbles, plaques d’égout, etc. Mais la vue de caméramen travaillant pour leur compte et qui revendent aux chaînes de télévision les témoignages de faits divers peuplant les nuits de Los Angeles – ce qui intéresse le plus les citoyens de ce pays – l’incite se lancer plutôt dans ce métier crapoteux. Par chance, Lou est la pire ordure dénuée du moindre scrupule, il va donc magnifiquement réussir. Son dernier exploit, où il provoque littéralement l’accomplissement d’un fait divers, provoque la mort du pauvre type qu’il avait engagé pour l’aider, et dont il va filmer la dernière minute de vie, avant de récupérer sa caméra et d’aller vendre le tout à la chaîne qui l’emploie.

Ce film métaphorique, faisant ainsi le portrait d’un arriviste sans émotion et ne reculant devant rien, en dit long sur les mœurs du pays, où presque tout est permis au nom du principe sacré : le public a le droit de savoir.

La mise en scène, où presque tout se passe de nuit, est classique, et les acteurs sont très bons.

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Nos enfants

Mercredi 10 décembre 2014

Réalisé par Ivano De Matteo

Titre original : I nostri ragazzi

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 4 septembre 2014

Sorti en France le 10 décembre 2014

À Rome, altercation entre deux automobilistes. Le plus irascible menace l’autre avec une batte de base-ball. L’agressé, qui est policier, lui tire dessus avec son pistolet. L’agresseur est tué sur le coup, et l’enfant qui l’accompagnait, blessé à la colonne vertébrale par ricochet.

Le policier sera défendu par l’avocat Massimo (joué par Alessandro Gassman). L’enfant sera opéré par Paolo, frère de Massimo (joué par Luigi Lo Cascio, qu’on a connu dans le magnifique téléfilm Nos meilleures années, en 2003, et qu’on a revu récemment dans Les opportunistes). Les deux frères ne s’apprécient pas, car Paolo est du genre humaniste, alors que Massimo pense que la loi doit être appliquée, et rien d’autre. Or ils ont tous les deux un enfant de seize ans, Benedetta pour Massimo, Michele pour Paolo. Et ces deux rejetons, un soir, après une fête bien arrosée, lynchent une clocharde âgée, qui va en mourir. Hélas pour ces deux voyous de la « bonne » société, la scène a été enregistrée par une caméra de surveillance. La séquence passe à la télévision, et les deux jeunes gens sont reconnus. Les deux pères s’affrontent : Massimo est d’avis qu’ils doivent dénoncer leurs enfants, et Paolo, qu’il faut les protéger à tout prix, en faisant jouer ses relations. C’est évidemment le but du film, que cette constante opposition morale.

La fin est ambigüe : après une dispute avec Paolo dans un restautant, Massimo est apparemment renversé par une voiture (on n’entend que le bruit). Volontairement, accidentellement ? Par qui ? On ne le saura pas.

Le film adapte un roman de l’acteur-auteur-réalisateur néerlandais Herman Koch, Le dîner, où tout était concentré dans ce qui, pour le film, constitue la séquence finale du restaurant. La transposition est adroite, et la réalisation très efficace. Tout au plus peut-on critiquer la musique, laquelle, comme dans beaucoup de films italiens, se réduit à des airs de danse dignes d’une boîte de nuit.

 

Note du dimanche 14 décembre : il a été dit sur France Inter que les deux pères, vus par les commentateurs comme des exemples de bourgeois bien convenables, se révélaient à la fin du film comme « de parfaites crapules ». C’est totalement faux. Ce sont des parents déchirés qui ne savent quel parti prendre, et, puisque l’auteur du film veut exposer les deux faces de la situation, il oppose les deux frères, l’un étant partisan de dénoncer les coupables, et l’autre d’étouffer l’affaire. Le film ne prend pas partie et ne donne aucune fin. Pourquoi vouloir lui faire dire ce qu’il ne dit pas, et coller partout des jugements moraux ?

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Pellicular

Mercredi 10 décembre 2014

Non, il ne s’agit pas d’un film, mais du fait que j’ai revu hier Interstellar dans la version pour pellicule que son réalisateur préfère. Eh bien, ce grand génie de Christopher Nolan (le petit génie étant son presque homonyme Xavier Dolan), qui prétend que les images enregistrées sur pellicule sont plus belles, aurait intérêt à porter des lunettes ! J’ai pu vérifier que, non seulement les images ne sont pas améliorées, mais qu’elles sont plutôt moins bonnes que celles obtenues en numérique. Avec le risque supplémentaire d’une projection floue si le projectionniste n’y veille pas à tout instant, et des rayures inévitables qui finissent toujours par altérer la pellicule.

Mais pas de panique : on ne fabrique plus ce type de support, ce qui du reste réjouit les écologistes, lesquels condamnent le développement chimique de l’argentique, donc on en sera bientôt débarrassés (du support, pas des écologistes).

En fait, pour cette projection, seul le son était bon. Mais c’est parce que la salle Max-Linder est équipée, son installation permettant un résultat fracassant. Qu’on n’a jamais dans les autres salles, sauf si elles utilisent elles utilisent l’Imax, or il n’y a que cinq salles de ce type en France. Et aucune à Paris. Mais il y en a une à Casablanca, boulevard de Biarritz !

 

Impax - Casablanca

 

En tout cas, le 7 décembre et aux États-Unis, les recettes du film n’ont pas encore couvert le budget de 160 millions de dollars : on en est « seulement » à 158 445 319 dollars !

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Notre enfance à Tbilissi

Jeudi 11 décembre 2014

Réalisé par Téona Mghvdeladze Grenade et Thierry Grenade

Titre original : Dzma

Sorti aux Pays-Bas (Festival de Rotterdam) le 24 janvier 2014

Sorti en France le 10 décembre 2014

Le titre original signifie « frères ».

Étrange premier long-métrage d’un couple franco-géorgien (lui, français, elle, géorgienne), un film qu’on aurait voulu aimer, malheureusement c’est impossible, tant ses deux versants sont mal assemblés : comme l’huile et l’eau, ils ne se mélangent pas.

À Tbilissi, capitale de la Géorgie, c’est déjà la crise économique qui suit la nouvelle indépendance du 9 avril 1991, et une forme de guerre civile. Giorgi est censé avoir seize ou dix-sept ans (mais l’interprète en a visiblement beaucoup plus !), il est plutôt influencé par les films de gangsters venus d’outre-Atlantique naguère interdits dans l’ancien Empire soviétique, et il plonge dans un début de délinquance en faisant du marché noir, car la ville manque de tout. Il n’y a pas de père à la maison, mais il y a un petit frère, Datuna, qu’il adore, qui a une douzaine d’années, et qui joue extrêmement bien du piano. Giorgi veut le protéger, ce qui semble plus facile qu’on le croit, car l’enfant ne s’intéresse qu’à cela (il écoute sans cesse la Sonate n° 17 de Beethoven, jouée par Glenn Gould, interprète dont la photo surmonte son lit !).

Il faut avouer qu’on s’intéresse assez peu à ce Giorgi, et beaucoup plus à Datuna, dont l’interprète, Zuka Tsirekidze, n’est pas seulement bon acteur, mais il joue également très bien du piano, sans être le moins du monde doublé, ce qui est confirmé par le générique de fin, et ce qui se voit si on connaît un peu la question : tant d’acteurs sont ridicules lorsqu’ils font semblant de jouer du piano !

Néanmoins, on ne peut s’empêcher de se demander comment une famille qui n’est pas aisée, au point que la mère doit vendre son argenterie pour vingt-huit dollars, peut offrir un piano à queue à un enfant, et pourquoi on prétend que le piano livré a « neuf octaves », donc 109 touches, quand les pianos modernes n’ont que sept octaves et une tierce mineure, soit 88 touches !

Le film réussit au moins à créer un climat. Mais il échoue à faire comprendre la situation.

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Retour à Ithaque

Vendredi 12 décembre 2014

Réalisé par Laurent Cantet

Sorti aux Pays-Bas (Festival de Rotterdam) le 24 janvier 2014

Sorti en France le 3 décembre 2014

Aucun cinéphile ne peut manquer de se rappeler La terrasse, film d’Ettore Scola, où de vieux amis passaient en revue leur passé, et leurs échecs. Ici, le processus est le même, à ceci près que nous ne sommes pas en Italie, mais à Cuba, à La Havane, encore sur une terrasse, celle de l’appartement dominant l’océan où un ingénieur noir, qui gagne sa vie en fabriquant des batteries dont l’acide lui brûle peu à peu les mains, reçoit quatre de ses amis de jeunesse. Deux étaient écrivains ; l’un a laissé tomber cette activité pour devenir un suppôt du pouvoir castriste, mais il se trouve en passe d’être envoyé en prison pour corruption, tandis que l’autre a fui en Espagne, mais, à l’occasion d’un voyage dans son pays natal, annonce son intention d’y revenir définitivement, car il est devenu stérile sur le plan artistique. Un autre, peintre, devenu alcoolique pendant quelques années, ne produit plus que des toiles qu’il parvient à vendre mais qu’il juge indignes de son talent passé. Et la seule femme, ophtalmologue très mal payée, leur a fait croire toute sa vie que ses fils, qui ont émigré à Miami, lui envoyaient régulièrement de l’argent, mais c’était faux, elle n’a rien et ne les a jamais revus. Et comme le fils de l’hôte est un petit crétin qui ne pense qu’à émigrer lui aussi, en laissant ses parents sur place, on se souvient que cette opposition père-fils était déjà le thème principal de Ressources humaines, le film qui a fait connaître Cantet.

Dès le début, on se doute bien que ces personnages ne se sont pas réunis que pour boire et pour évoquer d’heureux souvenirs, car la règle du genre impose qu’on va déballer des masses de secrets honteux – sinon le film n’aurait aucun but. Le récit adapte un roman, Le palmier et l’étoile, du journaliste, écrivain et scénariste cubain Leonardo Padura Fuentes, et donne lieu à une production bien meilleure que la précédente de Laurent Cantet, qu’il avait réalisée aux États-Unis. Évidemment, la plupart des maux qui frappent ces cinq personnages sont dus au régime castriste, mais jamais le nom de Fidel Castro n’est prononcé : tout au long du récit, les responsables sont désignés par « Ils », et, peu avant la fin du film, par « Ces enfoirés » ou « Cette salope » (il s’agit d’une femme qui espionnait pour le gouvernement et a provoqué la fuite en Espagne de l’un des deux écrivains).

Curieusement, ce film, tourné sur place et joué par des acteurs célèbres du pays, a été présenté à l’Institut Cubain d’Art et d’Industrie Cinématographique, et accepté. Apparemment, pour la liberté d’expression, Cuba n’est ni la Chine ni la Corée du Nord. Pourtant, l’un des cinq amis dit, à propos du socialisme castriste, « Nous y avons cru, et maintenant nous sommes dans la merde ». Bref, c’est un film sur la désillusion, assez lent à démarrer, mais dont l’intérêt augmente sur la durée.

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10 + 4

Samedi 13 décembre 2014

Réalisé par Mania Akbari

Titre original : Dah be alaveh chahar

Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) le 24 septembre 2007

Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2008

Le titre est la traduction exacte de celui en langue iranienne, et s’explique par le fait qu’il a été réalisé quatre ans après Ten, le film de Kiarostami dans lequel débutait comme actrice la réalisatrice de celui-ci. Il s’agit d’un néo-documentaire, présenté seulement une fois au Festival de Cannes, jamais sorti en France, et projeté ce jour en séance unique, en présence de la réalisatrice, que j’ai pu interroger, et qui n’a pas voulu s’exprimer sur le cinéma iranien, pas plus que sur le cinéma en général, puisque, m’a-t-elle dit lorsque j’ai voulu connaître son opinion sur Asghar Farhadi, grand cinéaste qui est à l’opposé de son style, elle « déteste le cinéma ».

En fait, ce film, qui ne parle que d’elle et de sa lutte contre le cancer du sein – elle a été opérée et n’a plus de seins du tout – reprend exactement la méthode de Ten, film dirigé par Abbas Kiarostami et sorti en septembre 2002 : long plans-séquences pris par une caméra fixée dans l’habitacle de la voiture, plans dans lesquels elle est constamment présente. Tout est donc fait de conversations entre elle, une amie également cancéreuse, et les membres de sa famille, notamment son fils Amin, âgé de 14 ans, dont j’ai déjà parlé deux fois, et qui n’apparaît ici que dans deux séquences (la seconde fois, il lui demande s’il est vrai que la masturbation rend aveugle, et elle lui affirme que oui !).

Quelques remarques. Tout d’abord, Ten et 10 + 4 sont à ce point semblables par la technique qu’on se demande si Kiarostami a vraiment dirigé le premier, ou si, comme je l’ai entendu dire, il n’a que fourni la logistique, c’est-à-dire les moyens matériels, et laissé son interprète d’alors inventer les épisodes et improviser les dialogues avec ses partenaires, comme dans le second. Mais cette thèse est peu crédible, puisque, en réalité, Mania Akbari s’est présentée à Kiarostami alors que le scénario était déjà construit, et elle n’avait été engagée que pour un rôle de cinq minutes ; mais elle s’est révélée si intéressante qu’elle a été retenue pour le rôle principal, et a pu faire engager son fils, alors âgé de dix ans, qui crève l’écran, comme on dit.

Autre remarque, ce second film est beaucoup moins intéressant, car il ne traite qu’un seul sujet, le cancer du sein de l’héroïne, sans jamais s’en écarter d’un iota – ce qui finit par lasser le spectateur. En revanche, manquent totalement ce qui faisait la richesse de Ten, la critique implicite du régime iranien, à l’exception de cette courte scène : un motard, sans doute un policier, arrête la voiture conduite par Mania Akbari, car il l’a vue, la tête couverte d’un simple mouchoir, et il lui demande si elle est un homme ou une femme. Elle répond qu’elle pense être une femme, et qu’elle cache ainsi son crâne chauve parce que le cancer l’a privée de sa chevelure. L’homme lui rétorque alors de couvrir aussi son cou. Eh oui, en Iran, une femme au volant ne peut avoir le cou à nu... Qu’on se rassure : en Arabie Saoudite, elle n’aurait même pas eu le droit de conduire !

Aujourd’hui, Mania Akbari a récupéré sa chevelure, vit en Angleterre et fait des films sur l’art moderne. En interview, elle s’exprime interminablement dans un style fumeux quelque peu décourageant.

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Trois enfants... ou presque

Dimanche 14 décembre 2014

Le hasard a voulu que ce mois de décembre nous montre trois enfants remarquables dans les films sortis, tous avec retard en outre. Il y a eu d’abord Sebastian Banes, autrement nommé Sebastian Brodziak, qui est l’enjeu du film britannique In the family, l’un des meilleurs qu’on ait pu voir depuis assez longtemps, et ce en dépit de sa longueur, apparemment décourageante – mais il ne faut surtout pas en tenir compte. Ce très jeune acteur, dont on ignore à peu près tout sinon qu’il a un frère plus âgé prénommé Severyn, également acteur, a fait deux autres films après In the family, et il faut espérer qu’on lui donnera d’autres rôles.

Puis il y a eu, en Ukraine, ce jeune acteur-pianiste, Zuka Tsirekidze, qui a joué ensuite, en 2012, dans un film russe, Lyubov s aktsentom (titre qui signifie « L’amour avec un accent »), où il n’a qu’un rôle minuscule, et que nous n’avons guère de chance de voir en France, car il n’est sorti qu’en Russie.

Enfin, et ce n’était pas un inconnu, on a revu, en plus âgé, Amin Maher, qui a débuté dans le Ten d’Abbas Kiarostami. Il a été ensuite assistant et producteur exécutif pour le film de sa mère, From Tehran to London, et a écrit, interprété et réalisé cette année un court métrage, Sweet gin and cold wine, qui a été présenté au festival d’Oldenburg.

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The search

Lundi 15 décembre 2014

Réalisé par Michel Hazanavicius

Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2008

Sorti en France le 26 novembre 2014

Ce film a été très mal accueilli au festival de Cannes. Remonté en vue d’être raccourci d’un quart d’heure, il est sorti plus tard à Paris, où il a été aussi mal accueilli, si bien qu’il n’y passe plus que dans deux salles, dont une très belle mais introuvable à l’intérieur du Grand Palais, sans aucune enseigne ni aucune affiche pour signaler sa présence. Film mal accueilli, j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi on l’a snobé à ce point, car il est plutôt bon. Je crois qu’on en veut à son auteur d’avoir remporté un Oscar avec The artist, et d’avoir voulu, après plusieurs fantaisies, faire un film sur un sujet sérieux. Si bien qu’aucune ces critiques que j’ai lues ou entendues n’est fondée, sinon sur la mauvaise foi.

Pour ma part, je ne lui ferai qu’un seul grief : il comporte deux films en un, or les deux récits ne se rencontrent jamais. Il y a d’une part celui de cet enfant tchétchène de neuf ans qui a vu ses parents massacrés par les Russes en 1999, qui fuit depuis, qu’une Française travaillant pour la Commission européenne des droits de l’homme recueille momentanément, et qui retrouve sa sœur à la fin, histoire certes un peu mièvre, mais pas déshonorante. Et, d’autre part et beaucoup plus intéressante, celle de ce jeune Russe pris par la police avec un joint sur lui, et qui, pour éviter la prison, accepte de s’engager dans l’armée, où ce brave garçon va peu à peu devenir un tueur et rejoindre la cohorte d’imbéciles qui, au départ, se moquaient de lui et le tabassaient. Comme il a trouvé une caméra sur un cadavre, il s’en sert en filmant une scène de tuerie sur des Tchétchènes, ce qui nous ramène au tout début du film, où cette scène a été vue à travers ce qu’il en a filmé. Bizarre, mais ingénieux. Une scène courte illustre la sauvagerie des Russes : devant un immeuble auquel ils ont mis le feu et dont toutes les fenêtres laissent échapper des flammes, le copain du jeune soldat s’écrit « Ça, c’est le paradis ! ».

La Française est jouée par Bérénice Béjo, bonne actrice mais pas très bien vue par la critique, qui s’efforce de la dénigrer sans le moindre motif. Le jeune soldat Kolia est interprété fort bien par Maksim Emelyanov, qui ne tarit pas d’éloge sur son réalisateur, « un homme très gentil », alors qu’en Russie, les réalisateurs, sans doute des émules de Clouzot et de Pialat, frappent leurs acteurs ! En tout cas, lui est très crédible, et son évolution mentale est parfaite à l’écran. En revanche, je suis bien plus sceptique à l’égard de l’enfant de neuf ans, qu’on a couvert de fleurs, confondant l’acteur et le rôle, alors qu’il ne fait pas grand-chose, sa seule scène un peu compliquée étant celle où il danse, tout seul, au son d’une banale musique de boîte de nuit...

J’avais vu Les anges marqués, film que Fred Zinnemann avait réalisé en 1948, et que le présent film reprend en le complétant beaucoup, mais je crois bien que les deux réalisations n’ont guère en commun. Évidemment, à cette époque, il n’était pas question de la deuxième guerre de Tchétchénie, et le petit garçon, rescapé d’Auschwitz, était recueilli par Montgomery Clift. Mais c’était davantage un film sur les camps de réfugiés, pas sur la sauvagerie russe. En réalité, en montrant comment un soldat ordinaire et pacifique peut se muer en tueur, on retrouve l’évolution de Joker dans Full metal jacket, où ce pacifiste achevait le seul Vietcong apparaissant dans l’histoire, une très jeune fille qui avait pris son peloton pour cible.

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Le Père Noël

Mercredi 17 décembre 2014

Réalisé par Alexandre Coffre

Sorti en Italie le 4 décembre 2014

Sorti à Hong Kong le 11 décembre 2014

Sorti en France le 15 décembre 2014

Ils se sont mis à six pour écrire le scénario !...

C’est la seule comédie, avec Samba, tournée par Tahar Rahim, qui est sans doute la seule raison de voir ce film de circonstance, puisque fabriqué pour la période de Noël. C’est l’histoire d’un cambrioleur, incarcéré à la Santé, qui a une permission pour quelques heures le soir du 24 décembre. Comme il s’est déguisé en Père Noël – curieuse idée –, et qu’il tombe sur un gosse de six ans plutôt collant, il n’a plus d’autre ressource que de l’emmener avec lui dans ses divers cambriolages, profitant de ce que l’enfant n’a pas le vertige et peut grimper à sa place le long des façades. On voit comme tout cela est crédible.

Le film, agréable à suivre et correctement réalisé, a l’avantage d’être court et de ne donner aucune migraine. Cela ne va pas plus loin.

Naturellement, la publicité fait bonne mesure des élucubrations, comme celle-ci : que le nom de Tahar Rahim « a été une évidence » pour le réalisateur – ils disent tous ça –, et que Paris est « le troisième personnage du film », alors que la réalisation se borne à quelques vues fabriquées en numérique, censées prises depuis les toits. Pas vraiment du Carné...

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Terre battue

Jeudi 18 décembre 2014

Réalisé par Stéphane Demoustier

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 19 août 2014

Sorti en France le 17 décembre 2014

Ce premier long-métrage est construit sur une histoire très simple : mis au chômage, Jérôme, qui « aime les supermarchés » comme Manuel Valls « aime l’entreprise », cherche à monter sa propre société, où il ne vendrait que des chaussures pour femmes. Non seulement il va échouer, mais sa femme Laura le quitte, car elle ne supporte plus de le voir ne penser qu’à son travail. Parallèlement, son fils Ugo, âgé d’onze ans, ne pense qu’au tennis, or, outre qu’il est assez doué, son cœur bat très lentement, ce qui, dit-on, est favorable aux sportifs. Jérôme accepte donc d’être aussi son entraîneur sur le plan physique (il ne connaît rien aux techniques du tennis).

Or tous les deux trichent : Jérôme, se faisant passer pour un inspecteur du travail, pille les renseignements commerciaux de ses futurs éventuels concurrents, tandis qu’Ugo, qui veut gagner le match de sélection lui ouvrant les portes de Roland-Garros, drogue son plus dangereux adversaire, Loris, qui joue mieux que lui. Le jeune garçon a un syncope durant le match, l’enquête revèle qu’il a absorbé un puissant somnifère, et, pour sauver la mise de son fils, Jérôme s’accuse. Mais ce sont les empreintes d’Ugo que l’on trouve sur la bouteille ayant contenu l’eau bue par Loris – qui se rétablit, par chance. Forcé d’avouer, Ugo ne passera pas professionnel.

La morale de cette histoire est évidente : on ne peut pas tricher ! Pourtant, en politique...

La publicité du film raconte qu’un fait-divers est à l’origine de ce scénario, à ce détail près que la victime était morte, et que le coupable était alors le père lui-même. Le film est assez bien réalisé, avec un peu trop de plans en caméra portée, ce qui est tout à fait inutile, et un filmage très banal des épreuves de tennis.

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Le premier homme

Jeudi 17 décembre 2014

Réalisé par Gianni Amelio

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2011

Sorti en France le 27 mars 2013

Jacques Gamblin personnnifie Albert Camus rebaptisé Jacques Cormery, dont un roman inachevé a servi à bâtir le scénario de ce film, qui raconte que l’écrivain, en août 1957, est retourné en Algérie voir sa mère et prendre la parole au sujet de la guerre qui déchire alors le pays – où il est diversement accueilli. Le récit est coupé de nombreux retours en arrière montrant son enfance. C’est honnête, parfois émouvant, assez terne, et le film, que je n’ai vu que tardivement, n’a eu aucun succès. Peut-être parce que Camus refusait de prendre parti, et affirmait que tout le monde avait raison : les Arabes, de réclamer des droits qu’on leur refusait pour la plus grande part, les Français, parce qu’ils ne méritaient pas de subir les attentats du FLN. Il avait raison, mais, à son époque, personne ne se servait vraiment de son cerveau.

Le film, ce qui est rarissime, a été tourné sur place, à Oran, Mostaganem et Alger.

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Timbuktu

Vendredi 18 décembre 2014

Réalisé par Abderrahmane Sissako

Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2014

Sorti en France le 10 décembre 2014

Présenté dans... trente-trois festivals, dont celui de Cannes, récompensé cinq fois, ce seul film africain (il a, dit-on, la nationalité mauritanienne, et a été tourné en Mauritanie pour raisons de sécurité, mais il est en réalité produit par des sociétés françaises) tranche radicalement sur les très rares films africains qui nous parviennent – surtout du Maroc, généralement fort médiocres et ratés. Le réalisateur est né au Mali, et vit au Burkina Faso, pays où le film n’est pas sorti, et pas davantage dans le reste du continent !

Timbuktu, qui est Tombouctou pour les français, située au bord du fleuve Niger, est une ville moyenne au centre du Mali, région hélas durement éprouvée en 2012 par divers mouvements rebelles touareg, puis par les islamistes salafistes radicaux, jusqu’en janvier 2013, où l’armée française a nettoyé la région. Le film relate donc, sur le mode souvent satirique mais parfois tragique, la manière forte utilisée par ces crétins pseudo-religieux, ignares, incapables et bêtes comme leurs pieds. Que certains personnages du récit ne craignent pas de remettre en place, comme cette femme considérée comme folle et qui les traite ouvertement de « connards », ou cet imam qui, à ceux qui ont investi sa mosquée sous le prétexte de « faire le djihad », rétorque : « Quoi ? Le djihad, dans la maison de Dieu ? ». Penauds, ils ne demandent pas leur reste et se retirent. Et ceux-là, qui ont interdit toute musique, et auquels on demande si on doit aussi prohiber la musique « qui louange Dieu ».

La critique a tressé des couronnes au film, réalisé il est vrai de façon très classique et sage par un réalisateur cultivé, qui n’a pas oublié de le sonoriser avec de la musique n’ayant rien d’africain, ce qui nous change beaucoup ; et l’on a énormément encensé cette partie de football que les garçons du coin disputent... sans ballon, puisque le football a aussi été interdit – comme toute autre distraction. Mais, à ma connaissance, personne, sauf Michel Ciment, n’a relevé cette courte scène, très subtile et fine, au cours de laquelle un islamiste et son chauffeur arrivent en voiture dans un coin désert, où l’image montre deux dunes voisines, dont la forme et la couleur évoquent fortement le profil d’un femme nue allongée. Au sommet de la dune la plus proche, un bouquet de plantes figure assez bien la toison pubienne fémimine. Si bien que le salafiste tire dessus à la mitraillette, afin de tondre un peu cette obscénité ! Pas un mot n’est dit, c’est plutôt fugitif, mais ce plan ne peut pas être un hasard, car il ne se rattache en rien au récit.

Malgré tout, deux regrets. D’une part, que les assassins islamistes ne soient pas suffisamment chargés, au point que certains sont rendus presque sympathiques, et c’est un peu fort de café. D’autre part, que la clarté ne soit pas le principal souci du réalisateur, et l’on ne comprend pas grand-chose à la séquence finale, au cours de laquelle un personnage en tue un autre d’une rafale de mitraillette, sans qu’on sache, puisque tous les hommes sont masqués, qui a tué qui.

Je passe sur la beauté des images, car ne pas faire de la belle image dans de tels paysages, c’est impossible.

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Coming home

Lundi 22 décembre 2014

Réalisé par Yimou Zhang

Titre original : Gui lai

Sorti en Chine le 16 mai 2014

Sorti en France le 17 décembre 2014

Légèrement surcoté, ce film montre comment, après que son mari a été envoyé en camp de rééducation sous Mao, sa femme, qui a perdu la mémoire, ne le reconnaît pas lorsque, enfin réhabilité, il revient chez lui : elle le prend pour un certain Fang. Toutes les tentatives pour lui faire recouvrer la mémoire en utilisant le déjà vu français, basées sur la vision de vieilles photos, échouent, mais un souvenir lui revient lorsqu’elle l’entend jouer du piano. Le couple s’étreint, ému, mais... fausse piste, elle ne le reconnaît toujours pas !

C’est le principal défaut du film, car enfin, pourquoi a-t-elle serré dans ses bras un homme qui ne lui est rien ? En outre, si la reconnaissance avait eu lieu, le récit aurait pu s’arrêter là, et ne pas sombrer dans l’oiseux, avec la longue réintégration de leur fille dans le foyer familial (la mère l’avait chassée), et surtout cette séquence ridicule : comme la mère se plaint d’avoir été naguère agressée par Fang, qui l’aurait frappée... avec une louche, le père se rend chez ledit Fang, armé d’une louche, pour lui rendre la politesse, mais apprend que l’homme est en prison depuis longtemps.

La conclusion arrive logiquement : la mère savait que son mari devait revenir « le 5 » ; alors, chaque 5 du mois, elle s’en va l’attendre à la gare, et le mari, résigné, l’accompagne dans cette vaine attente.

On voit que ce film assez lacrymal pèche par un scénario qui en fait trop.

Bien réalisé, presque uniquement en intérieurs, le film est assez lugubre, et trop long, de toute évidence. À vouloir trop enrichir de péripéties diverses une histoire somme toute plutôt simple, on s’égare, bien souvent.

Le réalisateur, dont je n’avais vu que Épouses et concubines, qui date de 1991, est un notable du cinéma chinois : il avait mis en scène la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Pékin. Les deux acteurs principaux sont bons.

À noter cette curiosité : l’essentiel de la musique du film ne comporte que quelques courtes mesures, souvent répétées, d’une mélodie au piano, très facile. Or, pour jouer cela, on a engagé Lang Lang, virtuose international, à la notoriété tapageuse, et très cher ! Fallait-il vraiment ce luxe insolite ? Ou n’était-ce qu’un procédé de communication ?

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Winter sleep

Mardi 23 décembre 201

Réalisé par Yimou Zhang

Titre original : Kis uykusu

Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2014

Sorti en France le 6 août 2014

Non, ce n’est pas un chef-d’œuvre, bien qu’il ait remporté la Palme d’Or au Festival de Cannes ; et il a eu assez peu de spectateurs – environ 80 000 en France. En réalité, c’est surtout l’histoire d’un homme, Aydin, qui a été jadis comédien (pas « acteur », insiste-t-il) et se flatte de n’avoir jamais paru dans un feuilleton. Retiré dans un coin perdu de campagne, il est propriétaire d’un petit hôtel, où il vit avec sa jeune femme et sa sœur divorcée. Lesquelles, l’estimant arrogant et orgueilleux, lui font des scènes et menacent de partir, sans jamais mettre la menace à exécution.

L’essentiel du film est donc composé de ces discussions parfois très longues, dont l’utilité est de nous faire connaître le personnage et ceux qui l’approchent, qui tous se plaignent de son attitude. La fin confine au grotesque, tant elle est moralisatrice : la femme d’Aydin a voulu secourir une famille pauvre et lui a offert l’argent que son mari lui a donné en faveur d’une souscription qu’elle avait ouverte pour financer des écoles, mais l’homme auquel elle a donné cet argent lui montre son mépris et jette l’argent au feu. C’est bien une idée de littérateur, et, en effet, le film est inspiré par Tchékov ! On finit par n’avoir de la sympathie que pour cet homme que tout le monde critique pour des motifs un peu légers.

L’essentiel de la musique est fait d’un extrait inlassablement répété d’un court passage d’une sonate de Schubert. De quoi renforcer le côté intello du film. Lequel, néanmoins, se laisse voir, car toutes ces disputes, finalement, ne sont pas dénuées d’intérêt. Mais enfin, avec une durée de trois heures et seize minutes, on peut préférer In the family, où perce davantage d’humanité.

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Gaby Baby Doll

Mercredi 24 décembre 2014

Réalisé par Sophie Letourneur

Sorti en France le 17 décembre 2014

Gaby, c’est une parfaite idiote qui prétend ne pas pouvoir rester seule, surtout la nuit. Aussi, lorsque son petit ami, qui lui tenait compagnie dans la maison de vacances que le médecin de Gaby lui a prêtée afin qu’elle y fasse une cure de repos, est obligé de la laisser seule quelques jours, elle n’a de cesse de ramener avec elle, chaque soir, un homme dragué au café du village. Jusqu’à ce qu’elle tombe sur un ermite bourru, gardien du château dont le propriétaire est absent pour longtemps. Elle l’apprivoise peu à peu, et finit par lui avouer qu’elle l’aime pour de bon, et donc, n’aime plus son petit ami, qui justement est de retour.

La fin n’est pas très inattendue : le gardien était en fait le châtelain, et les deux vont désormais filer le parfait amour.

L’histoire est parfaitement insignifiante, et Benjamin Biolay est la seule vedette : il joue le faux gardien et vrai châtelain. La réalisatrice se signale par une étrange manie : à cinq reprises (CINQ !), elle montre son héroïne, qui emploie à tout bout de champ et à contresens l’envahissant trop (pour très, on a compris), en train de pisser. Message caché ?

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L’interview qui tue

Vendredi 26 décembre 2014

Réalisé par Evan Goldberg et Seth Rogen

Titre original : The interview

Sorti aux États-Unis le 24 décembre 2014

On ne sait pas encore quand le film sortira en France, mais ce doit bien être prévu, puisque, non seulement on lui a collé un titre français, mais aussi fabriqué une affiche.

Il s’agit d’une comédie grossière, dans le style de ce que fait habituellement le navrant Judd Apatow (durant l’interview télévisée, le dictateur nord-coréen se met à pleurer, puis il... défèque dans son pantalon !), et co-réalisé par deux zozos, coutumiers du genre « film de potes ». C’est coûteux (44 millions de dollars), classiquement réalisé, joué de façon très caricaturale, et nourri de private jokes, comme cette vantardise de l’animateur de télévision, qui se targue d’avoir « eu » – il emploie un autre terme – plus de femmes qu’Ellen de Generes, ou cette interview d’Eminem, qui dit à quatre reprises qu’il est gay – mais c’est lui-même qui a écrit le sketch.

L’intrigue tient au dos d’un ticket de métro : apprenant que Dave Skylark, animateur d’une émission d’interviews people à la télé, est regardé par le dictateur nord-coréen Jong-il Kim, la CIA oblige Skylark à se rendre dans le pays afin d’empoisonner à la citrine ce grand ami de la démocratie. Kim sera effectivement tué à la fin, mais d’une autre manière.

Ce film, qui ne vaut pas un clou, s’est acquis une renommée inattendue, lorsque le distributeur Sony, qui l’a fait réaliser par sa filiale Columbia, prétextant des menaces d’attentats de la part de la Corée du Nord, a fait savoir qu’il renonçait à le sortir en salles. Bourrage de crâne publicitaire, puisque le film est bel et bien sorti une semaine plus tard, une fois le public bien chauffé.

*

On peut télécharger une version du film, sous-titrée en français. En réalité, « en français », il faut le dire vite, car le travail a été fait par un robot, qui traduit mot à mot. Par exemple, straight, qui signifie hétérosexuel dans le contexte, est traduit par « droite », et le verbe to get est sysmétiquement traduit par le verbe obtenir, ce qui donne tout au long du film des résultats curieux.

En fin de compte, ces sous-titres sont si mauvais qu’ils se révèlent plus marrants que le film.

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La terre éphémère

Lundi 29 décembre 2014

Réalisé par George Ovashvili

Titre original : Simindis kundzuli

Sorti en Tchéquie (Festival de Karlovy Vary) le 9 juillet 2014

Sorti en France le 24 décembre 2014

Il en s’agit pas de la Terre en tant que planète, mais d’une terre – je note ce détail, parce que la manie, à laquelle je ne cède jamais, de semer des majuscules inutiles dans les titres pourrait faire croire que le mot désigne la planète –, une île minuscule au milieu d’un fleuve, l’Inguri, qui marque la frontière entre la Géorgie et l’Abkhazie.

Un homme, un Abkhaze qui n’est pas nommé, s’y installe pour y vivre, se construit une cabane avec le bois trouvé dans les environs, fait venir sa petite-fille, et plante du maïs après avoir soigneusement labouré l’espace exigu dont il dispose. Remarquez qu’avant son arrivée, il n’y avait pas le moindre végétal à cet endroit, et que la seule source d’eau est la rivière elle-même. Pourquoi s’être installé là ? Parce que l’île n’appartient à personne et qu’il espère y être tranquille. Mais il sera dérangé à plusieurs reprises par les gardes-frontières qui viennent se faire offrir à boire, ou qui cherchent un fugitif. Puis vient la mauvaise saison, le niveau de la rivière monte et emporte tout. Il ne peut sauver qu’une partie de sa récolte de maïs... et la poupée de sa petite-fille, qui a pu se mettre à l’abri.

Le film, presque dépourvu de dialogues, est très beau, et l’île, qui n’existait pas, a été fabriquée pour le tournage. Il n’y a donc eu aucun obstacle moral à la détruire quand le scénario, écrit par le réalisateur, le prévoyait !

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Baal

Mercredi 31 décembre 2014

Réalisé par Volker Schlöndorff

Sorti en Allemagne de l’Ouest le 7 janvier 1970

Ressorti en France le 26 novembre 2014

Une horreur. En fait, c’était un téléfilm de 1969, jamais vu en France ni dans aucun autre pays que l’Allemagne avant cette année, adapté d’un roman de Bertold Brecht, et mis en scène par Volker Schlöndorff, quatre ans après son meilleur film, Les désarrois de l’élève Törless, ce qui surprend tant cette production est mauvaise. On comprend que la veuve de Brecht ait voulu le faire interdire ! Il fit scandale après son passage à la télévision allemande, tant il était sordide et laid (jusqu’à l’aspect physique de tous ses interprètes masculins, Fassbinder inclus).

Bref, Baal est à la fois un poète et une brute épaisse, qui traite les femmes comme de la bouse, et qui est néamoins aimé par elles, ainsi que par un autre poète, Eckart, qu’il va poignarder en cours de route, avant d’aller agoniser lui-même, on ne sait de quoi, dans une forêt, et en y mettant le temps, comme dans un opéra. Les décors naturels aussi sont laids, bords de routes ou d’autoroutes, parkings de camions, lugubres salles de cafés, etc.

On remarque, dans un des rôles féminins, Margarethe Von Trotta, qui a renoncé à sa carrière d’actrice en 1984, pour devenir réalisatrice, et a fait l’année dernère le remarquable Hannah Arendt.

Quant à ce film, il se caractérise par des dialogues abscons, dont toutes les répliques sont de la fausse poésie où reviennent sans cesse des thèmes éculés : le ciel, les nuages, la terre et la mer, les oiseaux et les poissons, l’amour et la mort, les femmes et les hommes (« Et la coiffure », ajouterait Coluche). Baal fume et boit dans tous les plans du film, frappe et insulte les autres personnages, méprise tout un chacun, et nous ennuie. Il est incarné par un Rainer Werner Fassbinder qui a été ultérieurement un réalisateur souvent talenteux, mort jeune et qui n’a pas été égalé. On regrette de le voir dans cette galère, mais il y est allé tout seul.

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Dernière mise à jour de cette page le mardi 13 juillet 2021.