Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Vincent n’a pas d’écailles – Tracers – Premium rush – La duchesse de Varsovie – Perceval le Gallois – Tokyo fiancée – Ni d’Ève ni d’Adam – Une nouvelle amie – La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy – 2 automnes 3 hivers – L’art de la fugue – L’art de la fugue – 1001 grammes – 1001 gram – L’enquête – Révélation$ – De l’autre côté de la porte – Tobira no muko – Le dernier coup de marteau – Angèle et Tony – Plus belle la vie – Sixième symphonie de Gustav Mahler – Le dernier loup – Le Cercle – Der Kreis – Gaudí, le mystère de la Sagrada Familia – Un homme idéal – Monsieur Ripley – Plein soleil – Le talentueux M. Ripley – Voyage en Chine – All is lost – Margin call – La Sapienza
Personnes citées : Thomas Salvador – Daniel Benmayor – Joseph Gordon-Levitt – Taylor Lautner – Joseph Morder – Alexandra Stewart – Andy Gillet – Éric Rohmer – Jeanne Moreau – Stefan Liberski – François Ozon – Romain Duris – Mehdi Dehbi – Sébastien Betbeder – Vincent Macaigne – Brice Cauvin – Jean-Sébastien Bach – Agnès Jaoui – Bent Hamer – Vincent Garenq – Denis Robert – Renaud Van Ruymbeke – Dominique de Villepin – Nicolas Sarkozy – Imad Lahoud – Gilles Lelouche – Charles Berling – Laurence Thrush – Alix Delaporte – Romain Paul – Marcello Mastroianni – Gustav Mahler – Jean-Jacques Annaud – Stefan Haupt – Ernst Ostertag – Röbi Rapp – Yann Gozlan – Pierre Niney – Patricia Highsmith – Zoltan Mayer – Yolande Moreau – J.C. Chandor – Eugène Green – Francesco Borromini
Réalisé par Thomas Salvador
Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) le 21 septembre 2014
Sorti en France le 18 février 2015
Un titre bizarre pour un film étrange : Vincent, ouvrier tranquille, possède un don que même l’incroyable Hulk n’a pas, puisque sa force se décuple quand... il est mouillé ! Aussi préfère-t-il vivre près des gorges du Verdon, où l’eau ne manque pas.
On aimerait dire du bien d’un film sympathique, qui s’abstient de vous écraser sous un budget pharaonique, et qui n’utilise guère que quelques trucages mécaniques pour montrer les rares exploits surhumains du héros. Hélas, le thème est peu exploité, même si l’auteur a le bon goût de ne pas expliquer cette faculté de son personnage – que par ailleurs il interprète lui-même, et sans tirer son film vers le spectaculaire, puisque la scène la plus marquante de son histoire est celle, très courte, où Vincent met fin à une querelle entre des ouvriers et leur contremaître, en écrasant la voiture de celui-ci avec... une bétonnière.
Après cela, il est pourchassé par les gendarmes, poursuite un peu longuette, et qui s’achève par sa fuite vers le Canada, à la nage d’abord, ensuite à bord d’un cargo. Fin du film, qui vous laisse donc sur votre faim, quoique, depuis un bon moment déjà, le public en est las.
Notons aussi ce travers de la plupart des films français : inclure dans le récit un scène de nu totalement inutile. Et là, c’est une vraie scorie, parfaitement racoleuse et démagogique.
Réalisé par Daniel Benmayor
Sorti au Danemark et en Malaisie le 15 janvier 2015
Sorti en France le 25 février 2015
Bien que tourné à New York, le film n’est pas encore sorti aux États-Unis, et ce sera pour le 20 mars. Cela dit, ce n’était pas une mauvaise idée que de reprendre le thème de Premium rush, sorti en 2012, avec Joseph Gordon-Levitt en courrier à vélo dans les rues de New York. Simplement, Joseph a été remplacé par Taylor Lautner, encore meilleur sportif et qui n’est quasiment jamais doublé pour des cascades beaucoup plus dangereuses que des courses à bicyclette.
Hélas, le scénario tient au dos d’un ticket de bus, et surtout, la réalisation est catastrophique : le metteur en scène, qui en est presque à ses débuts, n’a pas encore compris qu’il est inadéquat de confier la caméra à un cadreur n’ayant pas la force de la porter, et qui tremble ! Si bien que tout cela se répercute sur l’image, qui en devient irregardable. Le spectateur en est réduit à regarder l’acteur vedette, qui par chance est photogénique, malgré le début de barbe qu’il arbore.
À part cela, tout ce à quoi l’on s’attend arrive en effet : comme dans tout film purement digestif, le coursier gagne l’amour de la fille qu’il a rencontrée au début, il récupère sa voiture que les malfrats lui avaient confisquée pour régler ses dettes, et le couple part pour la Californie dans le véhicule remis à neuf par les bandits !
Réalisé par Joseph Morder
Sorti en France le 25 février 2015
On ne va voir ce film que pour les deux interprètes, attirants et talentueux, Alexandra Stewart et Andy Gillet ; et, en effet, on ne verra personne d’autre, sinon deux femmes sur l’écran d’un film muet (l’une a joué dans plusieurs films d’Éric Rohmer, l’autre a fait beaucoup de télévision). Curieux film, qui se prive également de décors, un peu comme Perceval le Gallois, du même Rohmer, puisque tout, en intérieur comme en extérieurs, est représenté sur des toiles peintes.
Valentin, qui vit à Paris, est un jeune peintre homosexuel et déprimé, car il a du mal à créer. De temps à autre, sa grand-mère, qu’il appelle Ninotchka et dont il ignore que le vrai prénom est Rachel, vient le voir, alors qu’elle traîne les pieds pour aller rendre visite à ses propres enfants – les parents de Valentin, donc. Tous deux s’aiment beaucoup, Valentin se confie à sa grand-mère, qui, en retour, ne lui raconte rien de sa vie, car elle a volontairement tout oublié. On ne saura pourquoi que dans une longue séquence vers la fin, où, en une série de nombreux gros plans immobiles séparés par des écrans noirs (et on regrette que cette scène n’ait pas été tournée en un seul plan), seule devant la caméra, Rachel-Ninotchka raconte ce qu’elle a voulu oublier : son enfance et sa jeunesse en Pologne, la mort de ses grands-parents tués par un soldat nazi, puis sa déportation à Auschwitz, et son calvaire. Naturellement, elle n’est ni duchesse ni originaire de Varsovie – de même qu’à Paris, le Passage de la Reine de Hongrie n’a rien à voir avec cette reine –, mais on s’en doutait !
On se félicite que le rôle de la grand-mère n’ait pas été tenu par l’envahissante Jeanne Moreau, comme il avait été prévu. Moins connue, Alexandra Stewart est parfaite dans sa discrétion.
Un bémol : ce film se serait bien passé de la séquence de la boîte de nuit, où Valentin danse ridiculement une des pseudo-danses à la mode, avant d’enlacer un homme... en carton, et de refuser de le suivre dans une back-room. C’est complètement hors-sujet, et les auteurs de films en font toujours trop.
Réalisé par Stefan Liberski
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 7 septembre 2014
Sorti en France le 4 mars 2015
On aime bien les livres d’Amélie Nothomb, que les critiques littéraires méprisent, mais qui sont amusants, inventifs, et ont l’immense avantage d’être courts ; le contraire de Donna Tartt, en somme ! Celui intitulé Ni d’Ève ni d’Adam raconte son retour au Japon, où elle est née et qu’elle avait quitté encore enfant. Là, son personnage a vingt ans, essaie de gagner sa vie en donnant des cours de français, et ne trouve comme élève qu’un charmant jeune Japonais, plutôt aisé, qui finira par la demander en mariage. Elle élude, propose des fiançailles, mais doit quitter le pays après le raz de marée ayant ravagé la région de Fukushima.
C’est léger, un peu curieux, mais on a rajouté ledit raz de marée, que la véritable Amélie n’a pas connu. Désir de faire sérieux, comme trop souvent dans les comédies faites en France ?
À noter ce détail bizarre, faire jouer le personnage de l’élève japonais par un acteur ne connaissant pas un mot de français. En somme, il a vraiment servi d’élève ! Et ce film est une récréation.
Réalisé par François Ozon
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 6 septembre 2014
Sorti en France le 5 novembre 2014
Tout comme l’était Claude Chabrol, qui a aussi adapté, pas mieux qu’Ozon d’ailleurs, un roman de la grande romancière britannique Ruth Rendell (elle est à la Chambre des Lords), François Ozon est un réalisateur très professionnel, de haut niveau ; mais, comme Chabrol donc, il rate tous ses scénarios ! Rappelons que Chabrol a réalisé 73 films, et n’en a réussi que... trois.
Une nouvelle amie, trop long, sombre en outre dans le ridicule, ou peu s’en faut. Parce que film est trop démontratif, et parce que Romain Duris, dont le talent n’est pas mince, mais qui a bientôt 41 ans, ne peut pas jouer de façon crédible ce rôle d’un garçon qui veut s’habiller en femme. Pour cela, il eût fallu Mehdi Dehbi, plus jeune (29 ans), plus beau, et qui a été très convaincant, à la fois en garçon et en fille, dans La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy. Duris, lui, est caricatural, n’a jamais l’air d’une femme, et, malgré lui, flingue l’histoire. Les bonnes intentions et l’envie de jouer tel personnage ne suffisent pas. Seule la perfection de la mise en scène vaut le dérangement.
Réalisé par Sébastien Betbeder
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2013
Sorti en France le 25 décembre 2013
Avec seulement 45 663 entrées en France, ce film a fait un bide. Il faut dire que, chassant ouvertement sur les terres de l’antique Nouvelle Vague, avec ses personnages portés sur l’introspection nombriliste et s’adressant directement à la caméra, il n’est guère dans l’air du temps. Ce pourrait être sympathique, mais le personnage principal est joué par un acteur si peu charimastique, Vincent Macaigne, que la très classique identification du public aux protagonistes n’a aucune chance de s’établir...
Pourtant, l’argument aurait pu séduire, puisque la rencontre des deux futurs amoureux est un choc. Un vrai : faisant chacun de la course à pied, ils se heurtent par mégarde. Ils se reverront ensuite quand le garçon veut porter secours à la fille perdue, en train de se faire agresser par des voyous. Et il reçoit un coup de couteau dans l’abdomen !
Peu avant la fin, se déplaçant dans le métro avec la fille, il voit l’un de ses agresseurs, mais seul un échange de regards indique qu’ils se sont reconnus. Et il laisse partir le voyou sans un mot. C’est, à mon avis, la seule idée du film.
Réalisé par Brice Cauvin
Sorti à la Réunion (Festival du film) le 10 octobre 2014
Sorti en France le 4 mars 2015
Aucune fugue dans cette histoire, et la référence à Jean-Sébastien Bach est factice...
Dans cette pseudo-comédie qui ne fait jamais rire, tout le monde est malheureux. Les trois frères de cette famille Philipe (dont l’un se prénomme Gérard, ouarf !) sont, soit infidèles, soit victimes de l’infidélité de leur conjoint. Jusqu’à leurs parents, qui se sont mariés à vingt ans sans s’apercevoir qu’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre. Le tout se termine donc mal, avec notamment la mort du père.
Le film, pourvu d’un dialogue assez brillant mais aussi assez grossier, dégage une forte impression de mélancolie. Et comme il est alourdi d’épisodes (ou de personnages) sans grande utilité, la fin apporte davantage de soulagement que le récit. Néanmoins, c’est si bien réalisé et interprété qu’on peut se prêter au jeu.
Agnès Jaoui joue un des personnages féminins sympathiques. Mais elle a tant grossi que je ne l’ai pas reconnue du tout !
Réalisé par Bent Hamer
Titre original : 1001 gram
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 7 septembre 2014
Sorti en France le 11 mars 2015
Un même film peut-il être à la fois prétentieux par son ambition de brasser une foule de thèmes existentiels, ridicule par les péripéties sur lesquelles il s’appuie, et profondément soporifique par son absence de toute action ? Oui, et 1001 grammes réussit ce triple exploit.
Le plus intéressant, c’est le générique de début, qui montre une machine automatique manipulant l’étalon officiel du kilogramme, en platine iridié, dans les locaux de Sèvres. On apprend ainsi que plusieurs pays ont une copie de cet objet, et qu’un séminaire international vérifie de temps en temps s’ils ont tous la même masse. Le séminaire du film se tient en France, et une scientifique norvégienne, Marie, doit y assister. Mais le documentaire scientifique, qui aurait pu être passionnant pour les amateurs, s’arrête là, et on assiste ensuite, hélas, à toutes sortes de mornes aventures qui lui arrivent durant son séjour – lequel, étrangement, l’oblige à plusieurs allers et retours entre Paris et la Norvège, avec, chaque fois, le passage à l’aéroport devant la même douanière très soupçonneuse.
Marie a ensuite un accident de voiture, qui provoque le bris de la cloche de verre protégeant le précieux étalon, qu’elle passe son temps à balader dans tous les endroits où elle va, y compris sur la Tour Eiffel. Elle rencontre aussi un ancien scientifique français du Bureau International des Poids et Mesures, qui a préféré s’occuper des chants d’oiseau, dont il a découvert que, plus ces volatiles s’approchaient de Paris, plus leur chant était « modulé » (comprenne qui peut).
Dans l’avant-dernière scène, et comme le père de Marie vient de mourir, elle l’a fait incinérer, puis elle pèse ses cendres : elle trouve une masse de 1022 grammes, mais, au bout de quelques instants, cette masse tombe à 1001 grammes – d’où le titre. Il faut alors comprendre que c’est l’âme du père qui vient de monter au Ciel, et comme les âmes des morts, c’est bien connu, pèsent 21 grammes, tout s’explique. Il fallait bien une sottise pseudo-métaphysique pour compenser la légèreté du scénario.
Notez le burlesque du dialogue, où l’on croit fin et profond s’insérer des sentences comme « Tôt ou tard, ta vie sera mise en balance » (ouarf !), ou « Le fardeau le plus lourd de la vie, c’est de n’avoir rien à porter » (re-ouarf !). Et la petite grivoiserie de la scène finale : Marie et son amateur d’oiseaux, nus dans une baignoire, s’apprêtent à sauter le pas en échangeant... des nombres, et, lorsqu’il la pénètre enfin, elle s’écrit « 15,4 centimètres », ce qu’il rectifie en bon mâle : « Non, 18 ! ».
Re-re-ouarf !
Réalisé par Vincent Garenq
Sorti en France (Festival de Sarlat) le 11 novembre 2014
Sorti en France le 11 février 2015
La célébrissime affaire Clearstream a commencé en 2001, lorsque le journaliste Denis Robert, qui travaillait à « Libération », a découvert un scandale impliquant un organisme bancaire, une « chambre de compensation » dans le jargon financier, Clearstream donc, fabriqué par les banquiers internationaux pour couvrir leurs échanges en toute discrétion, c’est-à-dire à l’abri du regard des gouvernements – censés faire respecter la loi, et ne rions pas. En réalité, TOUTES les banques, TOUTES les grosses firmes se livrent à ce genre de dissimulation, propice à la manipulation de l’argent sale. À l’origine se trouvait l’histoire de la vente à Taiwan de frégates construites en France, qui avait généré le versement de pots-de-vin, opération pas très nette impliquant plusieurs hommes politiques français, et qui avait entraîné l’assassinat d’un intermédiaire chinois, sur quoi enquêtait Denis Robert.
De fil en aiguille, son enquête l’avait conduit maintes fois au Luxembourg, petit pays particulièrement gangrené par la corruption financière, et qui l’est d’ailleurs toujours, en dépit des rodomontades et dénégations des divers responsables gouvernementaux. S’évertuant à trouver des témoins alors que très peu de gens acceptaient de témoigner, Robert, via Révélation$, le livre qu’il publia, s’attira des dizaines de procès en diffamation, trouvant fort peu d’alliés, dont le juge Renaud Van Ruymbeke, spécialiste reconnu de ce type d’affaires.
Le film, très détaillé, est fort intéressant, et ne rapporte qu’à titre de simple péripétie la tentative de Dominique de Villepin de mouiller Sarkozy pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2007 : un individu bizarre, Imad Lahoud, se présentant comme un ancien trader, avait fabriqué de fausses listes de délinquants bancaires, où il avait inclus, entre autres, le nom du futur président français !
L’épilogue nous apprend, sous forme d’une série de cartons, que Lahoud et quelques autres ont écopé d’une peine (légère) de prison, que Sarkozy a été disculpé, Villepin innocenté (et pourtant !), et Denis Robert, complètement lavé, par la Cour de Cassation, de toutes les accusations de diffamation : la Cour a reconnu le sérieux de son travail journalistique. En outre, comme la France avait gonflé ses prix pour y inclure le montant des pots-de-vin versés, elle a dû rembourser à la marine taiwanaise l’argent qu’elle lui avait escroqué !
Racontant comment les politiciens sont pris la main dans le sac, comment les multinationales trichent et corrompent, comment les banquiers s’arrangent entre eux pour dissimuler leurs magouilles tout en jouant les vertueux, comment les responsables, fraudeurs et meurtriers, sont rarement sanctionnés, et comment on fait tout pour empêcher les journalistes honnêtes de faire leur travail, le film est très clair, passionnant à suivre, et formidablement interprété, notamment par ses deux acteurs principaux, Gilles Lelouche et Charles Berling.
Réalisé par Laurence Thrush
Titre original : Tobira no muko
Sorti aux États-Unis (Festival de Rhode Island) le 10 août 2008
Sorti en France le 11 mars 2015
On est prié de ne voir aucun rapport entre la folie qui ravage, paraît-il, les jeunes Japonais, et le premier mot du titre original de ce film. Il montre en tout cas un nouvel indice que la société d’aujourd’hui se déglingue commplètement : l’hikikomori. Il s’agit de cette névrose poussant plus d’un million de jeunes Japonais, surtout des garçons, à s’enfermer dans leur chambre pour, évidemment, jouer à des jeux vidéo, regarder la télévision, et ne plus voir personne, famille comprise.
Le garçon du film se prénomme Hiroshi et vit dans une banlieue de Tokyo avec ses parents et son jeune frère. Et lui aussi, après s’être endormi en classe, rentre chez lui, s’enferme dans sa chambre, et va refuser de sortir et de voir ses parents pendant... dix-huit mois ! Bien entendu, ses parents s’affolent, mais doivent se résigner, jusqu’à ce que sa mère fasse appel à un spécialiste, le directeur d’un centre qui tente de venir en aide à ces malades, d’abord en leur parlant de l’autre côté de la porte, d’où le titre, puis, lorsqu’ils consentent enfin à sortir, en les accueillant dans un établissement spécialisé. Cet homme joue d’ailleurs son propre rôle dans le film.
Il me semble opportun d’écrire que ce film, tourné en 2008, et présenté dans une multitude de festivals, n’est sorti dans aucun pays avant le nôtre, et avec sept ans de retard. Et je dois avouer que je comprends les distributeurs, qui craignent le bide. Car enfin, une fois exposé l’argument, le public n’a pas grand’chose à voir sur l’écran, pas même le garçon déséquilibré, qui n’apparaît que fugitivement, et que seule sa famille et l’homme qui accepte de s’occuper de lui sont vus devant la caméra – assez immobile et filmant en noir et blanc.
Bref, une fois de plus, les bonnes intentions ne suffisent pas. Le réalisateur, qui est britannique, avoue d’ailleurs ne pas comprendre le phénomène. Il s’en est donc tenu aux émotions ressenties par la famille, qui n’ont rien d’exceptionnel.
Réalisé par Alix Delaporte
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 3 septembre 2014
Sorti en France le 11 mars 2015
De la réalisatrice qui en est à son deuxième long-métrage, on connaissait le premier, Angèle et Tony, aussi court (83 minutes) et réussi que ceui-ci. En revanche, on n’a vu aucun des cinq épisodes de Plus belle la vie qu’elle a réalisés...
Ici, de son premier film, elle reprend les deux interprètes, mais ils ne se rencontrent à aucun moment. En fait, la vedette est un jeune garçon qui débute au cinéma, Romain Paul, présent dans toutes les scènes, et qui, par chance, est aussi beau que bon acteur. Il a d’ailleurs, au festival de Venise, reçu le prix Marcello Mastroianni du jeune acteur.
Victor, qui va sur ses 14 ans, est le fils que Nadia, pauvre et cancéreuse (elle a déjà perdu ses cheveux), a eu avec un homme qui n’a jamais su qu’il était père, le chef d’orchestre de classe internationale Samuel Rovinski. Victor et sa mère vivent chichement, dans une caravane au bord de la mer, près de Montpellier. Et lorsque Samuel vient donner un concert à Montpellier et dirige ses répétitions à l’Opéra Berlioz de cette ville, Victor se décide à le rencontrer. Passionné de football et tout près d’être recruté dans un centre de formation, il ne sait rien de la musique. Aussi, lorsqu’il s’introduit dans ce temple de la musique et que le premier morceau qu’il entend est la Chanson de Solveig, cela ne lui fait ni chaud ni froid. Mais il va découvrir que la musique classique peut l’émouvoir.
Le film a cette qualité d’éviter tous les clichés, puisque rien n’arrive de ce à quoi on s’attend et qui est l’ordinaire de la plupart des films où se rencontrent deux personnages que tout oppose, comme c’est le cas ici. Si Victor cherche à rencontrer son père, ce n’est pas le manque de la présence d’un père qui le motive, mais le besoin d’argent, et la première chose qu’il lui demande, c’est mille euros. Autre péripétie inattendue, alors que Samuel, de nature plutôt bourrue, a commencé par une semi-rebuffade (« Je n’ai pas de fils »), il se fait très vite à la présence de ce garçon inattendu, l’invite à déjeuner, lui donne le chèque demandé (que Victor va lui rendre peu après, car sa mère n’en a pas voulu), et l’admet à ses répétitions, ce qu’il interdisait jusqu’ici à tout le monde, y compris aux journalistes. Il finit par le raccompagner en voiture jusqu’à sa caravane, mais ne rencontre pas la mère. Etc.
Nourrie de nombreux détails sur lesquels la réalisatrice a l’intelligence de ne pas appuyer, l’histoire montre le parallèle entre un orchestre et une équipe de football, où doit régner la solidarité, sans quoi rien n’est possible. Le film s’arrête abruptement, mais on peut supposer que bien des choses vont s’arranger. Quant au titre du film, il est explicité par le garçon, auquel son père a raconté l’anecdote : la Sixième symphonie de Gustav Mahler se termine par trois coups de marteau, symbolisant les trois malheurs qui l’ont frappé, la mort de sa fille, son éviction de l’opéra de Vienne et le moment où on lui a découvert une maladie cardiaque.
(Inutile de préciser que les coups de marteau sont purement métaphoriques. Aucun marteau n’est inclus dans l’orchestre, et l’on utilise tout simplement les instruments de percussion traditionnels, timbales et cymbales)
Réalisé par Jean-Jacques Annaud
Sorti en Chine le 19 février 2015
Sorti en France le 25 février 2015
En 1967, la Révolution culturelle bat son plein en Chine, et deux étudiants de Pékin sont envoyés en Mongolie pour instruire ces ploucs que sont les habitants – nomades – de la région. L’endroit, très froid, n’est guère hospitalier, mais Chen Zhen va aimer l’endroit, et se sentir attiré par les loups, alors que ces animaux, craints et détestés, sont exterminés par la population, qui prétend que leur dieu accueille les âmes de ces animaux. Il recueille un bébé loup et veut l’élever, malgré l’hostilité de son entourage, mais le superviseur politique l’autorise à élever l’animal, car il a eu l’adresse de prétendre qu’il avait l’intention de le croiser avec une chienne locale pour améliorer les deux espèces ! Le bobard fonctionne, et dès lors, il élève le petit loup comme si c’était son enfant.
Hélas, les petits loups grandissent, et son protégé, un jour, le mord. Va-t-il perdre son bras, comme le prétendent les paysans, qui croient que tous les loups sont enragés ? Néanmoins la pénicilline, quoique rare, existe, et il guérit. Mais, plus tard, le loup mord un enfant, et il n’y a plus de médicaments au dispensaire le plus proche. Chen Zhen parvient à en trouver à la ville la plus proche, or, durant son absence, la femme dont il est tombé amoureux a libéré le loup.
Jean-Jacques Annaud est un très bon réalisateur, même s’il n’a pas toujours eu la main heureuse. Il a fait financer son film, tiré d’un roman très populaire dans ce pays, par les Chinois, et a passé des années sur place, pour un tournage très difficile. Le résultat se voit à l’écran, et c’est brillant. On s’identifie facilement au héros humain de cette histoire.
Seize loups ont été utilisés, et leur nom est au générique de fin !
Réalisé par Stefan Haupt
Titre original : Der Kreis
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) en février 2014
Sorti en France le 4 mars 2015
Sorti avec plus d’un an de retard, mais bien parti pour l’Oscar du meilleur film étranger à Los Angeles, ce film raconte l’histoire des deux hommes qui ont été les premiers à pouvoir se marier en Suisse – pays du réalisateur, qui est de Zürich. En 1958, Ernst, professeur pas encore titulaire, qui doit en conséquence ne se livrer à aucun écart de conduite, et donc dissimuler son homosexualité (sa famille est elle aussi très coincée et ne doit rien savoir), rencontre Röbi, un très beau jeune homme qui, lui, est ouvertement gay : ce coiffeur rêve de chanter, ce qu’il fait en se produisant au Cercle, une organisation suisse clandestine luttant pour les droits des homosexuels dans ce pays où, bien que non interdite, l’homosexualité n’est que tolérée. Le Cercle édite une revue, la seule autorisée dans le monde à cette date, et qui est rédigée en trois langues, l’allemand, l’anglais et le français.
Hélas pour les gays suisses et ceux qui traversent la frontière pour venir trouver à Zürich un peu de liberté, plusieurs assassinats homophobes incitent la police à serrer la vis et à interdire les spectacles homosexuels, très chastes au demeurant, puisqu’ils se bornaient à proposer des chansons. C’est donc le déclin du Cercle et de ses activités. Il finira par fermer.
Le réalisateur était connu pour son film sorti l’année dernière, Gaudí, le mystère de la Sagrada Familia, que j’avais peu estimé. Cette fois, il réussit son film, monté il est vrai avec la collaboration, qui a duré sept ans, des deux personnages l’ayant inspiré, Ernst Ostertag et Röbi Rapp.
Détail : nous n’étions que deux dans l’unique salle parisienne où passe le film.
Réalisé par Yann Gozlan
Sorti en France le 18 mars 2015
Ce film pourrait s’intituler « Engrenage », puisque c’est l’histoire d’un personnage médiocre qui s’enferre dans ses mensonges et ses magouilles, et finit par détruire la vie qu’il s’est construite. Et, à propos de mensonge, l’interprète, Pierre Niney, a laissé écrire sur les affiches et au générique de fin qu’il était « De la Comédie-Française », alors qu’il n’en a jamais été sociétaire – un simple pensionnaire n’est pas DE la Comédie-Française –, et qu’il a démissionné de l’illustre maison depuis deux mois ! Or, en deux mois, il avait largement le temps de faire effacer cette mention, au moins au générique (par exemple, en faisant placer au bon endroit de l’écran un sous-titre noir masquant les lettres blanches, une opération que j’ai faite moi-même plusieurs fois, et facilement).
Bref, Mathieu, écrivain raté de 25 ans, trouve un manuscrit rédigé par un appelé au temps de la guerre d’Algérie, le lit, le recopie et le fait publier sous son propre nom. Succès, sinon, il n’y aurait pas de film. Mais, d’une part, pensant que cela va durer, il s’endette ; et, d’autre part, un camarade d’armée du véritable auteur défunt le fait chanter, sur le mode paye-ou-je-dis-tout. Mathieu va cambrioler le père de sa fiancée et tuer deux hommes pour protéger son secret. La chute de cette histoire est amusante : après avoir simulé sa mort, il découvre que le roman qu’il a réellement écrit et confié à sa fiancée est publié et qu’il a du succès. Mais il ne peut plus en profiter, et il est revenu à son boulot de déménageur.
J’ai noté une double invraisemblance factuelle, après le premier meurtre : enfermé dans une salle de bains, le cadavre saigne tant que son sang traverse le sol et dégouline sur la table, à l’étage inférieur. Or les cadavres ne saignent pas, et une maison de ce standing n’a pas des plafonds à ce point perméables ! Passons. Ce film pourrait être un conte social, une histoire lamentable de frustration, une satire de l’ambition, une plongée dans les difficultés et les affres de la création littéraire. Mais non, c’est une histoire policière banale, qui démarque sans vergogne le Monsieur Ripley de Patricia Highsmith, livre ayant donné lieu à deux films, Plein soleil (film auquel on emprunte sans scrupules la remontée à la surface du cadavre enveloppé dans une bâche) et Le talentueux M. Ripley, et à quelques pièces de théâtre. Or aucun de ces sujets n’est traité, on a le récit d’un garçon qui abuse son monde et en profite plutôt sottement, en gaspillant l’argent indûment gagné, mais récit traité de façon rudimentaire.
La réalisation est soignée, mais, mise au service d’un scénario sans ambition et invraisemblable, elle est vaine.
Réalisé par Zoltan Mayer
Sorti en France le 25 mars 2015
Christophe Rousseau, photographe, fils d’un couple normand, Richard et sa femme Liliane, infirmière, qui ne s’entendent plus, s’est exilé en Chine et n’est jamais revenu, car il a trouvé sur place, dans le Sichuan, tout ce qu’il cherchait : amour, amis et beauté des paysages. Mais il meurt d’un accident au cours d’une excursion. Sa mère, une femme simple mais têtue, décide d’aller sur place afin de ramener le corps de son fils en France. Pas facile, car, si elle connaît un peu d’anglais, elle ignore tout de la langue des Chinois, autant que de leurs coutumes, notamment administratives. Et les choses seront d’autant plus compliquées que son fils ne vivait pas dans une grande ville, mais dans une petite bourgade du centre-ouest.
À l’image de son actrice, Yolande Moreau, le film est paisible et simple, et montre une Chine qu’on ne voit pas souvent dans les films que ce pays nous envoie. La dictature n’est pas montrée, et tous les personnages sont aimables et serviables. Si bien que Liliane tombe à son tour amoureuse du pays, et renonce à rentrer en France : la dernière scène la montre, descendue de l’autocar qui devait la ramenait à Shanghai, et retourner vers ses nouveaux amis chinois.
Le cinéaste a filmé tout aussi simplement, en ne cherchant pas midi à quatorze heures, et sans faire d’effets inutiles avec sa caméra. Il se contente de montrer personnages et paysages, et les couleurs sont splendides.
Réalisé par J.C. Chandor
Sorti en France (Festival de Cannes) le 22 mai 2013
Sorti en France le 11 décembre 2013
On a raison de dire que réussir son deuxième film est plus difficile que de faire le premier, et Chandor, qui avait ébloui critique et public avec son Margin call, échoue ici misérablement, et All is lost n’a totalisé en France que 72 883 entrées, ce qui équivaut à un bide magistral !
Il faut dire que, si sa réalisation est impeccable, son scénario, qu’il a écrit, ne tient pas la route, et le seul personnage, joué mollement par Robert Redford et désigné au générique de fin comme « Our man » (sic), accumule les erreurs et les maladresses qui ont indigné les spectateurs ayant quelque connaissance de la navigation à voile. Citons, histoire de rire : en pleine tempête, il laisse son bateau sans contrôle et s’enferme dans sa cabine, au lieu d’être à la barre et de tenter de maîtriser les éléments ; alors que l’eau monte à l’intérieur de son bateau, il prend le temps de se raser ; alors que le heurt avec un container tombé à l’eau a fait un trou dans sa coque au-dessus de la ligne de flottaison, l’eau s’engouffre à l’intérieur alors que la mer est d’un calme remarquable ; et cette avarie colmatée sans trop de hâte va provoquer plus tard le naufrage du voilier ; réfugié sur un canot gonflable, il croise deux fois un secours possible, un porte-container puis un cargo, l’un de nuit, l’autre de jour, mais personne ne voit les fusées qu’il lance ! (Sur le second navire, on voit très clairement un homme debout sur le pont, bien placé pour apercevoir le drame, mais qui ne réagit pas ! C’est contraire à toutes les coutumes de la mer)
Mais divertissons-nous avec ce qui n’intéresse aucun spectateur : les détails donnés par la publicité et par le générique de fin.
La publicité nous affirme que Robert Redford n’a jamais été doublé et a tenu à faire toutes les cascades du film (à 77 ans). Or le générique de fin mentionne la présence de... quatre cascadeurs, dont un coordinateur ! Qu’avaient-ils donc à faire ? On lit aussi dans ce générique qu’il a été nécessaire d’avoir SEPT techniciens pour l’enregistrement des dialogues additionnels, à New York et à Santa Fe ; or le seul « dialogue » de plus d’un mot tient en une seule réplique envoyée par radio (“This is the Virginia Jean with an SOS call. Over”) dite quatre fois. On voit que le surmenage a guetté cette fine équipe !
Le cinéma nous étonnera toujours !
Réalisé par Eugène Green
Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 8 août 2014
Sorti en France le 25 mars 2013
Ce mot assez peu usité, sapience, désigne le savoir quand il conduit à la sagesse. Mais c’est aussi une référence au surnom de l’université de Rome et à l’église Sant’Ivo alla Sapienza, qui en était primitivement la chapelle, et qui est due à l’architecte Francesco Borromini. Les personnages du film sont Alexandre, un architecte cinquantenaire et plutôt froid, sa femme Aliénor, beaucoup plus ouverte, et deux jeunes gens, frère et sœur, rencontrés par hasard au cours d’un visite à Stresa. Alexandre, au contact de ce jeune homme qui veut aussi devenir architecte, va presque se dégeler.
Les vues sont magnifiques (nous sommes en Italie), mais surtout, le style du film frappe, notamment par les dialogues, très écrits, et dits sur un ton à l’opposé du naturel qui fait des ravages dans les films du moment – pour ne rien dire de la télévision. La diction est rigoureuse, et toutes les liaisons, y compris les moins courantes, sont placées sans souci du ridicule. Si bien que le film, quoique austère, séduit en effet par cette rigueur même.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.