Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : La religieuse – Camille Claudel 1915 – Camille Claudel (1988) – L’artiste et son modèle – In the mood for love – La Maison de la Radio – Avoir et être – Retour en Normandie – Nénette – Quartet – The place beyond the pines – Psychose – Blue Valentine – Mariage à l’anglaise – I give it a year – Scènes de la vie conjugale – A therapy – Effets secondaires – Side effects – Erin Brockovich – Sixième sens – Le temps de l’aventure – Cléo de 5 à 7 – Les âmes vagabondes – The host – Gattaca – Simone – Lord of war – Time out – The host (2006) – Desperate housewives – Twilight – Atonement – Hanna – Psychose – Elephant – Le repenti – El taaib – El premio – Paradis : foi – Paradies: Glaube – Paradis : amour
Personnes citées : Guillaume Nicloux – Denis Diderot – Jacques Rivette – Bruno Dumont – Paul Claudel – Camille Claudel – Auguste Rodin – Isabelle Adjani – Gérard Depardieu – Bruno Nuytten – Fernando Trueba – Jean-Claude Carrière – Jean Rochefort – Frank Capra – Ernst Lubitsch – Billy Wilder – William Faulkner – Ben Hecht – Ernest Lehmann – Jean-Luc Godard – Nicolas Philibert – Dustin Hoffman – Maggie Smith – Derek Cianfrance – Alfred Hitchcock – Ryan Gosling – Bradley Cooper – Dan Mazer – Ingmar Bergman – Sacha Baron Cohen – Martin Scorsese – Guy Richie – Kar-waï Wong – Roman Polanski – Helena Bonham Carter – Ben Kingsley – Steven Soderbergh – Pierre Boileau – Thomas Narcejac – Robert Thomas – Jud Law – Channing Tatum – Catherine Zeta-Jones – Jérôme Bonnell – Agnès Varda – Emmanuelle Devos – Gabriel Byrne – Andrew Niccol – Stephenie Meyer – Saoirse Ronan – Joe Wright – Michel Ciment – Gus Van Sant – Pierre Murat – Merzak Allouache – Abdelaziz Boutefliqa – Gad Elmaleh – Paula Markovitch – Ulrich Seidl
Réalisé par Guillaume Nicloux
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 10 février 2013
Sorti en France et en Belgique le 13 mars 2013
On est un peu surpris qu’après neuf films et quatre productions télévisées qui ne sont pas restés dans les mémoires, Guillaume Nicloux soit capable de réaliser un bon film. Il est vrai que, cette fois, il ne s’appuie plus sur un de ces misérables scénarios à la manière française du vingt-et-unième siècle, mais sur un roman du dix-huitième, même si ce roman est un peu surestimé.
Du livre de Diderot, il n’a pas retenu l’aspect pamphlétaire, c’est-à-dire antireligieux, puisque c’est aujourd’hui dépassé. Par conséquent, son héroïne de seize ans, Suzanne Simonin, croit en Dieu, mais elle ne veut tout simplement pas être religieuse ! Et, lorsque sa famille l’y contraint, elle refuse de prononcer ses vœux. Si bien que, malgré la bienveillance de la supérieure du couvent qui tente de la persuader qu’elle doit rester, on est forcé de la laisser repartir.
Mais, rendue à sa famille, elle apprend que sa naissance est illégitime, qu’elle n’a aucun droit sur la fortune de son père légal, et se laisse persuader de retourner au couvent : comment vivre, sinon ?
La suite ? La supérieure compatissante meurt noyée dans un puits (poussée là par une religieuse folle ?), elle est remplacée par une sadique, parvient à faire savoir à l’extérieur qu’elle est maltraitée, la sadique est remplacée par... une lesbienne, et ces tribulations ne cesseront que grâce à une évasion préparée par des amis de l’extérieur. Entre-temps, ses parents sont morts, mais elle est accueillie par la famille de son véritable père, dont on ne saura pas comment elle a pu apprendre son existence – puisqu’elle-même ignorait l’identité de cet homme.
Bien entendu, chacun sait qu’une première version du roman de Diderot avait été réalisée en 1967 par Jacques Rivette, et que ce film assez médiocre n’a connu la célébrité que parce que le pouvoir gaulliste avait eu la bêtise de l’interdire. Mais le film avait été présenté ensuite au Festival de Cannes, où la censure ne peut pas intervenir, et on avait pu le « libérer » après cela, car tout le monde avait pu constater qu’il n’y avait pas quoi fouetter un chat !
Réalisé par Bruno Dumont
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 12 février 2013
Sorti en France et en Belgique le 20 mars 2013
Sœur de Paul Claudel, ambassadeur et dramaturge célèbre, Camille Claudel était sculptrice, et fut quelques années la maîtresse d’Auguste Rodin, autre sculpteur illustre. Or il refusa de l’épouser, et elle devint folle, imaginant qu’il voulait l’empoisonner afin de faire main basse sur son atelier et ses œuvres à elle. Sa propre famille la fit interner dans un asile du Midi, et elle y resta jusqu’à sa mort en 1943, en dépit de ses supplications, et de l’avis favorable à sa sortie que donna le médecin qui la soignait. Mais, en fait, on ne sait à peu près rien sur elle, si l’on excepte sa correspondance avec son frère.
Un autre film sur Camille Claudel et portant ce titre fut réalisé en 1988, avec Isabelle Adjani, et Depardieu en Rodin. Et, bien que copieusement récompensé (en 1989, nomination du réalisateur Bruno Nuytten pour l’Ours d’argent à Berlin ; Ours d’argent à Isabelle Adjani ; meilleur film étranger aux NBR Awards ; en 1990, six Césars, notamment pour l’actrice, nomination aux Oscar pour la même, nomination aux Golden Globes pour le meilleur film étranger), le film est assez méprisé, car trop orienté du côté du star system.
Cela ne risque pas d’arriver à Bruno Dumont, qui est le contraire d’un joyeux drille, et qui a fait un film particulièrement austère : décors naturels dans une région inhospitalière, pas de maquillage, pas de musique, figurants qui sont de vrais malades mentaux (ils sont cinq), très peu de dialogues et d’action, le film est à l’image du sort de la pauvre Camille, dont on ne saura jamais si elle était vraiment folle ou victime d’une machination. On croit néanmoins comprendre, par une brève allusion, qu’elle aurait avorté d’un enfant qu’elle attendait de Rodin, et que sa famille s’est débarrassé d’elle grâce à la fortune de son frère Paul. Mais c’est peut-être inventé par Dumont, qui se flatte d’avoir voulu faire un film... à partir de rien !
Le même Paul Claudel apparaît dans le film, car il venait visiter sa sœur de temps en temps et jusqu’à sa mort à elle, bien qu’il n’ait pas assisté à ses obsèques. Le film ne le flatte pas, à juste titre sans doute, car c’était un fameux faux cul. Mais je regrette de dire qu’on le fait parler trop longtemps, pour tenir, dans le charabia qui était bien le sien, des propos fort peu inattendus, où ne manque même pas l’anecdote de sa conversion derrière un pilier de Notre-Dame, qu’on voit venir un quart d’heure à l’avance tant elle est connue.
Je n’ai pas aimé ce film et me suis forcé à le voir, par acquit de conscience et parce que je savais que la critique le portait aux nues. Donc, si je lui attribue l’étiquette « À voir », elle est destinée aux autres !
Réalisé par Fernando Trueba
Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) le 23 septembre 2012
Sorti en France et en Belgique le 13 mars 2013
Marc Cros, sculpteur âgé très connu, vit près de la frontière espagnole, en 1943. Lui et sa femme recueillent une jeune réfugiée, Merced, qui devient le modèle attitré de l’artiste. Par sa présence, elle lui rend le goût du travail qu’il pensait avoir perdu, mais pas l’inspiration, qui ne le conduit qu’à faire des ébauches. Puis la guerre va vers sa fin, Merced s’en va tenter sa chance auprès d’un autre artiste que Cros lui a recommandé, et il se suicide.
Cette fin apparaît un peu forcée, malgré toute l’estime qu’on a pour le scénariste Jean-Claude Carrière. Le meilleur du film, qui est en noir et blanc et dépourvu de musique, est dans les à-côtés, notamment cette conversation où Jean Rochefort explique sa conception de la Genèse : Dieu aurait d’abord créé Ève pour en faire sa compagne, Adam serait leur fils, et cet inceste aurait valu l’exil aux deux premiers humains.
L’histoire n’est pas vraiment captivante, et ne s’anime un peu que lors des deux intrusions dans cet univers, celle d’un résistant blessé, et celle d’un Allemand amateur d’art et qui tente d’écrire un livre sur Cros, avant d’être envoyé sur le front russe. En fait, plus que le parcours d’un artiste, c’est un hymne à la beauté féminine, et la jeune interprète, qui est constamment nue, est presque parfaite dans le rôle.
À l’époque un peu lointaine où Hollywood représentait ce qu’il y avait de mieux en matière de cinéma, les bonnes comédies étaient signées par Ernst Lubitsch, Frank Capra ou Billy Wilder. Eux-mêmes étaient scénaristes : Lubitsch a écrit 29 scénarios, Capra, 44, et Wilder, 76 !
Beaucoup de scénaristes, et en particulier ceux qui n’étaient pas en même temps réalisateurs, venaient du théâtre. Souvent, les studios les engageaient pour des contrats de longue durée, et les payaient au mois – que leurs scénarios soient acceptés ou pas. Certains, bien sûr, s’habituaient difficilement à un état si peu glorieux, et partaient au bout de quelques mois, tel William Faulkner ; d’autres s’en accommodaient, et en vivaient plus ou moins bien. Les meilleurs accédaient à la célébrité, comme Ben Hecht ou Ernest Lehmann.
Ce qui frappe, c’est que beaucoup de ces auteurs de cinéma venaient du théâtre, et souvent de Broadway, à New York – pas tous, Hecht et Lehmann ont commencé comme romanciers. Ils se servaient donc du savoir acquis là-bas, et savaient raconter une histoire, construire des personnages, développer une situation. L’ennui, pour nous Français, réside en ceci que, chez nous, la plupart des auteurs viennent de la télévision, souvent parce que ce sont des animateurs ou des vedettes du petit écran, qu’ils ont un nom connu, et que la chaîne qui les emploie espère gagner de l’argent en leur faisant faire leur premier film : on n’en finirait plus de les citer. Or il est très rare que le travail qu’ils ont appris à faire corresponde aux exigences de l’écriture scénaristique, car s’ils savent – parfois – lancer des blagues, fabriquer du gag rapide, placer une réplique, cela n’a rien à voir avec le sens dramatique ou la construction d’un personnage.
Avec cela, ces pseudo-auteurs tombent dans tous les pièges, faute de posséder la culture cinématographique nécessaire. Pour parler simplement, on a pu recenser certains de ces pièges :
- les personnages qui échangent des banalités (comme dans In the mood for love, où le couple, sous la pluie, ne cesse de parler de soupe et de nouilles !) ;
- les personnages qui s’expriment tous de la même façon, alors qu’ils relèvent de classes sociales différentes (un individu éduqué ne quitte pas une pièce en disant « Bon ben faut qu’j’y aille », et ne parle pas de « médocs » pour désigner des médicaments !) ;
- les personnages qui s’expriment de façon incorrecte (entendez le nombre de fois où l’un d’eux s’adresse à un roi en lui donnant du « SA Majesté » !) ;
- le vocabulaire pompeux, avec un scénariste étalant sa science (souvent, en citant le dernier livre qu’il a lu, et Godard faisait cela sans arrêt) ;
- les tirades interminables et incompréhensibles ;
- le rythme anémique ;
- les discours hystériques ;
- les digressions oubliant de faire avancer l’action ;
- les chansons inutiles en fond sonore, sur lesquelles on est obligé de coller des images insignifiantes, comme une balade à vélo ;
- les dialogues expliquant l’intrigue alors que le spectateur a déjà compris ;
- les dialogues confus ;
- les dialogues redondants ;
- les personnages expliquant leurs sentiments.
La sanction est immédiate : le bide !
Réalisé par Nicolas Philibert
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 8 février 2013
Sorti en France le 3 avril 2013
Parce que son documentaire de 2002 Avoir et être était très réussi, on avait pris Nicolas Philibert pour un bon cinéaste. Puis son étoile a commencé à pâlir lorsqu’on a su qu’il avait gagné beaucoup d’argent avec ce film, et qu’il avait refusé de dédommager avec un peu plus de générosité l’instituteur (excellent) dont il avait squatté la classe durant des mois. Pas plus reluisant, en 2007, il avait bidonné son Retour en Normandie, et je pense avoir été le seul à l’écrire, tant les critiques ayant pignon sur rue étaient sclérosés par le respect systématique porté aux cinéastes qui « ont la carte »... Enfin, son Nénette, en 2010, entièrement tourné vers une femelle orang-outan, ne m’avait qu’à moitié convaincu.
J’aime la radio, et je connais assez bien la Maison de Radio-France. J’étais donc curieux de voir son nouveau film. Or il déçoit en grande partie. Il y a d’abord le parti pris, non seulement de ne donner aucun commentaire, mais surtout de ne jamais mentionner le nom des personnes vues à l’écran. Alors, bien sûr, le spectateur reconnaît quelques vedettes, les journalistes et chroniqueurs de la Matinale de France Inter, quelques invités célèbres, mais, la plupart du temps, il reste dans le brouillard, puisque lire la liste intégrale au générique de fin ne permet pas de mettre un nom sur un visage et une fonction.
Il y a aussi les scènes interminables : ce chanteur inconnu qui postillonne et vocifère durant de longues minutes, avec une chanson dans une langue qu’on ne comprend pas ; ou cette chanteuse, celle qui figure sur l’affiche, presque aussi ennuyeuse, filmée plusieurs minutes en gros plan quasiment fixe. Il y a également cette technicienne qui enseigne à un journaliste débutant la manière de rédiger des brèves, de les enchaîner, de les lire correctement au micro : c’est intéressant une fois, puisque c’est l’un des rares moments où l’on apprend quelque chose, mais elle revient six ou sept fois dans le film, et s’attarde, sur d’autres sujets moins captivants, et au-delà du raisonnable... Il n’y avait personne de plus passionnant, dans cette immense maison ?
Un instant curieux : lorsque l’enregistrement d’une pièce radiophonique ou d’un morceau de musique doit s’interrompre, parce que le bâtiment est en travaux depuis des années, et qu’on perçoit, y compris dans les studios qu’on croyait insonorisés, le bruit des perceuses et des marteaux dont on ne sait ni quand ils commencent, ni quand ils s’arrêteront.
Cliché, enfin : le film commence avec les émissions préparées très tôt, et s’achèvent avec l’immense maison qui s’endort, quand tout le monde, sauf les tâcherons, est parti. Quelle imagination ! Il n’y manque qu’une musique nostalgique.
Réalisé par Dustin Hoffman
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2012
Sorti en France le 3 avril 2013
Film de facture classique, dans lequel on sait à l’avance comment tout va se terminer. Ce n’est pas un défaut, on nous épargne ces sempiternels coups de théâtre dont sont habituellement bourrés les scénarios de films qui doivent frapper le public, et qui finissent par être lassants.
Ici, nous sommes à Beecham House, maison de retraite luxueuse pour artistes ayant tous un rapport avec la musique : chanteurs, choristes, musiciens d’orchestre. Mais la maison est à court d’argent, et donne chaque année un récital assuré par ses pensionnaires. Cette année-là, le clou du gala devrait être le Quatuor du Rigoletto de Verdi, mais l’une des chanteuses, naguère illustre et à qui ne restent que sa gloire, quelques robes et quelques bijoux, refuse de chanter avec celui qui a été un de ses trois époux et avec lequel elle est brouillée.
On comprend d’avance que les choses vont s’arranger, et même, qu’un remariage est en vue. Ce qui compte, c’est que cette histoire est racontée sans faire les pieds au mur, que tout baigne dans une musique ayant eu le temps de faire ses preuves (savoureuse comparaison entre l’opéra et le rap, au cours d’une conférence donnée par l’un des anciens), et que la plupart des rôles sont tenus par d’authentiques anciens chanteurs et musiciens. Et puis, entendre Maggie Smith lancer un « Fuck you » à toute l’assistance, ce n’est pas si fréquent.
Réalisé par Derek Cianfrance
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 7 septembre 2012
Sorti en France le 20 mars 2013
Ce titre sybillin n’est que la traduction du nom d’origine indienne, Schenectady, de la ville où tout se passe. Aucun intérêt...
Le défaut de ce film beaucoup trop long (deux heures et vingt minutes), c’est qu’il devient de moins en moins captivant au fur et à mesure qu’il avance, parce que sa vedette disparaît au bout de moins d’une heure (le réalisateur aime Psychose et copie donc les trucs d’Hitchcock, consistant à tuer la vedette avant le milieu de l’histoire, ainsi que le basculement d’un personnage à un autre), et parce que l’histoire et les personnages qui embrayent alors sont très au-desssous.
La vedette, c’est Ryan Gosling, ici affublé de tatouages très laids. Il joue un motard qui se produit dans les foires, avec deux acolytes, dans un numéro acrobatique à l’intérieur d’une cage métallique. Mais il revoit une femme avec laquelle il avait eu une aventure un an plus tôt, et découvre qu’elle a eu un fils de lui. Dès lors, bien qu’elle vive avec un autre homme qui a adopté l’enfant, il veut s’occuper du bébé, et, sans argent, se met à braquer les banques de la ville avant de s’enfuir à moto. Il finit par être abattu par un policier.
Dès lors, on suit la carrière du policier, qui devient un héros local, puis, à la suite d’un petit chantage auprès de ses supérieurs (il a menacé de fournir des preuves que ses collègues sont corrompus), est nommé procureur. Comme il est joué par Bradley Cooper, qui est beaucoup moins charismatique, ce personnage médiocre retient peu l’attention, mais le pire est à venir, puisque, quinze ans plus tard, ce sont les fils des deux hommes qui entrent en scène, sont mal interprétés par deux jeunes acteurs assez laids, ne font rien de remarquable (prises de drogue, bagarres), et qui, après une nuit au poste de police, vont se séparer définitivement – et le spectateur, d’eux.
C’est donc long, plutôt moralisateur à la manière états-unienne, et bourré de détails inutiles. Ainsi, la scène d’ouverture, un long plan-séquence en caméra portée, qui suit le personnage du motard vu de dos, de sa chambre à la cage métallique devant laquelle il récupère sa moto et montre enfin son visage : ce plan n’est qu’une coquetterie, ne sert à rien et allonge sans nécessité la durée de la séquence.
De Derek Cianfrance, j’avais vu Blue Valentine, sorti chez nous en juin 2011, avec déjà Ryan Gosling, et ce film ne m’avait pas convaincu du talent de son auteur. Rien de nouveau, donc.
Réalisé par Dan Mazer
Titre original : I give it a year
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 7 septembre 2012
Sorti en France le 10 avril 2013
Le titre français, banal, ne vaut pas l’original, qui signifie à peu près « Je lui donne un an » – sous-entendu : à ce mariage. Et, en effet, le mariage de Nat et Josh, qui paraissait avoir commencé dans l’euphorie de la nouveauté, s’enlise assez vite dans l’ennui : Josh se met à lorgner du côté de Chloe, son ancienne petite amie, tandis que Nat tombe sous le charme d’un riche client de son agence de pub.
Les (beaucoup moins) heureux époux finissent par convenir qu’ils feraient mieux de se séparer, et c’est alors la joie générale. Ne jugez pas cette comparaison hasardeuse, mais ce film m’a rappelé celui d’Ingmar Bergman, Scènes de la vie conjugale ! En résumé, tant qu’on est marié, c’est l’enfer, mais dès qu’on a divorcé, on s’adore.
Cela dit, cette comédie peu conformiste est très agréable à suivre, et les dialogues sont pétillants d’un humour de fort mauvais goût, qui est le meilleur. Pas étonnant, le réalisateur, qui fait ici son premier long métrage, vient de l’équipe de Sacha Baron Cohen.
Je me suis parfois payé la bobine, c’est le cas de le dire, de ces cinéastes qui tournent des films publicitaires, et ont parfois l’inconscience de le faire savoir en mentionnant leur nom au générique de leur chef-d’œuvre. Il y a eu ainsi Scorsese, Guy Richie et Kar-waï Wong.
Le dernier dont j’ai eu connaissance est Roman Polanski. L’année dernière, il a fait un court-métrage (de quatre minutes) pour vanter un manteau de chez Prada. Cela s’intitule A therapy, c’est joué par Helena Bonham Carter et Ben Kingsley, et cela raconte l’histoire évidemment palpitante d’un médecin obsédé par le manteau de sa cliente.
Sans doute le meilleur film de Polanski ! Je meurs d’envie de le visionner.
Réalisé par Steven Soderbergh
Titre original : Side effects
Sorti au Canada et aux États-Unis le 8 mars 2013
Sorti en France le 3 avril 2013
Steven Soderbergh a fait savoir qu’il allait arrêter de faire des films, après celui qu’il vient déjà de terminer, qui sera présenté à Cannes le mois prochain, et qui suit celui dont on parle ici. Donc, théoriquement, Soderbergh n’est plus cinéaste. Ce serait dommage, car ce Side effects est très surprenant, et l’histoire n’est pas du tout ce que l’on croit pendant plus de la moitié du récit : on pense que c’est (encore) un film sur l’industrie du médicament, et d’autant plus qu’avec Erin Brockovich, en 2000, il avait déjà traité le sujet, sous la forme d’un de ces films de procès qui passionnent tant les États-Uniens. En fait, c’est une histoire de machination criminelle, fomentée par la fille qu’on croit être la victime, comme dans les romans de Boileau et Narcejac ou les pièces de Robert Thomas. Un procédé classique, mais qui marche toujours.
Donc, Emily a son mari en prison, et, lesbienne, elle s’est mise en cheville avec une doctoresse corrompue. Afin de pouvoir partir sous des cieux paradisiaques, les deux femmes ont monté une machination : se débarrasser du mari d’Emily quand il sortira de prison, et utiliser à leur profit la combine qu’il a acquise auprès d’un compagnon de cellule, une histoire de délit d’initié portant sur une firme pharmaceutique. Méthode choisie : Emily feindra d’avoir une dépression nerveuse, et se fera prescrire par un psychiatre un médicament nouveau, avant de faire croire que le traitement ayant aggravé son état mental, elle a tué son mari... et a tout oublié !
La combine fonctionne, Emily échappe à la prison mais est envoyée dans un établissement pour malades mentaux, d’où le malheureux psychiatre la fait sortir, via un rapport attestant qu’elle n’est dangereuse pour personne, parce qu’il a compris, quoique trop tard, qu’on l’a dupé. Il prend sa revanche en la faisant sortir sur la foi d’un rapport attestant qu’elle n’est plus dangereuse, puis parvient par une ruse à lui faire dénoncer sa complice, et produit un nouveau rapport qui la renvoie en asile, pour très longtemps cette fois, avec l’obligation légale de prendre de nouveaux médicaments... qui ne vont pas lui faire que du bien !
Naturellement, j’ai un peu simplifié l’intrigue, qui est suffisamment compliquée, mais d’autant plus passionnante. En outre, connaître l’explication qu’on ne doit surtout pas raconter (sic !) vous permet de mieux savourer le film, puisque vous voilà prévenu que tout ce que vous verrez pendant une heure n’est qu’un leurre.
Jud Law est le psychiatre, il est parfait comme toujours. Channing Tatum est le pauvre mari qui fera les frais de la machination de sa femme, et Catherine Zeta-Jones est la doctoresse machiavélique. Comme souvent, Soderbergh a réglé la photographie et fait le montage, mais en se cachant derrière des pseudonymes, puisque les lois syndicales aux États-Unis ne permettent pas de sortir de son rôle officiel !
Signalons que le scénario est plus subtil qu’on le croit. Ainsi, tout au début, le psychiatre est présenté par une scène qui semble totalement inutile : il doit faire un rapport sur un jeune délinquant haïtien qui affirme avoir vu son père, mort récemment, au volant d’un taxi, et il explique que ce type d’hallucination courant en Haïti. Cette scène semble n’avoir aucun rapport avec l’histoire qui suit, mais, en réalité, elle en a un : Emily, voulant faire croire que les médicaments qu’il lui a prescrits l’ont rendu passagèrement folle, a mentionné qu’elle voyait des morts, comme dans le petit garçon dans Sixième sens ! Le public ne fait pas forcément le rapprochement.
Réalisé par Jérôme Bonnell
Sorti en France et en Belgique le 10 avril 2013
Film terriblement morne et vide. Le prétexte est la journée d’une femme, mais nous sommes très loin d’Agnès Varda et de Cléo de 5 à 7 !
Alix est une petite actrice qui vit à Paris et joue une pièce à Calais. Elle rentre chez elle par le train mais doit retourner à Calais le jour suivant. Dans le train, elle rencontre Douglas, un Anglais qui a pris le ferry pour passer en France une journée afin, on le saura plus tard, d’assister à Paris aux obsèques d’une femme qu’il a aimée (énorme cliché). Alix, qui n’a rien de mieux à faire et ne parvient pas à joindre au téléphone son amant, retrouve Douglas. Ensemble, ils finissent à l’hôtel. Mais Alix a trois autres problèmes : elle doit annoncer à son amant qu’elle est enceinte, elle ne doit pas rater son train pour Calais, et sa carte bleue ne lui permet plus de retirer de l’argent à un distributeur, car elle a dépassé la limite de ses retraits. Le reste du film, bourré de conversations oiseuses (la pire étant une dispute entre Alix et sa sœur), incite très vite le spectateur à souhaiter qu’Alix attrape son train et que le film prenne fin.
On va voir le film pour Emmanuelle Devos, qui mérite mieux. Son partenaire Gabriel Byrne n’a rien à faire et le fait bien.
En vue de meubler, le réalisateur situe l’action le jour de la fête de la musique, et colle sur les images des morceaux n’ayant rien à voir avec le récit, comme un quatuor à cordes ou des champs religieux sur des scènes de rue, avec le vacarme de la circulation. Absurde.
Réalisé par Andrew Niccol
Titre original : The host
Sorti en Espagne le 22 mars 2013
Sorti en France le 17 avril 2013
Du Néo-Zélandais Andrew Niccol, on avait bien aimé les trois premiers films, Gattaca, Simone et Lord of war, mais pas du tout Time out, qui, comme les deux premiers, s’attaquait à l’anticipation, mais s’enlisait dans des sottises hors sujet.
Le film dont on parle ici a d’abord l’inconvénient de posséder un titre original qui a servi en 2006 pour un film coréen assez niais, mais que les critiques français ont trouvé épatant. Autre bourde, la version distribuée en France a été confiée à un sous-titreur qui a sans doute trop regardé Desperate housewives, puisque, chaque fois que l’héroïne, Wanda, est nommée, les sous-titres disent « Gaby ». Au début, on est perplexe, puis agacé, car cela revient des centaines de fois, et l’attention du public fiche le camp.
Or il aurait bien besoin de toute sa lucidité, le public, pour suivre une intrigue fondée sur un personnage de fille dont le corps a été investi par des extraterrestres ayant colonisé la Terre, et qui, de ce fait, possède à présent une double personnalité – au point d’aimer deux garçons très différents –, et que ces deux personnalités s’opposent violemment, si bien qu’elle se dispute avec elle-même ! C’est assez sot, finalement, mais l’idée vient d’un livre de Stephenie Meyer, l’auteur du calamiteux Twilight qui nous a valu de si beaux moments de cinéma...
On note que l’actrice principale est Saoirse Ronan, qui avait débuté brillamment à treize ans dans Atonement, mais que son réalisateur Joe Wright avait eu la mauvaise idée de faire la vedette d’un navet, Hanna, résolument ridicule. Elle manque ici singulièrement de charisme.
J’ai souvent écrit ici que : 1. Michel Ciment était le critique de cinéma le plus intelligent et le plus cultivé de France, et 2. que Gus Van Sant était un cinéaste absolument dénué d’intérêt.
Or, dans Le masque et la plume diffusé hier soir sur France Inter, Ciment « se paie » Van Sant, affirme que ce cinéaste « a la carte », ce qui explique qu’on le porte aux nues, et qu’en fait, il n’a aucune personnalité. Il cite également deux ou trois films, comme son remake de Psychose, ou Elephant, naguère palmedorisé à Cannes, qui montrent qu’en effet, tout cela est bien vrai.
Je n’en suis plus fier, car je ne recherche aucune considération de la part d’autrui. Mais je constate simplement que le bon sens et la liberté d’esprit n’ont pas tout à fait disparu.
Autre critique qui me rejoint (un peu) : à propos de Le temps de l’aventure, Pierre Murat a cité Cléo de 5 à 7, film fameux d’Agnès Varda. Remontez de quelques notules, vous verrez que j’avais utilisé la même référence, sans attendre l’émission, qui ne passe que le dimanche soir.
Réalisé par Merzak Allouache
Titre original : El taaib
Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2012
Sorti en France le 10 avril 2013
Film pour festivals (il a été montré dans huit festivals, mais pas dans son pays d’origine, où il est tricard !), ce qui explique que les critiques se sont extasiés sur ce monument d’ennui.
Rachid, ancien islamiste, quitte le maquis algérien pour retourner chez ses parents, espérant l’amnistie décrétée par le gouvernement d’alors, nommé par Boutefliqa – politicien affairiste et corrompu qui est toujours au pouvoir. Mais les villageois l’attendent pour lui faire son affaire, et il doit fuir pour aller se cacher en ville. Or il avait participé, semble-t-il (il le nie) à l’enlèvement de la fille d’un pharmacien, qui en est morte. Les parents l’obligent à les conduire sur la tombe de la jeune fille, perdue dans le bled, mais là, ils sont cernés par un groupe armé, des coups de feu éclatent, et... fin du film. On n’en saura pas davantage.
Quand on sait que le réalisateur a mis en scène deux comédies dont la vedette était Gad Elmaleh, on se méfie. Effectivement, il est aussi mauvais dans le drame que dans la comédie qui ne fait pas rire.
Réalisé par Paula Markovitch
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) en février 2011
Sorti en France le 27 mars 2013
Encore un film qui se penche sur le passé crapoteux d’un pays, cette fois l’Argentine, où régna dans les années 70 une dictature militaire – et pardon pour le pléonasme.
La réalisatrice, qui débute, et cela se voit, fait un film autobiographique, et cela se sent – à la complaisance qu’elle met à filmer interminablement une petite fille de sept ans qui a vite fait de se rendre insupportable, pour sa mère comme pour le spectateur ; et au fait que son film a été tourné dans le village où, enfant, elle s’était réfugiée avec sa famille !
Mais comme cela ne suffisait pas, on montre que la petite fille doit rédiger une rédaction faisant l’éloge de l’armée, et que, ne comprenant rien à rien, elle y mentionne que les militaires ont tué sa cousine. Après cela, mystérieusement, elle gagne le premier prix du concours, ben voyons, et tient à aller le chercher bien que sa mère le lui ait interdit, car toutes deux sont recherchées, on ne sait pourquoi. Fin du film.
En fin de compte, le public lui non plus ne comprend rien aux évènements, ce qui doit constituer une réussite éclatante, puisque l’auteur ne voulait pas, elle l’a dit, faire un film historiquement crédible !
Comme d’habitude, elle raconte que la rencontre avec sa jeune interprète a été comme « un miracle », bobard que nous servent tous les auteurs de films afin de nourrir la publicité avec ce merveilleux qui nous est si nécessaire.
Détail curieux, la musique a été faite en grattant les cordes d’un piano désaccordé. Il paraît que ce fut « un puissant révélateur des émotions des personnages ». En fait, le bruit incessant de la mer aurait suffi à créer l’atmosphère désirée.
Réalisé par Ulrich Seidl
Titre original : Paradies: Glaube
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 30 août 1012
Sorti en France le 24 avril 2013
L’histoire, sur une courte période, d’une folle... de Jésus. La cinquantenaire autrichienne Anna Maria se flagelle devant un crucifix, se masturbe un peu avec ce gadget religieux, porte un cilice, et va porter la « bonne » parole à tout le voisinage, notamment chez les immigrés. Les réactions sont diverses, certains acceptent, d’autres, même chez les croyants, discutent pied à pied. Mais elle ne se décourage jamais, ne remet rien en question de ses croyances, même lorsqu’elle tombe sur une partouze, dans un parc, la nuit.
Puis on apprend qu’elle était mariée à un certain Nabil, arabo-musulman, qui, victime d’un accident, est depuis cloué dans un fauteuil roulant. Incapable de la satisfaire sexuellement, il est parti, mais le voilà de retour, espérant coucher avec sa femme, qui a considéré son accident comme un cadeau divin (sic). Elle le rembarre, le houspille, le fait dormir sur un canapé, et lorsque, furieux, il décroche à coups de canne tous les crucifix de l’appartement ainsi que la photo de Benoit XVI, elle le punit en lui enlevant son fauteil roulant.
Mais cette manifestation de charité chrétienne ne dure pas. Anna Maria finit par prendre conscience que sa vie est vide, qu’elle est malheureuse, elle crache sur le crucifix et le flagelle. Chacun son tour.
La seule actrice professionnelle du film et les amateurs qui lui donnent la réplique improvisent leur dialogue, c’est assez évident, et l’erreur du metteur en scène a été d’en garder trop : c’est souvent oiseux et trop long. Si bien que le film, réalisé dans le même style que le premier de la trilogie de Seidl (pas de musique, caméra le plus souvent immobile, tournage en Super 16, cadre très étudié), apparaît moins bon que Paradis : amour, vu aupararant. Mais, comme tel, il en dit beaucoup. Je parlerai du numéro 3 la semaine prochaine, après l’avoir vu.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.