Œuvres citées (entre parenthèses, autres que des films) : La forêt de Mogari – Supergrave – Superbad – Mary à tout prix – American pie – Queen-size bed – La Commune (Paris 1871) – Punishment Park – Dogville – Manderlay – Quand l’embryon part braconner – Taiji ga mitsuryosuru toki – The embryo hunts in secret – Dies irae – L’homme sans âge – Youth without youth – Supernova – L’idéaliste – Coup de cœur – One from the Heart – Promesses de l’ombre – Eastern promises – Les témoins – Le syndrome de Lazare – Nous les vivants – Chansons du deuxième étage – Dancer in the dark – Saw 4 – Prison break – Saw 6 – Faut que ça danse ! – Ce que mes yeux ont vu – Tickets – Parfum de femmes – Sweet sixteen
Personnes citées : Naomi Kawase – Greg Mottola – Emilio Martínez Lázaro – Peter Watkins – Lars von Trier – Napoléon III – Adolphe Thiers – François Foucart – Omar Raddad – Arnaud Lagardère – Koji Wakamatsu – Masao Adachi – Francis Ford Coppola – Walter Hill – John Grisham – Mircea Eliade – Matt Damon – David Cronenberg – Armin Mueller-Stahl – Vincent Cassel – Viggo Mortensen – André Téchiné – Michel Canesi – Jamil Rahmani – Roy Andersson – Woody Allen – Federico Fellini – Alfred Hitchcock – Orson Welles – Luchino Visconti – Rainer Werner Fassbinder – Luis Buñuel – Joseph Losey – Pier Paolo Pasolini – Billy Wilder – Ettore Scola – Henri-Georges Clouzot – Jacques Demy – Jean Renoir – Jean-Pierrre Melville – John Ford – John Huston – Louis Malle – Marcel Carné – Raoul Walsh – Robert Altman – Satyajit Ray – Stanley Kubrick – Vincente Minelli – Darren Lynn Bousman – Noémie Lvovsky – Sabine Azéma – Jean-Pierre Marielle – Bulle Ogier – Bakary Sangaré – Valéria Bruni-Tedeschi – Ariel Elmaleh – Laurent de Bartillat – Sylvie Testud – Jean-Antoine Watteau – Jean-Pierre Marielle – James Thiérrée – Ermanno Olmi – Abbas Kiarostami – Dino Risi – Vittorio Gassman – Ken Loach – Martin Compston
Réalisé par Naomi Kawase
Titre original : Mogari no Mori
Sorti en France (Festival de Cannes) le 26 mai 2007
Sorti au Japon le 23 juin 2007
Sorti en France le 31 octobre 2007
À classer dans la catégorie Films Vides Et Prétentieux Pour Festivals.
Dans ce film, sorti d’abord à la télévision japonaise quatre semaines après sa présentation au festival de Cannes, Shigeki est censé être « un vieillard » comme Arnolphe était « un barbon », mais à voir l’énergie qu’il emploie pour creuser de ses seules mains un trou dans la terre de la forêt alors qu’il vient de passer une nuit à la belle étoile sans presque dormir, on se demande pourquoi il lui a fallu une infirmière afin de l’accompagner dans son excursion. En revanche, on ne se demande pas longtemps pourquoi il refuse de se séparer de son sac à dos, qu’il n’ouvre pas, car, très vite, on se fiche bien des pauvres péripéties que le film nous montre, et qui comptent beaucoup moins, semble-t-il, que le souci de faire de belles images avec le vent qui agite mollement les herbes d’un champ, et autres illustrations esthétisantes.
En prime, et noyée dans un dialogue peu abondant, cette belle maxime : « L’eau de la rivière qui coule sans cesse ne remonte jamais à la source ». Puissamment observé. On croirait un de ces aphorismes aussi profonds qu’indispensables (les cons disent « incontournables ») issus des lèvres saintes du dalaï-lama.
À la fin, quand Shigeki a fini de creuser son trou, on entend un hélicoptère survoler la forêt. Les deux personnages lèvent les yeux au ciel, ne voient évidemment rien car la production n’avait pas les moyens de louer un hélicoptère, puis Shikegi s’effondre et déclare qu’il veut dormir dans le trou, tandis que son infirmière le remercie pour la boîte à musique qu’il lui a donnée, et commence à pleurer longuement. Fin.
Voilà. Le film confirme tout le bien que je pense du cinéma japonais.
Réalisé par Greg Mottola
Titre original : Superbad
Sorti au Canada le 17 août 2007
Sorti en France le 31 octobre 2007
Trois lycéens qui s’apprêtent à partir pour l’université comptent sur l’alcool afin de se débarrasser de leur virginité. On a dû voir cela une centaine de fois. Plus gras et moins inventif que Mary à tout prix ou American pie, et bien plus fauché, ceci ne suffisant pas à expliquer cela.
Réalisé par Emilio Martínez Lázaro
Titre original : Los dos lados de la cama
Sorti en Espagne le 21 décembre 2005
Sorti en France le 31 octobre 2007
Un Titre À La Con. L’original signifie « Les deux côtés du lit », et ces deux côtés sont métaphoriques : deux couples sont sur le point de convoler, mais les deux femmes couchent ensemble, et les mariages n’ont pas lieu. On devine dès la première bobine que les deux hommes délaissés vont se consoler de la même façon. Mais ce sera laborieux, et pas si tranché que ça, car les filles, qui aiment malgré tout les deux garçons, décident en fait que ce sera un día sí, un día no – donc un jour sur deux, homo, l’autre jour, hétéro.
Le récit est hélas encombré de séquences qui veulent être de la comédie musicale, mais mal filmée. Et puis, les deux hommes sont vraiment trop moches !
Réalisé par Peter Watkins
Sorti en Allemagne (à la télévision) le 26 mai 2000
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 6 septembre 2001
Sorti en France le 7 novembre 2007
Qu’y a-t-il de commun entre Peter Watkins, réalisateur britannique, uniquement connu pour Punishment Park en 1971, n’ayant rien tourné depuis 1987 – La Commune mis à part, bien entendu –, et Lars von Trier, réalisateur danois qui sort un (mauvais) film tous les deux ans, et que la critique, dont il fut l’un des favoris naguère, dénigre aujourd’hui ? Réponse : tous deux ont réalisé des films démonstratifs dans un hangar, et sans décors. Lars von Trier s’est essayé à ce procédé avec Dogville puis sa suite Manderlay, films un peu réacs et qui n’ont guère eu de succès ; Watkins a réalisé en 1999 le film dont il est ici question, lequel durait 5 heures 45, et qui ressort en version « courte » de trois heures et demie. Il y raconte, reconstituée à sa manière, la Commune de Paris, ce mouvement populaire et républicain, qui commença après la défaite de 1870 où Napoléon III perdit son trône, et fut écrasée, noyée dans un massacre affreux, par le gouvernement de droite réfugié à Versailles, et que dirigeait Adolphe Thiers.
Les acteurs sont peu connus ou amateurs, et ont participé à l’élaboration de leur rôle. Ils improvisent parfois leur texte, et viennent, quelquefois, commenter leur travail, voire donner leur opinion dans des intermèdes. Les anachronismes sont nombreux et voulus (ah ! la télévision de la Commune), et l’on voit même un personnage connu, l’ancien chroniqueur religieux et judiciaire de France Inter, François Foucart, versaillais de naissance, auteur d’un livre sur cette ville, laudateur perpétuel du pape et de la droite dure, et fieffé réactionnaire (il a écrit, entre autres, un livre pour expliquer qu’Omar Raddad était bien coupable), qui apparaît sous son propre nom à la télévision versaillaise fictive.
Le récit des événements est prenant, mais l’intérêt chute au début du troisième tiers du film, lorsqu’il fait place momentanément à une série de débats sur le féminisme et le rôle des moyens de communications, y compris audio-visuels – échanges convenus et soporifiques n’apportant rien de nouveau, et qu’on croirait tenus à la Sorbonne ou à l’Odéon en mai 1968.
Le film est présenté par le réalisateur lui-même, dans un long préambule où il vient dire son horreur d’avoir découvert que la société qui produit le film, 13 Production, est une filiale du groupe Lagardère, existant depuis 1985, et qui fabrique des documentaires de qualité (en association parfois avec Arte). Hélas, effet boomerang, il entendait par là dénoncer la mainmise, et donc la censure, des industriels sur les moyens d’information ; or Lagardère n’a pas bronché, laissant tourner le film et diffuser cet avertissement sans intervenir ! C’était cousu de fil blanc, l’occasion pour lui était trop belle de démontrer, en actes, que le pouvoir de l’argent ne censurait pas ceux qui le dénonçaient. Une belle boulette de la part du réalisateur, qui a offert sur un plateau d’argent cette occasion à Lagardère...
Réalisé par Kôji Wakamatsu
Titre original : Taiji ga mitsuryosuru toki
Sorti au Japon en juillet 1966
Sorti en Belgique (Knokke Experimental Film Festival) en décembre 1967
Sorti en France le 3 octobre 2007
... alors le réalisateur en vient à déconner.
Le titre original de ce film japonais, sorti chez nous le 3 octobre dernier, mais tourné en... 1966, est beaucoup plus clair, si l’on peut dire (en anglais, c’était The embryo hunts in secret – « L’embryon chasse en secret »). Le réalisateur est donc Kôji Wakamatsu, et le scénariste, Masao Adachi, des noms qui sont sur toutes les lèvres.
Pourquoi ce navet en noir et blanc sort-il d’un tiroir qu’il n’aurait jamais dû quitter ? Parce que quelqu’un s’est avisé qu’il avait eu des ennuis avec la censure de son pays d’origine, pour sadisme – on a oublié de mentionner la bêtise. Deux personnages seulement, un homme, qui séquestre une femme et lui fait subir des sévices, le fouet surtout, et un peu le supplice de la baignoire, au son de musiques classiques, dont le Dies irae. Il faut dire qu’il a des tas de raisons. D’abord, « le sens de l’honneur s’est perdu au Japon » après la guerre, et ce film devait certainement contribuer à le lui rendre. Et puis, sa mère s’est pendue. Ou son père (il mentionne les deux). Enfin, sa première femme a eu le culot de se faire inséminer artificiellement, alors qu’il ne veut pas d’enfant et qu’il en veut beaucoup à sa mère défunte de l’avoir mis au monde. Convenez que cet homme, féministe comme la quasi-totalité des Japonais mâles, reste dans les limites de la raison.
À la fin, la fille parvient à se libérer, et le poignarde. Du coup, c’est la foule des spectateurs qui se sent libérée (nous étions deux dans la salle, moi, et une Japonaise, qui mettait donc à profit, de manière utile, son temps de séjour à Paris).
Vous pouvez relire ce que j’écrivais en conclusion de la notule sur La forêt de Mogari, tout en haut de cette page : c’est toujours valable.
Réalisé par Francis Ford Coppola
Titre original : Youth without youth
Sorti en Italie (Festival de Rome) le 20 octobre 2007
Sorti en France le 14 novembre 2007
Comme réalisateur, Coppola n’avait rien tourné depuis Supernova, en 2000 ; encore n’était-il pas au générique, le film étant attribué à Walter Hill. Et, deux ans plus tôt, L’idéaliste, d’après un roman de John Grisham, film plutôt passé inaperçu.
L’idée de base tient de la science-fiction : être frappé par la foudre ou atteint par des radiations atomiques pourrait procurer à la victime des pouvoirs psychiques et intellectuels spéciaux, favorables à l’évolution de l’humanité. Nul doute que cette brillante idée, due au romancier Mircea Eliade, aurait beaucoup plu aux habitants d’Hiroshima, du moins à ceux qui ont survécu. Encore faut-il en tirer un film qui tienne, ce qui n’est pas le cas. On a ici un long pensum fumeux sur la linguistique, le vieillissement, la survie, pensum qui n’a rien de cinématographique, en ce sens que l’action, si l’on ose dire, est réduite à d’interminables échanges verbaux qui vous plongent très vite dans la léthargie. Un moment, la présence de Matt Damon, non mentionné au générique, vous incite à lever les paupières (il vient d’être « élu » comme l’homme le plus sexy du monde), mais cela dure deux minutes.
Et comme les admirateurs de Coppola ne trouvent rien à dire sur le sens supposé du film, ils vantent la technique de fabrication des décors, où le numérique, utilisé par Coppola avant tout le monde dans Coup de cœur en 1982 (One from the Heart), tient la première place.
Seul point positif du film : il n’y a pas de générique de fin. Six minutes de gagnées !
Réalisé par David Cronenberg
Titre original : Eastern promises
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 8 septembre 2007
Sorti en France le 7 novembre 2007
Le titre original signifie « Promesses de l’Est » – quoique l’on voit mal où sont les promesses. L’Est ? En effet, la mafia russe est à l’honneur, via ses activités à Londres. Curiosité : aucun acteur n’est russe, et la critique a poussé de longs hululements d’admiration devant cette trouvaille. Il est vrai qu’entendre un (mauvais) acteur français parler l’anglais avec l’accent russe, cela vaut le déplacement.
Semyon, joué par l’excellent Armin Mueller-Stahl, est le patron de ladite mafia locale, responsabilité qu’il camoufle sous le métier de restaurateur. Son fils, Kirill, joué par l’exécrable Vincent Cassel (46 films et téléfilms, et pas un de bon dans le lot), est un incapable, un ivrogne, un violeur, et, cerise sur le gâteau, un homo refoulé. Nikolai, joué par le glaçant Viggo Mortensen, est le chauffeur du patron : il le répète sans cesse, « Je ne suis que le chauffeur », au point de nous en faire douter, à juste titre. C’est sur lui que fantasme Kirill, sans se l’avouer. On ne saura que peu avant la fin que Nikolai est une taupe de la police. Son but : faire tomber Semyon en lui collant sur le dos une affaire de viol de mineure. Banal et mille fois vu.
Naturellement, la critique et le dossier de presse racontent tout autre chose, et se focalisent sur le bébé né d’une prostituée de 14 ans, sur le journal que la malheureuse tenait avant de mourir en accouchant, et sur l’infirmière qui veut protéger le gosse ! Mais tout cela, ce sont des enjolivements de scénario, et c’est accessoire... En fait, le bébé n’est que le moyen que compte utiliser la police de Londres : si son ADN correspond à celui de Semyon, c’est lui le père ; donc le violeur, et il va en prison. Rien de plus. Ce pour quoi Kirill envisage de balancer le bébé à la Tamise, mais Nikolai l’en empêche in extremis.
Une fois encore, Cronenberg part d’une bonne idée et la gâche en truffant le scénario de ses obsessions, qui commencent à nous fatiguer par leur côté malsain : ce ne sont que blessures et mutilations. Au hasard de la projection, vous dénombrerez deux égorgements, une amputation de doigt (sur un cadavre, mais tout de même), de multiples lacérations, une séance de tatouage, et un couteau planté dans un œil, en conclusion d’une belle bagarre dans un sauna ; séquence dont le long plan final est si virtuose et si bien réglé qu’on se dit que Cronenberg, décidément, gaspille son talent et pourrait l’utiliser autrement que par l’accumulation de détails repoussants.
J’ai fait une critique favorable du film d’André Téchiné Les témoins, qui était sorti le 7 mars de cette année. Depuis, le DVD est également sorti, mais il vient d’être « provisoirement retiré de la vente », après une ordonnance en référé du tribunal de grande instance de Paris, rendue le 8 octobre.
Explication : Téchiné avait eu connaissance d’un roman de Michel Canesi et Jamil Rahmani, Le syndrome de Lazare, paru aux éditions du Rocher. Les auteurs, tous deux médecins (l’un, dermatologue, l’autre, anesthésiste), racontaient les débuts de l’épidémie de sida en France, via une histoire fictive, qui a ainsi inspiré le scénario du film... ce que Téchiné avait refusé de reconnaître.
Premier recours à la justice, et les auteurs ont obtenu le 10 janvier que leurs noms soient cités au générique du film. Or ces noms ont mystérieusement disparu du générique sur le DVD ! C’est bête, ces incidents techniques...
Bref, seconde plainte en justice, et seconde condamnation du réalisateur. En prime, il écope d’une « astreinte » de 100 euros par DVD qui serait vendu après ce jugement.
Une nouvelle édition du DVD est en cours de fabrication, respectant cette fois les droits des véritables auteurs.
Pas très joli, de plagier...
Réalisé par Roy Andersson
Titre original : Du levande
Sorti en France (Festival de Cannes) le 24 mai 2007
Sorti en France le 21 novembre 2007
Roy Andersson, as de la pub scandinave (la meilleure), n’avait rien tourné pour le cinéma depuis Chansons du deuxième étage, en 2000 (voir la critique de Dancer in the dark). Ce film-ci est de la même veine, quoique moins corrosif, moins drôle aussi, et le thème est identique : pour bien des raisons, les hommes ne sont pas heureux. On est loin des histoires de trentenaires qui hésitent à s’engager dans des « problèmes de couple », trame qui inspire les trois-quarts des films français.
Le style n’a pas changé : caméra immobile, à l’exception d’un double travelling dans la séquence du banquet. Les décors, grisâtres, sont éclairés d’une lumière blafarde. Et les acteurs, inconnus, sont vieux, ou laids, ou les deux à la fois ; un Groland scandinave, en somme.
Certains gags sont surprenants. Ainsi, dans un dîner de famille, un type veut faire la blague de la nappe que l’on retire d’une table surchargée sans rien renverser ; évidemment, il casse tout, mais en même temps et en supplément inattendu, dévoile le dessus de la table, incrustée d’un double symbole de croix gammée. Plus tard, il est condamné à mort pour ce « crime », et un technicien, manuel d’instructions en poche, vient vérifier la chaise électrique, affectée de faux contacts malencontreux. Puis, comme le condamné gémit sur son sort, « Essayez de penser à autre chose », lui conseille-t-il.
C’est très noir, et parfois surréaliste. Ainsi, Micke, jeune chanteur de rock à succès, vient de se marier avec Anna ; encore en tenue de cérémonie, chez eux, ils bavardent dans leur modeste salle à manger, et il faut un moment au spectateur pour s’apercevoir que, par la fenêtre, on voit le paysage défiler comme si on était dans un train. Effectivement, l’appartement et l’immeuble tout entier s’arrêtent bientôt dans une gare, pour en repartir après quelques hourras poussés par les admirateurs massés sur le quai...
Comme le précédent film d’Andersson, ce film va faire un bide. Voyez-le vite, avant qu’il soit retiré de l’affiche.
C’est ce que m’a lancé une spectatrice assidue, que je croise deux ou trois fois par semaine dans le complexe de salles que je fréquente, aux Halles. Elle est un peu actrice (elle jouait dans La Commune, le film de Peter Watkins), elle n’est pas sotte, et elle connaît le cinéma. Mais voilà, pour elle, aimer le cinéma, c’est aimer tout, comme l’espèrent les producteurs. Alors, forcément, en comparaison, je n’aime rien.
Cela, parce que la conjoncture actuelle, pour parler à la manière des journaux, est désastreuse. J’avais eu le mauvais goût de dire que Woody Allen avait loupé son dernier film, vraiment sans intérêt – et je n’ai pas été le seul à le prétendre –, puis, aggravant mon cas, que Coppola ferait mieux de produire les films de sa fille plutôt que de réaliser les siens propres, après l’échec effroyable de L’homme sans âge. Pour ne rien arranger, La forêt de Mogari, film japonais pourtant récompensé par un prix à Cannes, ne m’avait pas inspiré la déférence qui convient.
Je plaide coupable, parce qu’un petit lutin ne cesse de me rappeler dans mon oreillette que, trente ans auparavant, nous avions au moins une douzaine de chefs-d’œuvre par an, pour la bonne raison que les grands maîtres étaient encore vivants (Fellini, Hitchcock, Welles, Visconti, Fassbinder, Buñuel, Losey, Pasolini, Wilder, Scola, Clouzot, Demy, Renoir, Melville, Ford, Huston, Malle, Carné, Walsh, Altman, Satyajit Ray, Kubrick, Minelli, etc.), et surtout, qu’ils n’ont pas été remplacés. Ajoutons en passant que les salles d’Art et Essai ne subissaient pas encore les procès que leur intentent aujourd’hui les multiplexes sous le prétexte bidon de concurrence « déloyale » (sic). Bien sûr, on n’aimait pas tout ce que faisaient les artistes cités plus haut, mais du moins on avait un large choix.
Nier que le cinéma d’aujourd’hui est très mauvais, c’est nier l’évidence.
Réalisé par Darren Lynn Bousman
Titre original : Saw IV
Sorti en Australie, à Hong Kong et en Slovénie le 25 octobre 2007
Sorti en France le 21 novembre 2007
Un épisode par an. On a partiellement renoncé aux couleurs verdâtres, pas à la bande sonore, tout en percussions comme dans la (mauvaise) série télévisée Prison break, et qui vous casse les oreilles sans la moindre interruption.
Les scénaristes semblent ignorer ce principe que tous les bons conteurs connaissent : le spectateur doit pouvoir souffler de temps à autre. On a dû leur dire au contraire que la tension ne doit JAMAIS baisser. Résultat, ce n’est pas seulement horrifique, c’est surtout fatigant.
Sans surprise, de petits malins, francophones et amateurs de charcuterie, n’ont pas manqué de souhaiter que sorte bientôt Saw 6...
Réalisé par Noémie Lvovsky
Sorti en France (Festival Ciné 32) le 11 octobre 2007
Sorti en France le 14 novembre 2007
Fourre-tout de scènes dont aucune n’est indispensable, et dont quelques-unes ne tiennent pas debout. Trois exemples.
Sabine Azéma, parce que son amant Jean-Pierre Marielle a oublié de la présenter à sa fille, décide de se suicider en s’ouvrant les veines (on comprend ça, la situation est gravissime). Marielle arrive et la trouve dans la baignoire, saignant comme un goret. Il s’évanouit. Elle sort de son inconscience et le réconforte, fraîche comme une rose.
Bulle Ogier et son mentor Bakary Sangaré se rendent en Suisse pour y récupérer le contenu d’un coffre-fort dont elle a hérité. Ils rentrent à Paris en train... et se font saisir l’argent par les douaniers à la frontière. Depuis quand est-il interdit d’introduire de l’argent en France à partir de la Suisse ?
Enfin, Marielle et Azéma visitent le Père-Lachaise pour y choisir une tombe commune. C’est ignorer qu’il est IMPOSSIBLE de choisir le lieu de sa tombe dans ce cimetière : l’administration vend tous les six mois un lot qu’elle désigne, et les acheteurs acquièrent ce qu’on leur propose. Rien de plus.
À part cela, Marielle cabotine, Azéma fait son habituel numéro de fofolle alors qu’à 58 ans elle a le triple de l’âge où ce serait excusable, et Bulle Ogier est amorphe. Seuls Valéria Bruni-Tedeschi et Ariel Elmaleh s’en tirent bien.
Lorsqu’un scénario ne tient pas debout, soit il a été bâti par des incompétents, soit il s’agit d’une fable. Or une fable doit se conclure par une morale. Ici, aucune morale. Par conséquent...
Réalisé par Laurent de Bartillat
Sorti en Italie (Festival International de Rome) le 21 octobre 2007
Sorti en France le 28 novembre 2007
Un film qu’on aimerait aimer, car il a de l’ambition et sort des sentiers battus de la comédie de mœurs à la française. Hélas, il est assez imparfait, surtout en ce qui concerne les personnages. Ils sont trois.
Sylvie Testud est une étudiante fauchée qui tente de faire une thèse sur un point de la vie et de l’œuvre du peintre Jean-Antoine Watteau : il aurait représenté sur ses tableaux, de façon récurrente, et de dos, une femme inconnue. Qui était-elle ? L’a-t-il aimée ? Etc.
Jean-Pierre Marielle joue un érudit, professeur d’université, que cette minuscule énigme a naguère intrigué, mais qui a échoué dans ses recherches. Cliché : il jalouse les progrès de l’étudiante et fait tout pour la dissuader de réussir dans son projet. On a vu cela cent fois, et c’est prévisible.
Enfin, James Thiérrée, l’un des rares acteurs qui vaille le déplacement car c’est un génie de la scène, interprète un mime sourd-muet, qui va mourir d’une rupture d’anévrisme après sa rencontre avec l’étudiante. Il est navrant de le voir gaspiller son immense talent dans un rôle inutile. Oui, bien sûr, on essaie de rapprocher sa silhouette de celle du Pierrot de Watteau (celui qu’on surnommait « Le Gilles » et qui occupe, au Louvre, l’ancien emplacement de la Joconde), mais c’est vraiment laborieux et de peu d’intérêt.
Les scènes documentaires sur la peinture passionnent, et l’on voudrait en apprendre davantage. En revanche, les péripéties de l’affrontement entre l’étudiante et le professeur n’inspirent que l’ennui. Enfin, les scènes d’hôpital sont ratées : où a-t-on vu que le corps d’un malade décédé est inhumé dans les deux jours parce que personne ne l’a réclamé ? C’est l’une des plaies du cinéma français, la description d’un milieu que le réalisateur ne connaît pas et qui, sans le savoir, accumule les bourdes.
Réalisé par Ermanno Olmi, Abbas Kiarostami et Ken Loach
Sorti en Allemagne (Festival International de Berlin) le 14 février 2005
Sorti en France le 28 novembre 2007
Le film ne sort que ce mois-ci, alors qu’il date de 2005. L’histoire se passe entièrement dans un train transeuropéen dont le terminus est Rome, et le récit est scindé en trois parties, chacune réalisée par un metteur en scène différent.
La première partie, due à Ermanno Olmi, montre un vieux professeur en pharmacologie, forcé de prendre le train à cause d’une grève des avions, et fantasmant sur la jeune assistante qui lui a facilité son voyage. C’est le morceau le moins intéressant, et vous pouvez faire un petit somme.
La deuxième partie, réalisée par Abbas Kiarostami, le maître iranien, est centrée sur un jeune homme de vingt-cinq ans, Filippo, qui fait son service civil, et que les autorités ont affecté comme domestique à la veuve d’un général qui se rend à une cérémonie commémorative en l’honneur du défunt. C’est un peu la situation de Parfum de femme, l’excellent film de Dino Risi. Évidemment, la veuve est acariâtre et tyranique, sinon l’histoire serait dépourvue d’intérêt, mais, au contraire du Ciccio que martyrisait Vittorio Gassman, le garçon finit par laisser tomber la veuve à mi-parcours.
La troisième partie est digne de Ken Loach, qui la réalise, et qui possède cette double qualité : c’est un excellent conteur, et il ne filme jamais pour ne rien dire. Il décrit les tribulations d’un trio de jeunes Écossais, amateurs de football, qui se rendent à Rome pour assister à un match ; mais l’un d’eux s’est fait voler son billet de train par une famille de réfugiés albanais qui n’a pas pu se payer le voyage. Que faire ? Les dénoncer à la police ? Le happy end n’est pas gnangnan, et le film se termine de manière euphorisante et inattendue, puisqu’on se prend finalement de sympathie pour les supporters de football ! On retrouve Martin Compston, le jeune interprète de Sweet sixteen (2002), dont c’était le troisième film (il en a tourné quatre autres depuis). Ce dernier tiers, à lui seul, justifie qu’on voit Tickets.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.