JPM - Films - Notules - Janvier 2007

Notules - Janvier 2007

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Daratt – Saison sèche – Le fils – The holidayHollywoodlandLe Dahlia Noir – From here to eternity – Tant qu’il y aura des hommes – Autant en emporte le vent – The SopranosSex and the citySix feet underÉlectionHak Se Wui – Dumplings – Mauvaise foi – Marock – L’incroyable destin de Harold CrickStranger than fictionCongoramaThe history boysWild generation – Prick up your ears – 12H08 à l’est de BucarestA fost sau n-a fost?L’illusionniste – Le prestige – PingpongCashback (2006) – Cashback (2004) – Rocky Balboa

Personnes citées : Mahamat-Saleh Haroun – François Tombalbaye – Georges Pompidou – Idriss Déby – Hissène Habré – Françoise Claustre – Valéry Giscard d’Estaing – Pierre Galopin – Hissène Habré – François Mitterrand – Ali Barkai – Jean-Pierre Dardenne – Luc Dardenne – Nancy Meyers – Eli Wallach – Jude Law – Cameron Diaz – Allen Coulter – James Ellroy – Elizabeth Short – Ben AffleckBurt LancasterFred ZinnemannGeorge ReevesAllen Coulter – Johnnie To – Fruit Chan – Jackie Chan – Roschdy Zem – Marc Forster – Will Ferrell – Philippe Falardeau – Olivier Gourmet – Paul Ahmarani – Jean-Pierre Cassel – Nicholas Hytner – Alan Bennett – Stephen Frears – Richard Griffiths – Corneliu Porumboiu – Béatrice Schönberg – Neil Burger – Edward Norton – Paul Giamatti – Jessica Biel – Rufus Sewell – Matthias Luthardt – Sebastian Urzendowsky – Sean Ellis – Sylvester Stallone – Robert De Niro – Christophe Lambert – Ben Affleck – Alain Delon – Dustin Hoffman – Vincent Cassel – Kevin Costner – Daniel Auteuil – Gérard Depardieu – Leonardo DiCaprio – Martin Scorsese

Daratt

Lundi 1er janvier 2007

Réalisé par Mahamat-Saleh Haroun

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 1er septembre 2006

Sorti en France le 27 décembre 2006

L’Afrique ne produit plus qu’une poignée de films. Elle en produisait déjà si peu qu’un spectateur pas trop fainéant pouvait avoir vu la totalité des films africains. La mondialisation et l’uniformisation des goûts en matière de cinéma ont porté un coup fatal à ces films artisanaux, lents, peuplés de personnages dont nous avons souvent du mal à comprendre la pensée ou le comportement, tant leur mentalité diffère de la nôtre. Pourtant, cela n’explique pas tout : les Asiatiques aussi sont très différents des Occidentaux, or leur cinéma est de plus en plus prospère et populaire...

C’est en tout cas la première fois que je vois un film tchadien. Coproduit par le Tchad, en fait, car, autre constante, aucun film africain n’a jamais été réalisé avec des capitaux africains ni une équipe africaine uniquement. Ici, l’argent vient comme presque toujours de la France (Arte), de la Belgique, et enfin de l’Autriche – qui elle-même ne produit pas de film, ou si peu !

Le titre international est Saison sèche, et l’argument se réfère à la guerre qui déchire le Tchad depuis François Tombalbaye, à l’époque de Pompidou. Depuis ces temps heureux, le pays n’a cessé d’être sous la coupe de divers dictateurs, le dernier en date étant Idriss Déby, un démocrate comme ils abondent sur ce continent et ne sont pas près de disparaître, culte du chef aidant. Rappelons qu’auparavant, dans le lot, il y a eu Hissène Habré, qui s’est rendu célèbre en retenant en otage pendant trois ans madame Françoise Claustre (récemment décédée), et en faisant exécuter, en avril 1975, le négociateur français que Giscard lui avait envoyé, le commandant Pierre Galopin. Après cela, évidemment, la sanction des Français fut terrible : Hissène Habré fut invité officiellement dans la loge du président de la République, un certain Mitterrand, à l’occasion du défilé du 14 juillet 1987 – un honneur qui fut pourtant refusé au président des États-Unis ! Nous aussi, nous avons nos démocrates, et qui font honneur à l’espèce humaine...

Revenons au film. Atim est un garçon villageois d’une vingtaine d’années ; le dossier de presse donne seize ans à son interprète Ali Barkai, mais il est visiblement plus âgé. Atim n’a pas connu son père, car celui-ci a été tué avant sa naissance par un homme, Nassara, dont on va faire la connaissance et qui, blessé durant la guerre civile, est rentré dans la légalité (la Commission de réconciliation vient justement de décréter une amnistie générale, donc aucun assassin ne sera poursuivi) ; l’assassin est devenu boulanger, s’est marié, sa jeune femme attend un enfant. Le grand-père d’Atim lui remet un pistolet, exigeant que son petit-fils parte pour la capitale, N’Djamena, et tue cet homme. Atim, docile, se rend en ville, fait la connaissance de celui qu’il doit abattre... et se fait engager par lui comme apprenti-boulanger. Voici donc en présence un patron et son apprenti, dont l’un a des raisons de vouloir la mort de l’autre, situation qui n’est pas sans rappeler un film très honorable de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Le fils. Au début, leurs rapports sont assez conflictuels, en raison des maladresses du garçon, mais s’apaisent suffisamment pour que Nassara, qui ne sait rien du projet de son employé, regarde un peu Atim comme le fils qu’il n’a pas, rapport qu’Atim rejette avec indignation. Mais va-t-il se décider à exécuter sa cible ? Il s’avère que la jeune femme de Nassara, enceinte, perd son enfant, et que les époux sont foudroyés par le chagrin. Finalement, Atim emmène Nassara dans le désert, accompagné par son grand-père, qui est aveugle, il sort son pistolet, en menace Nassara, qui se laisse tomber à terre, et il tire deux coups de feu en l’air. Croyant qu’il a exécuté la sentence, le grand-père est satisfait ! Que ne ferait-on pas pour sa famille ?

Le film laisse une impression mitigée. Bien sûr, il est très lent et ne montre que peu de péripéties. Mais enfin, on s’y attend avant de le voir, et la sobre qualité du récit compense le côté statique. Malgré cela, je crains fort que ce soit surtout un film pour festival : en dehors d’une demi-douzaine de pays, Daratt n’a été vu que dans des festivals, bien plus nombreux – j’en ai compté dix. Les Africains, c’est connu, ne vont pas voir ce genre de films et préfèrent le kung-fu et les films policiers italiens de dernière catégorie.

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The holiday

Mardi 2 janvier 2007

Réalisé par Nancy Meyers

Sorti en Espagne le 5 décembre 2006

Sorti en France le 27 décembre 2006

Deux femmes, l’une de Los Angeles, l’autre d’un village du Surrey en Angleterre, se font larguer par leur petit ami. Pour oublier leurs déboires, et sans se connaître, elles échangent via Internet, pour les vacances de décembre, leurs appartements respectifs. Et là, quelle surprise ! chacune rencontre un autre homme, qui lui plaît. Mais les anciens petits amis se manifestent afin de renouer. Elles les envoient paître et officialisent leur nouvelle liaison.

Le tout est parfaitement morne, rien n’arrive qui ne soit prévu un quart d’heure à l’avance, mais on a le temps, puisque cette histoire s’étale sur 2 heures et 11 minutes. Le film n’est visible que pour Eli Wallach et Jude Law, qui ressemblent à des êtres humains. Les autres acteurs, particulièrement Cameron Diaz, sont des vedettes de cinéma qui jouent un rôle, c’est tout.

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Hollywoodland

Jeudi 4 janvier 2007

Réalisé par Allen Coulter

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 31 août 2006

Sorti en France le 3 janvier 2007

Le titre se réfère à l’ancien nom d’Hollywood, dont James Ellroy parle beaucoup dans Le Dahlia Noir ; ce nom a changé peu après le crime dont fut victime Elizabeth Short, et qu’il raconte... à sa manière.

Une image surprenante dans ce film : Ben Affleck donnant la réplique, via un trucage numérique, à Burt Lancaster jeune, dans From here to eternity, film de Fred Zinnemann et grand succès de 1953 (en français, Tant qu’il y aura des hommes). En effet, l’acteur George Reeves qu’incarne Affleck a tourné dans le film de Zinnemann – un petit rôle de sergent qui a été coupé au montage. Le présent film donne la raison de cette coupure : le public rigolait en voyant dans un rôle sérieux l’acteur qui jouait à l’époque Superman ! C’était injuste, il avait joué en 1939 l’un des jumeaux Tarleton dans Autant en emporte le vent...

Reeves s’est suicidé ou a été assassiné en 1959, et Hollywoodland raconte une enquête fictive sur les causes de sa mort, faite par un privé désargenté comme le cinéma en a tant montré. On doit avouer que, si la vie de George Reeves fut mouvementée, ce film l’est moins, et on sent passer les deux heures et six minutes sur lesquelles il s’étire. Le réalisateur Allen Coulter réussissait mieux à la télévision, quand il réalisait des épisodes de la série The Sopranos, Sex and the city et même Six feet under. Au début, on s’intéresse ; ensuite, on s’ennuie ferme.

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Élection

Vendredi 5 janvier 2007

Réalisé par Johnnie To

Titre original : Hak Se Wui

Sorti en France (Festival de Cannes) le 14 mai 2005

Sorti en Chine le 20 octobre 2005

Sorti en France le 3 janvier 2007

Le cinéma de Hong-Kong brille peu par sa subtilité, contrairement à celui de Taiwan. Quand le kung-fu ne règne pas, c’est la violence plus ou moins justifiée, le plus souvent aggravée par le sadisme. Il semble qu’il n’y ait que deux exceptions : Fruit Chan (bien que ce cinéaste ait trouvé le moyen de saloper son moyen-métrage Dumplings en le doublant d’une version longue trop explicative et sans suspense), et Jackie Chan, resté bon cascadeur en dépit de son âge, qui justement affiche son horreur de la violence gratuite visée plus haut, et s’en tient avec intelligence à la comédie acrobatique, genre qu’il maîtrise mieux que quiconque.

Johnnie To n’est pas de ceux-là. On vous dira que son film Election, dont la deuxième partie sort la semaine prochaine, est excellent, rythmé, qu’il soigne la forme, etc. Mille regrets, je n’y ai trouvé que les ingrédients habituels. La forme ne suffit pas.

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Mauvaise foi

Mardi 9 janvier 2007

Réalisé par Roschdy Zem

Sorti en France et en Belgique le 6 décembre 2006

Il faut vraiment la médiocrité des programmes actuels pour se résoudre à voir un film aussi insignifiant, qui se contente de passer en revue les difficultés causées par la situation de départ : un couple mixte, garçon musulman, fille juive, non pratiquants, attend un enfant. Comment vont réagir les familles ? Les péripéties qui s’ensuivent sont très peu inattendues.

On a l’impression que le réalisateur a repris la situation de ce très mauvais film qu’était Marock, mais en inversant les religions. Le résultat est moins biaisé, il n’évite pas les problèmes réels, mais il tend de toute évidence vers la banale conclusion des comédies de mœurs : tout va s’arranger avec le temps. Et là, c’est aussi niais (les deux grands-mères devenues copines) que difficile à gober.

Relevé dans la chanson du générique de fin : « J’ai pas choisi ton nom / J’ai choisi tes yeux ». Et si on avait choisi un autre parolier ? Et ceci : deux personnages parlent d’Ismaël, non présent dans la scène, et disent que c’est un beau garçon. Ismaël est joué par Roschdy Zem, et le film est réalisé par Roschdy Zem. C’est bien, d’être content de soi.

Cela dit, rien n’est antipathique là-dedans, mais on aimerait voir les religions fustigées avec plus de vigueur, c’est-à-dire comme elles le méritent.

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L’incroyable destin de Harold Crick

Jeudi 11 janvier 2007

Réalisé par Marc Forster

Titre original : Stranger than fiction

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2006

Sorti en France le 10 janvier 2007

La réalité dépasse la fiction, c’est ce que dit le titre original de ce film qui relève du genre fantastique, Stranger than fiction. En effet, Karen Eiffel, auteur de romans de qualité, conclut toujours ses livres par la mort de son personnage central ; or elle a du mal à terminer son livre en cours, Death and taxes (« La mort et les impôts »), dont le héros est justement un contrôleur du fisc, Harold Crick. Il se trouve, détail qu’elle ignore, qu’un tel personnage existe vraiment dans la réalité, et qu’il entend la voix de Karen raconter ses propres faits et gestes – ceux d’un homme passablement ennuyeux et routinier, ne s’intéressant qu’aux nombres, et vivant seul.

Le film raconte par quel cheminement le vrai Harold comprend que son double fictionnel risque de mourir, donc lui aussi par conséquent ! Il parvient à joindre Karen et à lire le manuscrit achevé mais pas encore dactylographié ; mieux, il le fait lire à un spécialiste de la littérature, qui estime le livre tellement bon qu’on ne doit surtout pas en modifier la fin ! Harold doit-il se sacrifier pour la gloire de la littérature ?

Évidemment non, mais nous sommes dans une comédie hollywoodienne, par conséquent tout se termine bien, et Harold survivra. L’argument est original, et l’acteur principal, Will Ferrell, dont la physionomie très particulière le cantonnait jusque là aux personnages comiques, se tire fort bien de ce rôle inhabituel. Le film est agréable, pourvu d’une ouverture inventive, mais s’avère un peu long : les amours d’Harold avec une pâtissière rebelle aux impôts destinés à l’armée ne sont là que pour étoffer un peu le portrait d’un type coincé, qui se décoince en fin de compte, mais n’ont guère d’utilité pour l’intrigue. On pouvait gagner un quart d’heure en supprimant cet épisode un peu superflu.

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Congorama

Jeudi 18 janvier 2007

Réalisé par Philippe Falardeau

Sorti en France (Festival de Cannes) le 25 mai 2006

Sorti en France le 17 janvier 2007

Au début, on attend une histoire banale, celle d’un type qui apprend qu’on l’a adopté peu après sa naissance, et qui veut retrouver ses parents dits « biologiques » – comme on dit à présent, tant le canevas a servi. Le genre d’histoire qu’on a le devoir de trouver intéressant, si l’on veut paraître intelligent et pétri d’humanité.

Heureusement, ce n’est pas cela du tout !

Le scénario, ingénieux, malin, original, raconte tout autre chose – en plus de la fameuse quête d’identité qui fait tant de ravages chez les romanciers et les scénaristes. Et le récit se scinde en trois parties. Les deux premières exposent la même histoire, mais vue par deux personnages centraux différents. La troisième, bien entendu, accomplit la synthèse, réserve une révélation pas trop surprenante, et referme la boucle.

C’est constamment drôle, voire cocasse (la collision entre une voiture et un émeu, en pleine campagne québécoise), et joué par des acteurs modestes et compétents : un Belge, Olivier Gourmet, qui joue tout très bien, un Canadien, Paul Ahmarani, une vraie nature, et le très français Jean-Pierre Cassel, qui n’a pas un mot de dialogue mais en impose par sa présence. En ce moment, il joue davantage que son fils, et c’est une bénédiction.

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The history boys

Lundi 22 janvier 2007

Réalisé par Nicholas Hytner

Sorti au Royaume-Uni le 2 octobre 2006

Sorti en France le 17 janvier 2007

Ce film a été affligé d’un autre titre réservé à la France, Wild generation, complètement à côté de la plaque puisque ces étudiants n’ont rien de sauvage, mais ça n’a pas pris, et il n’est connu que sous son titre d’origine. Pour une fois, le bon sens a pris le pas sur l’insane banalité. Avec cela, c’est le genre de films qu’on aime, et dont le scénario, écrit par l’acteur vétéran Alan Bennett d’après une pièce de lui (c’est l’auteur du célèbre Prick up your ears, qui donna naissance au film de Stephen Frears), doit tout à la logique des personnages – de vrais êtres humains, pas des robots numérisés : huit garçons britanniques, passionnés d’histoire, ont pour ambition d’entrer soit à Oxford, soit à Cambridge (sauf un, Rudge, qui s’en fiche, car il ne pense qu’au sport). Près d’eux, et chargés de les entraîner pour cette épreuve, trois professeurs, le sexagénaire, obèse et chaleureux Hector, aux méthodes bizarres (je vous recommmande la longue séquence entièrement en français, d’autant plus marrante que les acteurs... ne comprenaient pas un mot de notre langue !), le jeune Irwin, qui se veut plus moderne et pragmatique, et Mrs Lintott, une maîtresse-femme sans illusion et qui ne mâche pas ses mots. Les deux hommes, très différents, sont homosexuels, tout comme l’un des élèves, le doux Posner (Samuel Barnett, qu’on a vu dans Mrs Henderson présente), amoureux sans espoir d’un de ses camarades, l’optimiste et culotté Dakin – très hétéro, mais qui ne verrait aucun mal à se laisser faire une fellation par Irwin. Le plus âgé des deux profs, Hector, féru de moto et d’attouchements prohibés sur ses élèves (il pratique les deux passions en même temps !), se fait pincer par la police (il n’a pas été dénoncé, car, pour y être tous passés, ils prennent la chose à la rigolade) ; dès lors en passe d’être viré par la direction, il est provisoirement tiré d’affaires par Dakin le séducteur, qui fait un peu de chantage auprès du directeur, lequel n’est pas irréprochable non plus. Hélas, un accident de moto expédie Hector ad patres, et c’est le seul détail de l’histoire qui n’est pas dans le ton, plutôt bonhomme par ailleurs ; parce que, justement, cet accident est un événement plaqué sur le récit et voulu par l’auteur, pas par la logique des caractères.

Ce résumé, trop succinct, ne rend pas compte de la richesse et de l’intelligence du scénario, totalement dépourvu de préjugés – qualités que certains n’ont pas perçues. Les dialogues abondants, spirituels et vifs, sont joués par des acteurs jeunes et peu connus chez nous, encadrés par des adultes épatants de justesse, notamment l’étonnant Richard Griffiths dans le rôle d’Hector. On a comparé le film au Cercle des poètes disparus, bien à tort, car c’est beaucoup mieux, ça n’évite pas les problèmes, et ce n’est pas du tout bidon comme ce gros succès usurpé.

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12H08 à l’est de Bucarest

Lundi 22 janvier 2007

Réalisé par Corneliu Porumboiu

Titre original : A fost sau n-a fost?

Sorti en France (Festival de Cannes) le 24 mai 2006

Sorti en France le 10 janvier 2007

Vous me voyez au désespoir de ne pas couvrir d’éloges, comme certains l’ont fait, ce film roumain horriblement mal construit. Certes, l’idée – satirique – était bonne, montrer les préparatifs puis l’intégralité d’une émission de télévision ratée, mais sa concrétisation à l’écran est calamiteuse, car il s’en faut de trois bons quarts d’heure avant que l’on entre dans le vif du sujet. Avant cela, il aura fallu subir une interminable exposition qui nous présente les personnages, lesquels ne méritaient pas tant de soin, car ils sont vraiment, mais vraiment dépourvus d’intérêt, et leurs activités, tout autant.

Cette émission de télévision, diffusée le jour de Noël, consiste en un débat autour d’un thème politique : sachant que le dictateur roumain Ceausescu s’est enfui en hélicoptère le 22 décembre 1989 à 12 heures et 8 minutes, et qu’on a prétendu que la population s’était massée auparavant pour exiger son départ, cette manifestation populaire s’est-elle réellement produite AVANT l’heure fatidique, ou n’a-t-elle eu lieu qu’APRÈS la fuite du dictateur ? Dans le premier cas, il y a eu révolution ; dans le second cas... il n’y a rien eu du tout !

L’essentiel du film est donc dans le débat qui a lieu entre le producteur légèrement désabusé de l’émission, ses deux invités, et des auditeurs qui prétendent apporter leur témoignage par téléphone, vice redoutable des radios-télés. L’ennui est que le producteur-présentateur n’est guère motivé, que son équipe est ringarde et n’a pas de matériel (une seule caméra, et un caméraman flemmard), et que les rares personnes qui appellent au téléphone, soit n’ont rien à dire, soit n’entendent que régler des comptes personnels avec les deux invités : le premier, un ivrogne qui prétend avoir fait la « révolution » en se trouvant sur les lieux avec deux copains juste avant l’heure fatidique, le second, le plus faible des trois personnages, qui affirme sans trop de conviction que nul n’était présent sur la place à l’heure dite... et se contente de faire inlassablement des bateaux en papier. Au bout du temps requis, l’émission se termine sans qu’aucune conclusion ait pu être tirée de ce prétendu débat, et chacun rentre chez soi.

La réalisation totalement fauchée, adoptant ouvertement les moyens du spectacle qu’elle montre, est par conséquent calquée, dans sa seconde partie, sur l’émission elle-même : une seule caméra filme les trois participants du débat télévisé, sans jamais changer de point de vue (évidemment, c’est un bon moyen de mettre le spectateur dans le bain, même si l’on peut observer que le réalisateur ne s’est pas fait une entorse au cerveau). Ne nous hâtons pas de rire de cette télé fabriquée par des charlots roumains : chez nous, il y a un peu plus d’une semaine, n’a-t-on pas vu l’épouse de ministre et présentatrice du Journal télévisé de France 2, Béatrice Schönberg, annoncer en fin d’émission le film... de TF1 ?

Comme ce film plutôt raté ne manquera pas de passer sur Arte, on suggère aux dirigeants de la chaîne de réclamer au réalisateur un nouveau montage, qui réduise le tout de moitié. Ce sera bien suffisant.

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L’illusionniste

Mardi 23 janvier 2007

Réalisé par Neil Burger

Titre original : The illusionist

Sorti aux États-Unis le 27 avril 2006

Sorti en France le 17 janvier 2007

Non, ce n’est pas un film de plus sur la magie. En fait, il s’agit d’une histoire de rivalité amoureuse entre un roturier, Eisenheim, et le prince héritier d’Autriche, le Kronprinz. Jaloux de voir la femme qu’il se propose d’épouser pour raison politique lui préférer un ami d’enfance, fils d’ébéniste, le Kronprinz assassine la belle Sophie et demande à son homme de confiance, l’inspecteur-chef Uhl, d’arrêter pour ce crime son rival. Bien que persuadé que celui-ci est innocent, le policier finit par s’y résoudre au cours d’une représentation théâtrale, argüant du trouble causé à l’ordre public, mais le magicien disparaît... comme par magie, et le prince héritier, dénoncé publiquement par le fantôme (!) de sa victime et qui craint la sanction de son père l’empereur, finit par se suicider.

C’est du moins ce qu’on croit jusqu’à la surprise finale, expédiée en quelques plans bâclés, qui nous révèle que l’assassinat de Sophie a été feint, et que les deux amoureux n’ont trouvé que ce procédé pour aller vivre leur amour sous d’autres cieux.

L’ennui est que la plupart des tours de magie, et surtout ceux sur lesquels s’appuie la supercherie contre le Kronprinz, ne sont pas de vrais tours de magie, car ils sont irréalisables (les corps dématérialisés, la disparition d’Eisenheim), et sont le produit de banals trucages de cinéma, fabriqués en numérique. Donc cette histoire n’aurait pas pu avoir lieu telle qu’on la voit.

Un film assez malhonnête, par conséquent, et très au-dessous du film sorti le mois dernier, Le prestige, qui avait une tout autre envergure. Ici, tous comptes faits, autant que le Kronprinz, c’est le spectateur qui est berné. À ne voir que pour les acteurs, Edward Norton, toujours charismatique, Paul Giamatti, qui incarne un curieux policier, et la très belle Jessica Biel. Dans le rôle du Kronprinz, Rufus Sewell a trop la tête du méchant de service pour être crédible.

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Pingpong

Lundi 29 janvier 2007

Réalisé par Matthias Luthardt

Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2006

Sorti en France le 24 janvier 2007

Anna, ancienne pianiste, est mariée à Stefan, cadre supérieur, et leur fils, Robert, grand dadais aux allures de plouc, mais bon pianiste, prépare une audition pour le Conservatoire, tout en buvant en cachette. Cependant, Anna aime par-dessus tout son chien Schumann, au point de fêter son anniversaire avec champagne et gâteau.

À la suite d’une invitation imprudente de leur part, Paul, neveu de Stefan et dont le père vient de se suicider, arrive chez eux à l’improviste, car il en a marre de sa mère qui ne parle jamais. Lors d’une absence de Stefan, comme elle s’ennuie et que son fils l’a déçue en arrivant ivre à son audition, Anna finit par coucher avec son neveu par alliance, dont il faut convenir qu’il est furieusement comestible (son visage est « ruisselant d’impureté », aurait écrit Montherlant, qui a trop fréquenté les collèges catholiques – en fait, le garçon déborde de sensualité).

Mais Paul, qui comprend assez vite qu’Anna l’a utilisé pour se distraire, quitte subrepticement la maison, non sans avoir auparavant pris sa vengeance en... noyant le chien. On sait rire, dans le cinéma allemand.

Ce mélange de vengeance et de piano rappelle un peu La tourneuse de pages, en plus brut et moins artificiel. Les films de ce genre misent beaucoup sur les acteurs, et le jeune Sebastian Urzendowsky, vingt-et-un ans et qui en paraît seize, pour son neuvième film de cinéma, « ramasse tout », comme on dit. Il est parfait.

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Cashback

Mardi 30 janvier 2007

Réalisé par Sean Ellis

Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2006

Sorti en France le 17 janvier 2007

Le réalisateur avait d’abord, en 2004, tourné un court-métrage de dix-huit minutes, avec le même titre et les mêmes acteurs principaux, et qui n’est pas sorti en France. Un brouillon ?

Le défaut de ce film britannique, c’est l’insignifiance de son propos : en étudiant des Beaux-Arts perd sa petite amie, et, du coup, il perd aussi le sommeil. Il se fait embaucher pour servir de nuit dans un supermarché, trouve une autre fille, manque de peu de la perdre aussi, et se réconcilie au dernier plan.

L’avantage de ce film, c’est que cette histoire est racontée de manière cocasse, et que le récit est farci de plans d’une grande inventivité. On sourit constamment, et c’est très sympathique.

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Rocky Balboa

Mercredi 31 janvier 2007

Réalisé par Sylvester Stallone

Sorti aux États-Unis le 20 décembre 2006

Sorti en France le 24 janvier 2007

Ce film illustre fort bien le principe que je défends, et qui est valable dans quatre-vingt-quinze pour cent des cas : la nécessité d’une identification du spectateur au héros. Certes, il existe des exceptions, mais ce principe n’est nullement démodé, il fonctionne toujours depuis plus d’un siècle !

Et il est vrai que le spectateur VEUT voir Rocky gagner son match de boxe, en dépit des circonstances défavorables. Rocky, et son auteur-interprète aussi bien (Stallone), sont des has been, comme on dit en français, mais un retour sous les feux de la gloire n’est pas interdit – au cinéma du moins. D’ailleurs, la cause première de ce retour, c’est précisément cela : le fils de Rocky a plus ou moins honte de son père, ancien champion sexagénaire devenu propriétaire d’un modeste restaurant. Pour effacer ce sentiment de gêne, Rocky ne voit aucun autre moyen que de redevenir, au moins provisoirement, ce qu’il a été.

Cette quête de la dignité n’est ni démagogique ni ridicule, et se confond avec la courbe suivie par Sylvester Stallone, plus ou moins devenu, comme acteur, ce ringard dont plus personne ne veut.

Cette leçon est à méditer par quelques-uns, à Hollywood comme chez nous : Robert De Niro, Christophe Lambert, Ben Affleck, Alain Delon, Dustin Hoffman, Vincent Cassel, Kevin Costner, Daniel Auteuil, et pourquoi pas Gérard Depardieu ou Leonardo DiCaprio s’il continue à tourner avec Scorsese ? La Roche Tarpéienne est toujours près du Capitole...

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés

Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.