Œuvres citées (entre parenthèses, autre que des films) : Le direktør – Direktøren for det hele – The boss of it all – Entre adultes – La ronde – Changement d’adresse – Michou d’Auber – Azul – Azuloscurocasinegro – Volver – Mon fils à moi – Le voile des illusions – The painted veil – Contre-enquête – Témoin à charge – Le come back – Music and lyrics – Paroles et musique – Par effraction – Breaking and entering – Angel – Huit femmes – J’attends quelqu’un – La Cité Interdite – Curse of the golden flower – Titus Andronicus – Phèdre – Golden door – Nuovomondo – Six feet under – Sex and the city – Hellphone – Écrire pour exister – Freedom writers – Graîne de violence – Rock around the clock
Personnes citées : Lars von Trier – Stéphane Brizé – Max Ophüls – Éric Rohmer – Thomas Gilou – Charles De Gaulle – Daniel Sánchez Arévalo – Martial Fougeron – John Curran – Frank Mancuso Marc Lawrence – Élie Chouraqui – Hugh Grant – Drew Barrymore – Anthony Minghella – Jude Law – François Ozon – Jérôme Bonnell – Zhang Yimou – Emanuele Crialese – Nathalie Baye – Olivier Gourmet – Somerset Maugham – Érik Satie – Jean Dujardin – Patrick Dils – James Huth – Sid Vicious – Laurent Fabius – Jean Tiberi – Bill Haley – Richard LaGravenese – Péri Cochin
Réalisé par Lars von Trier
Titre original : Direktøren for det hele
Sorti au Danemark (Festival de Copenhague) le 21 septembre 2006
Sorti en France le 28 février 2007
Dû aux distributeurs, un Titre À La Con qui mélange inutilement le danois et le français. Le vrai titre signifie « Directeur de tout ». Le titre anglais est d’ailleurs The boss of it all, « le patron de tout ça ».
A-t-on remarqué que ce directeur, synonyme de réalisateur en langue anglaise, peut désigner aussi Lars von Trier ? Sa voix en off commente le film sur le ton de l’autodérision. Par exemple, une scène se termine par un travelling optique arrière pris depuis la rue, et cette voix commente : « Que vient faire ici ce zoom ? La tradition de la comédie veut qu’on ménage des interruptions, eh bien c’en est une. À présent, elle veut qu’on invente un personnage supplémentaire », et la scène qui suit introduit en effet un personnage de plus. Ailleurs, on raille la charte Dogma 95, qui est utilisée pour le tournage du film, inventée par Lars von Trier lui-même... et qui jusqu’ici ne s’en était jamais servi, ou quasiment, laissant aux autres le cadeau empoisonné.
L’argument ? Le propriétaire d’une société d’informatique a, par lâcheté, inventé un directeur toujours absent, et lui a fait endosser toutes ses décisions impopulaires. Au moment de vendre son entreprise, il a besoin d’un homme de paille pour lui faire signer le contrat, et il embauche un comédien. Mauvaise idée, l’acteur finit par se prendre au sérieux, comme tous ceux sa profession, et va faire avorter l’opération. Sinon, il n’y aurait pas de film !
Le scénario peine à exploiter cette bonne idée de départ, et tire à la ligne. Quant à la réalisation, qui tend vers le loufoque, elle est (volontairement ?) faite avec les pieds, faux raccords, cadrages foireux... On rit de temps en temps, surtout quand un personnage étranger vitupère les Danois, mais il faut vraiment y mettre du sien.
En fait, s’il faut rire de quelque chose, c’est du mimétisme des critiques de radio-télé, qui, tous, ont prononcé « director », alors que le mot danois du titre se prononce « directeur », quasiment comme en français. Ils n’ont pas écouté le dialogue du film ?
Réalisé par Stéphane Brizé
Sorti en France (Festival du Film Français d’Albi) le 7 décembre 2006
Sorti en France le 28 février 2007
Six hommes, six femmes, douze couples. Une erreur de calcul ? Non, car, en douze scènes à deux personnages, filmées en plans-séquences par deux caméras presque immobiles, A rencontre B, puis B rencontre C, etc., jusqu’à ce que L rencontre A et boucle la boucle. Ou plutôt La ronde, selon le titre du fameux film de Max Ophüls, dont on reprend ici le principe de narration.
C’est un film ouvertement littéraire, genre presque abandonné (si l’on excepte Changement d’adresse), depuis qu’Éric Rohmer a largué ce qui avait fait son succès. Cela ne signifie pas que les dialogues sont « bien » écrits, car ils sont conçus en langage actuel, et d’une platitude navrante quoique voulue ; mais ils sont écrits, c’est manifeste.
On remarquera que les hommes, presque tous minables, menteurs, veules, sans scrupules, voire stupides, ne sont pas gâtés. En prime, ni eux ni leurs compagnes ne brillent par leur physique. Mais ce qu’ils disent fait vrai. Bref, c’est une tranche de vie, mais vue à travers ses crises, et ce n’est pas rose. Seul le titre est à côté de la plaque. Je suggère à la place mon expression favorite, « Bon ben faut qu’j’y aille », qui résume assez bien le comportement des mâles du film.
Réalisé par Thomas Gilou
Sorti en Allemagne (European Film Market) le 9 février 2007
Sorti en France le 28 février 2007
En 1960, donc en pleine guerre d’Algérie, l’Assistance Publique confie un petit garçon arabe, né en France, à un couple qui vit à la campagne, Gisèle et Georges. L’enfant, Messaoud, va s’attacher à eux, avant d’être récupéré par son père, deux ans plus tard.
Ce qu’il y a de sympathique avec Thomas Gilou, c’est que tous ses films plaident contre le racisme. L’ennui est qu’il le fait ici avec de gros sabots, et néglige les détails. Explication.
Chausser de gros sabots, cela consiste à forcer le trait jusqu’à l’invraisemblance, à seule fin de faire passer une idée, rarement originale pour ne rien arranger. Ainsi, Georges et ses copains tuent le cochon, le petit Messaoud est forcé d’assister de près à l’exécution, et se trouve éclaboussé au visage par le sang de l’animal – un animal tabou justement chez les musulmans. Pas très subtile, comme métaphore. Tout aussi lourd, le slogan « OAS vincrat » peinturluré sur un mur par les partisans locaux de l’Algérie française. Deux fautes dans un texte qui s’affichait partout à l’époque et dont nul ne pouvait ignorer l’orthographe, c’est trop, et l’intention dérisoire, montrer ces hommes comme des illettrés, se trouve noyée sous le manque de nuance. Enfin, le discours humaniste et antiraciste de Georges dans sa voiture de facteur ne cadre pas avec le côté borné du personnage, qu’on a entendu peu auparavant s’exprimer sur un tout autre ton.
Négliger les détails, en voici un florilège :
- ancien sous-officier, Georges se met au garde-à-vous devant la télévision diffusant une allocution de De Gaulle, et fait le salut militaire jusqu’à la fin. Stupide. Un adjudant-chef de l’armée française ne peut ignorer quer dans l’armée française on ne salue pas tête nue, et qu’on ne salue qu’une personne réelle et présente, pas une image de télé. Ce type d’ânerie ne se voit (fréquemment) qu’à l’écran, et pour cause, les gens de cinéma ont rarement fait leur service militaire ! Mais on peut se renseigner ; pas besoin d’avoir vécu sous Louis XIV pour savoir qu’il résidait à Versailles...
- Messaoud parle des enfants, comme lui, placés par « la DDASS ». Impossible. La DDASS n’a été créée qu’en 1964. En 1960, c’était l’Assistance publique.
- l’instituteur annonce comme une catastrophe le fait d’être muté à Paris. Impossible. Jamais l’Éducation nationale n’a muté un instituteur contre son gré, sauf en cas de suppression de poste, ce qui n’a pas lieu dans le film, ou pour raison disciplinaire ; mais dans ce dernier cas, on est muté à Béthune ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, pas à Paris, qui est un poste de prestige, recherché, difficile à obtenir.
Détails insignifiants ? Non, car on prétend raconter ici une histoire vraie, mais, à l’instar de ce que font la plupart des scénaristes français, on lui retire peu à peu une part de sa crédibilité en négligeant de se documenter sur son environnement historique, pour se contenter de clichés éculés. C’est l’équivalent d’Hollywood montrant les Français tous coiffés d’un bérêt.
Il n’empêche que le film est parfois émouvant.
Réalisé par Daniel Sánchez Arévalo
Titre original : Azuloscurocasinegro
Sorti en Espagne (Festival de Málaga) le 24 mars 2006
Sorti en France le 28 février 2007
Ce mot signifie bleu en espagnol, mais le titre original est Azuloscurocasinegro, ce qui veut dire « bleu foncé presque noir », et désigne la couleur d’un costume que Jorge voit tous les jours en vitrine, qu’il convoite sans avoir l’argent pour l’acheter, et dont le prix baisse régulièrement sans trouver acquéreur.
– Pourquoi continuer à observer ? demande Jorge à son copain Sean (il s’appelle Israel, en fait, mais croit ressembler à Sean Penn), lequel, du haut de la terrasse, scrute les immeubles environnants avec ses jumelles.
– Pour continuer à me leurrer, comme toi, répond Sean, paradoxalement lucide.
Plus ou moins, ils se leurrent tous, dans ce film. Sean a découvert que son père aimait se faire masser par Roberto, le séduisant masseur de l’immeuble d’en face, et que les séances se terminaient par une masturbation administrée par le consciencieux kinési. Du coup, il fait anonymement chanter son paternel, avant de découvrir que lui-même ne déteste pas ce type de traitement. Il vend la mèche à table – sur son père, pas sur lui –, devant sa mère, laquelle, surprise ! lui fait comprendre que c’est la meilleure solution pour qu’elle garde son mari et son foyer ; si bien qu’à la première occasion, le père et fils font ensemble la queue, si j’ose dire, devant la porte du masseur, et conviennent de venir à tour de rôle pour éviter les télescopages ! Jorge, lui, a dû renoncer à quitter son père sept ans plus tôt, car le vieux a contracté la maladie d’Alzheimer ; depuis, Jorge le lave, le change, le nourrit... et l’attache sur son lit quand il part travailler ; il rêvait de gestion financière et doit faire le concierge pour gagner sa vie. Lorsque, à la fin, il change de travail, c’est pour devenir gardien de parking dans un autre immeuble. Enfin, Antonio, le frère de Jorge, qui purge une peine de prison, est tombé amoureux d’une autre détenue, Paula, et voudrait la faire accéder à la section Maternité, où les femmes sont beaucoup mieux traitées ; encore faudrait-il qu’elle soit enceinte, or Antonio est stérile. Il convainc son frère d’engrosser Paula au cours d’un « parloir intime » (ils ont ça, en Espagne), mais Jorge et Paula tombent amoureux, pas de chance...
Ces trois intrigues, où la notion de paternité domine, s’entrecroisent, nourries de détails qui renforcent leur caractère authentique, en dépit de leur apparente improbabilité. La morale du film, qui a beaucoup à dire : ne changeons rien, ce serait pire ! On est assez loin des triviales platitudes d’Almodóvar dans Volver. Le réalisateur et scénariste s’appelle Daniel Sánchez Arévalo, c’est son sixième film au cinéma, et il a un court métrage en chantier. Ce film-ci est très mal distribué, cinq salles à Paris seulement, vingt-trois dans toute la France, il risque donc de rater son public.
Réalisé par Martial Fougeron
Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) le 25 septembre 2006
Sorti en France le 7 mars 2007
Au secours, Folcoche et madame Lepic reviennent !
La scène du début est trompeuse, qui montre Julien, douze ans, avec sa mère (Nathalie Baye), en train de danser. Trompeuse, car ce tableau idyllique du bonheur familial cache la réalité : la mère est une dingue absolue, de celles, nombreuses, qui considèrent que leur enfant leur « appartient », comme elles disent – extension malsaine du fameux « droit à l’enfant » dont il faudra un jour nous expliquer sur quoi il se fonde, si ce n’est sur la frustration. Moyennant quoi s’accumulent ces scènes de brimades, où elle lui interdit de porter certains vêtements, le surprend au sortir de sa douche et le contraint à retirer ses mains qui cachaient pudiquement son bas-ventre, l’oblige à venir avec elle à la piscine quand il préférerait l’entraînement de football, le force à terminer le contenu de son assiette, qui l’écœure, ne lui dit qu’après les obsèques de sa grand-mère que celle-ci, qu’il adorait, vient de mourir. Et puis, elle détourne son courrier, le frappe, d’abord en privé, puis en présence de ses camarades d’école, et finit par vider complètement sa chambre – piano compris – et la ferme à clé. Toute velléité d’être d’un avis contraire au sien est, bien entendu, ressentie par elle comme une manifestation d’ingratitude. Air connu : « Tu n’aimes plus ta mère ! ».
Un père de famille trop occupé, trop absent et d’une faiblesse ahurissante (c’est Olivier Gourmet) complète cet attendrissant tableau de famille : lorsqu’il se décide enfin à flanquer une gifle à sa femme qui battait le gosse, il s’excuse immédiatement, au lieu de lui en coller une deuxième.
Résultat, l’enfant téléphone à la police. Hélas, interrogé par une fliquette, il se rétracte, et ne pense pas à montrer sa chambre vide. Il faut dire que ce Billy Budd moderne n’a pas la parole facile et se laisse condamner sans regimber. Si bien que la mère abusive reprend le dessus. Ne reste à l’enfant qu’un recours, la suriner avec un couteau. Elle n’en meurt pas, et l’on doute que les choses s’arrangeront, après la fin ouverte qui ne nous en dit pas plus long.
C’est sombre, âpre et filmé sobrement. Certaines âmes sensibles ne supportent pas ce déboulonnage, pourtant d’utilité publique, du mythe de la mère. Martial Fougeron en est à son quatrième film, et c’est son premier qui ne tourne pas autour de l’identité homosexuelle.
Réalisé par John Curran
Titre original : The painted veil
Sorti aux États-Unis le 20 décembre 2006
Sorti en France le 7 mars 2007
Somerset Maugham écrivait des histoires fortes et subtiles, qui se passaient souvent dans des pays lointains, et abondamment exploitées au cinéma : 98 films et téléfilms !
L’histoire présente, tirée de The painted veil, déjà filmé en 1934 et en 1957, n’est sans doute pas la plus intéressante. Quand donc va-t-on faire une nouvelle adaptation de Pluie, après celle de 1932 ?
Kitty, pour échapper à sa famille lasse de l’entretenir, a épousé sans l’aimer un médecin, Walter Fane, qui partait s’installer à Shanghaï pour s’y livrer à l’étude des bactéries. Comme Walter n’est pas un rigolo, elle le trompe avec un coureur de jupons, et Walter l’apprend. Moins gentil qu’on le croyait, il lui met le marché en mains : elle le suit dans un village où s’est déclarée une épidémie de choléra, sinon il divorce, et elle devient une réprouvée. Elle le suit et ne tarde pas à penser que son époux est, tous comptes faits, un héros. Elle parvient à regagner son estime et son amour, tombe enceinte, mais Walter meurt du choléra. Kitty rentre en Angleterre avec son fils. Mais qui est son père ?
La banalité de ce récit où rien ne nous surprend n’est pas sauvée par la banalité de la réalisation, qui n’a guère à offrir que les splendides paysages de la Chine. Et la musique, pesante et sans originalité, n’arrange rien. Elle tombe parfois dans le saugrenu : Kitty joue un air entraînant pour distraire les enfants du village, et la cheftaine des religieuses (je me refuse à écrire « mère supérieure », non mais !) lui demande plutôt un air apaisant. Kitty joue alors un morceau... d’Érik Satie ! Quoi de plus approprié, en effet, que ce compositeur lugubre pour distraire des enfants chinois ?
Réalisé par Frank Mancuso
Sorti en Allemagne le 10 février 2007
Sorti en France le 7 mars 2007
Premier film comme réalisateur de cinéma d’un scénariste de la télévision. Dilemme : film à voir, ou film à fuir ?
Du point de vue d’un amateur d’histoires policières, cette contre-enquête est intéressante, et racontée avec une clarté exceptionnelle, si bien qu’on la suit de bout en bout sans que jamais l’attention faiblisse.
D’un point de vue moral et cinématographique, CE Contre-enquête est critiquable. D’une part, le récit n’est pas exempt de maladresses, et d’autre part, l’histoire semblerait faire l’apologie de la justice personnelle. Certes, on ne dit pas ouvertement que les parents d’une victime peuvent faire justice eux-mêmes, mais comme la vengeance finale est exercée par un personnage auquel le public s’identifie sans peine, puisqu’il est interprété par Jean Dujardin, acteur pour qui la sympathie du public est acquise d’avance, certains esprits malveillants, ou peut-être enclins aux conclusions hâtives, pourraient confondre...
De quoi s’agit-il ? Âgée de neuf ans, la fille d’un policier, Richard, est violée puis assassinée. On arrête un individu, Eckmann, qui s’est déjà rendu coupable de tels meurtres, on le juge, et il écope de trente ans de prison. De sa cellule, il écrit au père de la petite victime, sur le mode « Je suis innocent, et comme ce n’est pas cette lettre qui va me faire sortir de prison et que, donc, je n’ai aucun intérêt à vous l’écrire, vous pouvez par conséquent me croire ». Après quelques lettres semblables, Richard semble convaincu de l’innocence d’Eckmann, et entreprend une contre-enquête minutieuse, à l’issue de laquelle le prisonnier est rejugé puis acquitté, car il existait un autre coupable possible – seulement possible. On pense évidemment à Patrick Dils, naguère innocenté de la même façon. C’est alors que le scénario ménage deux retournements de situation : comme dans Témoin à charge, film auquel on pense irrésistiblement, Eckmann était bien le coupable, et Richard, qui n’a jamais cru à son innocence et n’a œuvré pour sa libération qu’en vue de lui mettre la main dessus, le tue (de façon horrible, il l’enterre vivant).
Passons sur l’aspect moral, il est trop évident pour en disserter. Mais le scénario, je l’ai dit, est parfois maladroit. Ainsi, nous apprenons que l’homme incarcéré était bien coupable via une voix off, la sienne, qui lit le texte d’une lettre écrite à Richard lors de son incarcération – on se demande pourquoi –, mais qu’il n’a pas envoyée. Procédé faiblard, tiré par les cheveux et démodé, qui ne passe pas. Et puis, ce viol que ses co-détenus font subir à Eckmann juste avant son second procès, et qui n’intervient en rien dans l’action, comme s’il n’avait pas eu lieu...
Autre maladresse : au début, la petite fille dialogue en direct sur Internet avec un petit copain, et les phrases échangées sont truffées de fautes d’orthographe, puisque ce sont des gosses (je plaisante, des adultes ne feraient pas mieux). Or la petite écrit notamment « BIENTÔ ». Comment croire qu’un enfant sans orthographe et qui veut écrire vite se soit échinée à taper un « O » majuscule avec un accent circonflexe, ce que même un adulte aurait du mal à réaliser ? À trop vouloir en faire... Pinaillage ? Non, on a le droit de rire des exagérations pataudes et sommaires.
Finalement, film à voir ou film à fuir ? Comme la mode actuelle est au centrisme, ménageons la chèvre et le chou : film à voir à la rigueur !
Réalisé par Marc Lawrence
Titre original : Music and lyrics
Sorti au Royaume-Uni le 9 février 2007
Sorti en France le 14 mars 2007
Titre À La Con. Le vrai titre est Music and lyrics (soit, in french, « Paroles et musique », mais ce titre a déjà été utilisé par un mauvais film d’Élie Chouraqui en 1984).
Alex Fletcher a été un chanteur pop à succès, dans un groupe justement nommé POP, mais il est tombé dans l’oubli et ne fait plus que des exhibitions dans des parcs à jeux et des supermarchés. Or il se trouve que la fille qui arrose les fleurs chez lui est douée pour trouver des paroles de chanson. Lui se chargeant de la musique, ils écrivent une œuvrette qui intéresse une vedette pour djeunz, Cora. Au début, cela se passe mal, car la vedette, qui donne dans les lubies orientales, veut une version de style « karmique ». Par chance, Alex peut la convaincre de ne rien changer, et chante le nouveau tube en duo avec elle au cours d’un concert au Madison Square Garden. Triomphe. En prime, il trouve l’amour en la personne de sa parolière, comme on s’y attendait dès la première minute.
Ce scénario ultra-conventionnel de comédie super-calibrée ne tiendrait pas sans les dialogues pétillants et le charme des deux interprètes, Hugh Grant, toujours efficace dans l’autodérision, et Drew Barrymore. Mais, tel quel, le résultat fait passer un bon moment.
Réalisé par Anthony Minghella
Titre original : Breaking and entering
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 13 septembre 2006
Sorti en France le 14 mars 2007
Pour une fois, le titre original est traduit de manière pertinente.
Deux jeunes gens sont un peu perturbés, qui, d’ailleurs ne se rencontreront jamais. La fille, Bea, treize ans, ne dort pas, refuse de manger, ne se passionne que pour le saut périlleux, et collectionne les piles électriques, qu’elle vole – personnage hermétique et peu intéressant. Elle a une mère, Liv, Suédoise divorcée, qui vit à Londres avec un architecte, Will, joué par Jude Law, lequel en a plus qu’assez de la jeune fille et de ses caprices, qui l’incitent peu à peu à s’éloigner, quoique provisoirement, de sa compagne.
Le garçon, Miro, bosniaque orphelin de père qui a fui Sarajevo avec sa mère Amira, est âgé de quinze ans et neuf mois, doué pour l’acrobatie, et cambrioleur pour le compte d’individus louches liés à sa famille.
Le hasard a voulu que Miro cambriole deux fois de suite les bureaux de Will. Celui-ci, qui désormais fait le guet, le surprend, le suit, fait connaissance avec sa mère, dont il devient l’amant. Plus tard, et par égard pour Amira qui l’en a supplié, il sauvera la mise de Miro, entre-temps arrêté par la police, en faisant un faux témoignage en sa faveur.
Le film a un peu le derrière entre deux chaises, on voit trop Amira, mal définie, peu crédible, et pas assez Miro. Et l’histoire d’adultère est très convenue.
Par ailleurs, signalons que Par effraction ressemble à un spot publicitaire (de deux heures) pour Apple et ses produits : la caméra insiste beaucoup sur les bordereaux des ordinateurs livrés dans les bureaux de Will, où figure la liste des modèles disponibles de la marque, s’attarde longuement sur les appareils et leur logo, et un personnage s’écrit même « Quoi, un Mac ! Mais c’est génial ! ». On espère que la firme a été généreuse envers la production...
Réalisé par François Ozon
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 17 février 2007
Sorti en France le 14 mars 2007
On le savait depuis Huit femmes, François Ozon est très attentif aux décors et aux costumes de ses films, et cela se confirme ici. Malheureusement, c’est presque le principal intérêt du film, car, hormis les personnages de l’éditeur et de sa femme, joués par Sam Neill et Charlotte Rampling, les autres protagonistes ne retiennent guère l’attention, eux ; plus embêtant, ils irritent. Surtout Angel, qui, bien que rappelant par moment Scarlett O’Hara en raison de son obstination, de son mauvais goût et de sa propension à n’écouter personne et à suivre ses rêves, reste tout de même très en-deçà et ne nous inspire rien, sinon de l’agacement.
Ozon filme donc avec goût la vie rêvée d’une femme, écrivain médiocre mais populaire, et qui n’a aucun goût. Si seulement le film avait une demi-heure de moins, le plaisir des yeux suffirait à rendre le film supportable. Mais à la longue, on finit par s’ennuyer.
Réalisé par Jérôme Bonnell
Sorti en Allemagne (European Film Market) le 11 février 2007
Sorti en France le 21 mars 2007
Une petite ville de la région parisienne ; un patron de café sans femme mais avec un enfant, qui s’attache à une prostituée fantasque, bientôt enceinte mais pas de lui ; un jeune homme un peu mystérieux qui revient dans la ville de son enfance pour découvrir qu’il est devenu père durant son absence ; une jeune femme qui promène trois chiens blancs ; une institutrice mariée à un sympathique hypocondriaque ; un chômeur qui s’est mis en ménage avec une mère célibataire ; un énorme chien noir venu de nulle part ; une vieille femme qui a oublié l’apparence de son fils. Ce n’est pas une tranche de gâteau, mais une tranche de vie. Pas de musique, peu de mouvements de caméra. Le scénario semble absent, pourtant il existe... mais on est peu concerné. On attend que quelque chose se passe, cependant rien ne vient, ou si peu. Les acteurs, même bons, n’y peuvent rien, c’est presque l’ennui d’un dimanche après-midi.
Réalisé par Zhang Yimou
Titre original : Man cheng jin dai huang jin jia
Sorti à Hong-Kong, en Indonésie, en Malaisie et à Singapour le 21 décembre 2006
Sorti en France le 14 mars 2007
Enfoncé, François Ozon ! Le décor d’une seule pièce du palais impérial dans La Cité Interdite (vrai titre international : Curse of the golden flower, c’est-à-dire « Malédiction des chrysanthèmes » – encore et toujours des chrysanthèmes) coûte plus cher que son film entier. Ne disons rien du kitsch fourni avec.
On a comparé l’intrigue de ce film chinois avec les machinations imaginées par Shakespeare ; pas faux, même si Titus Andronicus va plus loin dans la complication, et surtout dans l’horreur caricaturale. L’empereur de Chine a répudié sa première épouse, qui lui a donné deux princes, dont celui qui lui succédera. Il l’a fait passer pour morte, elle s’est remariée avec un homme de condition modeste, une fille est née... qui va rencontrer l’un de ses demi-frères. Résultat, les deux jeunes gens vont s’aimer sans savoir qu’ils commettent l’inceste. De la seconde épouse de l’empereur est né un troisième fils, joli et charmant garçon... qui ne rêve que de tuer son père et ses demi-frères, car il meurt d’envie de devenir calife à la place du calife. Enfin, las de sa femme, l’empereur l’empoisonne lentement. Est-ce parce qu’elle n’est pas suffisamment soumise et respectueuse des règles sacro-saintes du palais, ou parce qu’elle est secrètement amoureuse du prince héritier ? C’est donc Phèdre à Pékin.
Toutes ces intrigues de palais vont se résoudre dans une guerre éclair où des milliers de soldats conçus par ordinateur (qu’on a donc deux raisons de qualifier de « numériques ») s’affrontent... dans la cour du palais : l’armée de l’empereur contre celle de son fils aîné. Les troupes de ce dernier sont vaincues, et son père accepte de lui épargner l’écartèlement s’il consent à finir d’empoisonner sa belle-mère ! À la fin, on débarrasse la cour des milliers de cadavres qui la recouvrent, pour les remplacer par des millions de chrysanthèmes. Dire qu’on reprochait à Spielberg, autrefois, de mettre dix mille fleurs là où une douzaine aurait suffi...
On n’est pas obligé de prendre toutes ces outrances autrement qu’à la rigolade, et d’autant moins qu’une fois de plus, on nous fait le coup des combats au sabre, et... en l’air. Ces combats qu’il est convenu de qualifier de « stupéfiants de beauté » sont assez ridicules, et lassants par leur répétition de film en film.
À regarder juste après J’attends quelqu’un, histoire de varier les plaisirs.
Réalisé par Emanuele Crialese
Titre original : Nuovomondo
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 8 septembre 2006
Sorti en France le 21 mars 2007
Pour noyer dans la masse de la population les natives auxquels on avait volé leurs terres, les nouveaux maîtres anglo-saxons des États-Unis n’avaient d’autres moyens, au début du siècle dernier, que de faire venir des immigrants pauvres, donc pourvus d’une fécondité élevée. Ce film raconte l’importation (il n’y a pas d’autre mot) de paysans italiens. Attention ! On ne prenait pas n’importe qui, la discrimination se faisait en fonction de critères parfois loufoques. Pas de sourds-muets, par exemple.
Trois parties : la Sicile, avec ses paysages grandioses où les humains se perdent dans un océan de pierres, le voyage en bateau (plan magnifique du navire se détachant du quai), et la réception, froide et pragmatique, tout en intérieurs – bureau, dortoirs et infirmerie. L’absurdité suprême : on marie ces malheureux contre leur gré, avec n’importe qui, sans tenir compte de l’âge.
Le film est honorable, mais pas entièrement réussi. La longue séquence d’exposition en Sicile s’attarde trop, point n’était besoin d’en dire si long pour que nous comprenions cette évidence : que ces malheureux n’ont pas d’autre alternative que l’expatriation, s’ils veulent survivre. Et puis, les scènes oniriques – légumes géants et bains de lait – sont saugrenues et passent mal. C’est d’ailleurs un fait curieux, que les séries télévisées intègrent si bien ce type de scène (voyez Six feet under ou Sex and the city), alors que le cinéma échoue régulièrement. Il y aurait une étude à faire là-dessus.
Réalisé par James Huth
Sorti en France et en Belgique le 28 mars 2007
Sid Soupir, ainsi prénommé à cause de Sid Vicious, n’a pas de chance dans la vie : il est fauché, sa mère est castriste, son père s’est barré avec un gogo dancer, il porte un appareil dentaire, et pis que tout, à seize ans, il n’a pas de téléphone mobile. Un paria, autant dire. Le jeu de mots du titre, Hellphone pour cellphone, vous indique quel est le plus grave de ces problèmes. Heureusement, un Chinois lui vend pour trente euros un téléphone magique : non seulement l’engin est amoureux de son propriétaire, mais, comme la lampe d’Aladin, il est capable d’exaucer tous ses vœux. Au début, c’est pratique, les profs font sauter les colles et lui communiquent le sujet des examens, le menu de la cantine adopte le style fast food, et le mauvais camarade, qui avait raillé le boulot de l’amant du père, se met à faire malgré lui un strip tease sur les tables du réfectoire, finissant tout nu sous les acclamations ironiques du lycée entier.
Mais cela se gâte assez vite, et le gadget diabolique se met à faire de l’excès de zèle, allant jusqu’à tuer l’un des tourmenteurs de Sid – une belle bourde de scénariste, soit dit en passant. Sid veut alors se débarrasser de son téléphone, qui ne l’entend pas de cette oreille, si j’ose dire. On le jette dans une bouche d’égoût ? L’égoutier Jean Dujardin le rapporte à son juvénile propriétaire !
Tout finit bien, rassurez-vous. Mais la seconde moitié démontre que le tout n’est pas de commencer une histoire, il faut savoir la finir. Et bourrer le film de gags visuels un peu neuneus (le fast food à l’enseigne « Le poulet Fritz »... place du Panthéon, ce que les résidents de ce quartier huppé, dont Fabius et Tiberi, ne tolèreraient jamais) ne suffit pas forcément.
Réalisé par Richard LaGravenese
Titre original : Freedom writers
Sorti aux États-Unis le 5 janvier 2007
Sorti en France le 14 mars 2007
Depuis Blackboard jungle en 1955 (en français, Graine de violence, connu comme le premier film sonorisé avec du rock, le fameux Rock around the clock de Bill Haley), tous les films qui tournent autour de l’enseignement dans les classes difficiles sont des impostures : on sait par avance qu’on va voir un professeur confronté à des difficultés très passagères, et que tout va s’arranger très vite, les méchants élèves se muant en agneaux qui lui mangent dans la main, à temps pour le générique de fin. Presque toujours, sont au premier plan les problèmes dits « raciaux » – et je place entre guillemets ce terme, histoire de rappeler aux cancres et aux électeurs du Front National (pardon pour le pléonasme) que les races n’existent pas dans l’espèce humaine.
Le canevas résumé ci-dessus s’applique totalement au présent film. S’y greffe l’amateurisme de la mise en scène, dont voici un aperçu : le professeur d’anglais de cette histoire, une femme jeune et jolie et qu’on verrait plutôt dans les dîners en ville de Péri Cochin, veut démontrer à ses élèves que, Noirs, Blancs ou Hispanos, ils ont les mêmes problèmes avec les gangs et la police ; pour sa démonstration, elle leur demande de venir se placer sur une ligne tracée au sol, chaque fois qu’ils peuvent citer un incident qui relève de cette catégorie. Comme on s’y attend, ils ont TOUS eu un problème. Moralité : qui que vous soyez, quelle que soit votre couleur de peau, vous êtes dans le même bateau. L’ennui est que cette séquence est filmée entièrement en gros plans, alors qu’elle n’aurait de valeur visuelle et démonstrative que si tout était montré en plan général. Cela rappelle ces prétendues comédies musicales dans lesquelles le réalisateur filme les visages et non les corps des danseurs. En fait, toute la mise en scène consiste en ceci : on a demandé aux jeunes acteurs de faire la gueule au début du film, et de sourire à la fin. C’est donc génial.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.