JPM - Films - Notules - Mars 2003

Notules - Mars 2003

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italique, autres que des films) : 8 mile – Arrête-moi si tu peux – Ni pour ni contre (bien au contraire)La fleur du malPlaisirs inconnusRen xiao yaoMa vraie vie à Rouen – Jeanne et le garçon formidable – Drôle de Félix – Pas si graveStupeur et tremblements – King-Kong (1933) – Les dents de la mer – La cité de DieuCidade de deus – Le quai des brumes – La symphonie pastorale – 2001, odyssée de l’espace – Le pianiste – La sentinelle2010, Odyssée deuxLe 20 juillet 20192061, Odyssée trois3001, Odyssée finaleCyrano de BergeracTraqué – The hunted – Le boucher

Personnes citées : Eminem – Frank Abagnale – Martin Sheen – Leonardo DiCaprio – San-Antonio – Papillon – Idi Amin Dada – Klaus Barbie – Jean-Claude Duvallier – Georgina Dufoix – Cedric Klapisch – Vincent Elbaz – Marie Gillain – Claude Chabrol – Suzanne Flon – Jia Zhang Ke – Olivier Ducastel – Jacques Martineau – Bernard Rapp – Hiro-Hito – Adolf Hitler – Alain Corneau – Amélie Nothomb – Fay Wray – Fernando Meirelles – Katia Lund – Nicole Kidman – « Sœur » Emmanuelle – Michèle Morgan – Jean Gabin – Gérard Philipe – Pierre Blanchar – Marcel Carné – Jacques Doniol-Valcroze – Daniel Filipacchi – Pierre Kast – Jacques Rivette – Roger Thérond – François Truffaut – Jean-Louis Comolli – Jean Narboni – Patrick Brion – Roman Polanski – Jack Nicholson – Stanley Kubrick – Arthur Charles Clarke – George W. Bush – Peter Hyams – Nicole Kidman – William Friedkin

Sur 8 mile

Samedi 1er mars 2003

Parce qu’Eminem est en ce moment la vedette d’un film (sorti cette semaine à Paris et que je n’ai pas l’intention de voir), et que le rappeur a une réputation exécrable, les publicitaires chargés de vendre l’objet font la retape afin de nous fourguer la version suivante : Eminem n’est ni raciste ni homophobe, il a seulement joué la comédie afin de se tailler une place parmi les autres rappeurs, noirs, et aussi racistes et homophobes.

D’abord, cette explication n’est pas du tout convaincante, arrivant juste au moment où le rappeur a besoin d’être « blanchi » moralement. Trop tard, messeigneurs, on ne vous croit plus !

Ensuite, à supposer que la version soit vraie, je ne vois pas en quoi ça l’excuse. C’est presque pire. Avoir joué la comédie du raciste et de l’homophobe si on ne l’était pas, ça prouve qu’on visait quelle clientèle ? Dans tous les cas, c’est plutôt répugnant.

En bref : pas vu.Haut de la page

Sur Arrête-moi si tu peux

Mardi 4 mars 2003

Les explications techniques des escroqueries de Frank Abagnale ? Franchement, je n’y crois guère, ça fait un peu trop « cinéma ». Coller sur des chèques des décalcomanies prises sur des maquettes d’avion afin de faire croire qu’ils ont été émis par la PanAm, euh... Est-ce que tous les employés de banque sont myopes ? Et je n’ai pas du tout compris à quoi rimait ce « recrutement » des hôtesses à l’aéroport de Miami. Pourtant, j’ai revu le film vendredi, histoire de piger.

Quant à passer directement des toilettes d’un avion à la soute, puis ouvrir celle-ci de l’intérieur et descendre de l’avion en marche, je demande à vérifier !

Au fond, on a vraiment l’impression que Frank ne cotoie que des crétins auxquels on peut faire avaler n’importe quoi, comme ce procureur joué par Martin Sheen, pourtant du genre méfiant, qui fond presque devant son « romantisme » alors que le gars vient de lui avouer qu’il n’est ni médecin ni pilote ni rien du tout. Et ce juge auquel Frank débite une plaidoirie extravagante alors que le procès n’est pas commencé, montrant ainsi qu’il ne connaît rien à la procédure, ça ne lui met pas la puce à l’oreille ?

L’épisode du médecin n’est pas plus crédible : regarder des cassettes d’interventions chirurgicales est très loin de suffire pour faire illusion dans un hôpital. On ne tiendrait pas une matinée avec les pseudo-connaissances acquises de cette façon. Avec du baratin, on peut berner une pauvre fille amoureuse et qui ne connaît rien à rien, mais pas des infirmières ou des internes dans un service d’urgence. Faut pas pousser.

Au fond, cet Abagnale est un peu mythomane, et il a dû beaucoup embellir la réalité.

Mais ce qui compte, c’est Leonardo DiCaprio.

Voici quelques réponses à des objections qu’on m’a faites.

Une internaute estimait que le procureur joué par Martin Sheen n’avait pas cru que Frank disait la vérité. Bon. Repassons le film au ralenti. Martin Sheen est présenté comme un procureur, un pilier d’église, un homme puritain, rigoriste au point de jeter sa propre fille à la porte parce qu’elle a eu un enfant, etc. Arrive un garçon qui avoue avoir menti dès le début, et qui, non content de n’être rien, s’est fait passer, successivement, pour un pilote de ligne puis pour un médecin... et qui n’a qu’une vague idée de ce qu’est un benedicite ! Or cet homme religieux, puritain, rigoriste, sans pitié, etc., réagit comment ? En lui donnant sa fille en mariage ! Racontez ça à un cheval de bois, et il vous flanque une ruade, comme disait San-Antonio.

Et l’hôpital ? Notre menteur, déjà visiblement trop jeune pour le poste, se présente dans un hôpital afin de décrocher un poste de médecin aux urgences – poste de responsabilité, qui met des vies en jeu. Et on l’engage (qui ? Remarquez qu’on n’a vu personne le faire, dans cet hôpital où l’on ne croise pas un seul médecin autre que les internes) sur la foi de son diplôme, sans même appeler au téléphone ses anciens employeurs ? Alors qu’on prendrait cette précaution pour engager une simple femme de ménage !

L’épisode des hôtesses de Miami : ainsi, un quidam complètement inconnu peut louer une salle, faire la publicité nécessaire et organiser en un clin d’œil un concours de recrutement pour des hôtesses d’une compagnie aérienne nationale, à seule fin de détourner l’attention des flics qui le cherchent. On est curieux de connaître le temps nécessaire pour monter une parade de cette envergure !

Un copilote ne pilote pas, DONC un imposteur prend prendre sa place ? Première nouvelle. Le copilote peut être appelé à piloter à tout moment si le commandant de bord est indisponible, ou même si celui-ci a envie de se reposer ; donc on vérifie ses qualifications, ses antécédents, la présence de son nom sur les tableaux de service, etc., et cela, même dans le cas où il se présente simplement pour voyager gratuitement. Porter un uniforme ne suffit pas. Là encore, ça ne tient pas.

L’intérêt de la scène avec la prostituée de luxe est dans le comique de la situation : la fille, en fin de compte, paye pour faire l’amour avec son client. Là, on n’est plus dans le même registre. Ce n’est pas très crédible, mais pas non plus invraisemblable à hurler.

Bilan : l’arnaque la plus probable réalisée par Frank Abagnale, c’est son autobiographie ! Elle me rappelle celle de Papillon.

Un autre correspondant prétendait que le père de Frank Abagnale n’avait commis aucune escroquerie. Or il est dit clairement dans le film que Abagnale senior était un arnaqueur, et que le fisc cherchait à lui faire rembourser les sommes qu’il avait escroquées. Ce pour quoi, il refuse la Cadillac que son fils veut lui offrir.

Quant à dire, comme on me l’a écrit, que le père de Frank « était réglo » puisqu’on ne parlait plus de ses escroqueries, rions... On ne parle plus de lui, donc il est réglo. Ha ha ! C’est comme Idi Amin Dada. Ou Klaus Barbie en Amérique du Sud. Ou le fils Duvallier en France. Ou Georgina Dufoix.

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Ni pour ni contre (bien au contraire)

Samedi 8 mars 2003

Réalisé par Cédric Klapisch

Sorti en France et en Belgique le 5 mars 2003

Nouvelles du front : Cédric Klapisch a voulu « donner un tournant à [sa] carrière », et il est parti dans le décor. Son dernier film, Ni pour ni contre (bien au contraire), est raté. Pourtant, ça commence de façon séduisante, avec Vincent Elbaz qui recrute d’autorité Marie Gillain, une camerawoman indécise, et l’enrôle dans sa bande de casseurs, qui peu à peu va se révéler plutôt comme une bande de bras cassés. On est en pleine fantaisie – même si on ne comprend pas ses motivations : pourquoi lui faire filmer un braquage ? Mais ensuite, disons à partir du milieu du film, on largue la fantaisie pour tomber dans la violence, banale et bête comme dans la plupart des films français qui visent ce créneau. La fin est ultraclassique, quelques centaines de films noirs hollywwodiens l’ont utilisée : c’est la fille qui roule toute la bande et se barre avec le pognon... Première fois que je n’aime pas un film de Klapisch.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

La fleur du mal

Samedi 8 mars 2003

Réalisé par Claude Chabrol

Sorti en Suisse romande le 9 février 2003

Sorti en France le 19 février 2003

Il est bien connu que Chabrol rate toutes ses fins de film, même des meilleurs. Je n’avais pas compris Merci pour le chocolat. Le dernier, La fleur du mal, se résume en une phrase : Suzanne Flon a été acquittée pour un meurtre qu’elle avait commis, elle compense en avouant un meurtre qu’elle n’a pas commis. Chabrol est un type marrant, mais il se fout du monde même quand il tourne.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Plaisirs inconnus

Samedi 8 mars 2003

Réalisé par Jia Zhang Ke

Titre original : Ren xiao yao

Sorti en France (Festival de Cannes) le 23 mai 2002

Sorti en France le 22 janvier 2003

Je viens de voir Plaisirs inconnus, un film chinois, mais pas de Taiwan. Chiant, misérabiliste, interminable.

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Ma vraie vie à Rouen

Samedi 8 mars 2003

Réalisé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 5 août 2002

Sorti en France le 26 février 2003

Finalement, le meilleur film que j’ai vu récemment, c’est Ma vraie vie à Rouen, que je conseille. Les deux réalisateurs, homos et amants, avaient fait Jeanne et le garçon formidable (qui n’était pas si formidable que ça), mais surtout Drôle de Félix. Le film a coûté trois sous, et il est vraiment très bien.

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Copieurs !

Lundi 10 mars 2003

Ça devient pénible : tous les dimanches, quand Le masque et la plume parle de cinéma, les critiques professionnels s’ingénient à dire ce que j’ai noté ici et avant eux. Hier soir, c’était la fête de Cédric Klapisch pour son film Ni pour ni contre (bien au contraire). J’ai eu l’impression, en les écoutant, de me trouver dans le studio d’enregistrement, atteint d’ubiquité...

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Pas si grave

Mardi 11 mars 2003

Réalisé par Bernard Rapp

Sorti en France le 5 mars 2003

Pas si grave, le troisième film de Bernard Rapp, est tout à fait sympathique. Trois anciens gosses de la DDASS, adoptés par un ancien anarchiste espagnol réfugié en Belgique, sont envoyés en « mission » par leur père adoptif dans son pays d’origine, qu’ils ne connaissent pas. Ils feront connaissance ! Mais surtout d’eux-mêmes. C’est à des années-lumière du pauvre ratage de Klapisch.

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Stupeur et tremblements

Vendredi 14 mars 2003

Réalisé par Alain Corneau

Sorti en France le 12 mars 2003

Il paraît que jadis, lorsqu’on se trouvait en présence de l’empereur du Japon (dont l’avant-dernier spécimen, l’affreux Hiro-Hito, fut l’allié d’Hitler), on devait manifester en sa présence « stupeur et tremblements ». D’où le titre du film que j’ai vu aujourd’hui, qui est d’Alain Corneau, d’après un livre d’Amélie Nothomb.

Amélie, Belge née au Japon puis retournée en Belgique, manifeste le désir, devenue adulte, d’y revenir afin de travailler, et se fait engager pour un an dans une grosse firme, comme interprète de français. Hélas, elle commet une grosse erreur en montrant qu’elle est compétente : en servant le café dans une réunion avec des clients étrangers, elle a un mot poli pour chacun, et ses patrons sont très énervés. Une femme, étrangère de surcroît, qui se permet d’« humilier » les hommes, et ses supérieurs, en montrant ses connaissances !

Résultat, on lui interdit désormais de paraître comprendre le japonais. Rappelons qu’elle a été engagée comme interprète !

C’est le début d’une longue série de brimades et d’une dégringolade sans fin dans la hiérarchie. Elle finira comme préposée au papier hygiénique dans les toilettes du building.

À ce qu’il semble, les Japonais croient sérieusement que leur cerveau est très supérieur à celui des Occidentaux. Charmant pays !

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King-Kong (1933) sur Arte

Lundi 17 mars 2003

Fidèle à sa politique de sabotage du cinéma, Arte, hier soir, a diffusé King-Kong en version doublée. Il y a au moins vingt ans que ce film n’était pas passé à la télé hertzienne. Bon, consolons-nous, les cris de Fay Wray n’étaient pas doublés (c’était ses seuls dialogues).

Ce qui frappe, c’est que les images en noir et blanc de 1933 sont bien plus belles que celles du remake en couleurs des années soixante-dix. Autre chose : il me paraît démontré que la réussite artistique d’un film ne dépend pas de la perfection de ses trucages. Le singe géant de 1933 ne ressemble à rien du tout, ses mouvements sont saccadés, mais il est bien plus intéressant comme ça. Les producteurs ont tort de croire que les images numériques dont ils nous abreuvent depuis quelques années tiennent lieu de tout. Quand ça ressemble trop à la réalité, l’émotion est nulle.

En bref : à voir absolument.Haut de la page

La cité de Dieu

Mardi 18 mars 2003

Réalisé par Fernando Meirelles et Katia Lund

Titre original : Cidade de deus

Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2002

Sorti en France le 12 mars 2003

La cité de Dieu est un film intéressant, sur la délinquance juvénile à Rio. Mais il est beaucoup trop long. On a l’impression que le réalisateur veut tout raconter, et l’accumulation d’horreurs finit par nuire au propos. En tout cas, après avoir vu ça, on comprend l’existence des commandos de la mort (je n’ai pas dit que j’approuvais).

À signaler : comme je l’ai déjà mentionné dans mon article sur les sous-titres qui m’a valu de prendre la porte du Fan Club Français de Friends, les rédacteurs des sous-titres supposent a priori que les spectateurs sont trop débiles pour supporter les noms originaux mais bizarres des personnages, alors ils inventent des « équivalences ». Dans La cité de Dieu, le personnage appelé Mané est renommé Manu, par exemple !

En bref : à voir.Haut de la page

Les Oscars

Jeudi 20 mars 2003

Prédiction : Nicole Kidman va se choper un Oscar, et ce sera bien fait pour sa tronche (je dis « sa tronche », car je ne veux pas choquer sœur Emmanuelle – qui me lit certainement – en écrivant « sa gueule »). En effet, dans son dernier film, elle porte un faux nez (Nicole Kidman, pas sœur Emmanuelle), et les journaux ne parlent que de ça. En tout cas, si les journaux parlent d’autre chose en ce moment, je n’ai rien remarqué. C’est classique, quand un acteur veut un Oscar, il s’enlaidit le temps d’un film, et ça marche automatiquement.

À propos, je sais, moi, pourquoi Canal Plus est en grève : c’est pour ne pas retransmettre la soirée des Oscars. Encore de l’antiaméricanisme primaire ! Tout ça me révolte. C’est pourquoi je vous invite à la manif de cet après-midi place de la Concorde. Il faut soutenir nos amis yankees.

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Michèle Morgan

Vendredi 21 mars 2003

Michèle Morgan est invitée dans Le fou du roi, sur France Inter. Qu’est-ce qu’ils lui ont passé comme brosse à reluire ! Le summum fut atteint lorsqu’un abruti, d’habitude mieux inspiré, a prétendu que l’événement le plus important de sa journée, ça a été de la cotoyer pendant une heure et demie.

Il serait temps que quelqu’un se décide à dire que la « grande dame du cinéma français » n’a été vedette que parce qu’elle a joué AVEC des vedettes. Jean Gabin, Gérard Philipe, Pierre Blanchar et quelques autres. Elle-même, dans les films qu’elle tournait, n’y faisait pas grand-chose et n’arrivait pas à la cheville de ses partenaires.

Et puis, essayez de me citer un seul chef-d’œuvre tourné par Michèle Morgan (pitié, ne me sortez pas Le quai des brumes, c’est l’un des moins bons de Marcel Carné).

Autre indice de son manque de discernement : quand on lui demande les films joués par elle et qu’elle préfère, elle cite La symphonie pastorale, qui est un pompeux navet, l’un des pires de la mode qui sévissait à l’époque, celle des adaptations d’œuvres littéraires.

Petit détail marrant : il y a eu, durant quelques années, un magasin de fringues à l’enseigne de Michèle Morgan, dans le centre de Casablanca. Le magasin a fermé, il a fait faillite.

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Sur 2001, odyssée de l’espace

Samedi 22 mars 2003

La première vision de 2001, a space Odyssey procure à la plupart des spectateurs une impression bizarre, qui se traduit par de l’incompréhension. Et pas seulement chez les jeunes. Comment résister au plaisir de reproduire ici intégralement la critique parue dans le numéro 206 des « Cahiers du cinéma » (novembre 1968) ? L’anonyme chargé de la rubrique des films sortis en exclusivité à Paris écrivait ceci : « Va assez loin dans la prétention et la naïveté pour déboucher sur une certaine dimension. Dure assez longtemps, dans chacune de ses phases, pour permettre à cette dimension de prendre une certaine consistance. Et ce n’est pas la moindre étrangeté de ce film que d’avoir coûté tant d’argent pour laisser le spectateur dans un tel état de perplexité ».

Voilà. C’est tout ce que la revue de cinéma la plus célèbre de l’époque a été capable d’écrire sur le film. On va peut-être dire qu’elle était faite par d’obscurs nigauds qui n’y connaissaient pas grand-chose ? Eh bien, voici la liste de ses dirigeants de l’époque : Jacques Doniol-Valcroze (réalisateur), Daniel Filipacchi (co-créateur d’Europe 1), Pierre Kast (réalisateur), Jacques Rivette (réalisateur), Roger Thérond (aujourd’hui patron de « Paris-Match »), François Truffaut (réalisateur), Jean-Louis Comolli (critique), Jean Narboni (critique), Patrick Brion (responsable du cinéma sur France 3, producteur du Cinéma de Minuit, auteur de livres sur le cinéma).

En bref : classique.Haut de la page

Roman Polanski

Samedi 22 mars 2003

Vous avez certainement lu ou entendu dire que Roman Polanski, dont le film Le pianiste a été couronné à Cannes l’an dernier, ne peut pas aller à Hollywood pour assister à la cérémonie des Oscars. La presse, pudique lorsqu’un puissant est en cause, ne vous a pas expliqué pourquoi, et les plus audacieux ont parlé à mots couverts d’une « affaire de viol », sans entrer dans les détails.

Je vais donc entrer dans les détails.

Lorsqu’il résidait aux États-Unis (Polanski, né à Paris, est polonais d’origine), il a été accusé de : viol, fourniture de drogue, adultère, relations sexuelles illicites (je ne sais pas ce que ça veut dire), détournement de mineure, sodomie, plus un septième chef d’accusation que j’ai oublié. En clair, il avait attiré, chez Jack Nicholson absent, une fille de 13 ans, l’avait saoulée, droguée puis violée (par voie anale). Jugé, emprisonné, puis « en permission » pour réaliser un film en Europe, il est resté à l’étranger quand on a voulu lui faire reprendre sa peine de prison. Il a tenté de faire négocier son retour par son avocat. Le marché était : si je rentre aux États-Unis, abandon de toutes poursuites, sauf sur les relations sexuelles illicites. Eh oui, aux États-Unis, la Justice, c’est ça, on peut négocier avec le ministère public pour être accusé de ce qui vous arrange.

Ledit ministère public a refusé l’arrangement, et Polanski, réfugié en France, n’a plus jamais foutu les pieds aux États-Unis. S’il y va, c’est la taule. Oh ! pas longtemps. Il peut payer.

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2001, odyssée de l’espace

Samedi 22 mars 2003

[En réponse à quelqu’un qui ne comprend pas le rôle du monolithe dans 2001 :]

 

C’est dommage, bien sûr, d’avoir buté sur le monolithe (cette phrase ne cache aucune plaisanterie !) dans 2001, car il est la clé de tout. C’est un objet fictif de ce genre qui est à l’origine de l’histoire du film. Kubrick cherchait un sujet d’anticipation, et comme il lisait tout, il est tombé sur une nouvelle d’Arthur Charles Clarke, La sentinelle – que j’ai lue aussi. Il y était question d’un objet abandonné sur la Lune par une civilisation extraterrestre très avancée, qui avait visité le système solaire des milliers d’années auparavant, et qui en était repartie sans porter d’intérêt à l’espèce humaine dans l’état où elle se trouvait alors – c’est-à-dire, à peu près aussi évoluée que George Bush. Les visiteurs avaient fait ce calcul : si un jour cette espèce s’est développée au point d’entreprendre des voyages interplanétaires, c’est forcément par la Lune qu’elle commencera ses explorations. Pour en être avertis, laissons sur ce satellite un objet enfoui qui nous enverra un signal lorsqu’elle le découvrira. Alors, nous verrons.

Dans 2001, non seulement cet objet sert de signal avertisseur (quand, une fois déterré, les rayons du Soleil l’éclairent pour la première fois – scène de la photographie de groupe), mais il sert également de catalyseur pour faire avancer les singes terrestres un peu plus vite que prévu par l’Évolution naturelle. Dans le livre suivant, d’ailleurs, des millions de monolithes recouvrent la surface de Jupiter, qui se transforme en étoile et prend alors le nom (logique) de Lucifer.

On ne peut comprendre la fin de 2001 que si on a lu le livre du même titre écrit par Clarke dans un hôtel de Londres tout au long du tournage, en même temps qu’il affinait le scénario. Et là, tout est très clair, comme disent les neuneus. En fait, Dave ne meurt pas, il renaît (le bébé spatial) et retourne sur Terre, débarrassé de son corps, car, tout comme les extraterrestres, il a atteint le stade où il n’est plus qu’esprit. Il va désormais veiller sur l’espèce humaine, et notamment sur les scientifiques qui vont faire les explorations à venir. Dave apparaît donc dans les romans suivants, en général pour intervenir et tirer d’un mauvais pas les expéditions suivantes parties de la Terre.

Cet aspect métaphysique est dû aux exigences de Kubrick, qui était très branché sur le surnaturel (voir The shining), contrairement à Clarke, qui est un rationaliste. Mais aussi un romancier, ce qui explique qu’il ait accepté les aspects extravagants de l’histoire.

Clarke a écrit cinq romans sur cette aventure. Après 2001, il y a eu 2010, Odyssée deux, une autre histoire d’expédition, russo-américaine cette fois, qui a été filmée par Peter Hyams. Clarke a dit qu’il en était satisfait, mais les cinéphiles sont un peu moins enthousiastes. La réalisation contenait des sottises : on y voyait par exemple un type qui faisait de l’informatique sur une plage, avec un Apple IIc, une bécane qui n’a jamais été portable, et dont on pouvait douter qu’elle serait encore dans le commerce en 2010, presque trente ans après sa mise en vente ! Ce qu’on appelle « le détail qui tue ».

Les autres livres n’ont pas été portés à l’écran. Ce sont Le 20 juillet 2019, une suite de nouvelles qui montrent le monde tel que Clarke le prévoit cinquante ans après la première marche sur la Lune. Puis 2061, Odyssée trois. Et enfin 3001, Odyssée finale. Les progrès techniques accomplis entre-temps ont obligé Clarke à se détourner du roman d’origine, puisque les événements ont contredit ses anticipations sur certains points. Mais 2001, livre et film, restent indépassables.

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Faux nez

Samedi 22 mars 2003

Le faux nez de Nicole Kidman s’est ramassé un Oscar, comme prévu. Elle jouait Cyrano, elle les raflait tous.

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Traqué

Mercredi 26 mars 2003

Réalisé par William Friedkin

Titre original : The hunted

Sorti aux États-Unis le 11 mars 2003

Sorti en France le 26 mars 2003

Aujourd’hui, j’ai vu le dernier film de William Friedkin, Traqué. L’argument est simple, il se réduit à l’affrontement entre deux hommes. L’un est un soldat de commando revenu du Kosovo, l’autre est son ancien instructeur. Le premier, après avoir beaucoup tué, n’est plus capable de s’arrêter, un peu comme Le boucher de Chabrol. Alors il tue des civils, une fois rentré aux États-Unis. Pour le stopper, on fait appel à son ancien instructeur, qui n’a pas d’autre alternative que de le tuer à son tour, au cours d’un duel sanglant dans la dernière séquence.

L’histoire est donc réduite à cela : d’abord je t’apprends à tuer, ensuite, quand tu sors du cadre prévu, je te tue. Il y avait un proverbe qu’on citait beaucoup naguère, Si vis pacem para bellum – si tu veux la paix, prépare la guerre. L’ennui, c’est que les Yankees ne savent pas s’arrêter : ils préparent la guerre, puis ils font la guerre, et, en général, ils perdent la guerre.

Le film est schizophrène, comme disent les intellos ; il prêche la paix en étalant la violence. Dommage, c’est bien fait, et les paysages de l’Oregon sont superbes, mais il est un poil complaisant, comme souvent chez Friedkin.

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés

Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.