Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Hénaut président – The Borgias – Week-end – John Carter – Le monde de Nemo – Wall-E – Avatar – Aux yeux de tous – 2 days in New York – Les autres – Grace de Monaco – Les adieux à la reine – My week with Marilyn – Les piliers de la Terre – Les hommes préfèrent les blondes – Gentlemen prefer blondes – West side story – My fair lady – La mélodie du bonheur – The prince and the showgirl – Le prince et la danseuse – Diamonds are a girl’s best friend – Les adieux à la reine – Le chat du rabbin – Tintin au Congo – Le policier – Young adult – Le fils de l’autre – La vie est un long fleuve tranquille – L’enfant d’en haut – Sweet sixteen – Home – Colonel Blimp – The life and death of colonel Blimp – Sandra – Vague stelle dell’Orsa – Sur la piste du Marsupilami – Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil – I wish – Kiseki – Still walking – Radiostars
Personnes citées : Michel Muller – Olivier Gourmet – Eva Joly – Andrew Haigh – Andrew Stanton – Steve Jobs – Edgar Rice Burroughs – Éric Neuhoff – Cédric Jimenez – Mohammed Merah – Julie Delpy – Chris Rock – Barack Obama – Alejandro Amenábar – Nicole Kidman – Grace Kelly – Olivier Dahan – Rainier Grimaldi – Charles De Gaulle – Benoît Jacquot – Marie-Antoinette – Hans Axel de Fersen – Gabrielle Yolande de Polignac – Xavier Beauvois – Louis XVI – Simon Curtis – Eddie Redmayne – Marilyn Monroe – Howard Hawks – Marni Nixon – Natalie Wood – Audrey Hepburn – Deborah Kerr – Robert Wise – Vivien Leigh – Julia Ormond – Jérôme Garcin – Pierre Bouteiller – Jean-Paul Gaultier – Laurence Olivier – Xavier Leherpeur – Kenneth Branagh – Roger Peyrefitte – Jean-Louis Bory – Hergé – Nadav Lapid – Jason Reitman – Charlize Theron – Lorraine Levy – Emmanuelle Devos – Jules Sitruk – Mehdi Dehbi – Ursula Meier – Martin Compston – Emeric Pressburger – Michael Powell – Luchino Visconti – Claudia Cardinale – Jean Sorel – Alain Delon – Alain Chabat – Jean Yanne – Céline Dion – André Franquin – Romain Levy
Réalisé par Michel Muller
Sorti en France le 21 mars 2012
Michel Muller a été roi de France dans la série The Borgias, il est normal qu’il veuille essayer de devenir président, fût-ce en réactualisant au bon moment une série télévisée qu’il avait déjà réalisée en 2007.
Thierry Giovanni (Olivier Gourmet) dirige une petite agence de publicité. Pierre Hénaut, joué par le réalisateur, est le maire d’une petite ville, plutôt honnête, et qui ambitionne de se présenter à l’élection présidentielle. Il a, pour cela, établi un programme de 333 mesures, qu’il vient soumettre à Giovanni. On ne le prend pas au sérieux, mais comme l’agence périclite, cela donne à son patron l’idée de se lancer dans ce secteur. Or les candidats établis, Eva Joly en tête, l’éconduisent. Il se rabat donc sur Hénaut, le faisant monter dans les sondages par tous les moyens.
Les mœurs bizarres et les méthodes crapoteuses du monde politico-médiatique sont joyeusement passées à la moulinette, et ce n’est pas piqué des vers. Mais enfin, la réalisation est très plate, et le film n’a guère de succès, bien qu’il ne démérite pas.
En 2011, ce sont 272 films qui ont été produits en France, a fait savoir le Centre National du Cinéma il y a une semaine. Par rapport à 2010, l’augmentation est de 4,2 %.
Sur ce total, 207 films sont majoritairement français ; par conséquent, les 65 autres ne sont que des participations minoritaires.
Les investissements, qui se montent à 1,13 milliards d’euros, sont aussi en progrès – de 1,4 % seulement.
Inévitablement et comme d’habitude, on va clamer partout que « le cinéma se porte bien en France », en oubliant ceci : neuf films sur dix quittent l’affiche au bout d’une semaine ou deux, la plupart étant des premiers films subventionnés à perte par le CNC, qui ne passeront même pas à la télévision, et leurs réalisateurs ne feront jamais de deuxième film.
Mieux vaudrait en faire moins, et qui marchent !
Réalisé par Andrew Haigh
Sorti aux États-Unis (Festival South by Southwest Film) le 11 mars 2011
Sorti en France le 28 mars 2012
Russell rencontre Glen dans un bar gay, un vendredi soir. Ils passent la nuit ensemble sans se connaître. Les deux jours suivants, ils font cet apprentissage et se découvrent évidemment très différents, sinon il n’y aurait pas de film : Russell est du genre romantique et peu enclin au coming out, Glen est plutôt lucide, voire cynique, et dit refuser toute relation suivie.
Mais Glen a décidé de partir aux États-Unis, et tous deux se disent adieu sur un quai de gare.
L’essentiel du film est fait de leurs conversations, et j’avoue que c’est un tantinet soporifique. Mais il a ses défenseurs...
Réalisé par Andrew Stanton
Sorti en France, Belgique, Italie et Serbie le 7 mars 2012
Un fameux navet, dédié à Steve Jobs (sic), signé Andrew Stanton, le cinéaste qui, pilier de Pixar (Le monde de Nemo et Wall-E, c’était lui), s’est entiché des romans d’Edgar Rice Burroughs et a réussi à... ruiner Disney avec cette production coûteuse : 250 millions de dollars dépensés pour une recette de 179 millions. Est-ce parce qu’il a voulu diriger des acteurs, ce qu’il n’avait jamais fait avec ses films en images de synthèse ? Est-ce parce que le scénario s’avère confus donc inintéressant ? Est-ce parce que le mélange d’acteurs réels et d’images de synthèse n’a jamais marché qu’avec Avatar qui, malgré ses défauts scénaristiques, est beau à voir, ce qui n’est pas le cas ici ? Est-ce parce que l’action se borne à une succession de scènes de castagne ? Toujours est-il que le spectateur s’ennuie et décroche très vite. Or le film dure deux heures vingt !
La musique, elle, n’arrange rien, c’est la soupe habituelle.
Je n’ai guère de sympathie pour Éric Neuhoff, critique de cinéma au « Figaro », chevalier de la Légion d’Honneur depuis hier au titre de la Culture, mais enfin, même le moins bon peut ne pas se tromper tout le temps. Dans un article de ce journal publié le mercredi 4, il descend en flammes un film que je n’ai aucune envie de voir, Aux yeux de tous, et qui est entièrement composé d’images prétendument captées par des caméras de surveillance. Fausse bonne idée, comme le cinéma en a souvent... Évidemment, le film n’a pas été réalisé ainsi, on a filmé avec une caméra ordinaire, puis on a dégradé les images pour faire vrai, mais peu importe.
Ce qui importe, c’est ceci : son réalisateur, Cédric Jimenez, pas très expérimenté puisqu’il n’a fait, en 2003, qu’un documentaire, joue la comédie médiatique habituelle et prend des poses pour faire la publicité de son film, si bien qu’à la question follement originale qu’on lui pose (« Vous êtes inquiet de l’avenir que nous réserve la surveillance permanente à laquelle sont soumis les citoyens ? »), il a répondu qu’évidemment il était très inquiet – réponse inévitable puisqu’elle était contenue dans la question ! Et de citer en exemple les assassinats de Toulouse et Montauban commis par Mohammed Merah. C’est absurde, bien entendu, car la vidéosurveillance n’était pas la cause de ces atrocités : elle aurait peut-être pu, dans d’autres circonstances, les empêcher, mais c’est tout.
Ce que dit Neuhoff de ces inepties bien-pensantes, c’est ceci, qui concerne exclusivement le cinéma : « Aux yeux de tous tache de renouveler la forme, du Boisset à la sauce geek. L’exercice de style s’empêtre sur le fond. C’est l’éternel problème. En France, personne ne prend la peine d’écrire, de travailler, de trouver des mots qui n’aient pas l’air de sortir du dictionnaire des idées reçues ».
C’est ce que j’écris ici (et même ailleurs) à longueur de pages.
J’avais naguère épinglé Clovis Cornillac pour son esprit rase-mottes. Aucune raison de changer d’avis aujourd’hui, puisque cet acteur – très moyen – vient de proférer au micro de France Inter la bourde fatale.
Au cours de la tournée publicitaire du dernier film dans lequel il sévit, il raconte que, pour ne pas se taper chaque fois la projection de ce chef-d’œuvre, il lui arrivait d’aller voir un autre film pendant la projection du sien, et qu’il est tombé sur John Carter. Je ne vais pas prendre la défense de John Carter, que sans regret j’ai qualifié de « navet », mais enfin, je me suis tout de même un peu renseigné avant d’écrire. Cornillac, de toute évidence, ne s’est pas renseigné avant de parler, puisqu’il a dit à peu près ceci : « Je ne sais pas qui est le type qui a fait John Carter, mais il n’a pas intérêt à se trouver devant Clovis Cornillac » (oui, comme De Gaulle et Alain Delon, Cornillac parle de lui-même à la troisième personne, c’est bien le moins).
Il se trouve que « le type » qui a réalisé John Carter, et qui s’est trompé – on ne dira pas le contraire –, est un cinéaste autrement plus considérable que la totalité des acteurs et réalisateurs français, puisqu’il s’agit d’Andrew Stanton, grand artiste, et réalisateur des films en images de synthèse produits par Pixar, Le monde de Nemo et Wall-E. Le génie de Stanton n’est pas contestable, il lui a seulement manqué un producteur qui le pilote comme autrefois Selznick a tenu Hitchcock d’une main ferme pour l’empêcher de céder à ses lubies, et a fait de lui le grand réalisateur qu’il est devenu.
Mais qui tiendra Cornillac en laisse ?
Réalisé par Julie Delpy
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 23 janvier 2012
Sorti en France le 28 mars 2012
La suite de 2 days in Paris, en beaucoup moins bien. Cette fois le personnage tordu, ce n’est plus le Yankee horrifié par le manque d’hygiène des Français, terrorisé en outre par la perspective de la capitale française ravagée par le terrorisme (sic), personnage qui d’ailleurs a disparu, mais le père de Marion – joué justement par le père de la réalisatrice –, ainsi que sa sœur et l’amant de cette-ci. Bref, une belle brochette de tarés venus de France, qui épouvante le nouveau compagnon de Marion, un Noir travaillant à la radio pour y faire de médiocres émissions-téléphone.
Très vite, le spectateur a conscience que le scénario est en fait un catalogue de tout ce qui, chez les uns et les autres, indispose le camp d’en face. Et comme chaque fois qu’une bonne histoire est remplacée par un système, cela ne dure que quelques minutes ; après quoi, on s’ennuie et on décroche. La fin, seule séquence un peu attendrissante (Julie Delpy évoque sa mère, morte entre les deux films), arrive trop tard.
Les défenseurs du film parleront évidemment de « choc des cultures », mais ce langage de cuistre ne suffit pas à masquer la vulgarité du résultat. Seul Chris Rock, qui joue le Newyorkais dépassé qui compense en parlant à un poster d’Obama, semble un peu humain, tous les autres sont des robots.
C’est décidé, je me lance dans l’industrie de la prédiction. On ne peut pas laisser sous le boisseau les dons qui sont les miens, ce serait du gaspillage.
Il y a plus de dix ans, à l’automne 2001, j’avais écrit une critique du film (pas très bon) d’Alejandro Amenábar Les autres. La vedette en était Nicole Kidman, et j’avais noté à son propos que son personnage s’appelait Grace « afin de mieux souligner l’intention de faire d’elle, l’espace d’un film, la réincarnation de Grace Kelly ».
Or on a su, samedi dernier, qu’elle pourrait incarner Grace Kelly dans le film Grace de Monaco que doit réaliser Olivier Dahan, et dont l’action se déroulera, non pas au moment de son mariage avec Rainier III, mais plus tard, en 1962, au moment où la principauté d’opérette connut quelques ennuis avec De Gaulle.
Inutile de dire que Nicole, qui n’est pas encore intronisée officiellement, avait quelques concurrentes dans la bagarre homérique pour l’obtention du rôle.
En tout cas, c’est moi qui l’ai vue le premier. Normalement, je devrais toucher un petit quelque chose, ou il n’y a pas de justice.
Réalisé par Benoît Jacquot
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 9 février 2012
Sorti en France le 21 mars 2012
Le triomphe de ce film auprès de la critique vient de ce que son réalisateur « a la carte » : jamais vous ne lirez dans un journal ce qu’on devrait en dire si on ne se laissait pas bluffer ; seuls quelques spectateurs déçus se déchaînent dans les commentaires. Et il est vrai que l’idée d’adapter ce roman est plutôt curieuse, car il y avait bien des choses à raconter, et plus intéressantes, sur les trois ou quatre jours qui, à la Cour de Versailles, ont suivi le 14 juillet 1789 !
Mais non, on invente des personnages inexistants (jamais la reine Marie-Antoinette n’a eu de jeune lectrice débutante), des mœurs inexistantes, (jamais la reine Marie-Antoinette n’a eu des amants à la pelle ; pas même un, puisque son idylle avec Fersen reste très improbable), des humeurs inexistantes (jamais la reine Marie-Antoinette ne se serait occupée de telles futilités, cinq semaines après la mort de son fils de huit ans) ; jamais elle n’est tombée amoureuse d’une femme, d’ailleurs incarnée par une actrice un peu trop jeune (la vraie Gabrielle de Polignac, que d’ailleurs on appelait Yolande plutôt que Gabrielle, avait quarante ans cette année-là).
Alors, bien sûr, le costumier s’est surpassé, mais on filme très mal Versailles, la caméra portée ne cesse de faire des zigzags d’un visage à l’autre vu en gros plan, et, si les deux actrices principales sont attrayantes, si Xavier Beauvois incarne Louis XVI avec beaucoup de crédibilité (bêtement critiqué, on l’a trouvé « boudiné »), le scénario n’a rien à raconter.
Et puis, il y a le dialogue ! Il est dû au réalisateur lui-même, qui, comme tout le monde dans le cinéma français, ne connaît RIEN au langage protocolaire en vigueur dans les cours. Comme tout le monde dans le cinéma français, Benoît Jacquot ignore qu’on s’adresse à un roi ou à une reine en lui parlant à la troisième personne, et que jamais, au grand jamais, on ne l’interpelle en lui disant « Votre Majesté » – encore bien moins « SA Majesté », ce qui est ajouter une faute de logique à une faute de tact. Bref, on ne dit pas « Vous faire plaisir est mon plus cher désir, Votre Majesté », mais « Madame, mon plus cher désir est de faire plaisir à Votre Majesté ».
Une fois de plus, l’amateurisme...
Réalisé par Simon Curtis
Sorti aux États-Unis le 9 octobre 2011
Sorti en France le 4 avril 2012
Pour la première fois, Eddie Redmayne, excellent jeune acteur britannique dont je suis la carrière depuis quelques années (il était Jack dans Les piliers de la Terre), est la vedette d’un film, et, comme son personnage se trouve être le narrateur et l’auteur du livre adapté ici, on le voit dans toutes les scènes, davantage que les deux autres vedettes. On ne s’en plaint pas.
Pour tout dire, je me fiche éperdument de Marilyn Monroe, actrice passable et inégale, mais j’apprécie sa voix... que malheureusement on n’entend pas dans le film, puisque son interprète chante à sa place deux ou trois fois et sans grande nécessité, alors que sa voix n’évoque en rien l’originale : Marilyn Monroe possédait un timbre très particulier, inimitable, et elle usait d’un vibrato qui compensait les faiblesses de sa voix dans l’aigu. Cela n’avait d’ailleurs pas toujours suffi, puisqu’elle dut être doublée, dans Gentlemen prefer blondes, de Howard Hawks (en français Les hommes préfèrent les blondes), pour les notes trop élevées de la chanson Diamonds are a girl’s best friend et pour une phrase entière, « These rocks don’t lose their shape ». Celle qui la doubla, c’était la célèbre Marni Nixon, qui fut aussi la voix, excusez du peu, de Natalie Wood dans West side story, d’Audrey Hepburn dans My fair lady, et de Deborah Kerr dans Le roi et moi. Ne cherchez pas Marni Nixon parmi les actrices, elle n’est apparue que dans La mélodie du bonheur, où Robert Wise lui donna un petit rôle de religieuse pour la remercier de son travail dans West side story. Elle y était d’ailleurs très jolie.
L’anecdote du présent film a été racontée dans tous les journaux, inutile donc d’en rajouter, sinon pour préciser que celui dont on nous raconte le tournage désastreux, The prince and the showgirl (en français, Le prince et la danseuse, sorti en 1957), le seul que Marilyn fit en dehors des États-Unis, ne laissa guère de traces dans les mémoires des cinéphiles.
Notons que les principaux personnages sont joués par des acteurs qui ne leur ressemblent pas du tout, le pire étant atteint avec l’interprétation de Vivien Leigh par Julia Ormond. Mais le scénario est bon et l’histoire plutôt touchante, bien qu’on puisse reprocher au film de rester un peu à la surface des choses en ne traitant pas plus profondément le drame de l’actrice, dont la personnalité, on le sait aujourd’hui, est un peu plus complexe que le laissait entendre son comportement aberrant de vedette capricieuse, et adulée pour de très superficielles raisons.
France Inter, chaque dimanche soir, diffuse Le masque et la plume, une émission de critiques (cinéma une semaine sur deux, théâtre et littérature une semaine sur quatre). Elle existe depuis cinquante-cinq ans, mais elle a connu des jours meilleurs, c’est-à-dire avec de meilleurs critiques, tant que Jérôme Garcin ne l’avait pas prise en charge : Pierre Bouteiller en meneur de jeu était bien supérieur à ce danseur mondain, qui n’a pas craint, le 5 juin 2008, de se faire décerner par ses copains un prix littéraire avec 60 000 euros à la clé. Les anciens critiques de l’émission, aussi, dépassaient de loin en compétence ceux qu’on subit aujourd’hui, il suffit d’écouter les enregistrements de l’époque – ils existent – pour en être persuadé.
Hier soir, les quatre critiques ont massacré My week with Marylin. Je n’ai pas, pour ma part, été franchement emballé par ce film, et j’ai laissé entendre que je n’allais voir le film que pour Eddie Redmayne. Mais, tout de même, cette production passable ne méritait pas le sort qu’on lui a fait sur France Inter. Les quatre hurluberlus présents ont tous estimé que la réalisation était « poussiéreuse », sous prétexte que l’histoire se passe en 1956 ou 1957, et qu’évidemment, il a fallu reconstituer cette époque pas si lointaine. Mais c’est cousu de fil blanc, car ce refrain revient quasiment chaque fois qu’il y a reconstitution historique. Pourtant, il y a quelques semaines, la même critique couvrait de fleurs Les adieux à la reine, qui était aussi une reconstitution historique – sur 1789. Interrogeons-nous : dans quel cas une réalisation est-elle poussiéreuse ? Poser la question, c’est y répondre lorsqu’on connaît un peu les mœurs des journalistes : si un réalisateur « a la carte », c’est-à-dire la faveur du boulevard Saint-Germain, comme Benoît Jacquot, en aucun cas sa réalisation ne peut être poussiéreuse ; en revanche, dans tous les autres cas, comme avec Simon Curtis, elle EST poussiéreuse ! Mais alors, qu’aurait-il fallu pour que la réalisation de Simon Curtis ne soit pas poussiéreuse ? Que les voitures de 1956 semblent sortir de chez Toyota ? Que les costumes soient de Jean-Paul Gaultier ? Que les accessoires de cinéma montrés dans les scènes de tournage soient anachroniques et qu’on y emploie des caméras numériques ? Que les acteurs jouent à poil devant des écrans verts ? Que Laurence Olivier s’exprime en verlan ? Que Marilyn Monroe soit lesbienne ?
On a pu entendre également, dans la bouche de Xavier Leherpeur, que Kenneth Branagh, qui joue Laurence Olivier, faisait « un numéro de folle ». Apparemment, pour faire le critique dans Le masque et la plume, il faut être capable, comme dans une auberge espagnole, d’apporter ce que l’on compte trouver dans un film, puisque, à aucun moment, Kenneth Branagh n’effectue un tel numéro. Mais Leherpeur doit être atteint du syndrome Roger Peyrefitte, ce mauvais écrivain qui, homosexuel, voyait des homosexuels partout ! Et, si Leherpeur se livre lui-même à ce genre de numéro chaque quinzaine pour amuser le public et ses collègues, il a tort de croire que cela fera de lui le nouveau Jean-Louis Bory. Qui, lui du moins, défendait une cause et en est mort.
J’avais déjà, en juin dernier, épinglé Leherpeur pour avoir dit, à propos du film Le chat du rabbin, qu’une scène avec Tintin « nous [vengeait] d’abord de tout “Tintin”, et de tout ce colonialisme qu’on essaye encore de nous vanter comme une valeur absolue et positive », sous le banal prétexte qu’Hergé avait inclus, dans son album Tintin au Congo, qui date de 1930 (!), deux images d’inspiration paternaliste. Mais qui nous vengera de Leherpeur, désolant cuistre pas poussiéreux du tout ?
Réalisé par Nadav Lapid
Titre original : Ha-shoter
Sorti aux États-Unis le 9 octobre 2011
Sorti en France le 28 mars 2012
« LE policier » ? Ce singulier est singulier, puisqu’ils sont cinq, formant un commando, équivalent du GIGN israélien. Mais d’abord, une remarque théorique.
Ce film est bâti selon un concept qui n’a du reste rien de très original : deux histoires complètement distinctes se rejoignent à l’épilogue. Or il faut toujours se méfier des films conceptuels, cette notion est à l’origine de bien des navets. La première histoire est celle de ce groupe de policiers très amis et très compétents, qui malheureusement traînent une casserole : au cours d’une intervention, ils ont tué un vieillard et un enfant de douze ans, et un autre enfant, de cinq ans, est resté infirme. Ils conviennent entre eux de mettre toute la responsabilité sur le compte de l’un d’eux, qui est d’accord : en effet, il a une tumeur au cerveau, et, qu’il en guérisse ou qu’il en meure, le procès n’aura pas lieu avant des années. L’autre histoire est celle de cinq jeunes Israéliens révoltés, décidés à enlever et tuer devant les caméras de la télévision trois milliardaires évidemment pourris, le symbole de l’État évidemment fasciste.
À ce résumé, on a compris qu’à la fin, les cinq policiers du début vont attaquer les terroristes ayant réussi leur prise d’otages, et les vaincre. L’un des milliardaires a été tué par celui des terroristes qui ne maîtrisait pas ses nerfs, et qui survivra. Mais cette révélation est si longue à venir qu’elle décourage la patience de qui n’a pas deviné les intentions de l’auteur... ou n’a pas lu le présent article !
Quelques critiques.
D’abord, toutes les scènes s’éternisent. À quoi cela sert-il de nous montrer interminablement les scènes du policier le plus en vue, Yaron, avec sa femme qui est enceinte ? Scènes de famille, scènes de massages de la femme par le mari, scènes de sport collectif, scènes de plaisanteries entre mâles, tout cela est inutile et n’en finit pas.
Ensuite, les deux récits ne se déroulent pas en parallèle. On doit suivre d’abord la description du milieu et de l’existence des cinq policiers avant de faire la connaissance des terroristes en puissance. Résultat : on s’ennuie, parce que ces préliminaires ne laissent pas augurer que l’histoire va changer de direction, et bien des spectateurs sont tentés d’abandonner.
Et puis, ce détail curieux : le père d’un terroriste putatif a découvert les intentions de son fils. Pour l’empêcher de mal faire, il l’enferme dans la salle de bains. Le fils menace alors de se tirer une balle dans la tête. Le père cède, le délivre... et l’accompagne sur les lieux de l’attentat ! Bizarrerie de scénario, et vraisemblance martyrisée.
Seul détail intéressant, les policiers s’attendent à faire la guerre contre « l’ennemi arabe », or il n’y a pas le moindre Arabe dans cette histoire, les bons et les méchants sont tous israéliens !
Inutile de préciser que le réalisateur, né en 1975, est presque un débutant, qui brille surtout par sa naïveté. Avant cela, il n’a écrit et réalisé que deux courts métrages et un long. Le film est correctement réalisé, mais le scénario laisse sceptique.
Réalisé par Jason Reitman
Sorti aux États-Unis le 9 décembre 2011
Sorti en France le 28 mars 2012
La petite ville où elle est née, Mavis l’a quittée pour écrire, mais seulement en qualité de nègre, des romans de quatre sous pour djeunz. Après son divorce, elle y revient, retrouve son ancien amour de jeunesse, et se met en tête de le récupérer. Or il ne pense plus à elle, s’est marié, vient d’avoir un enfant, mais toutes ces évidences ne suffisent pas à ouvrir les yeux de Mavis. Elle échoue, évidemment.
Bien que très jolie, cette désaxée n’inspire pas la sympathie, c’est sans doute le principal handicap du film. Parfois, un personnage central un peu détraqué s’attire la faveur du public. Ici, non. Elle a bien du courage, Charlize Theron, de s’engager dans cette impasse, quand sa carrière bat déjà de l’aile.
Réalisé par Lorraine Levy
Sorti en France (Festival d’Alès) le 23 mars 2012
Sorti en France le 4 avril 2012
Tout le monde l’a signalé, c’est La vie est un long fleuve tranquille, transposé en Israël. Évidemment, ce n’est plus une comédie, mais les scénaristes ont évité que cela tourne au drame, et les deux garçons échangés par mégarde le jour de leur naissance deviennent amis. Mieux, leurs familles respectives ne se font pas la guerre, et jusqu’au frère aîné hostile qui s’amadoue.
Le drame se circonscrit donc aux questions : suis-je encore juif alors que ma mère était musulmane, et puis-je encore prendre parti pour Israël quand je découvre que je suis palestinien ? Dans la vie, on éviterait tous ces tracas en ne disant pas la vérité aux deux garçons, mais l’administration s’en est mêlée, ce qui a tout compliqué. Pourtant, la morale – peut-être un peu courte – de cette histoire, c’est que, si on apprend à se connaître, ces questions se résolvent d’elles-mêmes : on est ce que l’on veut être.
Bons acteurs, surtout Emmanuelle Devos. Jules Sitruk, qui a bien grandi, joue Joseph avec un certain détachement, tandis que Yacine est interprété par celui qui l’éclipse sans mal, Mehdi Dehbi, le plus beau visage du cinéma français... bien qu’il soit belge !
Réalisé par Ursula Meier
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 13 février 2012
Sorti en France le 18 avril 2012
Titre un peu plat pour une histoire qui se passe en Suisse, donc en montagne, dans une station de ski. Simon, 12 ans, vit seul avec sa jeune mère, Louise, qui passe pour sa sœur. Elle multiplie les amants et perd son travail, tandis que Simon fait bouillir la marmite en volant aux touristes des équipements de ski, revendus ensuite comme des occasions (au besoin, il les vieillit un peu, pour la vraisemblance). Il s’associe également avec un jeune Anglais employé sur place, l’excellent Martin Compston révélé il y a dix ans par Sweet sixteen, puis dérobe la montre très chère d’une touriste, anglaise aussi, mais se fait prendre.
Quand on a compris le principe du film, que l’enfant a besoin de tendresse, n’en obtient pas et va jusqu’à l’acheter en payant sa mère pour dormir avec elle, on s’y intéresse un peu moins. La réalisatrice avait fait mieux en 2008 avec Home, réussi dans sa première moitié même s’il déraillait dans la seconde.
Réalisé par Emeric Pressburger et Michael Powell
Titre original : The life and death of colonel Blimp
Sorti au Royaume-Uni le 10 juin 1943, et en France le 1er avril 1953
Ressorti en France le 4 avril 2012
Reprise d’un grand classique britannique sorti à Londres en 1943, dû au fameux tandem Powell-Pressburger : la biographie imaginaire, sur quarante ans, d’un officier britannique, ami d’un officier allemand. Critique ICI.
Demain, on ressort au Champo l’un des films de Visconti, Vague stelle dell’Orsa (ce qui signifie en italien « Vagues étoiles de la Grande Ourse »), diffusé en France sous le titre Sandra. Les deux vedettes, Claudia Cardinale et Jean Sorel, seront présentes, nous dit-on.
Certes, j’entre gratuitement au Champo, mais... je n’irai pas ! J’ai déjà vu le film plusieurs fois, je l’ai en copie numérique, et c’est loin d’être le meilleur de Visconti. Pour tout dire, c’est une histoire d’inceste assez sinistre, en noir et blanc, et qui n’a aucun attrait à mes yeux. Le film, d’ailleurs, n’a guère eu de succès lors de sa sortie, et je prévois qu’il n’en aura pas davantage cette fois.
Et puis, Claudia Cardinale... Elle a été belle, c’est vrai, et c’est une actrice acceptable. Mais elle possède un petit esprit assez médiocre, une intelligence rase-mottes, qui se révèle chaque fois qu’elle est invitée à la radio, comme elle l’a été la semaine dernière sur RTL et aujourd’hui sur France Inter. J’ai déjà signalé, dans mon article sur Le guépard, qu’Alain Delon, son partenaire dans ce film, la surpasse de très loin sur ce plan-là. Il n’est pas l’incarnation de la modestie, c’est vrai ; mais il a des choses à dire, et, intelligent, il sait les dire.
Réalisé par Alain Chabat
Ressorti en France et en Belgique le 4 avril 2012
Dan Geraldo a débuté comme reporter grâce à un reportage bidonné, tourné, non à l’étranger, mais dans le jardin de sa tante ! À ce détail, on voit que Chabat connaît la télé sur le bout des doigts, même si Jean Yanne, dans Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, avait commencé son film de la même façon.
Bref, l’émission que produit son père, à laquelle il collabore, étant en perte de vitesse, et son job menacé, il part en reportage en Palombie, pays de l’Amérique hispanique, dont la devise est « Palompeu, palombien », pays dirigé d’une main ferme par un dictateur si fan de Céline Dion qu’il en a assimilé jusqu’à la chorégraphie. Notre reporter y connaîtra des aventures diverses et mouvementées, et filmera le Marsupilami, animal extraordinaire que le dessinateur belge Franquin a rendu familier à tous les Européens. Hélas, à son retour, la cassette vidéo de son reportage a été effacée accidentellement. Mais le VRAI Marsupilami va surgir in extremis sur le plateau de télévision et lui sauver la mise.
Chabat est l’un des très rares bons scénaristes français, et il possède sur le bout des doigts la technique cinématographique, aussi rate-t-il rarement son coup. C’est encore le cas ici. Même le générique de fin porte sa marque, avec des mentions comme « Aucun Marsupilami n’a été maltraité pendant le tournage », des conseils de visiter Vanves et Montrouge, et le véritable signal de fin : « Le générique est fini, il faut rentrer maintenant ». Signalons que Céline Dion en personne participe à ce générique, et offre d’aller chanter en Palombie si on l’invite ! Ils en ont de la chance, ces Palombiens...
En théorie, je n’ai rien contre les syndicats, mais il faut avouer que, dans ces organisations, la bureaucratie règne. Y compris dans le cinéma.
À vrai dire, les syndicats français ne sont pas tellement paralysants, mais ils le sont dans les pays anglo-saxons. Il y a quelques années, j’avais signalé que Kubrick, par exemple, connu pour tenir souvent lui-même la caméra dans ses tournages, comme Lelouch, n’avait pas le droit, ni aux États-Unis ni en Angleterre, de mentionner cette fonction aux génériques de ses films, car le syndicat des cadreurs (les caméramen) s’y opposait pour concurrence déloyale !
Ce type d’absurdité a été illustré dans le film My week with Marilyn, qui contient une scène intéressante de ce point de vue : nous sommes dans un studio, pendant le tournage du film Le prince et la danseuse, et l’une des actrices, âgée, un peu fatiguée, demande une chaise pour se reposer entre deux scènes. Quelqu’un lui avance une chaise qui fait partie des accessoires utilisés ce jour-là. Tollé sur le plateau ! Le type qui lui a avancé la chaise, non seulement a utilisé un accessoire « qui joue » (c’est ainsi qu’on parle dans ces milieux), mais sa fonction dans les studios lui interdisait de faire autre chose que ce pour quoi il était payé.
Les Soviétiques n’avaient pas le monopole de la bureaucratie.
Réalisé par Kore-Eda Hirokazu
Titre original : Kiseki
Sorti au Japon le 11 juin 2011
Sorti en France le 11 avril 2012
Deux petits garçons japonais de dix et douze ans ont été séparés par le divorce de leurs parents, et vivent dans deux villes différentes. Ils apprennent que les deux villes vont être reliées par un TGV, et se mettent en tête que, s’ils peuvent assister au croisement des deux trains qui en viennent, leurs vœux secrets se réaliseront.
Partis en cachette de leurs familles respectives, mais suivis par leurs copains, ils se retrouvent à sept au point crucial, et c’est la seule séquence vraiment intéressante, car ils sont accueillis par un couple de vieillards dont la fille majeure a quitté la maison, et qui, sans même les connaître, les héberge pour une nuit.
Tout ce qui précède est plutôt languissant et sans grand intérêt, mais les enfants sont bien dirigés, et le plus jeune frère est d’une spontanéité et d’une naïveté rafraîchissante. Mais enfin, mieux vaut revoir Still walking, qui avait une tout autre portée.
Réalisé par Romain Levy
Sorti en France (Festival de L’Alpe-d’Huez) le 20 janvier 2012
Sorti en France et en Belgique le 11 avril 2012
Histoire d’un garçon qui rêvait de réussir sur scène, dans le comique, mais qui est incapable de dire un seul mot dans un micro. Il finira auteur pour un camarade plus aguerri, rencontré dans une de ces radios pour djeunz (diffusions de « tubes » et blagues vulgaires) dont Desproges disait qu’on CROIT y faire de la radio « en soufflant dans un rasoir électrique ».
Le principal intérêt de cette histoire réduite à quasiment rien est dans les rapports entre les personnages, et la meilleure séquence est celle où un rappeur noir prend une guitare et se met à chanter une chanson romantique à mille lieues de son répertoire.
En résumé, peu de choses, mais assez sympathiques.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.