Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : La fille du R.E.R. – Violette Nozière – L’affaire Dominici – Coco – Coco avant Chanel – Tokyo sonata – L’emploi du temps – Clair de lune – Marnie – Jeanne d’Arc – The secret garden – Les hommes préfèrent les blondes – Le roi et moi – An affair to remember – West side story – My fair lady – La mélodie du bonheur – How do you solve a problem like Maria? – Mulan – Le déjeuner du 15 août – Pranzo di ferragosto – Gomorra – Watchmen - Les gardiens – Watchmen – La ligue des gentlemen extraordinaires – To hell – L’armée des morts – Dawn of the dead – Psychose – Duplicity – Frost/Nixon, l’heure de vérité – Frost/Nixon – Da Vinci code – Anges et démons – Bienvenue chez les Ch’tis – Certains l’aiment chaud – Dans la brume électrique – Étreintes brisées – The day the clown cried – Les visiteurs du soir – Falstaff – Quai des Orfèvres – Tralala –Les glorieuses – Mariage royal – Erreur de la banque en votre faveur – Chéri – The queen – Adoration – Family viewing – Dans la brume électrique – In the electric mist – Shining – Let’s make money – OSS 117 : Rio ne répond plus – Vertigo – Saboteur – La mort aux trousses – 17 ans encore – 17 again – Big – Friends – Gran Torino – Million dollar baby – Un monde parfait – Sur la route de Madison – Pale rider – Le maître de guerre – La dernière maison sur la gauche – The last house on the left – Gladiator – Incassable – Mystic river – À bout de course – Running on empty – Les trois singes – Two lovers – My beautiful laundrette – À l’origine – Soudain le vide – Still walking – Aruitemo aruitemo – Nobody knows – Mrs Henderson présente
Personnes citées : André Téchiné – Catherine Deneuve – Odile Barski – Michel Serrault – Claude Chabrol – Gad Elmaleh – Audrey Tautou – Roger Hanin – Georges Marchais – Laurent Cantet – Claude Debussy – Marni Nixon – Alfred Hitchcock – Richard Nixon – Richard Wagner – Arnold Schönberg – Igor Stravinsky – Ingrid Bergman – Margaret O’Brien – Marilyn Monroe – Deborah Kerr – Natalie Wood – Audrey Hepburn – Julie Andrews – Gianni Di Gregorio – Orelsan – Alan Moore – Zak Snyder – George Romero – Gus Van Sant – Alfred Hitchcock – Richard Nixon – Ron Howard – Dan Brown – Richard Nixon – David Frost – François Mitterrand – Charles De Gaulle – Michel Ciment – Bertrand Tavernier – Pedro Almodóvar – Charles Chaplin – Jerry Lewis – Claude Bolling – Anton Diffring – Pierre Étaix – Federico Fellini – Armand Mestral – Serge Gainsbourg – Marcel Carné – Orson Welles – Harry Saltzman – Henri-Georges Clouzot – Suzy Delair – Francis Lopez – Stanislas-André Steeman – André Roussin – Fred Astaire – Jean Renoir – Sergueï Mikhaïlovich Eisenstein – Friedrich Wilhelm Murnau – Stephen Frears – Colette – Michelle Pfeiffer – Rupert Friend – Kathy Bates – Atom Egoyan – Devon Bostick – Noam Jenkins – Arsinée Khanjian – Bertrand Tavernier – Tommy Lee Jones – Stanley Kubrick – Saddam Hussein – Nicolas Sarkozy – Alfred Hitchcock – Zak Efron – Leonardo DiCaprio – Tom Hanks – Matthew Perry – Clint Eastwood – Dennis Iliadis – Wes Craven – Spencer Treat Clark – Bruce Willis – Sydney Lumet – River Phoenix – Hugh Jackman – Martin Scorsese – James Dean – Isabelle Huppert – Jeanne Moreau – Asia Argento – Dario Argento – Penelope Cruz – Shu Qi – Robin Wright Penn – Sean Penn – Nuri Bilge Ceylan – Lee Chang-dong – James Gray – Hanif Kureishi – Marie-Noëlle Tranchant – Barack Obama – Quentin Tarantino – Ken Loach – Pedro Almodóvar – Ang Lee – Lars von Trier – Alain Resnais – Sabine Azéma – Jacques Audiard – Niels Arestrup – Xavier Giannoli– Gaspard Noé – Kore-Eda Hirokazu
Réalisé par André Téchiné
Sorti en Allemagne (European Film Market) le 6 février 2009
Sorti en France, en Belgique et aux Pays-Bas le 18 mars 2008
Au fond, ce que Téchiné réussit le mieux, davantage que ses histoires, c’est la description des rapports entre les personnages, et leurs conversations. Avec ce bémol : pas TOUS les personnages ! Surtout ceux qu’il connaît, les bobos, c’est-à-dire la classe sociale à laquelle il appartient de toute évidence. Voyez plutôt l’abondance de ce type de caractère dans ses films. Il a certes le droit, mais le public a aussi le droit de rester indifférent. Si bien qu’on s’intéresse à son dernier film tant qu’il expose la situation de départ dans la première partie, titrée « 1. Les circonstances », mais la seconde, « 2. Les conséquences », intéresse moins. Et dès qu’il s’éloigne de ce milieu qui lui est familier, dès qu’il s’attelle à nous montrer l’existence de quelqu’un du peuple, comme cette femme qui gagne sa vie en gardant des enfants (jouée par Catherine Deneuve), il rate son coup.
L’échec de ce film tient aussi à sa scénariste ; en l’occurrence, Odile Barski, scénariste de télévision (rappelez-vous L’affaire Dominici, sur TF1, avec Michel Serrault), romancière, responsable des histoires que filme Claude Chabrol depuis Violette Nozière – Chabrol, dont on sait avec quelle constance il sabote toutes ses fins. Comment introduit-elle dans ce scénario le fait divers qui a remué pendant quelques jours les médias et jusqu’à la présidence de la République ? Par une astuce vaseuse : Jeanne, dont le petit ami vient d’être expédié à l’hôpital par un voyou vendeur de drogue, voit à la télévision une séquence qui lui semble impliquer que « les Juifs » se serviraient de la Shoah pour se faire plaindre (je caricature un peu, on s’en doute, mais la fille n’est pas d’une intelligence lumineuse), et donc simule une agression antisémite contre sa personne – alors qu’elle n’est pas juive. Peu convaincant ! Si bien que le film connaît un flop mérité.
Il semble, à en croire les affiches, que la cocaïne soit la principale inspiratrice des cinéastes français, en ce moment. Après le Coco de Gad Elmaleh, on annonce un Coco avant Chanel, avec Audrey Tautou (elle nous manquait...). C’est pourquoi tous les espoirs nous sont permis : on va sans doute avoir un Coco Bel Œil, avec Roger Hanin, un Coco rico, biographie d’un trafiquant cubain, et As-tu bien déjeuné Coco ?, sur la vie de Georges Marchais, toujours avec Roger Hanin, mais derrière la caméra. Trouvez-en d’autres...
Réalisé par Kiyoshi Kurosawa
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2008
Sorti au Japon le 27 septembre 2008
Sorti en France le 25 mars 2009
À Tokyo, un cadre administratif est mis au chômage, en dépit du fait qu’il donne satisfaction ! Il n’ose pas le dire à sa famille, comme dans L’emploi du temps, le film de Laurent Cantet, mais en arrive bientôt à se nourrir à la soupe populaire. C’est d’ailleurs un homme excessivement autoritaire : il interdit à son fils aîné de s’engager dans l’armée des États-Unis pour aller combattre au Moyen-Orient (le film prétend que c’est possible, mais cela a été démenti), et à son jeune fils de douze ans d’apprendre le piano. Inutile de dire qu’ils n’en feront qu’à leur tête, l’aîné partira et décidera, même démobilisé, de rester aux États-Unis ; quant au plus jeune, il se révèle un virtuose du piano, et on aura droit en épilogue au Clair de lune de Debussy, qu’il joue in extenso (pour une fois, on a pris un jeune interprète qui joue réellement de cet instrument, ce qui nous change agréablement). Du reste, c’est une constante de cette histoire : les trois jeunes qu’on y voit se rebiffent tous contre leurs parents ou leurs professeurs.
Le film bénéficie d’une réalisation soignée, et sa première moitié est tout à fait réussie ; la seconde l’est moins, car on a l’impression que le scénariste a changé entre-temps, produisant un fourre-tout bourré avec n’importe quoi, notamment cet épisode de la mère qui part en fugue avec un cambrioleur qu’elle a surpris chez elle. Heureusement, on retombe sur ses pieds avec l’audition de l’enfant, qui convainc enfin le père que son fils n’est pas un bon à rien, et que, donc, son autorité n’a pas servi à grand-chose. C’est d’ailleurs l’un des étonnements qu’apporte le dialogue : la mère, après une raclée qu’il a administrée à son fils, dit au père « J’emmerde ton autorité ! ». Les femmes japonaises commenceraient-elles à évoluer ?
Samedi, pas de film en salle pour cause de foule. Alors, une petite curiosité. Connaissez-vous Marni Nixon ? Je parie que non. Ce prénom évoque un film d’Hitchcock, mais ça n’a rien à voir. Son nom évoque aussi qui vous savez, mais, là encore, aucun rapport avec la Maison-Blanche et la chasse aux sorcières.
En fait, c’est une chanteuse, Margaret Nixon McEathron. Plus précisément une soprano, née le 22 février (comme Chopin vu du côté polonais ; en France, c’est le 1er mars ), mais en 1930, à Altadena, en Californie. Elle a d’abord été une enfant actrice et une soliste dans la chorale Richard Wagner, et, comme elle était capable de chanter aussi bien l’opéra que la chanson légère, elle a, non seulement enregistré des chansons, mais également interprété Arnold Schönberg et Igor Stravinsky.
Puis le cinéma fait appel à elle. En 1948, à dix-huit ans, elle fait la voix des anges dans Jeanne d’Arc (avec Ingrid Bergman), et double Margaret O’Brien l’année suivante dans The secret garden. En 1953, elle est appelée à doubler Marilyn Monroe dans Les hommes préfèrent les blondes, mais seulement pour chanter les notes aigües, que la blonde vedette n’arrive pas à émettre ! En 1954, elle débute sur scène, à Broadway, dans un spectacle qui tient deux mois, mais rien n’en sortira. Heureusement, si l’on peut dire, l’année suivante, la chanteuse qui devait doubler Deborah Kerr dans Le roi et moi, prévu pour 1956, se tue en voiture en Europe ; elle est remplacée par Marni, qui est lancée, cette fois ! Elle va encore doubler Deborah Kerr en 1957 dans le mélo An affair to remember.
En 1961, elle est la voix de Natalie Wood dans West side story, pas moins ! Puis celle d’Audrey Hepburn dans My fair lady, en 1964. En 1965, elle apparaît enfin à l’écran dans La mélodie du bonheur, non pas pour doubler Julie Andrews, à qui elle ressemble un peu et qui n’a aucun besoin d’être doublée puisque c’est une excellente chanteuse, mais pour faire une religieuse, qui n’a que quelques lignes à chanter dans la chanson How do you solve a problem like Maria? Cette unique apparition était un cadeau de Robert Wise, qui réalisait le film, pour la remercier d’avoir été excellente dans West side story.
Elle quitte le cinéma dans les années soixante et ne se produit plus que sur scène et dans des cabarets, malgré une dernière participation dans Mulan, en 1998. Mariée, trois fois mère de famille, elle vit toujours.
Réalisé par Gianni Di Gregorio
Titre original : Pranzo di Ferragosto
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 2 septembre 2008
Sorti en France (Festival de l’Alpe d’Huez) le 22 janvier 2009
Le réalisateur et l’acteur principal, Gianni Di Gregorio, fut le scénariste et l’assistant-réalisateur de Gomorra. Une petite précision n’ayant rien à voir avec le cinéma, cette fête mentionnée dans le titre original, Ferragosto, qui a lieu en Italie le 15 août, est sans rapport avec la prétendue assomption de la « vierge » Marie, puisqu’elle était déjà en vigueur (la fête, pas la sainte mère de Dieu) sous l’Empire romain, pour honorer les dieux de l’époque, et plus particulièrement une déesse, Diane.
Le film n’est pas sans qualités, dont la première est qu’il ne dure qu’une heure un quart. Le personnage central, qui a des difficultés à payer ses charges de copropriété, accepte, en contrepartie d’une diminution de sa dette, de garder la mère du syndic pour la fête du 15 août. Mais de fil en aiguille, ce n’est pas une vieillarde qu’il devra garder, loger, nourrir et distraire, mais quatre, sa propre mère comprise ! Le principe est donc assez drôle.
La vérité oblige à dire qu’à force de ne voir que des personnes âgées, capricieuses et qui perdent un peu la tête, le spectateur, déjà engourdi par une musique lugubre à base de violoncelle (on croyait que seuls les films français donnaient dans cette tendance), n’éprouve bientôt plus qu’une envie : voir des rappeurs (suggérons Orelsan), et entendre quelques lycéens proférer leurs sempiternels « C’est clair ! » et « Génial ! ».
Réalisé par Zak Snyder
Titre original : Watchmen
Sorti au Royaume-Uni le 23 février 2008
Sorti en France le 4 mars 2009
Film tiré d’une bande dessinée d’Alan Moore, déjà adapté au cinéma avec La ligue des gentlemen extraordinaires et To hell ; or Moore est si peu satisfait de ce qu’on a fait à partir de son travail qu’il a désapprouvé par avance tout ce qu’on ferait sur Watchmen, de sorte que son nom n’est pas mentionné au générique !
En fait, on a ici un film réalisé par Zak Snyder, qui avait débuté avec le remake (en français, L’armée des morts) de Dawn of the dead, deuxième film de George Romero sur les morts-vivants – on n’avait pas modifié, en anglais, le titre d’origine. Ce n’était pas nul, mais où était l’intérêt, hormis le fait que c’était très peu gore ? (Il est vrai que le très surfait Gus Van Sant a bien commis un remake de Psychose, le chef-d’œuvre d’Hitchcock, sans que quiconque comprenne le pourquoi du comment)
Beaucoup trop longue (2 heures et 42 minutes), cette pellicule pour nerds, geeks et boutonneux repose sur un déluge de trucages numériques parfois assez beaux, et sur une seule idée : le personnage d’Adrian Veidt, dont on aura du mal à déceler si c’est un gentil ou un méchant, provoque des meurtres dans la communauté des super-héros dont les États-Unis sont si friands, à seule fin de faire croire au monde entier qu’une menace terrifiante pèse sur la planète ; si bien que le président des États-Unis (c’est Nixon, qui en est à son cinquième mandat !) et le chef suprême de l’Union Soviétique conviennent de mettre de côté leurs différends et de ne plus s’affronter. Ainsi, la menace d’une guerre nucléaire mondiale disparaît comme par magie ! Très malin, on aurait dû essayer.
Le scénario n’est pas stupide, mais il y a beaucoup trop de trucages, dont on commence à être saturés, par conséquent blasés. Le film est par ailleurs bourré de références à des personnages réels qu’on ne reconnaît pas, car les acteurs ont été mal choisis : quelqu’un a-t-il repéré Mick Jagger ? Et les personnages principaux, non seulement sont des super-héros inconnus en France (qui a jamais entendu parler de Miss Jupiter ou du Docteur Manhattan ?), mais sont tous joués par des acteurs quasi-inconnus.
Et puis, je n’ai pas compris pourquoi le tout-puissant Docteur Manhattan, personnage tout bleu et complètement nu, porte dans certaines scènes un slip noir très laid. Si ailleurs il montre l’intégralité de ses charmes non négligeables, pourquoi les dissimuler parfois ?
Réalisé par Tony Gilroy
Sorti en Espagne le 18 mars 2008
Sorti en France le 25 mars 2009
J’en demande bien pardon à Julia Roberts, mais ce film dont toute la presse a seriné qu’il marquait son « retour » (pourquoi ? Elle était partie ?), est un pitoyable navet. La belle Julia et Clive Owen jouent des espions – industriels, pas politiques – et, travaillant dans des camps opposés, multiplient les coups fourrés l’un envers l’autre, bien qu’amoureux depuis leur première rencontre. On a vu cela cent fois. Il s’avère en outre que l’enjeu est un vulgaire traitement contre la calvitie ! Mais cette révélation survient un quart d’heure avant la fin du film, et franchement, on n’y croit pas une demi-seconde.
En réalité, le spectateur ne comprend strictement rien à l’intrigue et aux péripéties, et, malgré un dialogue qui veut être drôle, est vite égaré par les multiples écrans partagés, les trop nombreux retours en arrière, et anesthésié par la platitude de la mise en scène. Un seul morceau de bravoure, quand Julia Roberts n’a que vingt minutes pour trouver un photocopieur afin d’envoyer à ses complices, restés à l’extérieur de l’immeuble, la formule miracle qui fera le bonheur des chauves. Ce genre de séquence, aussi facile à concevoir qu’à réaliser puisque tout repose sur le montage alterné, est complètement démodé, pour une raison bien simple : on n’a jamais vu, au cinéma, le personnage se faire prendre alors qu’il est en train, pressé par le temps, de commettre ce genre d’action ; il y parvient toujours à la dernière seconde, et le public le sait parfaitement.
Réalisé par Ron Howard
Titre original : Frost/Nixon
Sorti au Royaume-Uni (Festival de Londres) le 15 octobre 2008
Sorti en France le 1er avril 2009
Ancien acteur, Ron Howard est aujourd’hui metteur en scène de cinéma, et, à ce titre, il n’a réalisé aucun chef-d’œuvre ni aucun navet – bien que certains considèrent comme tel son Da Vinci code, qui va d’ailleurs avoir un avatar dans quelques jours avec Anges et démons, toujours d’après un roman de Dan Brown. Mais cette fois, avec Frost/Nixon, il a réussi un film qu’on doit absolument voir, car il touche à l’un des épisodes les plus importants de la vie politique aux États-Unis au cours du siècle précédent, à savoir la chute du président Nixon le 8 août 1974.
L’histoire est authentique : en 1977, l’animateur de variétés télévisées David Frost – aujourd’hui Sir David, comme quoi la télévision mène à tout –, un peu en perte de popularité (il travaillait en Grande-Bretagne et en Australie), eut l’idée curieuse de vouloir faire une interview, en quatre parties d’une demi-heure chacune, de Richard Nixon, qui avait été contraint de démissionner après avoir fait espionner le Parti Démocrate dans l’immeuble du Watergate, à Washington. Ce n’est d’ailleurs pas pour ce méfait qu’il a été « empêché » (le terme employé, à cause de la procédure d’empeachment), mais pour avoir menti en essayant d’étouffer cette affaire somme toute banale – et qui nous ferait bien rire, chez nous, en France, sachant que Nixon a espionné dix-sept personnes pour raison d’État, quand Mitterrand en a fait espionner des centaines à seule fin de protéger sa fille, donc pour un motif privé, et de satisfaire ses instincts malsains de vieillard libidineux ! Et, bien entendu, n’a pas été inquiété le moins du monde...
Bref, comme il fallait l’escompter, ce film de deux heures décrit les préparatifs, puis le déroulement de ces quatre interviews, qui eurent une audience extraordinaire et se terminèrent, contre toute attente, par la défaite du vieux briscard, obligé de reconnaître qu’il avait « trahi » le peuple des États-Unis.
Le texte, qui vient d’une pièce de Peter Morgan jouée par les mêmes acteurs que le film (Michael Sheen et Frank Langella, lesquels ne ressemblent d’ailleurs pas du tout aux personnages réels), est épatant, la mise en scène le sert comme il convient, et tous les interprètes sont à la hauteur du projet. Au risque de radoter, il faut souligner qu’en France, nous sommes incapables de produire ce genre de film. Pourtant, les sujets ne manquent pas, et presque tous nos présidents, à commencer par le cher De Gaulle qui a sacrifié sans scrupules des dizaines de milliers de harkis, froidement envoyés à la mort, et dont on a fait chez nous une quasi-divinité, mériteraient d’être eux aussi mis sur la sellette, ne serait-ce que par le biais d’un film – puisqu’une loi opportune interdit de les juger durant leur mandat, et qu’on n’ose pas le faire après...
Interrogé par « Le Figaro », qui publie sa réponse le lundi 6 avril, Michel Ciment, critique souvent cité ici, donne sa définition du film classique, un mot qu’on utilise à tort et à travers dans les journaux et radio-télés – presque autant que « film-culte » : c’est, dit-il, « un film qui a marqué son époque, est associé à un grand nom (réalisateur, acteur) et traverse les décennies sans vieillir. Il faut aussi qu’il bénéficie d’une sorte de consensus ». Et il ajoute, in cauda venenum, que Bienvenue chez les Ch’tis n’a rien à voir avec Certains l’aiment chaud !
Malheureusement, Ciment se contredit aussitôt en affirmant que Dans la brume électrique, de Bertrand Tavernier, et Étreintes brisées, de Pedro Almodóvar, vont devenir des classiques ! Qu’en sait-il ? ces films ne sont pas encore sortis !
Ce doit être ça, traverser les décennies sans vieillir !
Il arrive parfois qu’on meure d’envie de revoir un film qu’on a aimé, or c’est impossible, car le film est devenu invisible. Par par magie, mais pour de sordides histoires, qui tiennent, soit à l’esprit de lucre, mais à la mesquinerie.
À la première catégorie ont longtemps appartenu les films de Chaplin. Après s’être retiré en Suisse, le cinéaste, qui avait pris la précaution de racheter tous ses films et en était devenu le seul et unique propriétaire – ce qui est rarement le cas chez les créateurs –, situation normale d’ailleurs, mettait ses œuvres sous séquestre et ne les laissait plus ressortir sur les écrans qu’en échange d’une « montagne de fric », comme l’avait écrit à l’époque « Le Canard enchaîné ». D’autre part, c’est souvent pour des bisbilles entre les propriétaires légaux que certains films ne ressortent pas... ou ne sont JAMAIS sortis. Ainsi, pour un conflit avec la production, le dernier film de Jerry Lewis, tourné en Suède en 1972, The day the clown cried, n’a été vu par personne ! Y jouaient notamment Jerry lui-même, Claude Bolling, Anton Diffring (célèbre acteur allemand qui tenait souvent des rôles d’officier nazi), Pierre Étaix (auteur génial, très admiré de Jerry et de Fellini), Armand Mestral et Serge Gainsbourg. Ce film avait donc un intérêt historique. Également « retenu » durant des années, Les visiteurs du soir, de Marcel Carné, film qui, heureusement, après accord entre les héritiers, va enfin sortir en DVD le 27 mai prochain. Mais on ne reverra pas de sitôt Falstaff, d’Orson Welles, parce que, dit-on, la veuve du producteur Harry Saltzman, également producteur des James Bond, y est opposée. Il va falloir attendre qu’elle meure, en espérant que ses héritiers seront moins obtus.
Et puis, il y a des histoires plus pittoresques. Ainsi, le grand film de Clouzot, Quai des Orfèvres (celui où Suzy Delair chantait Tralala, qu’avait composé Francis Lopez), a été bloqué par la veuve de Stanislas-André Steeman, auteur du livre, parce qu’un journal avait écrit que le réalisateur avait fait « un chef-d’œuvre à partir d’un mauvais roman », ce qui n’était pas faux. Vengeance de femme... Cela fait penser irrésistiblement à une réplique d’André Roussin dans sa pièce Les glorieuses : « Lorsqu’un général meurt, est-ce que l’on confie ses troupes à sa veuve ? ».
Le public, parce que cela ne l’intéresse pas vraiment, et les journalistes, par paresse car ils ont au contraire le devoir de s’informer avant d’informer les autres (comme ils croient le faire), confondent fréquemment numérique et haute définition. Cela, parce que les films en vidéo sont aujourd’hui de plus en plus vendus en numérique ET en haute définition par le moyen du Bluray. Or, s’il est justifié de dire qu’un film va sortir en numérique, il est parfaitement stupide d’affirmer qu’il va « ressortir en haute définition ».
Pourquoi ? Parce que tous les films, dès leur fabrication, sont déjà en haute définition. La définition d’une image (et d’un film) se comprend comme le nombre de points – les pixels – qui la composent. En vidéo et à la télévision, ce nombre est relativement faible. Pour la télévision et le DVD « normal », on compte 720 points en largeur et 576 points en hauteur, y compris pour la télévision 16/9, où les points sont simplement étirés dans le sens de la largeur (« anamorphosés »). Pour les nouveaux Bluray, on compte 1280 points en largeur et 720 en hauteur pour le premier format – dit HDTV –, ou 1920 points en largeur et 1080 en hauteur pour le second format – dit HDTV 1080p – ; là, les points n’ont pas besoin d’être anamorphosés pour occuper la largeur en 16/9, le compte y est (faites le calcul !). De sorte que, plus on compte de points pour la même largeur (ou hauteur), plus ils sont petits, donc les détails sont plus fins. Or les films, qui sont impressionnés sur pellicule, sauf certains des plus récents, possèdent par nature une définition variable (cela dépend de la pellicule), mais toujours supérieure aux données chiffrées que je viens de citer. On ne peut pas améliorer cette définition une fois que la pellicule est impressionnée, elle ne peut que diminuer si les divers traitements effectuée par la suite sont médiocres ; par exemple, si l’on tire une copie, non pas à partir du négatif d’origine, mais à partir d’un contretype (une copie d’un positif), voire un contretype d’un contretype ! Ça s’est vu. Et on a vu aussi des DVD fabriqués à partir d’une bande VHS, dont la définition verticale ne dépasse guère les 200 points en hauteur ! Par exemple Mariage royal, avec Fred Astaire – une belle escroquerie.
En revanche, projeter un film en numérique est un progrès sur les conditions habituelles des projections en salle. Parce que la pellicule n’est pas utilisée – puisque le film est stocké sur disque dur –, on ne peut pas avoir les cassures dues à l’usure ou la maladresse, pas plus que les inévitables rayures qui finissent par rendre la bande inutilisable. En outre, les sous-titres sont traités dans un fichier à part, et peuvent être projetés, ou pas, et leur langue peut être changée. Qui a vu le même film en numérique et en projection sur pellicule ne peut pas ne pas remarquer la différence ! Hélas, les salles équipées en projecteurs numériques sont rares, car le matériel est encore coûteux. À Paris, laissez tomber les salles traditionnelles, et allez voir les films au Max-Linder !
Chez nous aussi bien que dans les autres pays, si vous êtes par exemple distributeur de cinéma, et que vous désirez exploiter un film, vous devez acheter les droits auprès de ceux qui l’ont conçu et fabriqué. Ces droits vont au producteur, au scénariste, au réalisateur, éventuellement à l’auteur du livre si le film est tiré d’une œuvre pré-existante ; en général, ils sont valables pour trente ans.
Si les ayant-droits naturels sont morts, il faut évidemment traiter avec les héritiers de chacun, et c’est parfois plus difficile (voir la notule précédente, Blocage par les héritiers).
Et puis, il faut compter avec les procédés qui n’existaient pas au moment de la fabrication du film. Il va sans dire que Renoir, Eisenstein ou Murnau n’ont jamais réclamé de droits sur l’exploitation en VHS, en DVD ou en Blu-Ray ! Encore moins en VOD (la vidéo sur demande, exploitée de plus en plus par les chaînes de télévision). Là, les négociations avec les héritiers relèvent du marchandage dans les souks de Marrakech, car chacun espère tirer le maximum des droits qu’il possède, surtout quand le procédé est nouveau comme le Bluray.
Enfin, un ayant-droit peut tout simplement refuser de vous céder les droits, pas par respect de l’œuvre, mais parce qu’il espère les revendre à Hollywood, où l’on est friand de remakes !
Réalisé par Gérard Bitton et Michel Munz
Sorti en France le 8 avril 2009
Le titre est fantaisiste, car il n’existe aucune erreur de la banque en faveur de qui que ce soit dans cette histoire de délit d’initiés. Mais enfin, avec un film où les banquiers spéculateurs sont les méchants et sont punis à la fin, le succès est quasi-obligatoire.
Scénario simple et compréhensible, même s’il n’est pas crédible. En effet, comment pourrait-on croire que cet aréopage décoré puisse sans arrêt échanger des secrets d’initiés dans une salle à manger alors que seule une porte battante les sépare de la cuisine où s’affaire le vulgum pecus ? Mais enfin, ce n’est pas un documentaire, le public est donc prié d’y croire.
Quelques répliques bien trouvées, comme celle-ci : « Travailler plus pour gagner plus, on n’a jamais dit que ça s’adressait aux mêmes ! ». Et l’avertissement du début, dans le style « Cette histoire se passait il y a très longtemps, quand les magouilles bancaires n’étaient pas encore punies par la loi. Aujourd’hui, ce ne serait plus possible »... Aussi, cette perle de cynisme : un banquier voit dans la rue un sans-logis avec une pancarte disant « J’ai faim » ; il regarde sa montre et dit « Tiens, c’est vrai, bientôt midi ! ». On ne fait pas plus vachard.
Pour une fois, une comédie en France ne fait pas eau de toutes parts. Tout de même, on aurait aimé quelque chose de plus solide et de plus virulent. Mais les acteurs sont très bien et semblent s’amuser.
Réalisé par Stephen Frears
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 10 février 2009
Sorti en France, en Belgique et au Royaume-Uni le 8 avril 2009
Risquons une platitude : les films de Stephen Frears se suivent et ne se ressemblent pas. Si The Queen était extraordinaire de justesse et de pertinence, il n’est pas certain que Chéri, adapté d’un roman de Colette, s’impose par sa nécessité ! Je ne suis pas persuadé, en effet, que cette histoire garde encore un brin d’intérêt : une « cocotte », comme on disait, de la Belle Époque française, est pourvue d’un fils de 19 ans à la vie oisive et dissolue. Pour le redresser, elle le confie à une ancienne rivale proche de la retraite. Hélas, cela rate : au lieu d’en faire un homme, car le cher Fred est d’une passivité rare, elle en tombe amoureuse. Plus surprenant, ce sentiment est réciproque, et lorsque, six ans plus tard, sa mère organise son mariage, il ne s’y fait pas et rejoint sa « vieille maîtresse ». Mais, après une courte reprise de leur folle passion, elle le renvoie à sa femme. Plus tard, il part à la guerre, en réchappe, et finit par se suicider.
C’est très décoratif, mais on peine à suivre le labyrinthe de ces sentiments compliqués, qui n’ont plus cours. Alors, il reste Michelle Pfeiffer, très belle quoique peu crédible dans le rôle d’une prostituée, le garçon, Rupert Friend, pas trop mauvais mais parfois ridicule quand il force le côté neuneu de son personnage, et Kathy Bates dans le rôle de la mère, royale comme toujours et qu’on voit trop peu.
Le film est très décoratif, mais il faut avoir le cran de dire qu’on s’y ennuie passablement.
Réalisé par Atom Egoyan
Sorti en France (Festival de Cannes) le 22 mai 2008
Sorti en France le 15 avril 2009
Sorti au Canada le 24 avril 2009
Se méfier des journaux et des sites consacrés au cinéma, qui, souvent sur la foi de dossiers de presse lus en diagonale, vous fournissent un pitch, comme il faut dire aujourd’hui, n’ayant rien à voir avec le film. Ainsi dans « Le Canard enchaîné » de ce jour : « À Toronto, Simon, jeune lycéen, raconte à sa classe qu’il vient d’apprendre une nouvelle stupéfiante : son père avait envoyé sa mère, enceinte de lui, sur un vol de la compagnie El Al, avec une bombe dans son bagage à main, qui n’a heureusement pas explosé ». Et « Le Canard » d’embrayer sur le rôle d’Internet et sa façon de jouer avec la vérité... Or cette sensationnelle histoire, destinée à nous mettre l’eau à la bouche, est fausse, Simon, bien qu’omniprésent, ne joue aucun rôle dans la véritable histoire, les chats sur Internet ne sont qu’un élément de l’habillage du récit, et tout tourne autour de ceci : les préjugés haineux d’un Canadien xénophobe envers le mari arabe de sa fille, qui ont indirectement causé la mort accidentelle du couple.
Le film, inévitablement construit sur une série de retours en arrière puisque les personnages importants sont morts dès le départ, commence un peu comme Family viewing, l’un des meilleurs d’Atom Egoyan, réalisateur d’origine arménienne qui vit au Canada, souvent intéressant quoique inégal – ce qu’on vérifie ici. Il faut avouer qu’Adoration est plutôt confus, et que son scénario part dans tous les sens, de sorte que c’est un échec manifeste : le jour de la sortie, à quatorze heures, nous étions cinq dans la salle, et l’un des spectateurs est parti en cours de projection.
Reste le savoir-faire de l’auteur et l’attrait des acteurs, dont Devon Bostick, interprète de Simon, et Noam Jenkins, interprète de Sami et bon acteur. En revanche, on commence à être un peu las de voir l’épouse du réalisateur, Arsinée Khanjian, dans tous ses films. Si elle était bonne actrice, on passerait, mais c’est loin d’être le cas ; ici, elle est complètement à côté, et fait n’importe quoi.
Quant au titre, qui de toute évidence vient de la crèche que le personnage de Tom construit devant sa maison et que Simon brûlera peu avant la fin, Egoyan le justifie autrement et de façon aussi roublarde que fumeuse dans ses interviews. Admirez le laïus : « Peut-être une forme de contrepoint aux images et aux idées qui jaillissent sur Internet mais qui n’ont pas de substance, parce que la technologie exige de continuer à improviser, sans espace pour approfondir. À travers le monde des objets matériels, on accède à une forme de rêverie intense et secrète, qui peut avoir des effets positifs ou négatifs, mais qui permet au regard d’aller au-delà des apparences ». Si ce fatras prétentieux a le moindre rapport avec la notion d’adoration et l’histoire que raconte le film, je veux bien manger le chapeau de madame de Fontenay !
Réalisé par Bertrand Tavernier
Titre original : In the electric mist
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 7 février 2009
Sorti en France le 15 avril 2009
Ce film de Bertrand Tavernier, tourné aux États-Unis, était si attendu, il a été annoncé avec tant de tapage comme une œuvre extraordinaire, qu’on est forcément un peu déçu. Bref, Dans la brume électrique est un bon film, ce n’est pas un grand film. L’originalité de cette double enquête policière sur le meurtre contemporain d’une prostituée mineure et celui, remontant à quarante ans, d’un Noir coureur de jupons blancs, tient à l’atmosphère du récit et au cadre de l’histoire, puisque nous sommes en Louisiane, mais pas à la Nouvelle-Orléans ; tout se passe en fait dans les environs d’une petite ville, au sein d’une nature pas très rassurante. Comme toujours au cinéma, l’enquêteur est un policier alcoolique et croyant, meurtri par la vie (sic), très bien interprété par Tommy Lee Jones. Il y a des Noirs, de la mafia, et même un film sur la Guerre de Sécession, qui se tourne dans les environs, avec sa vedette ivrogne mais sympathique ; plus quelques meurtres supplémentaires. Bien entendu, le coupable des meurtres de prostituées n’est pas celui, assez odieux, qu’on croit au commencement, mais, déception, un simple comparse qu’on a seulement vu quelques secondes au début du film – ce qui, selon les lois du genre, est une erreur de conception : on sait bien qu’il est très insatisfaisant que l’assassin, dans une enquête sur un crime, soit le maître d’hôtel qui annonce « Madame est servie », ou un personnage d’aussi peu d’importance.
Mais c’est très bien fait, les personnages sont intéressants et bien décrits, donc on ne s’ennuie guère. Un détail qui laisse néanmoins un peu perplexe : Tavernier termine son film par un plan sur un livre d’art montrant une photo d’un groupe de soldats confédérés, donc morts depuis longtemps, parmi lesquels pose le personnage central de l’histoire contemporaine qu’il vient de raconter. C’est une allusion transparente au Shining de Kubrick. Or ce type de référence, ou d’hommage, ou de coup de chapeau – comme vous voudrez –, outre qu’il tend à devenir un cliché affectant beaucoup de films jouant sur le mode irrationnel, peut passer pour de la masturbation intellectuelle, avec un soupçon de démagogie, car il donne au réalisateur le plaisir de l’avoir inclus dans son film, et au spectateur cinéphile, le plaisir d’avoir compris, et ainsi, de se sentir intelligent et cultivé ; alors qu’en fait, cela n’apporte strictement rien au film, sinon un poncif !
Le film a plusieurs versions. Celle qui sort en France est la seule approuvée par le réalisateur, et dure 1 heure et 42 minutes. Pour des questions de droits, une autre version sur DVD est sortie auparavant aux États-Unis. J’y ai eu accès. D’une durée égale, elle a cependant un montage différent, certaines scènes y figurent qu’on ne voit pas en France, et vice versa. Pilotée par le producteur, elle est désavouée par Tavernier. Je me permets de penser qu’il a tort, les soldats fantômes de sa version officielle ne soutiennent en rien l’histoire.
Réalisé par Erwin Wagenhofer
Sorti en Allemagne le 30 octobre 2008
Sorti en France le 15 avril 2009
Film allemand militant qui tombe bien, puisqu’il traite notamment des paradis fiscaux. Pour être franc, tout ce qui concerne l’Afrique a déjà été vu ailleurs, et ne nous apprend rien. Le film compte plutôt trois points majeurs, Jersey, l’immobilier en Espagne, et la véritable raison des deux guerres faites à Saddam Hussein par les États-Unis.
En ce qui concerne Jersey, inutile de réinventer la roue, allez plutôt lire l’article suivant :
http://y-a-s.over-blog.fr/article-30357344.html
L’immobilier en Espagne est la partie la plus frappante, visuellement, de tout le film : il faut admirer les vues aériennes de ces immenses domaines construits près du littoral, dont la construction fut largement subventionnée par l’argent des contribuables, et qui n’ont pas trouvé preneur. En général bâtis autour de terrains de golf inutiles (les Espagnols jouent peu au golf) qui engloutissent de phénoménales quantités d’eau en plein désert, ils n’ont servi qu’à engraisser les promoteurs et font figure de villes fantômes. Mais là encore, inutile de paraphraser « Le Canard enchaîné », lisez plutôt ci-dessous :
Mais parlons de Saddam Hussein : pourquoi les États-Unis ont-ils par deux fois envahi l’Irak ? Parce que son dictateur avait mis la main sur le très démocratique Koweit, puis accumulé les célèbres armes de destruction massive qui menaçaient les malheureux Newyorkais ? Pas du tout ! Voici l’histoire, qui a toutes les chances d’être véridique. Les États-Unis, prodigieusement endettés au point d’être aujourd’hui en quasi-faillite, n’ont tenu le coup et fondé leur suprématie en économie que grâce à un artifice, la planche à billets. En clair, la masse de dollars en circulation dans le monde est loin d’avoir sa compensation en or dans les coffres de Fort-Knox, et si les nations du monde entier se mettaient d’accord (aucun risque, ne tremblez pas) pour exiger la contrepartie – en or ou dans une autre monnaie – des dollars qu’elles détiennent, l’Oncle Sam n’aurait plus qu’à se suicider. À l’abri des réclamations, lorsque le pays a besoin d’argent, il imprime les billets dont il a besoin, et personne ne va lui demander des comptes ! Pour que ce système foncièrement malhonnête puisse tenir, il suffit que les achats mondiaux se fassent en dollars principalement. En foi de quoi, les États-Unis ont obtenu de l’OPEP que le pétrole se paie en dollars, jamais dans une autre monnaie. Or Saddam Hussein, voulant à la fois jouer cavalier seul et obtenir plus que Washington ne désirait lui accorder, avait menacé de vendre son pétrole en échange d’une autre monnaie. Une première guerre, en 1990, le priva de son armée, malheureusement elle ne suffit pas à lui faire baisser le ton, et les services secrets ne réussirent pas non plus à l’assassiner ensuite. Il ne restait plus qu’à fomenter une seconde guerre, sous un prétexte bidon, l’aide (imaginaire) apportée à Ben Laden et ses boys, et cette fois on eut sa peau ! Le dollar était sauvé. Mais pas l’économie mondiale. Qui sait ? Triomphant, c’est peut-être Saddam Hussein, pas Sarkozy, qui aurait été notre bienfaiteur...
Réalisé par Michel Hazanavicius
Sorti en France le 15 avril 2009
Comme presque toujours, le titre ne signifie rien. Par rapport au premier épisode, l’histoire est moins intéressante, et les péripéties font pâle figure, si l’on excepte celle de la nuit hippie sur une plage de Rio, qui verra Hubert Bonisseur de la Bath, sous l’influence du LSD, accepter – sans en garder le moindre souvenir – une intrusion mâle au sein de son intimité, un comble pour ce macho. Ce sont les dialogues qui font mouche, car c’est un festival d’énormités sur les Juifs et les nazis, comme celle qui conclut le film sur l’espoir d’une future réconciliation entre Israël et les nostalgiques du troisième Reich !
Le clou du film se réfère très précisément à trois œuvres d’Hitchcock, Vertigo, Saboteur et La mort aux trousses, avec une musique démarquant celle de ce dernier film. Le tout se voit sans ennui, car c’est très bien fait, mais on ne jubile pas.
Réalisé par Burr Steers
Titre original : 17 again
Sorti en Australie le 11 mars 2009
Sorti en France le 22 avril 2009
Comédie poussive, ensevelie sous les clichés sur le retour à la jeunesse et à la prétendue vie insouciante qui est censée aller avec. Tout cela n’a d’autre but que d’exploiter le succès actuel d’un jeune acteur à la figure angélique, Zak Efron. Inutile, d’ailleurs, de jeter la pierre à ce garçon, certains ont fait la même erreur avec DiCaprio : trop beau, trop juvénile, ce qui ne l’a pas empêché de venir l’un des meilleurs acteurs de sa génération...
Il n’en reste pas moins que cette histoire – que l’autodérision ne sauve pas – d’un adulte renvoyé dans le passé, à l’époque de sa prime jeunesse, a déjà été vue et revue, par exemple dans Big, où Tom Hanks a connu son premier succès. On remarque aussi la présence de ce pauvre Matthew Perry, lequel ne se remettra jamais de son succès dans Friends, et qui joue ici un rôle de second ordre.
Enfin, le film déplaira aux Français : on a cru devoir y inclure une scène de lycée dans laquelle le « jeune » héros (en fait, il a presque la quarantaine) débagoule une tirade en faveur de la chasteté, l’une des dernières lubies de nos chers amis yankees...
Gran Torino, le dernier film de Clint Eastwood, a battu les records de fréquentation de ses films précédents. La semaine dernière, il atteignait 3 161 000 entrées en France, alors que Million dollar baby, sorti en 2005, n’avait récolté que 3 160 585 entrées. Le classement se poursuit avec Un monde parfait, qui date de 1993, puis Sur la route de Madison, sorti en 1995, Pale rider, qui remonte à 1985, et Le maître de guerre, film de 1987.
Tout cela serait parfait si une biographie « non autorisée » d’Eastwood ne venait de sortir, qui ne le ménage pas. À suivre, mais seulement si c’est intéressant...
Réalisé par Dennis Iliadis
Titre original : The last house on the left
Sorti aux États-Unis et au Canada le 13 mars 2009
Sorti en France le 22 avril 2009
Produit par Wes Craven, ici producteur, c’est un remake d’un de ses propres films, dû cette fois à Dennis Iliadis, réalisateur qui n’avait tourné précédemment qu’un seul film en Grèce. Les acteurs sont inconnus, sauf, paradoxalement, le plus jeune, Spencer Treat Clark, 22 ans, vu dans neuf films dont Gladiator, dans Incassable (le fils de Bruce Willis) et dans Mystic river, plus quelques téléfilms.
Le scénario mêle avec habileté plusieurs thèmes, dont le principal est celui de la vengeance qu’un couple normal et honnête va exercer sur les trois brutes qui ont violé leur fille et assassiné sa camarade de vacances. L’originalité de l’histoire est qu’ils vont être aidés par le fils du violeur, un gentil garçon brimé par son père, et qui enfin se décide à agir en homme.
Le film est remarquablement réalisé, et ne tombe jamais dans les clichés des films d’horreur, comme le procédé honni de l’irruption brutale, dans le cadre de l’écran, d’un objet inattendu, ponctuée d’un coup de cymbales propre à vous faire sursauter dans votre fauteuil. Ici, au contraire, tout est amené avec précaution et logiquement, selon les lois du suspense que je n’ai pas besoin de vous rappeler ! Et le récit est si prenant qu’il fait taire les bavards et cesser les crissements de papiers qui sont les récurrentes plaies des salles de cinéma.
Réalisé par Sydney Lumet
Titre original : Running on empty
Sorti aux États-Unis le 7 septembre 1988
Sorti en France le 26 octobre 1988
Reprise d’un film de Sydney Lumet, Running on empty, datant de 1988. Cette reprise fera le bonheur des innombrables adorateurs de River Phoenix, plus avisés que ceux de Hugh Jackman.
En 1971, pour protester contre la guerre du Vietnam, le couple de gauchistes Arthur et Annie Pope a fait sauter un laboratoire qui fabriquait du napalm, et un employé y a perdu la vue. Depuis, le couple est recherché par le FBI. Déjà pourvu d’un fils, Danny, puis d’un autre né ensuite, Harry, ils passent leur vie à fuir, sous diverses identités : à la première alerte, ils déménagent et vont s’installer ailleurs. Mais Danny, gentil, affectueux et bon musicien, a maintenant dix-sept ans, il vient de tomber amoureux de la fille du professeur de musique de son lycée, et la célèbre école de musique Juilliard l’accepterait parmi ses élèves. Dilemme : il doit abandonner sa famille ou la possibilité d’une vie normale. Très réticent à l’idée de le laisser partir et de ne plus le voir, son père finit pourtant par se ranger à l’avis de sa femme et rend sa liberté au jeune homme. Danny part vivre sa vie, et ses grands-parents maternels, qui sont riches, vont sans doute l’accueillir.
Beaucoup de thèmes s’entrecroisent dans ce beau film, qui s’intéresse davantage à la famille qu’à la politique. River Phoenix est presque constamment à l’écran, hormis dans deux ou trois courtes scènes, et monopolise l’attention. Il joue réellement du piano dans les séquences musicales. Comme c’était aussi le meilleur jeune comédien de sa génération, il faut voir ou revoir Running on empty.
Le 30 janvier, j’émettais ici le vœu que Leonardo DiCaprio ne fasse pas un film de plus avec Martin Scorsese. Hélas, les dieux ne m’ont pas entendu, et ils vont en faire un quatrième ! C’est comme dans la tragédie grecque, on n’échappe pas à la Fatalité.
L’adoration dont je parlais hier à propos de River Phoenix ne relève pas du fantasme. Et elle n’a rien à voir avec l’engouement touchant les vedettes – engouement passager par nature –, puisque River est mort depuis plus de quinze ans. Lisez à ce propos sa notice biographique, et consultez le site qui lui est consacré (il est traduit en français).
Comme je le disais, ce jeune acteur, qui n’aura jamais l’occasion de vieillir mal comme tant d’autres, ne se contente pas de réunir les suffrages éphémères des jeunes, ce qui n’aurait aucune valeur. J’ai vu hier son film Running on empty dans une grande et belle salle (mais inconfortable !), le Grand Action de la rue des Écoles, et, dans le public très nombreux, on ne voyait ni groupes de minettes mâchonnant du chewing-gum et pouffant stupidement, ni boutonneux envoyant des SMS entre deux « C’est clair ! », mais surtout des adultes, et pas mal de personnes âgées.
Plus beau, plus talentueux, et certainement aussi tourmenté que James Dean, River Phoenix laissera son nom dans l’histoire du cinéma.
Cette année, les jurés du festival de Cannes seront présidés par Isabelle Huppert. C’est toujours original, le choix que le comité fait pour le président. Isabelle Huppert est en voie de jeanne-moreau-isation (elle est quand même plus cultivée, je le reconnais), ce sera donc parfait.
Aucun autre Français dans le jury ! Encore mieux, donc. À la place, on aura cette pauvre Asia Argento, actrice de bas étage et fille de son père, qui a réalisé deux films ayant connu un bide magistral. Pour la vulgarité, elle bat Penélope Cruz de plusieurs longueurs. Et puis Shu Qi, une Taïwanaise qui présente la particularité intéressante d’avoir débuté à Hong-Kong dans des films érotiques, ce qui forme le jugement pour couronner les meilleurs – théoriquement – films du cinéma mondial. Puis un mannequin devenu actrice, comme tous les mannequins, Robin Wright Penn, surtout connue pour être la femme de Sean Penn. Et quatre hommes, tout de même : Nuri Bilge Ceylan, réalisateur qui ne vient pas de Ceylan puisqu’il est turc, et a décroché un prix l’an dernier pour Les trois singes ; Chang-dong Lee, coréen et auteur de deux films que je n’ai pas vus ; James Gray, le réalisateur de Two lovers, un peu surfait mais dont la critique fait grand cas ; et enfin Hanif Kureishi, qui n’a fait aucun film mais qui écrit entre autres pour le cinéma. My beautiful laundrette, c’était de lui. À ce propos, la journaliste du « Figaro » Marie-Noëlle Tranchant affirme un peu vite que « ses romans sont devenus films » et cite justement My beautiful laundrette. Je défie donc madame Tranchant de me dénicher ce « roman » ! Le scénario, écrit directement pour le cinéma, n’a jamais été publié sous cette forme.
Ce qu’il est convenu d’appeler « un évènement », c’est le fait que cette année, un seul des films présentés à Cannes sera signé d’un États-unien – le pire : Tarantino ! Histoire de ne pas dire que le cinéma de là-bas devient de plus en plus mauvais, le politiquement correct incite les journalistes à écrire que cette pénurie vient de la grève des scénaristes. Salauds de scénaristes ! Un second film viendra d’Hollywood, mais réalisé par un Chinois, Ang Lee.
À part cela, les mêmes réalisateurs vus chaque année : Ken Loach, Alain Resnais, Pedro Almodóvar, Ang Lee, Lars von Trier. Bref, ce sera aussi mauvais que d’habitude, Ken Loach mis à part. Comme Lars von Trier va faire scandale, pour ne pas changer, en présentant un navet que le public n’ira pas voir, on peut prédire sans trop se fouler que la Palme d’Or va échoir à l’Espagnol Almodóvar, qui, depuis qu’il s’est rangé pour devenir un notable, ne descend plus de son piédestal, d’où il tricote des films pour la plus vulgaire des actrices espagnoles, Penélope Cruz.
Le choix des quatre films français est croustillant : Alain Resnais fait encore jouer sa compagne Sabine Azéma ; Jacques Audiard a réalisé un drame de plus, avec Niels Arestrup ; Xavier Giannoli, qui n’est pas trop mauvais, présente À l’origine ; et le sinistre Gaspard Noé, qu’on aurait dû enfermer pour avoir fabriqué Irréversible, montrera un film dont le titre définit parfaitement son cinéma : Soudain le vide.
Réalisé par Kore-Eda Hirokazu
Titre original : Aruitemo aruitemo
Sorti au Japon le 28 juin 2008
Sorti en France le 22 avril 2009
Le titre original, que sans doute aucun journal ni aucun site ne vous donnera, signifie en japonais « Même en marchant, même en marchant » – renseignement que j’ai demandé, donc obtenu, à l’ambassade du Japon, et merci à son obligeant service d’information.
De ce réalisateur, on avait bien aimé Nobody Knows, en 2004 (au Festival de Cannes, l’interprète, un garçon de 12-14 ans, avait décroché absurdement le premier prix d’interprétation masculine !). Ici, on a encore une histoire de famille où une mort a lieu, mais cette famille ne se réduit pas à quatre enfants abandonnés par leur mère, puisque, bien au contraire, la mère est omniprésente. La famille Yokohama habite... à Yokohama, ce qui risque peut-être d’embrouiller les postiers. Le père est médecin en retraite et tient beaucoup à être toujours appelé « docteur », la mère, un peu abusive, régente le ménage, la fille, Chinami, est mariée à un type qui doit être du genre « très cool » (pour se nourrir, il n’apprécie que les self-services), le fils cadet, Ryota, est marié à une veuve déjà pourvue d’un petit garçon, et l’aîné... est mort quinze ans plus tôt, en tentant de sauver un jeune garçon de la noyade. Chaque année, tout ce petit monde se réunit pour un déjeuner de commémoration, et le fils, en général, ne reste pas pour le dîner, car il vit dans une autre ville, et parce que sa mère est une redoutable spécialiste des jérémiades doucereuses. Mais cette année-là, lui et sa femme ont décidé de rester et de passer la nuit sur place.
Il faut vraiment s’accrocher, car, de préparatifs du déjeuner en préparatifs du coucher, en passant par le pèlerinage au cimetière, le film n’est que conversations, et les informations sur la famille ne nous sont distillées qu’au compte-gouttes. Mais, peu à peu, on en apprendra beaucoup. Par exemple, que le père regrette son fils aîné et méprise le cadet de n’avoir pas voulu devenir médecin à son tour, comme l’aîné, donc prendre sa succession ; ou que la mère invite chaque année le jeune homme jadis sauvé par son fils, pas par sympathie, mais pour lui faire regretter, à coups d’allusions discrètes et culpabilisantes, d’avoir causé la mort de son aîné : « Il faut avoir quelqu’un à haïr », dit-elle, ce qui rappelle cette savoureuse réplique de Mrs Henderson présente : « Aux Indes, nous avions toujours quelqu’un à toiser ! ». Cependant, et au contraire des drames familiaux vus en général au cinéma, aucune crise n’éclate, et tout, vieilles blessures ou ressentiments, reste subtilement contraint.
L’épilogue, très calme, a lieu quelques années plus tard, quand les parents sont morts à leur tour, et que c’est sur leur tombe que le fils rescapé vient faire son pèlerinage annuel, avec sa propre famille, qui s’est agrandie.
C’est japonais à ne plus en pouvoir, on aime ou on fuit – si on n’apprécie pas la lenteur et la subtilité –, mais le réalisateur est l’un des rares, parmi ses compatriotes, à posséder du talent.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.