Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Les émotifs anonymes – Burlesque – Le diable s’habille en Prada – Pianomania – L’art de la fugue – Inception – Avatar – Même la pluie – Le fils à Jo – Invictus – Bienvenue chez les Ch’tis – La cage aux folles – Short film corner – Un pour cent de chance – Abel – Incendies – Au-delà – Hereafter – 2012 – Dorian Gray – Easy virtue – Le discours d’un roi – Das Bildnis des Dorian Gray – Young Frankenstein – Frankenstein junior – Harry Brown – Shahada – Poupoupidou – Midnight in Paris
Personnes citées : Jean-Pierre Améris – Steven Antin – Cher – Christina Aguilera – Cam Gigandet – Stanley Tucci – Robert Cibis – Lilian Franck – Glenn Gould – Pierre-Laurent Aimard – Jean-Sébastien Bach – Stephan Knüpfer – Icíar Bollaín – Paul Laverty – Ken Loach – Christophe Colomb – Hatuey – Bartolomé de Las Casas – Philippe Guillard – John Huston – Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé – Clint Eastwood – Nelson Mandela – Gérard Lanvin – Olivier Marchal – Jérémie Duvall – Diego Luna – Denis Villeneuve – Clint Eastwood – Mazarine Pingeot – François Mitterrand – Cécile de France – Jean-Pierre Chevènement – Matt Damon – Charles Dickens – Steven Spielberg – Benoît Poelvoorde – Oliver Parker – Colin Firth – Ben Barnes – Oscar Wilde – Pierre Boutron – Helmut Berger – Mel Brooks – Gene Wilder – Larry Fine – Moe Howard – Shemp Howard – The Three Stooges – Daniel Barber – Sylvester Stallonne – Bruce Willis – Jean-Claude Vandamme – Michael Caine – Burhan Qurbani – Gérald Hustache-Mathieu – Guillaume Gouix – Woody Allen – Jean-Paul Rouve
Réalisé par Jean-Pierre Améris
Sorti en France (Festival d’Arras) le 9 novembre 2010
Sorti en France le 22 décembre 2010
Merci pour le chocolat, puisque cette histoire se déroule tout entière dans le monde des chocolatiers.
Cela dit, rien n’est agaçant comme ces films qui commencent de façon séduisante puis, très vite, perdent leur scénario en route. Angélique Delange (sic !) est si émotive qu’elle est du genre à s’évanouir dès qu’on lui adresse la parole. Chocolatière de génie, elle n’a créé qu’anonymement. Le jour où, cherchant du travail parce que son employeur est mort, elle tombe sur un autre patron aussi émotif qu’elle, une comédie d’un genre nouveau peut démarrer. Hélas, les deux scénaristes s’emberlificotent ensuite dans une histoire qui n’a plus rien à voir avec le postulat de départ, et accumulent les épisodes absurdes : ces deux grands émotifs échangent un baiser passionné en public, dans l’allée de la fabrique ; la mère d’Angélique se fait surprendre avec un jeune amant de passage dans la cuisine de sa fille, puis disparaît du récit ; le patron émotif invite sa nouvelle employée au restaurant et passe son temps à changer de chemise dans les toilettes, etc.
Les deux interprètes sont irréprochables, et la réalisation est correcte. Mais un mauvais scénario n’a jamais donné un bon film.
Réalisé par Steven Antin
Sorti au Canada et aux États-Unis le 24 novembre 2010
Sorti en France le 22 décembre 2010
Le titre désigne un cabaret de Los Angeles en voie de fermeture pour cause de dettes, où se place la plus grande partie de cette très banale histoire dont la fin est prévisible dès les premières images : la fille qui a quitté sa province pour tenter sa chance à Los Angeles et qui débute comme serveuse dans cette boîte de strip-tease, on sait dès le départ qu’elle va devenir la vedette de la boîte et faire sa vie avec le beau barman, d’abord cru gay, qui lui a ouvert les portes de la maison. On a vu cela cent fois.
Annoncé comme une comédie musicale, le film n’en est pas une (mais on sait que les distributeurs s’en tiennent à des notions simplistes pour ne pas dérouter le public, estimé trop crétin), c’est plutôt une histoire entrelardée de numéros musicaux, ce qui est tout à fait différent. Numéros musicaux, du reste, assez banals, et filmés comme on le fait aujourd’hui : montage haché de plans très courts filmés sous différents angles pour donner l’illusion du mouvement, style clip imposé par la télévision pour plaire aux incultes.
Miss Lifting, alias Cher, ne chante que deux chansons. Christina Aguilera ne possède aucun attrait. Ne surnagent que les rôles du beau barman joué par Cam Gigandet, acteur attirant et compétent, et Stanley Tucci, vu dans Le diable s’habille en Prada, et qui joue ici un rôle identique.
Réalisé par Robert Cibis et Lilian Franck
Sorti en Autriche en 2009
Sorti en France le 5 janvier 2011
Un film délicieux. Ne croyez pas les critiques grincheux et idiots qui ont refusé d’y voir du cinéma et font les dédaigneux devant ce « reportage télévisé » – ce que le film pourrait être, mais n’est pas.
Échantillon, avec cette histoire que raconte le héros du film : l’assistant du virtuose japonais qui doit se produire à Vienne montre, à l’accordeur de piano qui prépare l’instrument en vue du concert, une boule de poussière qu’il a trouvée dans un coin de la table d’harmonie du Steinway. Sévère et pince-sans-rire, l’accordeur lui intime : « Remettez-moi ça en place tout de suite ! ». Et le zozo s’exécute, penaud, car un rien peut compromettre l’équilibre délicat d’un piano de concert.
C’est que le métier d’accordeur chez Steinway n’est pas une sinécure : les génies du piano sont souvent des fous furieux, aux exigences insensées. Certes, vous me direz que Glenn Gould ne jouait pas sur un Steinway, mais des pianistes que le film nous montre, Pierre-Laurent Aimard, virtuose international et professeur à Paris, est vraiment frappé. Un an avant l’enregistrement qu’il doit faire de L’art de la fugue, de Bach, il vient à Vienne choisir son piano, piloté par notre accordeur, Stephan Knüpfer ; c’est que la perfection, cela se prépare, et les défauts qu’il repère, lui seul les entend. Hélas, avant l’enregistrement, le piano à queue élu, un certain 109 (il n’y a pas deux pianos pareils, ils ne donnent pas le même son, et ils ont tous leur identité, certains étant de véritables vedettes du métier), est vendu et part pour Melbourne. Il faut en choisir un autre. Sur la scène de la salle réservée, il y a bien le 245, qui est superbe, impeccable et tout et tout, mais voilà, Aimard voudrait bien en essayer un autre. Il y a certes le 780, or il est au sous-sol. Il faut aller le chercher et le monter sur scène. Là, le pianiste essaie le nouveau candidat, passe longuement d’un instrument à l’autre, hésite, réfléchit, fait quelques commentaires, trouve que le 780 est absolument parfait, avec un son plus clair, plus net, plus beau, etc., mais, finalement... il préfère le premier !
Et je ne vous dis rien des détails de chaque morceau à enregistrer. Sur tel passage, trois notes créent des problèmes, il faut changer tous les réglages et réaccorder le piano ; sur tel autre, le fa sonne trop aigu, « presque désaccordé s’il est joué avec une tierce » ; et ainsi de suite, des lubies jusqu’à l’infini. Et chaque fois, Stephan trouve la solution, après avoir bataillé pendant des heures, tentant de coller des morceaux de feutre à tel endoit, « constatant » que les marteaux sont de sept dixièmes de millimètres trop minces et passant commande chez Steinway d’un jeu de marteaux retaillés à la bonne dimension, réglant au tournevis la distance entre cordes et marteaux pour modifier la force de frappe dans tel passage... Un métier de fou.
Or, ce métier de fou, il le fait en homme sensé, pondéré, avec enthousiasme, dévouement, imagination, sans jamais renâcler ni seulement s’étonner face aux caprices de star des interprètes. Le public du film lui est entièrement acquis et rit de bon cœur devant tant de métier allié à tant de bonne volonté. On aimerait savoir qu’il est aussi bien payé que les vedettes dont il a la charge.
Au fait, inutile d’aimer la musique pour voir ce film. L’intérêt est ailleurs, dans les secrets d’un métier peu connu, et dans les rapports des personnages. C’est beaucoup moins ennuyeux qu’Inception ou Avatar.
Réalisé par Icíar Bollaín
Titre original : También la lluvia
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 16 septembre 2010
Sorti en France le 5 janvier 2011
Le titre est extrait du discours prononcé dans cette histoire par le syndicaliste bolivien, et qui vise les profiteurs de la privatisation de l’eau dans son pays : ils nous prennent tout, et l’eau de pluie aussi.
Film dans le film, avec les répercussions sur la vie réelle : un sujet que le cinéma a traité plusieurs fois, et qui peut donner lieu à des résultats passionnants. Ici, ce n’est pas loin d’être le cas, grâce à un scénario réussi de Paul Laverty (qui a été scénariste de Ken Loach). En Bolivie, le jeune réalisateur Sebastián s’obstine à faire un film sur Christophe Colomb, en ne traitant que l’aspect négatif de la première colonisation du continent américain : obsession de l’or et de la chasse aux esclaves, massacres, et tout ce que la « civilisation » chrétienne a su apporter au monde. Pourquoi en Bolivie, où Colomb n’a jamais mis les pieds ? Parce que la figuration indienne, et peu importe si ce n’est pas le même peuple, y est abondante et bon marché : les commanditaires entendent bien ne pas se ruiner.
Il faut dire que Sebastián s’appuie sur la vérité historique, la tragédie de Hatuey, dont parle Bartolomé de Las Casas, et qui, pour avoir organisé une guérilla contre les Espagnols, fut brûlé vif par eux, ayant refusé d’être baptisé pour ne pas aller au paradis en compagnie de ses bourreaux ! Or, pour jouer Hatuey, il a engagé sur place un Indien choisi pour son regard, Daniel, mais qui se révèle un ardent opposant à la privatisation de l’eau par une multinationale. Manifestations inattendues (elles ont réellement eu lieu en avril 2000) et scènes de tournage vont alors alterner, perturbant le film sur Colomb et la vie de tous les participants, modifiant aussi la vision indifférente du monde que revendiquait son producteur Costa.
L’histoire se termine bien, la privatisation de l’eau est annulée, mais le film sur Colomb devra se poursuivre ailleurs, car l’équipe et tous les interprètes ont fui. Seuls sont restés sur place Sebastián et Costa, qui a sauvé la vie de la fille de Daniel, et qui reçoit de ce dernier, en cadeau avant de partir, une petite bouteille contenant... de l’eau.
Le film est admirablement fait par une réalisatrice espagnole, également actrice. Depuis un an, les meilleurs films qui sortent sont hispanophones. La France et Hollywood sont largués.
Ma passion pour le canard publicitaire de l’UGC, « Illimité », entièrement rédigé par un certain Bernard Achour avec lequel j’ai un peu correspondu quand il faisait de la critique sur Ouï-FM, n’est pas près de faiblir. C’est pourquoi je tiens à m’élever contre une attaque sournoise que ce rédacteur, infatigable manieur de clichés, vient de subir dans le dernier numéro. En effet, en page 6, il a rédigé un entrefilet à propos des deux livres de critiques publiées en anglais par une journaliste spécialisée, livres en vente en ce moment.
Il intitule son article « Pauline Kiel, la passion du cinéma », et répète ce nom qu’il écorche, Pauline Kiel, dans l’article. Or, à la gauche du pavé de texte figurent deux photos de la couverture des deux livres, Chroniques américaines et Chroniques européennes. Le nom de l’auteur y est écrit en caractères énormes. Voyez ci-dessous :
Il faut donc attribuer cette « collision », comme on dit quelquefois, à un défaut de collusion entre le rédacteur et le metteur en page, qui a visiblement omis de rectifier les photos. On espère qu’une sanction sera prise contre ce dernier par le rédacteur en chef.
Réalisé par Philippe Guillard
Sorti en France (Festival d’Arras) le 8 novembre 2010
Sorti en France le 12 janvier 2011
Un film dont on connaît le dénouement dès les premières images, comme c’est toujours le cas dans ces histoires de sport, où celui qui est donné perdant au début gagne inévitablement le match à la fin. Il y en a eu des dizaines (même John Huston s’y est mis pour donner un rôle à Pelé), et le dernier à s’y être risqué avec Invictus, c’était Clint Eastwood, or il s’est ramassé une volée de bois vert, pas tout à fait méritée du reste, car son film parlait d’autre chose que de sport : la lutte acharnée de Nelson Mandela pour créer la cohésion sociale dans un pays débarrassé de l’apartheid, où les rancœurs étaient tenaces.
Ici, rien de tel : le scénario cousu de fil blanc, ou plutôt de grosses ficelles, ne laisse place à rien d’autre ; quant au dialogue, il recèle des pensées prodondes, telles que « Personne peut t’empêcher de devenir ce que tu as envie de devenir, sauf toi-même », qu’il faudra absolument inclure dans la prochaine édition de La philosophie pour les Nuls. Il paraît que les gens du Sud-Ouest, auxquels on a montré le film au cours d’une quarantaine d’avant-premières, ont adoré. Ils ont bien tort, cette histoire est aussi flatteuse pour eux que Bienvenue chez les Ch’tis pour les gens du Nord. Au bout du compte, le spectateur est sursaturé de folklore méridional, de plaisanteries graveleuses et de manifestations d’amitié virile avec grandes claques dans le dos, et il rêve de revoir La cage aux folles.
Les acteurs ? Gérard Lanvin fait la gueule, et Olivier Marchal, ancien policier reconverti comme acteur et (mauvais) scénariste, qui est ici producteur, tente de nous faire croire qu’après quinze années en Nouvelle-Zélande, son personnage est devenu surveillant général de lycée en France (je sais bien, mais je m’en fiche, que les communicants ont rebaptisé « conseillers d’éducation » les surveillants généraux, initiative intelligente qui a fait du surgé un condé).
Le jeune garçon, Jérémie Duvall, est plutôt bon. Il a dix-sept ans et a déjà réalisé un court métrage de 13 minutes, Short film corner ou Un pour cent de chance, qui est loin d’être un travail d’amateur.
Réalisé par Diego Luna
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 25 janvier 2010
Sorti en France le 12 janvier 2011
Seulement sept films portent ce nom. Bravo, messieurs les distributeurs...
Au début du film, Abel, 9 ans, sort de l’hôpital psychiatrique et rentre chez lui, où vivent sa mère, sa grande sœur Selene et son petit frère Paul. Il ne parle pas, et les médecins ont recommandé de ne pas le contrarier. On apprend peu à peu que son père les a laissés tomber depuis deux ans. Puis, subitement, il retrouve l’usage de la parole, mais, ô surprise, il se prend pour son père et le remplace : il houspille sa sœur, va dormir dans le lit de sa mère (sans plus), met à la porte le petit ami de sa sœur, et envisage d’aller aux réunions de parents d’élèves ! Suivant la consigne, sa famille ne le contredit pas, et tout marche comme sur des roulettes.
Ce postulat, auquel on veut bien croire, aurait beaucoup plu à Luis Buñuel. Malheureusement, on devine très vite que les deux scénaristes ne sauront pas comment s’en sortir et terminer leur histoire de manière satisfaisante. Et c’est le cas : le père revient, Abel ne le reconnaît pas et la mère le lui présente comme son propre frère (à elle), puis il y a un début de drame quand Abel tente d’apprendre à nager à son frère alors que lui ne sait pas, les deux enfants sont sauvés de la noyade, et Abel est renvoyé dans un hôpital de Mexico.
Hormis quelques chocs sur la bande son, la réalisation est très plate. On est certes intéressé parce que le sujet est original, mais le film passe à côté de ce qui aurait pu être, à une autre époque, une réussite du conte surréaliste.
Réalisé par Denis Villeneuve
Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 4 septembre 2010
Sorti en France le 12 janvier 2011
Le genre de film bien-pensant qui plaît beaucoup au « Canard enchaîné ». Mais qui osera écrire que cette histoire interminable et tarabiscotée pèse des tonnes ? Le testament de leur mère libanaise mais morte au Québec impose à deux faux jumeaux (garçon et fille) d’aller remettre une lettre à leur père et à leur frère, supposés toujours au Liban. Une enquête cahotique et farcie de nombreux retours en arrière revèlera que « 1 + 1 = 1 » (sic) , puisque le père et le fils ne font qu’un. En effet, le fils recherché, devenu geôlier, avait violé sa propre mère incarcérée ! Et comme par hasard, il vit lui aussi au Québec, dans la même ville que ses enfants-frère et sœur...
Le réalisateur-scénariste, qui adapte une pièce de théâtre, ne peut même pas se glorifier de cette chute, du genre « Tout ça pour ça » et que, bien entendu, « on ne doit pas raconter ». Sa réalisation, classique, fait la part belle à la violence dans un pays en guerre, et l’histoire est sans doute un prétexte.
Réalisé par Clint Eastwood
Titre original : Hereafter
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 22 septembre 2010
Sorti en France le 19 janvier 2011
Un film qui nomme Mazarine Pingeot et qualifie Mitterrand de « vieux politicien coureur et malhonnête », aucun réalisateur français n’oserait ce blasphème. C’est donc Clint Eastwood qui s’y est collé, mais il fait dire cette réplique par une actrice belge, malgré son nom, Cécile de France.
Il s’agit d’un film choral, genre casse-pieds chez nous parce que nous ne savons pas faire, mais parfois réussi ailleurs. Alors, réussi, puisque étranger ? Non, pas vraiment non plus, car tiré par les cheveux. Figurez-vous que, pour expédier la journaliste française dans le coma en vue de lui faire expérimenter la mort et le retour à la vie, au lieu de la faire tomber d’un escabeau dans sa cuisine ou d’engager Jean-Pierre Chevènement, on a besoin d’un raz de marée en Thaïlande, très bien fait au demeurant, mais qui donne à penser qu’Eastwood a vu 2012 et a voulu s’offrir une séquence de film-catastrophe hautement numérisée avant de quitter le cinéma bientôt – il va sur ses 81 ans.
Bref, Marie, journaliste de télé, s’appelle Lelay comme l’ancien PDG de Télé-Poubelle mais travaille à France 2 (ouarf !), et, revenue à la vie après sa noyade et sujette à quelques distractions dans son travail, se voit conseiller de lâcher l’antenne quelques mois et d’écrire plutôt un livre sur Mitterrand. Mais elle préfère disserter sur ce que les Anglo-Saxons appellent near-death experience. Or, justement, à San Francisco, un ancien médium joué par Matt Damon a voulu abandonner ce métier, qui le mine. Il se rend à Londres car il admire Dickens, visite sa maison puis un salon du livre, y croise la journaliste française qui vient de publier son bouquin, et ressent un flash lui indiquant qu’elle revient d’entre les morts. Puis il est harcelé par un garçon de douze ans dont le frère jumeau est mort lui aussi et qui veut communiquer avec ledit frère par l’intermédiaire d’un médium, ce que précisément Matt ne veut pas. Ça va, vous suivez ?
À la fin, tout rentre dans l’ordre, le médium a balancé au jeune garçon une histoire bidon mais hautement consolatrice d’où il ressort qu’il ne doit plus porter la casquette de son frangin mort. Pour le remercier, le garçon lui refile l’adresse de l’hôtel de la journaliste, Matt part la retrouver, et ils s’embrassent devant une pizzeria tandis que la caméra s’envole.
Les flashes sont ridicules, on se croirait dans un film d’horreur japonais. La séquence du raz de marée, à mon avis, est due au fait que Spielberg a coproduit le film. Tonton Steven ne se serait jamais contenté d’un escabeau de cuisine.
Ceci n’a rien à voir avec le film, mais le jour de sa sortie, tant « Le Canard enchaîné » que les Guignols de Canal Plus ont prétendu que Cécile de France était française. Bizarre... Les gens des médias voient en général les films très à l’avance en projection de presse, et on leur remet un dossier de presse où figurent tous les renseignements possibles sur le film et ceux qui y participent. Par conséquent, ils ne peuvent pas ignorer, sauf s’ils ne font pas leur métier, que cette actrice est belge ! Elle est née à Namur le 17 juillet 1975. Benoît Poelvoorde est né dans la même ville, et personne n’a jamais prétendu qu’il était français.
Réalisé par Oliver Parker
Sorti au Royaume-Uni le 9 septembre 2009
Pas sorti en salles en France (seulement en DVD)
Un film britannique avec le talentueux Colin Firth et le beau Ben Barnes, lesquels jouaient déjà ensemble l’année précédente dans Easy virtue, et qui ne sort pas en France ? Combien pariez-vous que Le discours d’un roi, qui sortira début février, avec le même Colin Firth, va servir de locomotive à ce film-ci, et qu’on va, dans la foulée, le distribuer aussi ?
Cela dit, le livre d’Oscar Wilde reste presque impossible à filmer : cinéma et télévision ont essayé quinze fois. La meilleure adaptation était un téléfilm français de Pierre Boutron, et la pire fut probablement Das Bildnis des Dorian Gray, avec Helmut Berger, en 1970 : l’acteur dit lui-même que c’était un mauvais film, où il était « constamment nu ».
Celle-ci a failli être la bonne, car le scénario a été adapté adroitement, mais l’excès de trucages numériques (le fameux tableau s’anime, grouille d’asticots et pousse des grognements sauvages) et la manière naïve dont les perversions, où tombe le personnage, et presque toutes sexuelles, sont filmées, avec la caméra qui tangue pour bien figurer que les valeurs morales sont cul par-dessus tête, font que la réalisation gâche l’entreprise.
On peut toujours compter sur les marchands, et les éditeurs de DVD font chaque jour ma joie, tant ils sont faits pour ce métier : vendre de l’Art.
Je ne vais pas vous ressortir mon couplet habituel sur les formats de films, systématiquement tronqués pour satisfaire les spectateurs ayant acquis un téléviseur 16/9 : ces niais sont si attachés à leur format chéri que, lorsque l’image devrait être vue dans l’ancien format 4/3, ils maintiennent le réglage 16/9, et les personnages, ainsi étirés en largeur, semblent avoir été écrabouillés par un rouleau compresseur. Bref, les marchands de soupe... pardon, de DVD, coupent l’image en haut et en bas, et roulez, voilà un film en 16/9 ! Tant pis s’il a été réalisé par un grand maître du cinéma qui n’utilisait pas ce format...
Il y a aussi les traductions des dialogues ou des commentaires insérés dans le fameux bonus qui accompagne quasiment chaque DVD. Je suis en train de visionner celui de Young Frankenstein, de Mel Brooks (en français, Frankenstein junior, une parodie de film d’horreur). Le film est donc accompagné d’un documentaire sur la réalisation du film, ce que les Français appellent making of. On interviewe Gene Wilder qui est à la fois la vedette du film et le scénariste, et il y a un passage où il cite un trio d’acteurs comiques, Larry Fine, Moe Howard et son frère Shemp Howard, qui avaient pris le surnom The Three Stooges, et qui étaient célèbres pour la stupidité de leurs gags, à base de coups de marteau sur la tête. Eh bien le traducteur du DVD, qui ne connaît visiblement pas les Trois Stooges, a traduit dans les sous-titres par « les trois faire-valoir », ainsi, et sans la moindre majuscule.
C’est beau, la culture. Les Trois Stooges ont fait des centaines de films et amusé des millions d’enfants, qui connaissaient parfaitement leur pseudo, eux.
Réalisé par Daniel Barber
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 12 septembre 2009
Sorti en France le 12 janvier 2011
Premier long-métrage d’un inconnu, grâce auquel Sylvester Stallone, Bruce Willis et peut-être Jean-Claude Vandamme vont pouvoir se reposer : la relève est assurée par quelqu’un... de beaucoup plus âgé, Michael Caine !
Harry Brown est donc un ancien Marine, vétéran de la guerre en Irlande du Nord, et qui, après la rencontre avec la femme de sa vie, a décidé de tout oublier de sa vie guerrière. Mais sa femme meurt de maladie, son dernier ami, tabassé par des voyous du quartier, meurt, et la police assure le service minimal. Alors, Harry oublie ses résolutions et retourne au combat : il massacre les voyous que la police a dû relâcher faute de preuves. Néanmoins soupçonné par une inspectrice de police compatissante, il découvre que le chef des saligauds tous drogués n’est autre que le patron du pub où il allait tous les jours. Celui-ci veut le tuer, mais Harry s’en sort, bien que blessé, puis le tue aussi. Témoin de tout cela, l’inspectrice ne dit rien, et on devine qu’elle va démissionner.
On est un peu peiné de voir Michael Caine jouer un tel scénario. Mais, voué aux seconds rôles depuis des décennies malgré son prestige, il a dû penser que c’était une occasion de se remettre en selle. Erreur ! Mauvaise occasion.
Réalisé par Burhan Qurbani
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 17 février 2010
Sorti en France le 26 janvier 2011
Pour les non initiés, la shahada, c’est cette formule qui, prononcée devant témoin, fait de vous un musulman : « Je proclame que nul n’est légitimement adoré, hormis Dieu, et que Mohammed est son prophète ».
La mode serait-elle aux films qui racontent trois histoires en même temps ? La règle du genre choral veut qu’elles se rencontrent à la fin, mais ici, les histoires de Maryam et d’Ismail n’ont aucun lien, sinon qu’à la fin, la père de la jeune femme fait monter sa fille très malade dans la voiture de l’homme.
Le point commun de ces trois personnages, musulmans de Berlin, c’est que tous se sentent coupables de quelque chose, et que la source de cette culpabilité, c’est la religion. Le jeune Sammi, très croyant, travaille dans la même poissonnerie que Daniel, tous deux sont attirés l’un par l’autre, mais, après un seul baiser échangé (peut-être plus, mais on n’en voit rien), Sammi, au contraire de son camarade, se sent coupable et ne veut plus le voir. Maryam, elle, fille d’un imam, s’est trouvée enceinte et a subi un avortement. Depuis, elle est à ce point rongée par la culpabilité qu’elle en devient zinzin, croit qu’un orage de grêle est un signe divin, et que Dieu, loin d’être compatissant, veut punir les hommes, de sorte qu’elle fait un scandale pendant le prêche de son père – le seul personnage tolérant du film. Enfin, Ismail est policier, il a tué accidentellement l’enfant d’une femme, s’occupe d’elle pour tenter de réparer, finit par coucher avec elle, puis revient vers sa femme, repentant.
Trois vies gâchées, voire davantage puisque les partenaires de chacun en subissent le contrecoup. Le spectateur est libre d’en tirer ses conclusions quant à l’influence de la religion.
Réalisé par Gérald Hustache-Mathieu
Sorti en France le 12 janvier 2011
Martine est une cruche (elle ignore qui est Anne Baxter, et croit que Cecil B. DeMille est une femme), mais une cruche jolie, si bien qu’elle est engagée à la télé locale, dans le Jura, pour présenter la météo, et qu’elle devient l’égérie d’une marque de fromage. Puis elle est retrouvée morte dans un pré enneigé. La gendarmerie feint de croire à un suicide. Mais un auteur de romans policiers, qui passait par là, croit à un meurtre. Il avait raison.
L’idée du film est que Martine se prenait pour une réincarnation de Marilyn Monroe, et l’édification du parallélisme entre son histoire et celle de Marilyn est plutôt laborieuse. L’intéressant est dans la personnnalité des deux enquêteurs, l’écrivain et le jeune gendarme, jamais nommé, bien que la fiche technique du film nous apprend qu’il s’appelle Bruno Leloup. Le premier résiste à toute tentative de séduction de la part de la piquante jeune concierge de son hôtel, qui manifestera sa déception, et le second est manifestement homosexuel sans qu’un acte ou une parole permette de le vérifier : il reste tout nu sans aucune raison après une séance de sauna lorsqu’il présente les résultats de son enquête à l’écrivain, il a dans sa chambre deux tableaux semi-abstraits de torses masculins nus, et sa table de nuit recèle un magazine qui présente en couverture un dessin très explicite de Tom of Finland... L’acteur qui l’incarne, très bon au demeurant, s’appelle Guillaume Gouix, et on le verra dans le prochain film de Woody Allen, Midnight in Paris. En revanche, Jean-Paul Rouve, qui joue l’écrivain, doit être très pudique : lorsque son personnage est électrocuté en prenant sa douche et que l’aguichante concierge, qui le découvre inanimé, le tire hors de la salle de bains, on découvre qu’il a toujours son pantalon !
Le film est assez insignifiant, et comporte trop de gros plans, mais il est agréable à suivre.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.