Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Apprentice – Le fils – Demain – La fin du jour – Voici le temps des assassins... – Le lendemain – Efterskalv – Celui qu’on attendait – La belle équipe – American hero – Le scaphandrier – The guest – Downton Abbey – Illégitime – Festen – Diamant noir – Odysseus – La chanson de Solveig – Peer Gynt – The witch – The witch: A New-England folktale – Captain Fantastic – L’Idéal – Peshmerga – Un traître idéal – Our kind of traitor – Love and friendship – L’effet aquatique – Queen of Montreuil – Back soon – Insiang
Personnes citées : Boo Junfeng – Jean-Pierre Cardenne – Luc Dardenne – Cyril Dion – Mélanie Laurent – James Lovelock – Julien Duvivier – Henri-Georges Clouzot – Charles Spaak – Victor Francen – Michel Simon – Lucien Guitry – Louis Jouvet – Raimu – Danièle Delorme – Jean Gabin – Germaine Kerjean – Magnus von Horn – Serge Avédikian – Charles Vanel – Viviane Romance – Nick Love – Alain Vézina – Adam Wingard – Dan Stevens – Adrian Sitaru – Nicolaï Ceausescu – Ludwig van Beethoven – Arthur Harari – Niels Schneider – Edvard Grieg – Robert Eggers – Matt Ross – Frédéric Beigbeder – Liliane Bettencourt – Didier Schuller – Susanna White – Whit Stillman – Jane Austen – Stephen Fry – Xavier Samuel –Sólveig Anspach – Lino Brocka
Réalisé par Boo Junfeng
Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2016
Sorti en France le 27 avril 2016
À lire le synopsis, on s’attend un peu à une sorte de remake du film des frères Dardenne Le fils, sorti en 2002 : ce garçon de vingt-huit ans, ancien militaire, qui se fait embaucher sous les ordres du bourreau de Singapour, lequel bourreau a naguère exécuté son père qui était un assassin dépeçant ses victimes, cherche-t-il à se venger ? Dans Le fils, un ébéniste embauchait un très jeune homme, et découvrait que ce garçon avait tué son propre fils. Mais il ne se vengeait pas, et l’apprenti de ce film singapourien non plus. D’ailleurs, ce détail du père exécuté n’est révélé que peu avant la fin, donc on ne se pose pas la question.
Il ne faut absolument pas voir dans ce film un pamphlet contre la peine de mort, toujours en vigueur à Singapour, île-État qui bénéficie d’une prospérité due à l’intelligence de ses citoyens, mais en retard sur le plan de la démocratie. En réalité, le style d’Apprentice est plutôt neutre, voire glacé, on ne sait pas grand-chose de ce que pense le personnage principal, et rien de ce qui l’a poussé à choisir cette voie étrange : se faire engager comme assistant du bourreau, qui va partir à la retraite. Et, en effet, la dernière scène révèle que, le bourreau ayant été victime d’un accident, Aiman, qui a accepté de lui succéder, se prépare à pendre un condamné.
La mise en scène est très classique, et ne cherche jamais à émouvoir le spectateur. Elle n’en est que plus efficace.
Réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent
Sorti en France (Festival de Sarlat) le 11 novembre 2015
Sorti en France le 2 décembre 2015
J’ai attendu des mois pour voir ce film, car je me méfie des ouvrages militants, trop enclins à martyriser la vérité. Mais celui-ci est un peu plus positif, après une introduction absurde : une quinquagénaire états-unienne déclare que les modifications (annoncées, non prouvées) qui vont survenir ne se sont jamais produites depuis que l’humanité existe. C’est faux. En outre, tout au long du film, on ne cesse de radoter que la planète est menacée. Encore une bévue : la planète n’est pas en danger, c’est seulement l’espèce humaine qui court des risques, mais la Terre, elle-même, se fiche bien de ce qui arrive aux diverses espèces qui vivent à sa surface ! On entend d’ailleurs, dans le cours des interviews, une femme indienne parler de Gaïa, pseudo-déesse grecque que les allumés du New age, dans la lignée de James Lovelock, ont remise à l’honneur en 1970 pour personnifier « la Terre comme un être vivant » (sic !).
Cela étant, le film passe plutôt en revue une foule de solutions concrètes pour sortir de l’absurde système actuel, dans les domaines de l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation, qui constituent ainsi les cinq chapitres du film. C’est loin d’être du blablabla militant.
Réalisé par Julien Duvivier
Sorti en France le 22 mars 1939
Alors que Duvivier est habituellement considéré comme un cinéaste « noir » et presque aussi cruel que Clouzot avec ses acteurs, il montre ici une tendresse inhabituelle avec les comédiens dont il fait les héros de son film. En effet, ayant le dessein de décrire ce qui se passe dans une maison de retraite pour acteurs âgés, il avait enquêté dans la célèbre maison de Pont-aux-Dames, mais la réalité était si atroce qu’il avait fait réécrire par Charles Spaak une histoire beaucoup plus rose, où la plupart des personnages s’avéraient touchants et solidaires.
Restent donc les trois personnages principaux, Victor Francen jouant le bon comédien qui n’a jamais connu le succès, Michel Simon l’acteur de remplacement qui n’a jamais joué car il était confiné au rôle de doublure de Lucien Guitry, qui ne tomba jamais malade (!), et Louis Jouvet en séducteur sur le retour, odieux et près de pousser une jeune fille au suicide pour se prouver à lui-même qu’il pouvait encore briser les cœurs – péripétie qu’on a un peu de mal à gober !
Abondant en scènes de huis-clos, l’histoire est un festival de numéros d’acteurs, qui apparaît comme, peut-être, le meilleur film de Duvivier, mais qui n’a guère plu au public.
À noter que Raimu, pressenti pour tenir l’un des trois rôles, refusa, car il détestait Duvivier. Quant à Michel Simon, il détestait tout le monde, notamment Louis Jouvet !
Réalisé par Julien Duvivier
Sorti en France le 13 avril 1956
Si jamais un film de Duvivier a mérité d’être qualifié de « noir », c’est bien celui-là, où un brave homme de restaurateur des Halles de Paris tombe dans les filets d’une jeune intrigante, fille de la femme dont il a autrefois divorcé, et dont elle vient lui annoncer le prétendu décès. Mais cette jeune vipère s’arrange pour le brouiller avec le garçon, un étudiant en médecine, Gérard, dont il envisageait de faire son héritier, et elle réussit à se faire épouser. Mais un hasard ayant révélé à Chatelin que son ex-femme n’était pas morte, il ne reste plus à Catherine, pour ne pas être chassée, qu’à inciter Gérard à assassiner avec son aide le malheureux mari. Finalement, c’est Gérard qu’elle tue parce qu’il a refusé, et elle-même sera mise à mort par... le chien du garçon, péripétie difficilement croyable.
Danièle Delorme est diabolique en criminelle, et Gabin est égal à lui-même : il ne peut s’empêcher de rajouter dans son dialogue des « Tiens donc ! » de son cru, manie qui faisait la joie des critiques, laquelle le traitait régulièrement de « Vieux monstre ».
À noter une scène curieuse, Germaine Kerjean, en mère surprotectrice de Gabin, administrant à Catherine qu’elle déteste une sévère correction... au fouet !
En son temps, le film a été interdit aux moins de seize ans.
Réalisé par Magnus von Horn
Titre original : Efterskalv
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2016
Sorti en France le 1er juin 2016
Ce premier long métrage d’un réalisateur suédois de trente-trois ans a une vertu majeure : il ne s’égare pas dans les scènes explicatives et ne fait pas de psychologie. L’histoire démarre lorsque John sort du foyer où il était incarcéré, et beaucoup de temps passera avant que l’on comprenne qu’il y était pour avoir, deux ans auparavant, tué sa petite amie (probablement étranglée, mais ce n’est pas précisé), qui l’avait quitté pour un autre. En outre, il n’y a pas de véritable fin : John se rend chez la mère de sa victime et lui tend un fusil de chasse en lui demandant de le tuer. Elle refuse, et il part.
Néanmoins, le scénario comporte une faille : comment expliquer qu’un lycéen assassin retrouve sa place dans son ancien lycée ? Évidemment, ses condisciples ne l’acceptent pas, le harcèlent, l’insultent et le battent. Elle est étrange, la justice sudéoise !
Réalisé par Serge Avédikian
Sorti en France le 8 juin 2016
Comme il fallait bien un point de départ à cette fable humaniste, elle débute par un évènement invraisemblable : Jean-Paul Bolzec, modeste humoriste grenoblois, qui a joué son spectable à Bakou, en Azerbaïdjan, tombe en panne de taxi sur la route de l’aéroport au moment de rentrer en France. Or son chauffeur détale et l’abandonne, et Bolzec se retrouve seul en pleine montagne. Dans la réalité, l’aéroport de Bakou est à la lisière de la ville, à moins d’un kilomètre de la mer, donc cela ne tient pas ! En outre, parti à pied, il traverse sans le savoir la frontière de l’Arménie, alors que les cinq routes qui le permettraient se trouvent à plus de trois cents kilomètres de là...
Or les deux pays sont en guerre depuis longtemps, et les Arméniens qui le voient arriver dans leur village le prennent pour un espion et le jettent en prison. Puis, revirement, et au vu d’une vieille photo, ils le prennent pour le petit-fils d’un certain Bolzekian, qui a effectivement émigré jadis en France, et croient que, très riche, il peut financer toutes les réparations dont leur village a besoin. Dès lors, accueilli en sauveur et bien que ne parlant pas la langue, Bolzec s’attache à l’endroit et à ses habitants, et, lorsque la possibilité s’offre de rentrer au pays, il y renonce et reste sur place.
Le film, tourné sur place et en extérieurs, est assez touchant, jamais tragique, pas moralisateur alors que tous les Arméniens montrés sont plus intéressés par l’argent de Bolzec que par l’homme lui-même, et il est assez court pour ne pas ennuyer.
Réalisé par Julien Duvivier
Sorti en France le 17 septembre 1936
C’est bien à tort qu’on a fait de La belle équipe une sorte d’emblème du Front Populaire de 1936, qui s’était formé cinq mois auparavant, alors que cette histoire ne comportait pas la moindre trace d’idéologie : Duvivier et son scénariste Charles Spaak ne croyaient pas aux idéaux de ce mouvement, et leurs cinq chômeurs, gagnant du loto et qui montent leur propre entreprise (une guinguette) ne le font pas par idéal social, mais pour réaliser leur rêve d’être propriétaires de quelque chose et de mieux vivre. Mais tout va craquer peu à peu et se terminer en drame opposant les deux qui restent, Gabin et Vanel, devenus rivaux à cause d’une femme, jouée par Viviane Romance. Si bien qu’insulté par son ex-ami, Gabin l’abat d’un coup de pistolet.
Il faut dire que le public n’a pas apprécié ce dénouement, au point que les producteurs ont imposé une autre fin, dans laquelle les deux hommes se réconciliaient in extremis – fin que les deux auteurs rejetaient, et qui a été rétablie lorsque le film est ressorti bien plus tard. Mais enfin, les producteurs n’avaient pas tort, la dramatisation de la fin était très artificielle, la diatribe de Vanel contre Gabin, qui entraînait sa mort, était excessive, et... Gabin n’avait aucune raison d’avoir un pistolet sur lui !
Autant dire que, des trois films de Duvivier qui ont été réédités l’année dernière, c’est La belle équipe que j’apprécie le moins.
Reste que c’est à ma connaissance le seul film où Gabin chante !
Mais en quoi consistait donc cette fin optimiste ? En une seule scène supplémentaire, filmée pour les besoins de la cause, suivie de quelques plans qui existaient déjà et que les auteurs déplacèrent. Cette scène comportait trois personnages, ceux de Gabin et Vanel, ainsi que celui de Viviane Romance, qui incarnait la femme ayant causé leur brouille. Gabin montrait à Vanel un télégramme envoyé du Canada par le premier des membres du groupe qui avait préféré s’expatrier, et dans lequel ce garçon racontait qu’il avait réussi, souhaitant tout le bonheur possible à ses camarades restés en France. Il concluait que leur amitié resterait éternelle. Ému par ce texte, Vanel faisait signe à la fille de disparaître, ce qu’elle faisait. Puis le film continuait avec la séquence joyeuse où Gabin dansait avec la grand-mère. Fin.
Contrairement au réalisateur, je ne crois pas du tout que cette fin « ridiculisait tout le film ». Après tout, c’est bien lui qui a modifié la séquence ! Et le public fut de cet avis. La fin pessimiste ne fut rétablie qu’en 1972, pour un passage à la télévision, et sur l’insistance des ayant-droits de Spaak et Duvivier.
Réalisé par Nick Love
Sorti en Corée du Sud (Festival de Busan) le 2 octobre 2015
Sorti en France le 8 juin 2016
Une comédie basée sur un homme ordinaire – néanmoins buveur et drogué – qui, doté du pouvoir de télékinésie (déplacer des objets à distance par la seule force de sa pensée), n’en fait rien, sinon des blagues idiotes, comme de transformer une Porsche en Nissan. Mais il utilise tout de même ce pouvoir pour revoir son fils, car il est divorcé, or la mère, qui en a obtenu la garde, veut l’en empêcher.
C’est tout, la prise de vue est entièrement faite en caméra portée donc génère un résultat pénible, et seul les trucages sont spectaculaires et amusants par leur absurdité.
Réalisé par Alain Vézina
Sorti au Canada (Québec) le 20 février 2015
Pas sorti en France
On ignorait que le Québec produisait des films d’horreur ! En tout cas, c’est le premier que je vois, même s’il n’a jamais été distribué en France. Un bateau à la dérive a été découvert près de la côte de Gaspé, et son équipage a été massacré. Une avenante journaliste enquête, avec l’aide d’un jeune archiviste qui a fondé un modeste musée réunissant les divers objets trouvés en mer. Or les deux apprennent l’existence d’un collectionneur des mêmes vestiges, dont l’activité a un lien avec le massacre sur le bateau. Il s’avère surtout qu’un mystérieux scaphandrier commet une série de crimes horribles (il tue ses victimes à coups de hache) pour tenter de trouver des documents sur le naufrage du « Princesse of the North », où il a... trouvé la mort cent ans plus tôt.
Le film s’achève par l’apparition d’une douzaine de zombies, dont deux enfants morts-vivants, qui, comme chez Romero, dévorent leurs victimes.
Le scénariste-réalisateur n’a fait aucun autre film.
Réalisé par Adam Wingard
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 17 janvier 2014
Pas sorti en France
À première vue, on ne prend pas conscience que le tueur psychopathe de ce film est joué par le beau Dan Stevens, qui était l’époux de Lady Mary dans Downton Abbey ! Mais c’est son premier film aux États-Unis, après son départ volontaire de ce prestigieux feuilleton. Il a eu tort, à mon avis.
Bref, un homme se présente dans la famille d’un soldat qui vient d’être tué, et prétend avoir été son compagnon d’armes. Comme il est très poli et serviable, on l’invite à rester quelques jours, et il rend un fameux service au fils de la maison, un lycéen brimé par ses condisciples. Mais, très vite, on constate que rien ne l’arrête, et qu’il tue avec facilité tous ceux qui se mettent sur son chemin.
Comme il est recherché par la police militaire, on finit par apprendre qu’il a été conditionné pour on ne sait quelle mission, mais, poursuivi, il tue aussi les parents de la famille qui l’a accueilli, avant d’être poignardé par le fils !
C’est assez baroque, la vraisemblance est un peu malmenée, mais l’acteur, seule vedette du film, possède un tel charisme, que le spectateur accepte tout.
Le réalisateur, qui a fait tous les métiers dans le domaine du cinéma, est visiblement attiré par les films violents, que d’ailleurs il réalise plutôt bien.
Réalisé par Adrian Sitaru
Titre original : Ilegitim
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 13 février 2016)
Sorti en France le 8 juin 2016
Signalons aux amateurs qui aiment se rincer l’œil que l’affiche ci-dessus, qui vient du site imdb.com, ne montre pas une scène du film, et qu’en France, on n’en a gardé que le haut de l’image. Exquise pudeur...
Cela étant précisé, les critiques ont tressé des couronnes à ce film, qui n’en méritait peut-être pas tant. Il débute comme Festen, par un repas de famille qui tourne mal parce que le père, un quinquagénaire porté sur la philosophie enfonçeuse de portes ouvertes, se voit accusé par ses enfants d’avoir été, au temps de Ceaucescu (nous sommes en Roumanie) un adversaire de l’avortement et d’avoir – ce qu’il nie – dénoncé quelques coupables de ce crime affreux. Plus tard, un autre épisode vient compliquer la situation : ses deux plus jeunes enfants, deux faux jumeaux de vingt-deux ans, sont tombés amoureux, et la fille est enceinte des œuvres de son frère. Elle veut garder le bébé, lui désire qu’elle avorte, ce qui nous ramène au thème précédent, un peu lourdement. Et lorsque, par leur frère aîné, le père apprend la catastrophe, nouveaux hurlements, avec expulsion du fils coupable.
Oui, mais le dénouement est absurde : alors que la voix off du père révèle qu’il a pensé à faire avorter sa fille – beau retournement d’opinion –, la séquence de fin, où la fille enceinte est à deux doigts d’accoucher, montre une famille unie, avec un père qui nous fait savoir que sa « petite fille » (pas encore née) est ce qu’il aime le plus au monde et qu’il tuerait pour la garder.
Suis-je le seul à voir que cette histoire recelait un potentiel de comique sarcastique resté inexploité ? Pour ne rien arranger, tout est filmé en gros plans assez laids à la caméra portée, si bien que seule la courte durée de cette histoire bavarde la rend supportable.
Et puis, sans aucune raison, la Sonate au clair de Lune de Beethoven (jouée sur une tablette !) revient sans arrêt, et c’est assez agaçant.
Réalisé par Arthur Harari
Sorti en France le 8 juin 2016
C’est en traînant des pieds que je suis allé voir ce film, car je n’apprécie pas du tout son interprète principal, Niels Schneider, le moins charismatique des acteurs français. Je l’avais vu dans ce feuilleton idiot diffusé sur Arte, Odysseus, où il jouait Télémaque, fils d’Ulysse, qui se révoltait contre son père et faisait la guerre à Ménélas. On le voyait constamment nu, et chaque fois qu’il prenait une douche, une femme entrait dans la pièce !
Ici, il joue Pier Ulmann, jeune Juif qui vit à Paris de petits vols et de débrouille, et charrie tout au long du récit une mine sinistre. Il faut dire que son père a eu des malheurs, attribués à sa famille : accidenté dans son extrême jeunesse (il a eu les doigts sectionnés), il n’a jamais surmonté l’épreuve, si bien que son frère aîné l’a fait interner, qu’il a été traité à coups d’électrochocs, et qu’il vient de mourir d’une maladie des reins.
Son fils Pier décide de se venger de ceux qu’il tient pour responsables, au premier rang desquels son oncle Joseph, diamantaire à Anvers : il raconte à un de ses amis qu’il veut « leur faire du mal ». Cela va consister à s’introduire dans cette famille qu’il ne connaît pas, et à leur voler leur fonds de commerce.
Naturellement, tout va finir assez mal, et Pier découvre que son propre père avait tout inventé de son histoire tragique.
Le film est donc bâti sur un bon scénario, l’histoire d’un Hamlet dont l’oncle ne serait pas coupable, et décrit plutôt bien le petit monde fermé des diamantaires. Malheureusement, la plupart des acteurs sont franchement mauvais, et pas dirigés. Et je n’ai pas compris pourquoi ce chef-d’œuvre musical qu’est La chanson de Solveig, extraite du Peer Gynt d’Edvard Grieg, revient si souvent, et dans une version assez médiocre.
Réalisé par Robert Eggers
Titre original : The witch: A New-England folktale
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 23 janvier 2015
Sorti en France le 8 juin 2016
À cause du titre qui signifie « La sorcière », on s’attend à un film d’horreur classique (malentendu qui a trompé beaucoup de spectateurs, semble-t-il, à lire leurs réactions déçues), filmé en gros plans à la caméra portée par un cadreur atteint d’épilepsie, et ponctué de surgissements brutaux d’un objet inattendu dans le cadre de l’écran, ponctués de coups de cymbales visant à vous faire sursauter. Or pas du tout, la réalisation est très classique, et ne pêche guère que par la laideur des images, toutes grisâtres – mais c’est sans doute voulu, en raison du sujet lugubre.
En vérité, c’est une satire de la religiosité qui ravageait les premiers colonisateurs des futurs États-Unis, artisans des chasses aux sorcières et qui n’avaient à la bouche que des citations de la Bible, et en tête, que des remords tenant à leur culpabilité supposée. Ici, en 1630, une famille venue d’Angleterre, d’abord installée au sein d’une colonie comme tant d’autres, se fait exclure à cause de la radicalisation du père, et doit aller s’installer dans un coin perdu en bordure d’une forêt, très vite considérée comme hantée par Satan et consorts. Mourant quasiment de faim, ces malheureux, qui ont déjà quatre enfants, ont la douleur de perdre leur bébé, qui disparaît, probablement enlevé par un loup, mais dont ils préfèrent croire qu’une sorcière s’en est emparée.
La suite est une cascade d’accusations successives, toutes plus absurdes les unes que les autres, impliquant les deux plus jeunes enfants, le fils cadet, puis la fille aînée, Thomasin, et enfin le bouc Philip, qui finit par encorner le père. À la fin, seule reste en vie la fille aînée, qui, s’étant mise nue, va rejoindre dans la forêt un sabbat de sorcières, qui toutes s’envolent !
J’avoue que seule cette fin me déçoit, car elle semble accréditer toutes les croyances ineptes de l’époque. On aurait pu se passer de ce dénouement.
Réalisé par Matt Ross
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 23 janvier 2016
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2016
Sortira en France le 12 octobre 2016
Film vu ce jour en avant-première, avec quatre cents autres privilégiés, qui ont été mis en garde : pas de fuite sur Internet avant le 1er octobre !
Docile comme je suis par nature, je respecte donc l’interdiction, en espérant que l’indication ci-dessous (film à voir) ne me vaudra pas les foudres de la censure commerciale, d’autant plus absurde que le film est déjà sorti, tant au Festival de Sundance le 23 janvier qu’au festival de Cannes il y a un mois ! Et que vingt-et-une critiques ont déjà été publiées, dont une en français par un critique présent à Cannes, dont je vous invite à ne surtout pas lire la reproduction ci-dessous :
Le distributeur, Mars, se comporte donc exactement comme les tenants de la société avide de profit que le film dénonce !
Réalisé par Frédéric Beigbeder
Sortira en France le 15 juin 2016
Le film a été mal accueilli, tant par les critiques que par le public. Le ton général : c’est grossier, vulgaire, voire pire...
Pourtant, le récit commence par un beau plan-séquence autobiographique, sur un garçon de douze ans qui dort et se voit, en rêve, entouré de quatre mannequins (russes) superbes, lesquelles s’en vont au bout d’un moment, ce qui le réveille. Il se lève alors, traverse l’appartement, ouvre une porte, et tombe sur un vaste loft où se tient une orgie, drogue, alcool, producteurs russes et filles nues. La suite est dans le même ton, soutenu par un dialogue parfois percutant, qui rappelle que Beigbeder, s’il n’est pas un cinéaste, est avant tout un écrivain. Ainsi, ces répliques proférées par un mannequin qui a fait la bêtise de jouer dans une vidéo nazie, et qui s’en excuse : « J’aime les Juifs, mon agent est juif, mon producteur est juif, et je suis dans le cinéma, alors, vous voyez ? ». Ou encore : « Je suis pour l’égalité des races, qu’elles soient inférieures ou supérieures ! ». Et, peu avant la fin : « Tant qu’à être une femme, autant être une vraie salope ! ». Évidemment, les associations féministes ont adoré.
En tout cas, si Liliane Bettencourt pouvait voir le film et si elle avait encore sa lucidité d’ex-femme d’affaires, elle n’apprécierait pas de voir la firme dont elle est l’héritière, L’Oréal, ainsi traînée dans la boue ; ni de voir rappeler le passé collabo de son père, Didier Schuller !
Pour le reste, Beigbeder s’est un peu laissé entraîner par les ressources du numérique, et il en fait trop, d’autant plus que son scénario, dès le départ des deux principaux personnages vers la Russie, sombre dans le n’importe quoi, voire le sentimental, à l’instar de la plupart des comédies. Dès lors, on peut partir avant la fin.
Réalisé par Bernard-Henri Lévy
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2016
Sorti en France le 8 juin 2016
Il fallait s’y attendre : BHL est à ce point détesté et méprisé, tant du public que de la critique, qu’au bout d’une seule semaine, son film n’est projeté à Paris que dans deux salles, dont une ne le passe qu’une fois, sur deux jours seulement. Et, semble-t-il, aucune en province. Aujourd’hui, nous n’étions que deux spectateurs dans la salle !
Pourtant, le film est honorable : le réalisateur a obtenu de pouvoir suivre les combattants kurdes qui sont, dans la région, les seuls à pouvoir affronter l’État Islamique avec un certain succès. Et le commentaire prétendument ampoulé que chacun lui reproche est en fait parfaitement simple et clair. Mieux encore, contrairement à son habitude, le réalisateur n’apparaît que dans une seule scène, où il conseille à un jeune général aux cheveux blancs d’être prudent, car ses soldats ont besoin de lui. Or cette scène, apparemment inutile de prime abord, prend son sens plus tard, quand on apprend que cet officier, qui ne voulait pas être davantage protégé que ses hommes, a été tué au combat.
Simple remarque en passant, le mot peshmerga s’écrit sans S final, car il représente une entité plurielle, tout comme Touareg, taliban ou encore fellagha au temps de la guerre d’Algérie. De même que Tsahal, utilisé par les Israéliens pour désigner leur armée, terme qui est d’ailleurs un acronyme en hébreu. Les peshmerga sont des « guerriers qui combattent jusqu’à la mort », selon la définition kurde.
Réalisé par Susanna White
Sorti aux États-Unis (Festival de San Francisco) le 1er mai 2016
Sorti en France le 15 juin 2016
Perry, professeur à l’Université de Londres, et en vacances à Marrakech avec sa femme Gail, fait la connaissance de Dima, un milliardaire russe exubérant qui l’invite à dîner, puis à participer à une fête. On apprend assez vite que c’est un truand, spécialisé dans le blanchiment de l’argent pour le compte de la mafia russe. Mais comme celle-ci a fait assassiner son ami Misha, il est décidé à se venger en communiquant aux services secrets britanniques tous les renseignements qu’il a acquis. Et, pour cette transaction, il compte sur Perry et lui remet une clé USB contenant toutes ces informations. En échange, il exige que l’Angleterre lui accorde l’asile et le protège, ainsi que sa famille. Contre toute attente, Perry accepte.
Naturellement, cela finira mal, puis Dima va être assassiné à son tour : les hauts responsables britanniques étaient sur sa liste !
Le scénario imite donc la tendance actuelle : les « bons » étaient en réalité les « méchants ». Et, comme avec toutes les histoires de John Le Carré, auteur du roman et producteur exécutif, l’intrigue est très embrouillée, et on a du mal à suivre...
Le film est très remuant, les personnages se déplacent dans toute l’Europe, on ne s’ennuie pas un seul instant, mais tout cela est très peu vraisemblable. Car enfin, hormis sa sympathie pour un homme riche et cordial, Perry n’avait aucune raison d’entrer dans la combine au risque de sa vie, d’autant moins que sa femme y était opposée.
Réalisé par Whit Stillman
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 23 janvier 2016
Sorti en France le 22 juin 2016
Lady Susan Vernon vient de perdre son mari et se retrouve sans beaucoup de ressources. Or nous sommes en Angleterre à la fin XVIIIe siècle, à une époque où les femmes n’ont aucun droit et doivent se marier si elles veulent vivre autrement que désargentées. Lady Susan doit donc trouver un remplaçant, d’autant plus que sa fille est aussi en âge de se marier ! Mais elle mauvaise réputation, car elle n’a pas été très fidèle en ménage.
Invitée chez une amie qui a un frère très beau, riche et intelligent, Reginald, elle lui plaît assez pour qu’un mariage soit envisageable, mais sa fille Frederica, fuyant son école, débarque et tombe amoureuse du prétendant de sa mère. Et comme celle-ci intrigue pour les séparer, Reginald l’apprend et rompt.
Finalement, Frederica et Reginald se marient, et Susan se rabat sur l’époux qu’elle prévoyait pour sa fille, un homme très bête mais qui a de l’argent. Il est d’ailleurs assez stupide pour accueillir chez lui, à titre d’invité permanent, l’amant de sa femme, et pour croire que l’enfant qu’elle attend au lendemain de leurs noces est de lui !
C’est très élégant, très satirique, et le dialogue est étincelant. Le film adapte une œuvre de Jane Austen, grand auteur britannique classique. Les interprètes sont très bons, avec une mention spéciale pour le seul connu, Stephen Fry, et pour Xavier Samuel, l’interprète australien de Reginald.
Réalisé par Sólveig Anspach
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2016
Sorti en France le 29 juin 2016
Ce film réunit les deux pays qui bornent l’existence de la réalisatrice, morte le 7 août 2015 : l’Islande où elle est née, la France où elle a terminé sa vie sur un cancer. Et plus précisément Reykjavik, capitale plate et fort laide de l’Islande, et Montreuil, où elle avait élu domicile et où se déroulait son film Queen of Montreuil. Et c’est à Montreuil que nous retrouvons l’un des personnages principaux de ce film, Samir, grutier, qui tombe ici amoureux d’Agathe, employée comme maître-nageuse à la piscine municipale. Et bien que Samir sache nager, il feint le contraire, à seule fin de l’approcher.
La suite, cocasse comme dans les meilleurs films de Sólveig Anspach, débouche sur un quiproquo : Samir a suivi Agathe en Islande, où elle s’est rendue pour un congrès international de maîtres-nageurs, et, pour y assister, il usurpe la place d’un délégué... israélien ! Puis un accident lui fait perdre la mémoire. Heureusement, d’autres péripéties la lui rendront, et le film s’achève sur un baiser amoureux.
De la même réalisatrice, j’avais beaucoup aimé Queen of Montreuil, ainsi que le film qui l’avait précédé, Back soon. Et on retrouve ici la poétesse islandaise qui en était l’un des personnages, Didda Jónsdóttir, laquelle flanque une rouste à son fils parce qu’il tue des oies pour en faire du foie gras ! On ne peut qu’y être sensible...
Réalisé par Lino Brocka
Sorti aux Philippines le 25 décembre 1976
Sorti en France (Festival de Cannes) en mai 1978
Sorti en France le 6 décembre 1978
Lino Brocka, mort en 1991, était le plus grand réalisateur philippin, pour ne pas dire le seul, et ce film fut le premier film philippin présenté au festival de Cannes, où d’ailleurs il ne reçut aucune récompense. Remis à neuf aujourd’hui, Insiang s’apparente curieusement, avec trente ans de retard, au néoréalisme italien, et Brocka faisait du cinéma social, tournant toujours dans les quartiers pauvres de Manille.
Insiang, belle jeune fille très convoitée par les mâles de son quartier, mais restée sérieuse, a une mère volage mais sévère, et pas de père. Sa mère, Tonya, a introduit chez elle un amant plus jeune, Dado, qui convoite Insiang, mais celle-ci, courtisée par un costaud mécanicien, Bebot, finit par céder à ce soupirant, qui... l’abandonne à l’issue de la première nuit dans un hôtel. Insiang pousse alors Dado à lui casser la figure. Mais Dado réclame sa récompense, et Insiang se donne à lui, à seule fin que sa mère s’en aperçoive et poignarde Dado !
C’est donc un drame assez sordide auquel on peut reprocher de ne comporter aucun personnage positif. Mais la mise en scène, bien que le tournage ne prit que onze jours, est parfaite de précision. Tout au plus peut-on estimer que la musique, toujours le même thème, revient trop souvent.
Bizarrerie, la mère est interprétée par une certaine... Mona Lisa ! Mais c’est la seule occasion qu’on a de sourire.
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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.