Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Nothing – Cube – Les amours d’Astrée et de Céladon – L’Astrée – Nouvelle chance – Les méduses – Meduzot– Magnolia – Crash – Collision – 4 mois, 3 semaines, 2 jours – 4 luni, 3 saptamini si 2 zile – Happy days – American graffiti – Da Vinci code – Love, American style – A new family in town– 3 amis – Ceux qui restent – King of California – Mon frère est fils unique – La question humaine – Apocalypse now – Shoah – Holocauste – Joyeuses funérailles – Death at a funeral – Quatre mariages et un enterrement – 28 semaines plus tard – 28 weeks later – 28 jours plus tard – L’âge des ténèbres – 99 francs – Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil
Personnes citées : Vincenzo Natali – Éric Rohmer – Honoré d’Urfé – Rodolphe Pauly – Odile Barski – Alfred Hitchcock – Orson Welles – Luchino Visconti – Federico Fellini – Ingmar Bergman – Luis Buñuel – François Truffaut – Jean Renoir – Charles Chaplin – Andy Gillet – Robert Altman – Paul Thomas Anderson – Cristian Mungiu – Nicolae Ceauşescu – Elena Ceauşescu – Joseph Staline – George Lucas – Ron Howard – Vincente Minelli – Harrison Ford – Richard Dreyfuss – Johnny Weismuller – Garry Marshall – Marion Ross – Anson Williams – Henry Winkler – Michel Boujenah – Philippe Noiret – Alfred Hitchcock – François Mitterrand – Anne Le Ny – Emmanuelle Devos – Vincent Lindon – Michael Cahill – Daniele Luchetti – Ludwig van Beethoven – Nicolas Klotz – Gustave Flaubert – Paul Greengrass – Matt Damon – Michel Lonsdale – Mathieu Amalric – Franz Schubert – Henri Salvador – Claude Lanzmann – Émile Louis – Frank Oz – Juan Carlos Fresnadillo – Paul Greengrass – Jesús Olmo – Enrique López Lavigne – Rowan Joffe – Danny Boyle – Denys Arcand – Jan Kounen – François Fillon – Frédéric Beigbeder – Jean Yanne
Réalisé par Vincenzo Natali
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2003
Sorti en France le 29 août 2007
En général, les Canadiens nous envoient leurs bons films. Innovation, ils nous en envoient aujourd’hui un (très) mauvais, datant de 2003, dû à Vincenzo Natali, qui avait réalisé Cube – déjà un film expérimental. Pourtant, cela ne commence pas si mal : deux amis, Dave et Andrew, vivent ensemble. Ils sont hétéros, mais ce sont des perdants nés, et chacun est le refuge de l’autre. Un jour, alors que leur maison doit être démolie parce qu’elle gêne la circulation, quelque chose se passe : l’univers entier, autour, disparaît ! Ne reste que la maison et ses deux occupants, dans un espace vide, élastique et blanc.
Le reste tient à la fois du théâtre expérimental... et du n’importe quoi. Lorsque les deux gars découvrent qu’ils ont le pouvoir de faire disparaître (ils disent « occulter ») ce qu’ils veulent, et par leur seule volonté, leurs griefs respectifs les conduisent à réduire peu à peu à néant tout ce qui leur reste, jusqu’à eux-mêmes. À la fin, ne reste que leur tête, et ils conviennent qu’ils se sont affrontés pour rien.
Par chance, la porte de sortie de la salle de cinéma n’a pas été occultée. Le spectateur s’y précipite avec soulagement.
Réalisé par Éric Rohmer
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 1er septembre 2003
Sorti en France le 5 septembre 2007
Le plus remarquable dans ce film, c’est... son format. Il a été tourné en 4/3, l’ancien format du cinéma et de la télévision, quasiment abandonné aujourd’hui avec la mode du 16/9. Mieux et plus surprenant, il est projeté dans ce format, au moins dans la salle commerciale où je l’ai vu. Lorsqu’on sait comment les films sont mutilés par les projectionnistes, il y a de quoi être stupéfait !
En tout cas, cette fidélité au passé va jusqu’à l’oubli de la haute définition, et celle, médiocre, de ce film d’Éric Rohmer, ne rend pas hommage aux paysages de la Touraine où il a été tourné, avec une petite équipe et presque entièrement en extérieurs.
L’histoire ? Elle adapte L’Astrée, interminable roman d’amour courtois, datant de 1607 et dû à Honoré d’Urfé. L’aspect désuet, voire passéiste, est totalement assumé, ce qui doit être mis au crédit du réalisateur. L’ennui est que les interprètes, surtout les femmes, ne sont pas à la hauteur, notamment l’actrice chargée du rôle d’Astrée (qu’un critique un peu nigaud a pris pour la déesse du même nom), plutôt commune et qui serait parfaite dans le rôle d’une shampouineuse de grande banlieue. En outre, Rohmer a la mauvaise idée de faire jouer le rôle d’Hylas par un acteur très maniéré, Rodolphe Pauly, fils de la scénariste-dialoguiste Odile Barski (népotisme toujours vivace) et d’inclure trois chansons dans son récit – lesquelles, mal chantées, alourdissent le film –, ainsi qu’une digression assez saugrenue sur les dieux gréco-romains et gaulois. En revanche, le dénouement ultra-rapide est bien rohmérien. Et l’interprète de Céladon, Andy Gillet, a autant de charme que de talent. Il tenait un petit rôle dans Nouvelle chance, film sorti en novembre 2006, et l’on pouvait prévoir qu’il ne tomberait pas dans l’oubli comme la plupart des acteurs débutants. Rohmer l’a évidemment choisi pour sa beauté androgyne, puisque le personnage doit, à la fin de l’histoire, se faire passer pour une fille.
Cela dit, le film est très au-dessous de ce que son auteur, âgé de 87 ans, a produit tout au long d’une carrière qui fut glorieuse, et vient confirmer ce que je ne cesse d’affirmer depuis des années : que le vieillissement frappe les réalisateurs de cinéma bien plus cruellement que les musiciens ou les peintres. Rohmer l’avoue d’ailleurs, il n’a plus le jugement qu’il possédait autrefois. On a vu ce qu’étaient les œuvres ultimes d’Hitchcock, de Welles, de Visconti, de Fellini, de Bergman, de Buñuel, de Truffaut, de Renoir et de Chaplin : il leur a manqué de s’arrêter plus tôt.
Réalisé par Shira Geffen et Etgar Keret
Titre original : Meduzot
Sorti en France (Festival de Cannes) le 22 mai 2003
Sorti en Israël le 28 juin 2007
Sorti en France le 5 septembre 2007
Le film choral, dans lequel on croise une foule de personnages dont aucun n’occupe le centre du récit, est difficile à réussir. Robert Altman y parvenait parfois ; dans son sublime Magnolia, Paul Thomas Anderson a frôlé la perfection ; et Crash (en France, Collision) était très intéressant. Ici, c’est proche du ratage, car aucun des protagonistes, aucune des péripéties ne parviennent à maintenir durablement le moindre intérêt. Mais à chacun ses goûts, et c’est l’éternel question du choix entre tranche de vie et tranche de gâteau.
Pour ne rien arranger, ce film israélien s’accompagne d’une musique « à la française » du genre horripilant, avec piano et violoncelle, procédé utilisé par les réalisateurs qui veulent faire sérieux. On s’endort très vite.
Réalisé par Cristian Mungiu
Titre original : 4 luni, 3 saptamini si 2 zile
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2007
Sorti en Roumanie le 1er juin 2007
Sorti en France le 29 août 2007
Les critiques de l’Univers entier se sont extasiés sur ce film roumain, certes estimable, et le jury du Festival de Cannes lui a décerné sa Palme d’Or, ce qui semble indiquer que le palmarès cannois récompense davantage les intentions que le résultat.
À Bucarest en 1987, une étudiante, enceinte de quatre mois, a besoin d’avorter. Une de ses copines, du genre plutôt dévouée, ce qui ne va pas lui porter chance, l’aide tout au long de son parcours d’obstacles vers la délivrance. C’est compliqué, pénible pour les deux filles, qui sont tombées sur un avorteur sans scrupules (il se paye en nature sur la copine), évidemment clandestin puisque l’avortement est interdit. Mais finalement, l’opération se termine bien. Fin du film.
La plupart des scènes sont réalisées sans musique, en plans-séquences précis et statiques, dont aucun n’est inintéressant, sauf peut-être celui du repas de famille, uniquement conçu pour montrer l’inquiétude de la copine qui a dû laisser son amie seule, astuce de scénario longuement préparée par une autre scène, et qui m’a semblé un peu artificielle et hors sujet. En fait, les scènes les plus réussies sont celles qui décrivent les tracas, administratifs et autres, que les filles doivent affronter pour trouver un lieu, une chambre d’hôtel, où l’avortement doit se passer. Paradoxalement, mais de manière tout à fait délibérée, c’est la copine qui est au centre du film, et non la fille qui doit avorter, comme si l’on avait voulu faire, du traditionnel témoin, le personnage principal.
L’atmosphère est assez lugubre, mais on n’ignorait pas que la Roumanie au temps du Génie des Carpathes ne baignait pas vraiment dans une ambiance de comédie musicale. Aussi le film enfonce-t-il des portes défoncées depuis dix-huit ans, lorsque les époux Ceauşescu ont rendu leur âme à Staline. Film honorable, donc, mais qui ne mérite peut-être pas les cris d’enthousiasme qu’on a entendus depuis sa première projection publique.
Je voudrais surtout formuler un souhait : que les distributeurs de films cessent de faire précéder leurs produits de ces avertissements terrifiants, dans le style « Certaines scènes risquent de heurter la sensibilité des spectateurs... euh, sensibles ». Car, d’une part, lorsque le spectateur peut lire ce carton, il a déjà payé sa place et ne va donc pas quitter la salle sur cette recommandation. D’autre part, lesdites scènes sont en général anodines et n’effraieraient pas un gosse de six ans gavé de Journal Télévisé. Ici, en l’occurrence et en tout et pour tout, un plan de vingt secondes sur le foetus après expulsion, qui a tout d’une poupée qu’on aurait barbouillée de ketchup. Pas de quoi s’évanouir. Et comme le film n’est pas du tout gore, et ne prend parti ni pour ni contre l’avortement, ce plan est inutile.
La chaîne Paris-Première rediffuse depuis le début de la semaine la série Happy days (et elle a cette bonne idée de passer les épisodes dans l’ordre, ou presque, ce qui n’était jamais arrivé en France). Voilà une bonne occasion de rectifier une idée répandue : que la série ait été inspirée par American graffiti, le film de George Lucas.
Il est vrai que ce film est daté de 1973, alors que la série a commencé seulement en 1974. Il est vrai aussi que l’ambiance est quasiment identique dans les deux productions : une ville moyenne des États-Unis, le rock and roll, la vie insouciante des jeunes, les bêtises du samedi soir... et un acteur commun, Ron Howard, futur réalisateur à succès (Da Vinci code, c’est lui), né en 1954, acteur de télévision depuis l’âge de deux ans, et qui avant cela n’avait paru que dans trois films de cinéma – dont un de Minelli, tout de même, à l’âge de neuf ans. Dans American graffiti, son personnage s’appelait Steve Bolander, et il avait des partenaires qui deviendraient célèbres, comme Harrison Ford et Richard Dreyfuss (et le fils de Johnny Weismuller !) ; dans Happy days, je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler qu’il s’appelait Richie Cunningham.
Or il est inexact que le film de Lucas ait inspiré la série. En fait, c’est le contraire.
Entre 1969 et 1974, il exista aux États-Unis une série télévisée, Love, American style, où beaucoup d’acteurs connus firent une apparition. D’autre part, l’acteur-réalisateur-producteur Garry Marshall avait écrit en 1971 un épisode de 30 minutes pour la chaîne ABC, A new family in town, projetant d’en faire une série, mais la chaîne n’aima pas l’épisode et se contenta de le diffuser dans Love, American style, sans intention de lui donner une suite. Or, dans cet épisode orphelin qui a donc précédé de deux ans American graffiti, la famille s’appelait déjà Cunningham, et l’on trouvait plusieurs des futurs personnages de Happy days : Richie, sa mère Marion, son père Howard, et son ami Potsie. Mieux, à l’exception du père, ils étaient, trois ans à l’avance, interprétés par les futurs acteurs de la série, Ron Howard, Marion Ross et Anson Williams.
Il n’est pas douteux que Lucas a vu cet épisode. Sans cela, comment expliquer qu’il ait engagé Ron Howard pour lui faire interpréter le même personnage ? Et c’est le succès du film de Lucas qui incita la chaîne ABC à prier Marshall de reprendre son projet abandonné. Il en profita pour ajouter le personnage de Fonzie, joué par Henry Winkler, sans qui la série n’aurait jamais tenu onze ans...
Réalisé par Michel Boujenah
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2007
Sorti en France le 22 août 2007
Vous allez voir ce film parce que vous savez que c’est la dernière apparition de Philippe Noiret, or vous devez vous contenter d’une courte apparition de l’acteur – moins de trois minutes –, dans laquelle il n’est plus, comme on dit, que l’ombre de lui-même, le cheveu raréfié, bouffi, le profit d’Hitchcock, et, vu de face, le visage de Mitterrand.
Le film ? Une de ces comédies de mœurs comme le cinéma français en loupe neuf sur dix. Aucun gag, ou de ceux qui ne portent pas. Michel Boujenah devrait abandonner le cinéma.
Réalisé par Anne Le Ny
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2007
Sorti en France le 29 août 2007
Emmanuelle Devos et Vincent Lindon jouent deux personnages qui vont visiter à l’hôpital de Versailles leurs conjoints respectifs – que l’on ne verra jamais. Ils font connaissance dans un couloir, se lient, finissent par avoir une aventure ensemble. Elle est extravertie, lui est sombre et taciturne, ce qui tombe bien puisque Vincent Lindon est décidément incapable d’articuler, et qu’on ne comprend, de ce qu’il dit, qu’un mot sur trois. Puis l’épouse meurt, mais son mari n’en dit rien à sa conquête et continue de venir quotidiennement à l’hôpital, pour celle-ci, tandis qu’elle s’avoue incapable de supporter désormais son compagnon, auquel on a dû poser un anus artificiel. Lorsqu’ils osent enfin tout déballer, ils conviennent, contre l’évidence, que leur amour n’a aucune importance, et se séparent de manière définitive.
Sujet plus grave que ceux traités en général dans le cinéma français. Le traitement est pour une fois à la hauteur. Mais enfin, ce film reste de portée réduite, car c’est un cas extrême, et quelque peu artificiel.
Réalisé par Michael Cahill
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 24 janvier 2007
Sorti en France le 12 septembre 2007
Rien ne justifie le titre de ce film, variation sur le thème archi-rebattu du père immature que son enfant protège. Mais le scénario est si mollasson que le récit se traîne et s’étale dès le premier quart.
Conscient de la chose, le distributeur UGC sort le film dans les placards à balais du sous-sol des Halles, endroit peu fréquenté, qui quelque jour se transformera en magasin de chaussures, le commerce le plus florissant du quartier. Et seulement cinq spectateurs, y compris votre (très humble) serviteur, ont assisté à la première projection commerciale. Je suis donc bien placé pour vous rapporter que vingt pour cent de cet effectif a dormi profondément...
La fin est délirante : tous les bobards que racontaient Charlie, et auxquels sa fille ne croyait pas, se révèlent vrais. Les scénaristes sont géniaux. Où sont-ils allés chercher une chute aussi originale et inattendue ?
Réalisé par Daniele Luchetti
Titre original : Mio fratello è figlio unico
Sorti en Italie le 20 avril 2007
Sorti en France le 12 septembre 2007
Une famille du sud de l’Italie, dans les années soixante-dix. Le frère aîné est communiste, et le plus jeune, qui a renoncé à ses études de séminariste, s’inscrit au parti fasciste. En dépit de ce schéma un peu simpliste, le film, sur le mode tragi-comique, fait partie de ces sagas politico-familiales que les Italiens réussissent si bien.
Un grand moment de comique, lorsqu’un orchestre communiste joue la Neuvième Symphonie de Beethoven, dont il a « débarrassé le texte de son esprit fasciste », où on l’on a inclus la musique de Bandiera rossa !
Réalisé par Nicolas Klotz
Sorti en France (Festival de Saint-Gratien) le 28 janvier 2007
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2007
Sorti en France le 12 septembre 2007
Encore un film encensé pour ses intentions, or, cette fois-ci, même ces intentions ne sont pas défendables. Les critiques français se sont ligués pour le louanger en chœur, par conséquent je n’en suis que plus à l’aise pour écrire ici tout le mal que j’en pense. Mais d’abord, un résumé.
Le président d’une grosse firme allemande, dont l’activité, sans doute la pétrochimie, n’est suggérée que par quelques vues de cheminées d’usine, et qui possède une filiale en France, suspecte Mathias Jüst, le directeur local de cette filiale, également allemand et joué par Michel Lonsdale, d’avoir des troubles mentaux et d’agir en conséquence – un peu comme au début d’Apocalypse now. Il charge Kessler, le psychologue de la filiale (Mathieu Amalric), d’enquêter discrètement sur ce chef zinzin, effectivement un peu perturbé. On apprendra que ce qui le perturbe, c’est la révélation, par des lettres anonymes, que son père fut un ponte nazi, et avait mis au point une méthode permettant d’éliminer les Juifs au moyen des gaz d’échappement des camions où on les embarquait.
Pourquoi je n’aime pas La question humaine ? Pour les raisons suivantes.
D’abord, pour son projet : le parallèle évident, recherché par les auteurs, suggère de rapprocher les méthodes des entreprises modernes de celles des nazis. Ce qui est un peu fort de café, infantile, voire parfaitement stupide.
Ensuite, le film ne montre rien, tout est basé sur les dialogues. Autrement dit, c’est quasiment de la radio, il n’y a aucune mise en scène. Avec pour résultat une complète absence d’émotion.
Et puis, le film, trop long (deux heures et vingt-trois minutes), n’aborde le sujet qu’au bout d’une heure. Il est alourdi, notamment, par des séquences musicales aussi oiseuses que pénibles, dont un interminable intermède espagnol, sans le moindre rapport avec le récit, où un concert de guitares est précédé par un chanteur grimaçant et maniéré, qui chante a capella une complainte sinistre sur le destin. On a droit, aussi, à une rave party, ainsi qu’à l’audition d’un morceau de Schubert qui arrache des plaintes déchirantes à Michel Lonsdale et flanquerait des idées de suicide à Henri Salvador lui-même.
En outre, sans raison valable, nous assistons à quelques scènes sur les stages de « motivation » que le psychologue impose aux cadres de l’entreprise, scènes auxquelles il est permis de ne rien comprendre, tant elles sont absconses et dépourvues de toute logique dramatique.
Enfin, le document lu par Mathieu Amalric et qui explique la technique à employer pour aménager les chambres à gaz ambulantes dans des camions est directement piqué dans Shoah, de Claude Lanzmann. Or ne fait pas Shoah qui veut. Je me permets d’ajouter que faire encore de la fiction avec l’extermination des Juifs, procédé que l’on critiquait déjà au temps du téléfilm Holocauste, en 1978, est moralement douteux, dès l’instant où l’on n’analyse pas l’extermination et ses causes politiques.
Au chapitre des bourdes, et parce qu’il faut bien rire un peu de ce qui est ridicule, ce « cuir » dans la lettre visée plus haut : « Ces documents ont été t-adressés... ». Ni l’acteur, réputé homme de culture, ni l’ingénieur du son, ni le monteur, ni le réalisateur n’ont eu conscience de la faute ? Ou, s’ils en ont eu conscience, n’ont jugé nécessaire de faire réenregistrer la phrase, comme il est courant dans le cinéma ? Ils comptaient sur un public sourd, ou illettré ?
Le générique de fin permet toutefois de se détendre. On y lit en effet la mention « Premier assistant à la mise en scène : Émile Louis ». Enfin une reconversion réussie !
Réalisé par Frank Oz
Titre original : Death at a funeral
Sorti en Allemagne (European Film Market) le 10 février 2007
Sorti en France le 19 septembre 2007
Death at a funeral, « Une mort aux obsèques », mais il s’agit d’une fausse mort. Le film vient de Grande-Bretagne, il est donc à la fois bourré de talents divers... et d’un mauvais goût parfaitement assumé. Est-ce pour cela qu’il est interdit aux moins de seize ans à Singapour ?
Bref, on enterre le père de famille, un riche bourgeois, et la veuve, les héritiers et la famille, proche ou éloignée, tout le monde est là. Mais on se doute bien que la cérémonie ne va pas se dérouler sans incidents.
C’est uniquement le mauvais goût des péripéties, et jusqu’à la scatologie, qui ont fait comparer le film à Quatre mariages et un enterrement, car les deux films n’ont aucun rapport entre eux, celui-ci étant beaucoup plus loufoque et rejetant l’analyse des caractères.
Un seul regret : le discours « émouvant » du fils, qui à la fin rend hommage à son père. Quand donc les auteurs comprendront-ils qu’il n’est pas nécessaire de nous imposer une séquence d’attendrissement à la fin de chaque comédie ?
Réalisé par Juan Carlos Fresnadillo
Titre original : 28 weeks later
Sorti au Royaume-Uni (London Sci-Fi Film Festival) le 6 mai 2007
Sorti en France le 19 septembre 2007
De quoi hésiter entre « À voir » et « À fuir ».
Le pire est dans la réalisation façon Paul Greengrass : caméra portée, images tremblotantes, montage haché dans lequel aucun plan n’est lisible et ne dure assez – jamais plus d’une seconde – pour permettre à la scène de s’installer. Sans oublier la bande sonore, festival de hurlements stridents, de mauvaise musique et de bruitages fracassants.
Le meilleur est dans les vues de rues désertes de Londres, ainsi que dans le scénario et le dialogue, plus subtils qu’il y paraît, surtout pour un film d’horreur ; ils sont dus à Jesús Olmo, Enrique López Lavigne, Rowan Joffe et au réalisateur Juan Carlos Fresnadillo. La chute, en particulier, est d’un humour macabre très soigné. La Grande-Bretagne a été ravagée par le virus de la rage (une variante qui, c’est curieux, se déclare dans les secondes qui suivent la contamination, alors que, dans la réalité, il faut des semaines). L’armée de l’OTAN a pris la situation en main, abattu les contaminés, puis mis sous surveillance une partie de Londres, qui doit servir au repeuplement. Le récit est centré sur deux enfants, Andy, 12 ans, et sa grande sœur Tammy. Il s’avère que leur mère, contaminée, n’a pas développé la maladie ; on en conclut qu’elle possède un gène d’immunité, et, par conséquent, ses enfants ont des chances de l’avoir aussi et deviennent précieux pour la survie de l’humanité. Or, juste avant qu’un pilote d’hélicoptère les embarque en France, où la maladie ne sévit pas, le garçon a été mordu par son père, et sa sœur lui a caché que la rage commence à se manifester chez lui (ses yeux sont injectés de sang). Le spectateur qui n’a pas été complètement abruti par le vacarme ambiant comprend sans qu’on le lui souligne, et merci aux scénaristes, que le gène protecteur n’agit que sur les filles. Résultat, quatre semaines plus tard, tout Paris a la rage !
Ce film prend la suite d’un 28 jours plus tard, film de Danny Boyle sorti en 2003. On espère pourtant que la série va s’arrêter là.
Réalisé par Denys Arcand
Sorti en France (Festival de Cannes) le 27 mai 2007
Sorti en France le 26 septembre 2007
Il est rare que Denys Arcand rate ses films. Malheureusement, c’est le cas ici.
Jean-Marc Leblanc travaille au gouvernement provincial du Québec, et sa tâche consiste surtout à décourager les malheureux solliciteurs, tous des cas sociaux, qui ont des réclamations à faire valoir. Il est aussi affligé d’une femme accrochée à son téléphone portable, qui ne pense qu’à son travail – dans la vente, circonstance aggravante – et qui le trompe avec le grand patron de sa firme ; de deux filles qui ne lui adressent jamais la parole ; et de supérieurs hiérarchiques enclins à la brimade. Pour ne rien arranger, il contrevient à la plupart des règlements qu’inspire le politiquement correct : les fumeurs sont pourchassés par la brigade anti-tabac équipée de chiens policiers, certains mots comme nain ou nègre sont interdits, etc.
Alors, il se réfugie dans les fantasmes, et se voit en écrivain récompensé par le Goncourt, en chef d’un parti politique, en chanteur d’opéra, tous personnages couverts de femmes.
Le début est jouissif, et la description, tout en noirceur un tantinet excessive, d’un Québec ravagé par la violence, la bêtise médiatique, les embouteillages, la pollution, les maladies... et le matriarcat (tous les personnages négatifs sont féminins) semble inspirée d’un scénario pessimiste que n’aurait pas désavoué François Fillon. Ensuite, hélas, toute la vacherie du propos se dilue dans les trop nombreux fantasmes érotiques du héros, et le film sombre définitivement dans une séquence médiévale, autre fantasme, parfaitement saugrenue. La fin bucolique au bord d’un lac n’arrange rien.
De toute évidence, le but initial était de faire la satire d’un Québec en voie de perdre son originalité, à force de loucher sur les États-Unis voisins pour s’en inspirer ; mais cela ne repose sur aucune histoire, et les éléments satiriques ne s’intègrent à rien.
Dommage...
Réalisé par Jan Kounen
Sorti en France et en Belgique le 26 septembre 2007
– Achetez-les, sinon ça s’vendra pas !
Il faut attendre une heure et demie avant de recueillir cette « justification » de la publicité. Auparavant, on aura subi un déluge de trucages numériques et de plaisanteries plus ou moins fines, sur la cocaïne, les partouzes, les putes, les hauts salaires et les voyages en première classe, qui ne visent pas vraiment la publicité, mais plutôt les publicitaires. C’est oublier, en effet, que ces mœurs ne sont pas propres à ces parasites modernes que sont les charlatans de la pub, elles sont aussi répandues dans la presse, le spectacle, la littérature, et d’une façon générale, chez les parvenus qui ont trop d’argent, et trop facilement gagné. Ce qui fait du monde...
En fait, le film utilise les procédés de la pub, ce qui le disqualifie pour en faire la satire. Mieux vaut lire l’amusant livre de Frédéric Beigbeder, à l’origine du film, ou, mieux, revoir Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, le premier film de Jean Yanne. Qui, lui, raillait vraiment la publicité, et avec une tout autre efficacité.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.