JPM - Films - Notules - Décembre 2005

Notules - Décembre 2005

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (entre parenthèses, autres que des films) : L’enferHarry Potter et la coupe de feuHarry Potter and the goblet of fireLe goût de la pastèqueTian bian yi duo yunLa saveur de la pastèque – Vive l’amour – Et là-bas quelle heure est-il ? – L’exorcisme d’Emily RoseThe exorcism of Emily Rose – L’exorciste – Vol au-dessus d’un nid de coucous – Olé !Forty shades of blue – Rosemary’s baby – Phantom of the Paradise – Kirikou et les bêtes sauvages – Les chevaliers du ciel – Le Tigre et la neigeLa Tigre e la neve – La vie est belle – Une belle journéeOn a clear day – Les virtuoses – The full monty – Billy Elliott – La petite JérusalemUne fois que tu es né...Quando sei nato non puoi più nascondertCapitaines courageux – Nos meilleures années – La fenêtre d’en faceLa finestra di fronteLa vérité nueWhere the truth lies – Ararat – Exotica – Family viewing – Antares – Short cuts – Amours chiennes – Magnolia – Collision – King Kong (2005) – Jurassic Park – Saw 2The constant gardener – Le tailleur de Panama

Personnes citées : Danis Tanovic – Krzysztof Piesiewicz – Krzysztof Kieslowski – Emmanuelle Béart – Jacques Gamblin – Marie Gillain – Jacques Perrin – Karin Viard – Guillaume Canet – Carole Bouquet – Jean Rochefort – Emma Watson – Daniel Radcliffe – Mike Newell – Ming-liang Tsai – Kang-sheng Lee – Scott Derrickson – James Randi – Nostradamus – Paul Harris Boardman – Scott Derrickson – Anneliese Michel – Felicitas Goodman – Xavier Couture – Florence Quentin – Étienne Chatiliez – Gad Elmaleh – Sabine Azéma – Denise Grey – Gérard Depardieu – Ira Sachs – Henry Bernstein – Clovis Cornillac – Jalil Lespert – Brian de Palma – Luc Besson – Jamel Debbouze – Nicolas Cage – Serge Dassault – Roberto Benigni – Marguerite Yourcenar – Gaby Dellal – Karin Albou – Marco Tullio Giordana – Ferzan Ozpetek – Jean Reno – Emmanuel Kant – Vlad Alexander Toma – Marco Tullio Giordana – Maria Pace Ottieri – Massimo Girotti – Atom Egoyan – Götz Spielmann – Peter Jackson – Darren Lynn Bousman – Fernando Meirelles – John Le Carré

L’enfer

Vendredi 2 décembre 2005

Réalisé par Danis Tanovic

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2005

Sorti en France le 30 novembre 2005

Film à fourrer sans hésitation dans la catégorie Mon-histoire-est-inintéressante-alors-je-vous-la-raconte-dans-le-désordre, ce qui permet de créer du mystère à peu de frais. D’autant plus surprenant que son réalisateur, Danis Tanovic, avait réussi un très bon film sur la guerre en Yougoslavie, No man’s land, en 2001 : un soldat était couché sur une mine antipersonnelle menaçant d’exploser au moindre mouvement, comment allait-on l’en tirer, et les organes d’information peuvent-ils faire pression sur le commandement militaire pour que les grands chefs se démènent un peu ? Question qui restait sans réponse. C’était d’un pessimisme total, pimenté de comique macabre. Ici, patatras, on sombre dans le drame bourgeois, joué par cette plaie du cinéma, des VEDETTES (les cons disent « des stars », comme si ça brillait davantage). Le scénario est dû à Krzysztof Piesiewicz et Krzysztof Kieslowski, ce dernier étant un réalisateur assez lugubre, très coté auprès de la critique française, mort en 1996, à l’âge de 55 ans.

L’histoire est celle d’Antoine, un professeur de lycée : un de ses élèves, Sébastien, en est amoureux et s’offre à lui, mais Marie, la femme d’Antoine, les surprend. Bien qu’Antoine ait repoussé le jeune garçon, sa femme, dont on ignorera jusqu’au bout si elle savait ou non ce dernier détail, le dénonce à la police, et il va en prison pour détournement de mineur. Quelque temps plus tard, lorsqu’il en sort et veut revoir ses trois filles, Marie tente de le jeter à la porte, il la tabasse avant de se suicider, elle devient paraplégique et muette. Traumatisées, et malheureusement c’est tout ce qui a intéressé le réalisateur, leurs trois filles grandissent mal. Le film nous montre leurs existences ratées : Sophie (Emmanuelle Béart, exhibée à poil une fois de plus) est mariée, mère de famille, mais ne s’entend pas avec son époux Jacques Gamblin ; Anne (Marie Gillain), étudiante, est enceinte du père d’une de ses amies, un professeur en Sorbonne très « famille » et plutôt lâche (Jacques Perrin), qui ne songe qu’à rompre ; et Céline (Karin Viard) passe sa vie dans le train et n’a aucune vie sentimentale... jusqu’au jour où un jeune homme lui demande un rendez-vous par téléphone. L’amour en vue ? Pas du tout, il s’agissait de Sébastien (Guillaume Canet), l’ex-lycéen amoureux, qui voulait lui révéler qu’Antoine n’avait rien eu à se reprocher. Leur première entrevue donne lieu à une scène ridicule, où le jeune homme ne trouve rien d’autre à dire qu’un long poème abscons, lu sous les regards goguenards des clients du café où la scène se passe, avant de s’éclipser sur une variante du fameux « Bon ben faut qu’j’y aille » dont l’originalité n’est plus à vanter. Plus tard, le mystère éclairci, les trois filles vont tout raconter à leur mère, Carole Bouquet, maquillée en vieillarde comme il n’est pas permis. Mais elle refuse de se repentir et se contente d’écrire « Je ne regrette rien » sur une feuille de carnet, ce qui en dit long sur son désir de nuire à son époux, mais n’explique en rien son geste. Fin, et envol d’une caméra tournoyante. On nous a expliqué auparavant qu’il convenait de comparer cette épouse modèle à Médée, laquelle avait tué ses enfants pour se venger de son époux volage, à quoi je réponds que Jason était bien coupable, lui, et qu’il ne s’était pas fait pincer avec un lycéen à poil.

Oui, je sais, je suis de mauvaise foi, mais, entre deux roupillons, ça m’a un peu énervé de voir Jean Rochefort dans cette galère, et n’ayant rien à y faire : au début, il regarde des oiseaux à la jumelle, à la fin, on l’emporte sur une civière parce qu’il ne va pas bien. Alors, Jean, un arriéré d’impôts, ou le projet d’achat d’un nouveau canasson ?

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Harry Potter et la coupe de feu

Lundi 5 décembre 2005

Réalisé par Mike Newell

Titre original : Harry Potter and the goblet of fire

Sorti au Royaume-Uni le 6 novembre 2005

Sorti en France le 30 novembre 2005

Vacarme, cris stridents, musique tonitruante, déluge de trucages numériques, combats répétitifs, pas un atome d’émotion ni d’intelligence. Des trois interprètes principaux, seule la jeune Emma Watson, qui joue Hermione, est digne d’intérêt. Daniel Radcliffe, qui interprète Harry Potter, et qui tente à seize ans de nous faire croire qu’il en a quatorze, ne possède ni attrait physique ni le moindre charisme.

Ne reste, pour sauver le film, bizarrement mis en scène par Mike Newell – le réalisateur de Quatre mariages et un enterrement –, que les quelques scènes où les garçons se montrent trop timides pour oser inviter des filles au bal. C’est bien peu. Et que vient faire là-dedans la grande Maggie Smith ?

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Le goût de la pastèque

Mardi 6 décembre 2005

Réalisé par Ming-liang Tsai

Titre original : Tian bian yi duo yun

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 16 février 2005

Sorti en France le 30 novembre 2005

Autre titre, attribué ultérieurement, La saveur de la pastèque. Les distributeurs français ont-ils le sens de la nuance ? Ont-ils voulu éviter que l’on prête au héros de cette histoire des goûts bizarres ? Il est vrai que dans Vive l’amour, le meilleur film de ce réalisateur, le héros, interprété par le même acteur, jouait déjà au bowling en appartement avec des pastèques. Ce qui fait de l’auteur, euh... un auteur (voir plus loin).

Peut sembler la suite de Et là-bas quelle heure est-il ?, ce film étrange qui flirtait avec le fantastique et se terminait à Paris, devant le bassin des Tuileries ; d’ailleurs, les noms des personnages, qui sont joués par les mêmes acteurs, l’indiquent bien, non moins que cette phrase du dialogue où la fille demande au garçon s’il vend toujours des montres.

Il ne vend plus de montres dans la rue, il est devenu acteur porno, et les scènes que son nouveau métier l’obligent à tourner en ont défrisé plus d’un, aussi bien au Festival International du Film à Berlin que dans la presse française. Notamment la séquence de fin, qui paraît interminable... avant que l’on comprenne pourquoi elle dure si longtemps, mais qui possède sa propre justification. En fait, ces scènes (simulées) sont moins « choquantes », comme disent les gens imaginatifs, que celles où une pastèque remplace métaphoriquement le sexe féminin. Elles ne sont pas non plus excitantes, c’est le moins que l’on puisse dire, mais le propos est justement de faire paraître sinistre cette activité... Grotesque et sordide, également, comme en témoigne cette séquence où l’actrice porno, prise d’une syncope, est inconsciente ; mais les prises de vues ne peuvent attendre, on continue donc à filmer, son partenaire s’escrimant sur une fille évanouie et qui se laisse ballotter par le réalisateur et son assistant, lesquels la secouent en tous sens afin qu’elle semble participer. De quoi réjouir les féministes et faire ricaner les âmes viles.

L’histoire, dont le style reste le même que pour les films précédents du réalisateur (né en Malaisie mais travaillant à Taïwan) – style qui inclut l’emploi récurrent de Kang-sheng Lee, son acteur fétiche mais qui n’est pas acteur de profession –, est, il faut le reconnaître, traitée ici par-dessous la jambe, si l’on ose cette expression hardie dans un pareil contexte. Si bien que le récit est entrelardé de séquences récréatives dites « de comédie musicale » qui ont semblé saugrenues à nombre de spectateurs, à juste titre reconnaissons-le, mais qui indiquent, en compensation, que, pour une fois, le réalisateur a disposé d’un budget important.

Avouons la vérité, on ne sait jamais très précisément où ce metteur en scène veut en venir, et ce film est loin d’être sa meilleure réalisation. Il faut pourtant convenir que sa manière de concevoir ses découpages, ses décors, de faire jouer ses acteurs et d’éviter les dialogues, tout autant que la répétition des mêmes thèmes de film en film, tout cela en fait un auteur authentique. Pour public restreint, mais il n’est pas le seul.

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L’exorcisme d’Emily Rose

Jeudi 8 décembre 2005

Réalisé par Scott Derrickson

Titre original : The exorcism of Emily Rose

Sorti en Italie (Festival de Venise) le 1er septembre 2005

Sorti en France le 7 décembre 2005

Toujours aussi judicieux dans ses critiques, « Le Canard enchaîné » place ce film parmi ceux à voir ! En fait, il s’agit d’une production assez puante (cette Emily ne sent pas la Rose).

Emily, jeune fille de 19 ans, est atteinte d’épilepsie, et ses crises la rendent psychotique. Traitée par un médecin, elle ne semble pas pouvoir guérir. Un prêtre catholique, Moore, conseille alors d’abandonner le traitement médical et de tenter un exorcisme, qui ne réussit pas davantage. La jeune fille, qui a une tendance à se blesser elle-même, finit par mourir, et le prêtre est accusé d’homicide par imprudence. Au terme de son procès, il est reconnu coupable ; cependant, le jury demande que sa peine soit confondue avec sa détention préventive, il est alors libéré sur-le-champ.

S’il ne s’agissait que d’exposer un dossier, comme l’affirme le critique du « Canard », passe encore. Mais le scénario prend clairement parti... pour l’existence du diable et la validité des exorcismes ! Cela, sous le prétexte de garder l’esprit ouvert. Rappelons tout de même le mot d’un magicien célèbre, James Randi, qui a démasqué un certain nombre de charlatans (et auteur d’une saine biographie de Nostradamus) : « Je veux bien avoir l’esprit ouvert, mais pas au point d’avoir des trous dans la tête ». Qu’au début du vingt-et-unième siècle, il y ait encore, en Afrique, en Amérique du Sud et aux États-Unis, des légions de crédules pour ajouter foi à ces couillonnades, on peut le comprendre ; mais que les gens de cinéma, qui sont apparemment réalistes et parfois des intellectuels, donnent dans ce travers, on peut s’en étonner, pour rester modéré.

Le côté tordu de cette histoire réside en ce que le prêtre est défendu par une avocate qui ne croit pas en Dieu, alors que le procureur qui requiert contre lui est croyant : cette grossière astuce vise à faire avaler au spectateur que tout cela est empreint de l’objectivité la plus parfaite, mais les intentions cachées des scénaristes Paul Harris Boardman et Scott Derrickson (ce dernier metteur en scène également) apparaissent au grand jour dans cette scène où un témoin, psychiatre et neurologue de renom, homme de bon sens et qui se trouve, moralement, à l’opposé de l’obscurantisme imprégnant ce scénario, déclare au tribunal qu’il aurait soigné Emily à coups d’électrochocs, si c’était pour sauver sa vie. Ce terme, « électrochocs », on sait quel effet il a automatiquement sur le public, lequel n’a pas oublié Vol au-dessus d’un nid de coucous ! C’est donc un coup de pouce d’une insigne malhonnêteté. De la manipulation pure et simple.

Prudente, la mise en scène se garde bien de montrer aucun événement surnaturel, mais, dans la scène de l’exorcisme, tout est filmé avec les ingrédients habituels du film d’horreur : nuit, pluie abondante, éclairs, coups de tonnerre, tout un arsenal digne de L’exorciste. Or L’exorciste et ses clones étaient des pochades, et leurs outrances, complètement assumées, montraient qu’on ne prenait pas ces sottises au sérieux. Ici, on considère que le démon existe et peut réellement prendre possession des esprits. Rien à voir.

Ajoutons que les cartons qui précèdent le générique de fin tendent à authentifier ce qu’on vient de regarder, affirmant qu’Emily Rose est désormais considérée comme une sainte dans son pays. Les cartons de fin sont immanquablement tenus pour authentiques par le public ; or il s’agit ici d’une imposture, puisque Emily Rose est un personnage de fiction ! Les scénaristes se sont en fait inspirés de l’histoire d’une jeune Allemande, Anneliese Michel, et du livre écrit par le docteur Felicitas Goodman, une anthropologue qu’on présentait comme un « expert en possession ». C’est dire le sérieux de tout cela...

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Olé !

Vendredi 9 décembre 2005

Réalisé par Florence Quentin

Sorti en France le 7 décembre 2005

François Veber est un patron puissant, casse-pieds mais brave type au fond, marié à une enquiquineuse hypocondriaque. Il compense avec une maîtresse qu’on ne verra jamais, seulement désignée par son adresse, « la rue Spontini » – une voie très chic dans le seizième arrondissement de Paris. Son fils Alexandre est un jeune crétin qui passe sa vie en parties de poker. Aussi, la personne qu’il préfère, en fin de compte, est... son chauffeur Ramon.

Ramon est espagnol mais ne parle que le français ; il est serviable, débrouillard, mille fois plus diplomate que son employeur, et lui rend donc de multiples services, que François reconnaît en étant très généreux : il subventionne largement la villa que Ramon et sa femme Carmen, cuisinière chez lui, font construire en Andalousie... où Ramon, très heureux à Paris, n’est pas pressé d’aller s’installer. Bref, François et Ramon sont inséparables.

Jusqu’au jour où François fait la connaissance et s’entiche d’un homme d’affaires, Delahaye (joué par Xavier Couture !). Ramon, un peu jaloux, se sent mis à l’écart. Pour s’en consoler, il met à profit une conversation téléphonique qu’il a surprise, pour tenter un coup en Bourse. Il gagne et devient très riche (il n’y a qu’au cinéma qu’on voit ça). Dès lors, il n’a plus aucun prétexte pour refuser à sa femme Carmen le retour au pays. Le couple s’installe dans une somptueuse villa et se lance avec succès dans l’immobilier de luxe. Pendant ce temps, Veber est ruiné par Delahaye, qui s’est révélé être un escroc. Ramon et Carmen ne peuvent faire autrement que d’accueillir en Andalousie leurs anciens employeurs, et Ramon redevient la providence de François. Au grand dam de sa femme, qui fiche le camp pour faire du tourisme en Égypte.

Cette histoire, due à Florence Quentin, la scénariste habituelle d’Étienne Chatiliez (une référence !), ne tient pas debout, on le voit, et la comédie, dont le titre n’a rien à voir avec l’histoire, est du genre languissant, pour ne pas dire mollasson. Gad Elmaleh est très bien, Sabine Azéma fait son habituel numéro de fofolle et finira par reprendre les rôles de Denise Grey, Depardieu est égal à lui-même. Tout cela est très français. Traduisez : n’a rien à dire.

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Forty shades of blue

Lundi 12 décembre 2005

Réalisé par Ira Sachs

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 21 janvier 2005

Sorti en République Tchèque (Festival Febio [FEničův BIOgraf]) le 2 avril 2005

Sorti en France le 7 décembre 2005

Alan est un sexagénaire, compositeur de chansons apprécié de ses pairs, qui vit à Memphis avec Laura, une jeune Russe d’une trentaine d’années. Il a aussi un fils de trente-cinq ans qui réside à Los Angeles. Le fils vient rendre visite à son père et couche avec la jeune femme, puis il repart, et le père comprend tout. Malaise. Mais rassurez-vous, tant qu’on a la santé...

Qu’on puisse encore, fin 2005, imaginer un scénario sur ce type de situation, fait mon admiration. Il y a un siècle environ, Henry Bernstein écrivait des pièces sur des sujets analogues. Il faut croire qu’on ne fabrique pas assez de films.

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Clovis Cornillac

Mardi 13 décembre 2005

Il y a quelques mois, je m’étais permis d’égratigner Jalil Lespert – acteur dont par ailleurs j’estime le talent –, parce qu’il est mauvais dans les interviews et ne sait pas aligner trois mots sans faire une faute de français (échantillon : « les super-z-héros »). À l’instar de beaucoup d’interprètes, il devrait se contenter de cette activité, sans se croire obligé de répondre aux invitations des magazines radio-télévisés, ceux où l’on vous incite à donner votre avis sur des questions qui ne sont ni de votre ressort ni de votre champ lexical – pour parler cuistre.

Il se trouve que le canard publicitaire du distributeur UGC, « Illimité », prétend ce mois-ci avoir pris comme rédacteur en chef Clovis Cornillac. En fait, l’événement s’est borné à insérer sur six pages un minuscule encadré de deux ou trois lignes (pas épuisant, le boulot de rédacteur en chef chez « Illimité », moi je suis candidat !), où l’acteur donne son avis sur diverses questions, et c’est du concentré de pertinence et d’audace. Jugez-en.

Page 8, pour commenter ce navet qu’est L’exorcisme d’Emily Rose, Cornillac nous déclare : « J’adore L’exorciste, Rosemary’s baby, les films avec le diable... Je dois ajouter que Phantom of the Paradise, de Brian de Palma, a changé ma vie ». On ne voit pas bien ce que le diable et les exorcismes viennent faire dans ce dernier film, qui est un opéra-rock sans un atome de surnaturel, mais puisque c’est lui qui le dit... Page 10, « J’ai rencontré Luc Besson à plusieurs reprises, je l’aime bien. Le duo Besson-Jamel, c’est une idée géniale ». Mais ils sont géniaux séparément aussi, cher Clovis ! Page 14, « J’adore Nicolas Cage. Une fois, ma femme m’a comparé à lui : c’est le plus beau compliment que l’on m’ait fait ». Le premier lecteur qui me cite un bon film interprété par Nicolas Cage gagne une Cadillac en or massif. Page 16, sur Gad Elmaleh, « Gad est un homme de scène, très réactif, bourré de talent ». Quel briseur de vases, ce Clovis ! Mais il va se faire une armée d’ennemis ! Page 25, à propos du dernier Kirikou, « Quand le dessin animé est touché par la grâce, c’est d’une pureté absolue. Je vais emmener mes filles ! ». Et page 28, sur le King Kong de 1976, pitoyable remake : « J’aime l’original et j’adore le remake », et notez bien que ce n’est pas l’inverse. Originalité, fulgurance, refus des concessions, Cloclo a tout pour être rédacteur en chef.

Rappelons que Clovis Cornillac vient de s’illustrer en tournant un film, Les chevaliers du ciel, tout à la gloire des Mirage, ces avions de guerre fabriqués par les usines Dassault. Un film auquel l’hebdomadaire « Valeurs actuelles » a consacré plusieurs pages enthousiastes, ce qui n’a bien sûr aucun rapport avec le fait que ce journal appartient à Serge Dassault !

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Le Tigre et la neige

Jeudi 15 décembre 2005

Réalisé par Roberto Benigni

Titre original : La Tigre e la neve

Sorti en Italie le 14 octobre 2005

Sorti en France le 14 décembre 2005

Le Tigre du titre, c’est le fleuve, mais l’Irak n’est qu’un thème de second plan, le premier n’étant autre que l’amour, traité de façon poétique et volubile, comme souvent chez Benigni. Disons tout de suite qu’on n’est pas obligé d’adhérer à cette vision de la vie, qui veut que l’amour triomphe de tout, y compris de la mort. Mais cet optimisme forcené qu’on reproche souvent à Benigni est tout de même tempéré par la présence de la mort : dans La vie est belle, son personnage se faisait abattre d’une rafale de mitraillette bien avant la fin de l’histoire ; ici, le troisième personnage par ordre d’importance se suicide par pendaison. Tout n’est donc pas rose...

Attilio, que Benigni incarne, veut reconquérir la mère de ses deux filles, dont il est séparé. En voyage en Irak pour terminer un film sur un poète irakien qu’elle édite (c’est Jean Reno, surprise !), elle a un accident et se trouve à deux doigts de la mort. Attilio fait le voyage et parvient à trouver le traitement qui la tire de là. Mais, tout ce temps, elle était dans le coma. Guérie, elle rentre à Rome, ignorant qu’elle doit la vie à son ex-compagnon. Par chance, une astuce de scénario garantit le happy end.

Comme pour La vie est belle, la première partie est plus drôle et plus réussie que la seconde, attristée par un suicide, comme dit plus haut. Mais la satire de l’armée qui fait le sale travail pour le compte de George Bush est bien là, quoique peu virulente.

Une curiosité, que remarquera un spectateur sur cent mille : au nombre des figurants du mariage fantasmé, tout au début, on peut constater, via une image d’archives, la présence de... Marguerite Yourcenar, première femme élue à l’Académie française, et décédée en 1987. Benigni convoque les morts à ses noces imaginaires ?

Un détail : « Le Canard enchaîné », toujours aussi judicieux, parle d’un « Irak de carton-pâte ». On voit mal pourquoi. Le film a été tourné en Tunisie, où seule la démocratie est en carton-pâte. En outre, l’utilisation de ce cliché prouve qu’on ignore tout du cinéma : le carton-pâte, matière coûteuse et difficile à travailler, est rarement employé dans la construction des décors, où l’on utilise tout simplement du bois, de la toile et du plâtre.

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Une belle journée

Vendredi 16 décembre 2005

Réalisé par Gaby Dellal

Titre original : On a clear day

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) en janvier 2005

Sorti en France le 7 décembre 2005

La Grande-Bretagne ne semble pas pouvoir se remettre du thatchérisme, puisque les films qu’on y réalise, presque tous, parlent du chômage. Celui-ci est de la même veine que Les virtuoses, The full monty, et deux ou trois autres de moindre importance, dont le légèrement surestimé Billy Elliott, sur la promotion sociale par le biais de l’exploit. Dans le cas présent, traverser la Manche à la nage.

Ce n’est ni indifférent ni dénué d’intérêt. On ne s’ennuie jamais, les personnages sont attachants, et quelques traits sur le racisme au Royaume-Uni sont assez justes. En réalité, le principal défaut du film est que tout y est prévisible. Par exemple, on comprend rapidement que si Franck n’aime pas son fils Rob, ce n’est pas parce qu’il est « homme au foyer » (sa jeune femme rapporte à la maison le seul salaire du couple, lui élève ses jumeaux, et plutôt bien), mais parce qu’il le rend responsable de la mort de son petit frère vingt-trois ans auparavant. Non moins prévisible, leur réconcialiation à la fin.

Film mineur, par conséquent, mais joué par des êtres humains, ce qui tend à devenir rare, aujourd’hui où l’on semble préférer les singes géants fabriqués sur ordinateur.

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La petite Jérusalem

Lundi 19 décembre 2005

Réalisé par Karin Albou

Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2005

Sorti en France le 14 décembre 2005

Une famille de Juifs tunisiens s’est installée à Sarcelles : la mère, veuve, ses souvenirs, ses superstitions ; les deux filles, Mathilde, croyante, traditionnaliste, mère de quatre enfants, mariée à un Juif intégriste, mais qui la trompe parce qu’il « la respecte » (traduction, il n’ose pas lui demander certaines complaisances sexuelles) ; et la cadette, Laura, prof de philo, admiratrice de Kant, et qui ne veut pas laisser la tradition envahir son existence.

Si le spectateur est féru de folklore juif, il en sortira gavé ; sinon, il sera mort d’ennui avant la fin. Histoire de corser le récit un peu statique, on a inventé une histoire d’amour entre Laura et un journaliste algérien évidemment dépourvu de papiers, dont la famille n’accepte pas qu’il se lie avec une Juive. Ils rompent, elle avale des somnifères, mais s’en tire. Puis toute la famille part s’installer en Israël et la laisse seule.

On se demande comment les commanditaires ont pu croire qu’il existe un public assez vaste pour rentabiliser ce genre de production. Pour vous donner une idée, Mathilde, plutôt que de divorcer, va prendre des cours d’éducation sexuelle juive, où on lui révèle – stupeur ! – que la femme peut, sans rien abdiquer de sa pudeur, accepter de toucher les organes sexuels de son mari, sous réserve que ce soit lui qui le demande. Si bien que, lors de leur rapport suivant, elle se hasarde à porter la main sur la région concernée ; mais le mari a tout de même gardé son caleçon. Nous ne sommes pas chez les papistes dépravés, nom de Dieu ! (Oh pardon...)

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Une fois que tu es né...

Mardi 20 décembre 2005

Réalisé par Marco Tullio Giordana

Titre original : Quando sei nato non puoi più nascondert

Sorti en Italie le 13 mai 2005

Sorti en France le 14 décembre 2005

... Tu ne peux plus te cacher. Tel est le titre complet original. On ne voit pas très bien en quoi cet aphorisme concerne le sujet, ni pourquoi on démarre sur un petit mystère (que signifie la phrase qu’un étranger désespéré répète sans cesse ?), mystère assez platement élucidé beaucoup plus tard.

Cela commence comme Capitaines courageux : au cours d’une croisière en voilier, Sandro, un gosse de riches, tombe à l’eau. Il est recueilli, non pas sur un bateau de pêche, mais sur une quasi-épave pilotée par un escroc et peuplée d’immigrants clandestins qui tentent de gagner l’Italie. Là, il se prend d’amitié pour un jeune Roumain, Radu, qui prétend avoir 17 ans (joué par le beau Vlad Alexander Toma), et pour sa jeune sœur Alina. Lorsque Sandro est rendu à sa famille, il tente de les faire adopter, mais il s’avère que Radu avait menti sur son âge : il était majeur. Plus grave, il se révèle en fait le proxénète de sa prétendue sœur.

Marco Tullio Giordana, qui avait signé le meilleur film italien (un téléfilm, en fait) vu depuis très longtemps, Nos meilleures années, tourne ici une histoire très noire, d’après un roman de Maria Pace Ottieri. Mais le propos est ambigu, et le récit, un peu lent à démarrer, s’égare à maintes reprises vers des péripéties qui affaiblissent l’intention initiale, illustrée par cette affiche à l’effigie de Berlusconi proclamant « Quarante pour cent d’immigrés en moins » : parler avec sympathie des immigrés. Si bien qu’on ne sait plus que penser de cette histoire, ou plutôt de ce qu’on en a fait.

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La fenêtre d’en face

Mercredi 21 décembre 2005

Réalisé par Ferzan Ozpetek

Titre original : La finestra di fronte

Sorti en Italie le 28 février 2003

Sorti en France le 14 décembre 2005

Pas le film immensément intéressant qu’on a dit, mais, en cette période de vide artistique traversée par le cinéma, et par comparaison, il est honorable.

Rome en 1943. David et Simon s’aiment. Ils doivent se cacher, mais tout le monde est au courant et ricane. Puis David surprend une conversation : son patron, un pâtissier, a donné aux nazis l’adresse des Juifs qu’il connaissait, une vaste rafle doit avoir lieu cette nuit. David prévient le plus de monde possible mais n’a pas le temps de prévenir Simon, qui va y laisser la vie. Soixante ans plus tard, David se le reproche encore, et les honneurs qu’il a reçus pour avoir sauvé tant d’innocents lui semblent dérisoires. Si bien que, parfois, il a des accès d’amnésie, ne sait plus où il se trouve et croit se prénommer Simon. Mais lui restent le goût de la pâtisserie et du travail bien fait, qui ont contribué entre-temps à faire de lui un artisan célèbre partout en Europe. C’est ce goût qui va le rapprocher d’une jeune femme, Giovanna, comptable dans un élevage industriel de volailles (à la fin, heureusement, elle démissionne), qui va servir de témoin contemporain et accompagner le spectateur dans la reconstitution du passé.

L’histoire est assez belle mais moyennement captivante, car, pour tout dire, on se fiche un peu des histoires d’amour de Giovanna, partagée entre son rustre de mari et un jeune homme plus beau et raffiné qui habite en face.

Ce film donna son dernier rôle à Massimo Girotti, acteur célèbre décédé il y a presque trois ans, qui avait tourné avec les plus grands à partir de 1940. Ancien champion sportif, il était connu pour sa beauté. À 85 ans, il lui en restait quelque chose.

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La vérité nue

Jeudi 22 décembre 2005

Réalisé par Atom Egoyan

Titre original : Where the truth lies

Sorti en France (Festival de Cannes) le 13 mai 2005

Sorti en France le 21 décembre 2005

Vince et Larry forment un duo de comiques. La veille du Téléthon qu’ils doivent présenter, Vince saute une fille dans sa suite d’hôtel, histoire de se préparer à une veille de trente-neuf heures. C’est alors que Larry tente de le pénétrer par derrière, ce que Vince n’accepte pas. Mais il y a un témoin : la fille. Si elle parle de ce minuscule incident, leur carrière est fichue. Juste après le Téléthon, la fille est retrouvée morte ; qui s’est débarrassé d’elle, Vince, Larry ou une tierce personne ? Le crime est maquillé en accident, puis les deux duettistes se séparent à tout jamais. Quinze ans plus tard, une journaliste enquête sur tout cela, mais, ayant appris la vérité, elle se tait pour ne pas révéler à la mère de la victime le comportement de sa fille.

Racontée ainsi, l’histoire est simple, mais les lois du whodunit et la nécessité de remplir l’écran durant  une heure et quarante-huit minutes imposent de l’enrichir d’une multitude d’épisodes et de détails, qui ne clarifient pas le récit. Atom Egoyan, auteur d’œuvres beaucoup plus personnelles comme Ararat, Exotica et Family viewing, réalise visiblement ici un film alimentaire, qui ne fera pas date. Et dont le titre français, banal, ne vaut pas l’original, qui signifie « Là où la vérité ment ».

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Antares

Lundi 26 décembre 2005

Réalisé par Götz Spielmann

Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 5 août 2004

Sorti en France le 21 décembre 2005

C’est un film autrichien, donc un tout petit peu moins désopilant que ceux des Marx Brothers. Quant à savoir pourquoi ce titre (Antares est une étoile de la constellation du Scorpion), la question ne sera pas posée.

La forme du récit reprend celle d’un certain nombre de films à succès, comme Short cuts, Amours chiennes, Magnolia ou Collision, avec plus d’économie, puisqu’on n’a ici que trois groupes humains et guère plus d’une dizaine de personnes, et beaucoup moins d’invention dans la mise en scène et l’interprétation que les trois derniers. Ces groupes sont apparemment sans rapport les uns avec les autres, mais il s’avère assez vite que chacun possède au moins un lien avec les deux autres. Dans le couple aisé, l’épouse, une infirmière, qui s’ennuie avec son mari trop porté sur la culture, a un amant médecin ; l’agent immobilier qui devait leur faire visiter un appartement de luxe est un gros plouc brutal, surtout amateur de bagnoles clinquantes, séparé de sa femme, laquelle a un amant yougoslave plus jeune, dont la petite amie enceinte et jalouse (elle n’a pas tout à fait tort) finit par tenter de se suicider en avalant des somnifères et se retrouve à l’hôpital où l’infirmière et l’amant médecin, etc.

C’est une construction artificielle, assez lugubre, ni chair ni passion, sans vraie complexité, les personnages sont dépourvus d’attraits physiques, et presque tout se passe la nuit. Comme dans Collision, un accident de voiture commence et termine l’histoire, et chaque détail inexpliqué trouve son explication dans une autre séquence. On fait désormais tant de films selon ce schéma (voir plus haut) que cela finit par sentir le procédé. Toute la différence est dans l’imagination du scénariste. On peut aimer, ou pas.

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King Kong (2005)

Mardi 27 décembre 2005

Réalisé par Peter Jackson

Sorti aux Étatst-Unis le 5 décembre 2005

Sorti en France le 14 décembre 2005

Là où, pour décrire le début des années trente, un réalisateur ordinaire aurait mis une dizaine de voitures d’époque dans la rue, Spielberg en placerait cent, et Peter Jackson en fourre mille, remplissant ainsi toute une avenue de New York – à grands coups de numérique, bien entendu. Le spectateur comprend dès lors que le film va faire dans la démesure. Mais c’est surtout l’excessive durée qui plombe le résultat : si la première partie, qui décrit plutôt bien la grande dépression après le krach de 1929, dure une vingtaine de minutes, on doit ensuite participer à un long voyage maritime qui s’étire sur trois quarts d’heure, et la séquence finale de Kong au sommet de l’Empire State Building n’en finit pas.

Non moins plombantes, les interventions de monstres qui peuplent l’île, scolopendres, holoturies, cafards, araignées – tous géants –, et des hordes de dinosaures venus sans doute à la nage depuis Jurassic park, il y a de tout, et dix fois trop de tout. De sorte qu’on n’évite pas le ridicule : une longue séquence montre l’équipe du film dans le film poursuivie par une cinquantaine de dinosaures assoiffés de sang, mais les bestioles sont si massives et si nombreuses qu’elles se bousculent et s’écrasent mutuellement, et c’est à peine si les humains pâtissent de l’équipée (seulement quatre morts quand, logiquement, tous auraient dû y rester).

L’amour de Kong pour la fille, à peine suggéré dans le film d’origine, en 1933, est ici lourdement souligné, mais rassurez-vous, l’animal n’a aucun geste déplacé. Il est peut-être électeur de George Bush, ou alors gay, c’est assez à la mode actuellement (on verra un western dit « gay » dans les jours qui suivent). C’est peut-être aussi parce que, malgré ses huit mètres de haut, ce gorille ne possède aucun sexe visible. Brassens était mal renseigné.

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Saw 2

Vu le mardi 29 novembre 2005 – Sorti le mercredi 28 décembre 2005

Réalisé par Darren Lynn Bousman

Titre original : Saw II

Sorti en Bulgarie, Roumanie, Royaume-Uni et aux États-Unis le 28 octobre 2005

Sorti en France le 28 décembre 2005

Le premier épisode, vu le 21 mars 2005 (voir la Notule correspondante), était simple dans sa conception, qualité appréciable, car les films d’horreur le sont rarement. Simple, mais pas exempt de défauts. Ainsi, le mystérieux tueur dévoilé à la fin se révélait être un personnage à peine entrevu auparavant, de manière si furtive que cela contrevenait à toutes les lois du whodunit (film où l’on doit deviner qui est le méchant). Ce tueur revient dans ce deuxième opus, mais il a changé de mobile : il ne veut plus se venger du corps médical, puisque c’était fait dans le premier épisode, il prétend vouloir étudier la nature humaine confrontée avec le pire de l’existence.

Ce personnage, en réalité, se trouve être le seul intéressant de l’histoire, mais logiquement on ne devrait plus le voir après ce deuxième épisode, qui ne sera pas le second, puisque le scénariste lui a donné un successeur, une femme en l’occurrence, d’ailleurs moins intéressant, et de loin ! Qui veut se venger d’une incarcération, imméritée dit-elle, due au policier de l’histoire, Matthews. Par conséquent, on sait d’avance que le méchant de Saw 3 sera une méchante...

Le film commence, comme les Indiana Jones, par un prologue de trois minutes, particulièrement horrifique : la victime, un indic, porte autour du cou un masque hérissé de pointes, qui lui transperceront le visage si, dans un court délai, la clé qui déverrouille le mécanisme n’est pas trouvée à temps. Or le tueur l’a dissimulée, sous anesthésie, derrière l’œil droit de son cobaye... qui doit donc s’arracher l’œil s’il veut s’en tirer. Inutile de dire que le malheureux n’y parvient pas et y laisse la vie.

Après cette mise en bouche, on craint de tomber dans la banalité des films d’outre-Atlantique : le policier qui avait mené l’enquête dans le premier épisode est non seulement divorcé, mais il a des ennuis avec son fils – comme neuf fois sur dix au cinéma et à la télévision. Or cette fois, ce n’est pas entièrement gratuit, puisque ce fils, qui a environ dix-sept ans, va être enlevé par le tueur, avec une demi-douzaine d’autres quidams, hommes et femmes, qui ont tous quelque chose à se reprocher, et qui ont naguère été coffrés par le policier en question, c’est leur point commun. Puis le tueur se fait volontairement arrêter par la police, afin de mieux observer les affres de l’angoisse sur le visage du père dont le rejeton est ainsi en danger de mort. C’est très pervers, évidemment.

Malheureusement, ce point de départ excellent, surtout si l’on possède quelques tendances au sadisme, donne lieu à un scénario un peu trop tordu, et l’intérêt s’éparpille avec la multiplicité des décors et des anecdotes personnelles, puisque, cette fois, on n’a pas misé sur le huis-clos qui faisait toute la valeur du film précédent.

La réalisation ne s’est pas non plus améliorée, en dépit du changement de réalisateur : toujours plus sanglante, toujours plus sordide, et une image qui semble provenir d’une caméra super-8. Inutile de dire que la bande son vise aux effets habituels, et que les détails horrifiques pleuvent dru. Le film, de toute évidence, s’adresse à une clientèle spécialisée.

Fin ouverte : le policier est capturé, enfermé, enchaîné par un pied, et crie sa haine à la tueuse héritière. On connaîtra la suite courant 2006 !

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The constant gardener

Mercredi 28 décembre 2005

Réalisé par Fernando Meirelles

Sorti aux États-Unis le 31 août 2005

Sorti en France le 28 décembre 2005

Les livres de John Le Carré, tous axés sur la politique, et de grande valeur documentaire, inspirent souvent le cinéma, quoique avec des résultats variables. Le précédent film tiré d’un de ses romans, Le tailleur de Panama, avait souffert d’une adaptation ratée. The constant gardener vaut mieux, mais il « pose problème », comme on dit dans les journaux bien écrits.

Le sujet tient du brûlot : sachant que la vie humaine en Afrique ne vaut pas cher, et que les maladies contagieuses y pullulent, les grands trusts pharmaceutiques s’y livrent à l’expérimentation sur une grande échelle, sans se soucier de jouer cartes sur table : facile, car il suffit, pour tester un médicament pas encore mis dans le commerce, de faire du test une condition sine qua non en vue de recevoir le don d’un autre médicament indispensable ! Tant pis si la mise au point n’est pas finie, et s’il y a des victimes. Comment les cobayes pressentis, démunis et mal renseignés, pourraient-ils refuser ? D’autre part, dans l’histoire décrite ici, les experts estiment que la tuberculose va bientôt faire des ravages sur le continent, ce que la Bourse traduit par cet avis à épingler dans une anthologie du cynisme : le marché de la tuberculose est en pleine expansion.

Tout cela, et bien d’autres horreurs (comment faire taire les curieux, comment s’assurer la complicité des gouvernements locaux ?), sera mis en lumière par un diplomate britannique, dont la femme, Tessa, une journaliste à tendance écolo – certains articles de presse la disent avocate, mais on ne la voit jamais exercer ce métier –, qui fait précisément partie du camp des curieux, a été assassinée. Il faut dire qu’elle posait des questions du genre « C’est louable de votre part d’avoir autorisé l’acheminement de tel remède pour les mères séropositives, mais comment se fait-il que les médicaments ne soient jamais parvenus à destination ? Les crédits se sont-ils transformés en Mercedes ministérielle ? ». Manque de tact, on ne verrait pas ça chez nos journalistes... Le diplomate britannique finira comme sa femme, exécuté par des hommes de main, sur la « suggestion » de pontes des labos qui préfèrent tout ignorer de qui fera le sale travail, comme de juste.

Le problème dont je parlais plus haut réside en ceci : on outrepasse les limites de la déontologie quand le dialogue mentionne que le gouvernement kenyan, organisme bien réel, s’est laissé corrompre par des grands labos pharmaceutiques, dotés dans le récit d’un nom imaginaire ! D’une main, on pointe un coupable, de l’autre, on masque ses complices. Et tout est à l’avenant.

On voit ainsi les limites de la fiction, serait-elle explosive et basée sur des faits réels : ce film, qui ne cite aucun nom de dirigeant ni de société autres que fictifs, au fond, NE GÊNE PERSONNE ! Et tout trust de la pharmacie qui se verrait ensuite l’objet d’une allusion dans la presse aurait beau jeu de répondre : « Cette histoire ne nous concerne en rien, mais voyez plutôt du côté de nos concurrents ». Finalement, le documentaire, fût-il dans le style à grand spectacle et blagueur de Michael Moore, a plus d’efficacité, puisqu’il cite, lui, des responsables en chair et en os, et bien connus.

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés

Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.