Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Les vacances de monsieur Hulot – Les dents de la mer – Playtime – Mon oncle – Le soupirant – Yoyo – Tant qu’on a la santé – Le grand amour – Le pays de cocagne – Jeux de pouvoir – State of play – Cracker – Le dernier roi d’Écosse – Dans tes bras – Le hérisson – Whatever works – Cassandra’s dream – Vicky Cristina Barcelona – The Tudors – Public enemies – Collateral – Miami vice – Manhunter – Sixième sens – Heat – Toy boy – Spread – L.A. gigolo – J’ai tué ma mère – Les quatre cents coups – Bancs publics (Versailles rive droite) – Bronson – Orange mécanique – Le roi de l’évasion – L’anniversaire de Leila – Eid milad Laila – Là-haut – Up – Là-haut – Partly cloudy – Cars – Finding Nemo – Wall-E – The reader – Le liseur – Billy Elliott – Brüno – Borat – Victoria : les jeunes années d’une reine – The young Victoria – C.R.A..Z.Y.
Personnes citées : Jacques Tati – Steven Spielberg – Pierre Étaix – Jean-Jacques Rousseau – Jean-Claude Carrière – Kevin MacDonald – Paul Abbott – Idi Amin Dada – Helen Mirren – Hubert Gillet – Michelle Laroque – Martin Loizillon – Catherine Mouchet – Arlette Chabot – Mona Achache – Josiane Balasko – Wladimir Yordanoff – Anne Brochet – Woody Allen – Larry David – Henry Cavill – Stéphane Guillon – Michael Mann – Bruce Willis – John Dillinger – Christian Bale – Johnny Depp – Bernard Achour – Marion Cotillard – J. Edgar Hoover – Ashton Kutcher – Massimo Gargia – Caroline Bottaro – Sandrine Bonnaire – Bertina Henricks – Xavier Dolan – François Truffaut – Stanley Kubrick – Charles Bronson – Alain Guiraudie – Hafsia Herzi – Rashid Masharawi – Mohammed Bakri – Pete Docter – Bob Peterson – Maurice Chevalier – Stephen Daldry – Bernhard Schlink – David Kross – Ralph Fiennes – Sacha Baron Cohen
Réalisé par Jacques Tati
Sorti en France le 25 février 1953
Ressorti en France (version de 1978 restaurée) le 1er juillet 2009
Tati s’inspirant d’un film de Spielberg ? Ce n’est pas absurde, si on considère que Jaws (alias Les dents de la mer) date de 1975, et que le présent film est la troisième version de celui qui a vu naître monsieur Hulot, version sortie en 1978, après celles de 1953 et de 1962. Et, bien que ce modeste kayak saboté involontairement par notre vacancier n’ait que de (très) loin l’air d’un requin, il provoque un mini-début de panique sur la page de Saint-Marc-sur-Mer, banlieue de Saint-Nazaire, moins achalandée qu’à Long Island, où les mouvements de foule sont évidemment les plus populeux in the world.
Cette nouvelle version remise à neuf – on dit « restaurée », aujourd’hui – bénéficie d’une image impeccable et d’un son à la hauteur. Voyez-la de préférence en numérique, puisque c’est possible, dans une bonne salle comme le Max-Linder, où l’on aime le cinéma et où les cadrages d’origine sont respectés.
L’image de fin montre un timbre-poste de 30 centimes oblitéré. Il est rouge, et c’est la seule touche de couleur du film, justifiant ainsi la référence à Technicolor au générique de fin ! Pour le reste, c’est toujours aussi drôle, sur un argument classique : l’arrivée d’un personnage dans un certain environnement est le catalyseur d’une série d’incidents, ici cocasses, qui chamboulent un peu les habitudes des gens du coin. Le schéma a beauoup servi, et même resservi chez Tati, qui l’a étendu dans Playtime.
On se régale, et c’est l’occasion d’observer que les films de Tati, minutieusement réalisés, devaient en fait coûter très cher. Playtime a d’ailleurs ruiné pas mal de monde, y compris son auteur !
On n’a pas si souvent l’occasion (les cons disent « l’opportunité ») d’apprendre une bonne nouvelle. Or, pour une fois...
Le 26 mai dernier, j’avais écrit une notule sur les ennuis de Pierre Étaix, ce génie aussi grand que Jacques Tati (dont il a été l’assistant sur Mon oncle), et dont cinq des longs-métrages et deux courts-métrages avaient été achetés par la société Gavroche, sous le prétexte d’en assurer l’exploitation. Or Gavroche n’en avait rien fait ; de sorte que ces films, mis sous séquestre, ne pouvaient plus être vus par qui que ce soit. Un beau gâchis.
Étaix a fini par saisir la Justice, laquelle, pour une fois, a su appliquer l’esprit de la loi plutôt que la lettre, et a envoyé bouler Gavroche, qui peut rejoindre Rousseau, le nez dans le ruisseau : le contrat a été cassé ! Il faut dire qu’il n’était pas en béton... Certes, Gavroche peut encore faire appel, mais la décision du juge était exécutoire, et les négatifs des films sont immédiatement partis aux Archives Françaises du Film pour des vérifications techniques, car la bande son pourrait avoir mal vieilli.
Bref, à 80 ans, Étaix récupère enfin les droits sur ses films, et on va pouvoir les revoir.
L’affaire remonte en fait à 2004 : par l’intermédiaire de leur avocat, Pierre Étaix et Jean-Claude Carrière (son co-auteur pour quatre longs-métrages et les deux courts-métrages Rupture et Heureux anniversaire) avaient entamé des négociations avec Gavroche Productions, en vue de restaurer et d’exploiter les deux courts-métrages et cinq longs métrages : Le soupirant, Yoyo, Tant qu’on a la santé et Le grand amour, écrits par Étaix et Carrière, et un dernier film, Le pays de cocagne, œuvre d’Étaix seul. Et, en mai 2004, ils avaient signé un contrat de cession de droits d’auteur, par lequel ils cédaient la totalité de leurs droits à Gavroche Productions.
Mais Gavroche ne leur avait adressé en retour aucun document d’acceptation. Deux ans et demi plus tard, les auteurs avaient donc fini par considérer le contrat comme caduc, ce que contestait Gavroche. Le 26 juin dernier, la troisième chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Paris vient de lui donner tort, et de la débouter de sa plainte ridicule contre la Fondation Groupama GAN pour le cinéma, pour avoir fait restaurer le négatif de Yoyo et avoir notamment présenté le film en 2007 au Festival de Cannes ! Pour cette procédure abusive, Gavroche écope en outre de 10 000 euros de dommages et intérêts.
Pour une fois que les méchants sont punis...
Réalisé par Kevin MacDonald
Titre original : State of play
Sorti aux États-Unis le 17 avril 2009
Sorti en France le 24 juin 2009
Pas vraiment des « jeux », puisqu’il s’agit de meurtres visant à camoufler des agissements politiques répréhensibles. Le film adapte une série télévisée britannique due à Paul Abbott, également auteur et producteur de l’excellente série Cracker, peu connue chez nous (neuf épisodes en 1994). Le réalisateur, lui, est surtout connu pour Le dernier roi d’Écosse, film de 2006 sur Idi Amin Dada.
Malgré le tournage en caméra portée, qui se justifie très peu ici, le film est agréable à suivre, mêlant les milieux journalistes et politiques, incarnés par deux copains d’études, dont l’un est devenu un député très propre sur lui, et l’autre un journaliste mal rasé, vivant dans sa vieille voiture Saab ou dans un capharnaüm qu’on verra fugitivement, bouffant n’importe quoi, buveur, et qui a d’ailleurs sauté la femme de son copain. Laquelle ne faisait que se venger, puisque le mari très propre sur lui a une maîtresse, qui est aussi sa collaboratrice, et qu’on ne voit jamais puisqu’elle se fait assassiner dès le début.
L’enquête sur ce meurtre et un ou deux autres se mêle à l’enquête politique portant sur une société privée qui tente de se faire attribuer le marché ultra-juteux de la défense intérieure des États-Unis. On y voit aussi une rédactrice en chef (Helen Mirren, sous-employée, non qu’on la voie peu, mais son personnage est un énorme cliché à lui tout seul, indigne de son talent), qui pilote la reconversion de son journal vers le sensationnel pour satisfaire aux désirs des nouveaux patrons, et une rédactrice de blog qui va devenir une excellente journaliste, conformément aux clichés sur les journaux vus par le cinéma.
Toute cette histoire ne mange pas de pain, est clairement racontée, comporte son lot de poncifs et d’invraisemblances, et surtout une grosse déception quand on apprend que le méchant de l’histoire était en réalité celui qu’on avait cru le bon. Quoi ! On nous fait le coup à intervalles réguliers ? Mais c’est Hollywood, ça !
Réalisé par Hubert Gillet
Sorti en France le 1er juillet 2009
Louis, qui va sur ses seize ans et qui se sait adopté, a réussi à retrouver la trace de sa vraie mère, qui est fleuriste non loin de son village, sur la côte. Il va tenter de prendre contact avec elle, mais elle le repousse. Inévitablement, on sait que cette situation va évoluer, sinon il n’y aurait pas de film ! Peu avant la fin, il nous est révélé que Louis est né d’un double viol – d’où les réticences de la génitrice et ses mimiques lugubres tout au long du récit –, ce à quoi on s’attend une heure à l’avance.
Michelle Laroque passe donc son temps à baisser les yeux ou à détourner le regard ; Martin Loizillon, qui n’est sans doute pas le meilleur acteur de sa génération, est dans toutes les scènes ; et Catherine Mouchet, qui joue la mère adoptive, ressemble de plus en plus à Arlette Chabot. Il y a aussi une scène de lit complètement inutile, comme toutes les scènes de lit.
Le film n’a que deux vertus : il ne manque pas de sensibilité, et surtout, il est COURT !
Réalisé par Mona Achache
Sorti en France le 3 juillet 2009
Ce film souffre de trois défauts. D’abord, on devine d’emblée que cette concierge disgraciée va voir son physique et sa vêture améliorés par quelque bonne fée, puis connaître une compensation à son triste sort. Ensuite, la petite jeune fille qui sert de commentatrice au récit est une pimbêche dont on claquerait volontiers le beignet ; quel dommage que ce ne soit pas elle qui meurt à la fin ! Enfin, le récit lui-même est d’une effroyable lenteur. Ne surnagent que les acteurs, Josiane Balasko elle-même (mais surtout son maquilleur, son perruquier, son habilleuse), puis Wladimir Yordanoff et Anne Brochet en parents bobos.
L’accident de la fin est très artificiel. C’est l’auteur construisant arbitrairement des évènements quand l’histoire n’avance plus, procédé scénaristique souvent dénoncé ici.
Réalisé par Woody Allen
Sorti aux États-Unis (Festival du Film de Tribeca) le 22 avril 2009
Sorti aux États-Unis le 19 juin 2009
Sorti en France le 1er juillet 2009
Au moins, cette fois, on n’a pas traduit le titre – qui signifie « Peu importe pourvu que ça marche » –, comme certains l’ont fait bêtement avec un précédent film de Woody Allen, Cassandra’s dream (c’était le nom d’un bateau, et il est aussi absurde de traduire le nom des bateaux que le nom des villes : imaginez qu’on dise « saint François » pour désigner San Francisco !).
À la fin du film, le personnage principal, s’adressant au public de la salle où il est projeté, dit : « Il y avait des gens au début, je me demande combien il en reste ». C’est de la distanciation typiquement allenienne ! Doublée de lucidité, car il est vrai que ce film ne marche pas très fort, et c’est grand dommage, car il est bien meilleur que celui cité plus haut, sans parler du lamentable Vicky Cristina Barcelona qu’on a dû subir quelques mois plus tôt, et que tant de gens se sont évertués à trouver bon, en dépit de l’évidence.
Larry David dans le rôle de Boris personnifie Woody, trop âgé désormais pour jouer les personnages qui lui servent de porte-parole : hypocondriaque, misanthrope (il voudrait la peine de mort pour les cyclistes qui roulent sur le trottoir, projet qu’on ne peut qu’approuver chaudement), ex-physicien de génie ayant raté le prix Nobel, naguère richement marié, clopinant après un suicide raté (il s’est jeté par la fenêtre), il déteste tout le monde, quoique personne en particulier. C’est donc la dernière personne qui devrait faire un second mariage avec une jeune fille ravissante et naïve, d’une ignorance à bénir le Ciel, et qui s’est incrustée chez lui. Puis débarqueront la mère de la jeune fille, très droitière, très cul bénit, qui virera sa cuti en se mettant en ménage avec DEUX hommes, puis le père, même signalement, qui se mettra en ménage avec un seul. Tandis que la fille quittera son grongnon d’époux, mais en toute amitié, pour former un couple avec un très beau garçon de son âge (c’est Henry Cavill, recruté dans le feuilleton britannique The Tudors, alors vous pensez bien qu’il n’y a pas à hésiter).
Woody Allen, de retour à New York et en grande forme, prouve qu’on ne fait de bonne comédie qu’avec un soupçon de méchanceté. Pas de la méchanceté à la Stéphane Guillon, en cognant avec mesquinerie sur des personnes nommément désignées, mais sur l’espèce humaine en général, et c’est ce qu’ont toujours fait les grands satiristes. Je comprends mal ceux qui ont été déçus par le film.
Réalisé par Michael Mann
Sorti aux États-Unis (première à Chicago) le 18 juin 2009
Sorti aux États-Unis le 1er juillet 2009
Sorti en France le 8 juillet 2009
Michael Mann possède une cote élevée auprès des critiques, sans doute exagérée. Si Collateral, en 2004, était passable, son adaptation au cinéma du feuilleton télévisé Miami vice, en 2006, était calamiteuse, quoique on se soit abstenu ici et là de le dire trop fort. Tout compte fait, j’ai surtout apprécié son Manhunter, en 1986, qui bénéficiait d’un bon roman comme point de départ, mais fut rebaptisé en France Sixième sens, ce qui s’avéra malencontreux, puisque un autre film avec Bruce Willis devait ensuite adopter le même titre. Évidemment, Mann n’y était pour rien...
À ma connaissance, le présent film est au moins le troisième sur le gangster Dillinger, et sans doute pas le meilleur. Les deux vedettes, Christian Bale et Johnny Depp, n’ont ensemble qu’une courte scène, ce qui est frustrant pour le spectateur qui s’attend peut-être à de beaux affrontements de comédiens. Non, rien. Dire que le désopilant canard publicitaire de l’UGC, « Illimité », parle d’un « face-à-face digne de Heat » !... Où donc est le face-à-face ? Il est vrai que son seul rédacteur, Bernard Achour, a largué ses ambitions, et, de critique pertinent sur Ouï-FM, est passé à la brosse à reluire, qu’il manie à grands coups de cliché issus de la pub. Marion Cotillard joue la nana de service, et les scènes de fusillade sont interminables, sans doute destinées à montrer ce que le réalisateur peut faire, ce qui est parfaitement vain, puisque l’histoire se réduit à l’affrontement contumier du policier contre l’affreux bandit, finalement abattu à la sortie d’un cinéma, comme tout le monde le sait.
Le spectateur ne sort de sa torpeur que lors d’une scène curieuse et certainement inventée, lorsque Dillinger, grimé, s’introduit sans aucune raison dans le commissariat où est logée la section spéciale du FBI qui le traque, et s’y ballade tranquillement, car tous les inspecteurs sont partis... lui tendre une embuscade !
Et si, au lieu de refaire sans cesse des films au style immuable sur des gangsters, on en réalisait un, enfin, sur J. Edgar Hoover, le patron du FBI (qu’on voit dans celui-ci), surnommé naguère « Le plus grand ripou d’Amérique » par un documentaire télévisé ? Les « valeurs des États-Unis » défendues par un type corrompu jusqu’à la moelle, avec en prime les gays persécutés par un homo honteux, voilà un sujet de film ! Alors qu’actuellement, on a plutôt l’impression que la grève des scénaristes n’a jamais cessé...
Petite remarque annexe : « Le Canard enchaîné » prétend que le film est « tourné en vidéo HD (ce qui se voit) » – sous-entendu, l’image est médiocre. Rien vu de tel, l’image est parfaite, au Max-Linder et en numérique, tout au moins. Le critique du « Canard » l’a peut-être visionné dans une mauvaise salle.
Réalisé par David Mackenzie
Titre original : Spread
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 17 janvier 2009
Sorti en France le 8 juillet 2009
Puisque ce titre n’est pas le vrai – usage qui se répand –, inaugurons aujourd’hui une nouvelle étiquette : le TOB (le Titre Original Bidon). L’expression toy boy signifie « garçon jouet », autrement dit, gigolo ; d’ailleurs, en Finlande, le film est sorti sous le titre L.A. gigolo. Il existe aussi en anglais joy boy, « garçon de joie », équivalent de « fille de joie » mais jamais utilisé en français.
Bref, Nikki, joué par Ashton Kutcher, vedette et producteur de ce film, a émigré à Los Angeles, miroir aux alouettes bien connu, où il suffirait d’être jeune et beau pour faire fortune, croient les naïfs. Au début, cela marche, mais, connaissant la mentalité hollywoodienne, on devine immédiatement qu’il va être puni pour sa vie dissolue. C’est bien connu, les gigolos finissent mal, demandez à Massimo Gargia...
Tout ce qui suit n’est que l’évolution normale vers le dénouement prévisible : Nikki tombe amoureux d’une fille qui fait le même métier que lui, mais qui, plus prévoyante, a épousé son riche commanditaire. Ne reste plus à Nikki, lequel perd peu à peu ses attraits, qu’à se reconvertir en livreur de supermarché.
C’est assez drôle au début, parce que le personnage est d’un cynisme plutôt réjouissant, de plus en plus triste ensuite. Certaines sexes de lit sont assez pimentées, mais on ne voit rien ! Hypocrisie typique...
Réalisé par Xavier Dolan
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2009
Sorti au Québec le 5 juin 2009
Sorti en France le 15 juillet 2009
Non, il n’a pas tué sa mère, Hubert Minel, lycéen de 16 ans vivant avec elle à Montréal, et dont le père, qui en est séparé, habite ailleurs mais dans la même ville. Il ne l’a pas tuée, mais, comme la plupart des garçons de cet âge, elle l’exaspère – et il l’exaspère tout autant –, de sorte qu’il balance perpétuellement entre deux états : tantôt il l’aime (il tuerait quiconque lui ferait du mal, confie-t-il à son caméscope), tantôt il la hait (on prononce « Je te haïs », au Québec ?).
Il faut dire qu’Hubert, qui écrit et qui peint, se croit et se veut différent, quand sa mère n’est occupée que de son travail et de futilités comme les tâches ménagères. Il est d’ailleurs homosexuel, mais il a oublié de le dire à sa génitrice, qui apprend la chose par hasard, via la mère gaffeuse du petit ami Antonin. Elle n’en parle pas, jusqu’au jour où, quand il lui jette au visage son incapacité à l’élever, elle lui rétorque que lui AU MOINS n’aura pas ce problème avec ses enfants !
Hubert n’a donc que deux consolations, son ami Antonin, qui l’aime réellement, et un professeur compréhensif, Julie Cloutier, qui a pris le risque de l’accueillir chez elle lors d’une première fugue, à ses risques et périls. Mais les parents d’Hubert le flanquent dans un pensionnat, et, plus grave, l’y réinscrivent pour la rentrée suivante ! Deuxième fugue, suivie d’une nouvelle réconciliation. Fin (provisoire ?) du film.
Cette famille en miettes fait penser à François Truffaut, qui a eu la faiblesse d’avouer un de ses trucs, à ses débuts : il tournait des scènes tristes et des scènes gaies, puis, au montage, dosait en les alternant au gré des états d’âme qu’il voulait provoquer chez le spectateur – recette de cuisinier-cinéaste qui en disait long sur sa sincérité d’auteur. Ici, on alterne les scènes de crise et les scènes de non crise, et la comparaison avec Truffaut est d’autant plus pertinente qu’au début de l’histoire, et comme Antoine Doinel dans Les quatre cents coups, Hubert fait croire à son professeur que sa mère est morte !
C’est un premier film, dont le sujet choisi, extrêmement banal, est propice à ce type de procédé permettant tout, et qui donc ne convainc pas totalement, puisque rien ne dit que son auteur réussira son deuxième film, s’il en fait un. Son histoire est une fiction, d’ailleurs : au générique de fin, il remercie son père et sa mère. En réalité, si le film n’est pas la révélation qu’annonce la publicité, c’est surtout son auteur qui étonne : Xavier Dolan a... vingt ans, il a écrit le synopsis (en trois jours, affirme-t-il), le scénario et les dialogues, il est producteur, réalisateur et interprète principal ! Au surplus, il est très beau, c’est donc surtout son charme qu’on retient, plus que le récit, qui relève du déjà vu. Quant à son personnage, c’est vrai qu’il irrite. Mais qui serait assez débile pour confondre un auteur-interprète avec le personnage qu’il crée ou incarne ? N’est-ce pas, madame Royal ? Par conséquent, attendons la suite...
Réalisé par Bruno Podalydès
Sorti en France le 8 juillet 2009
Un échec manifeste. Le film commence de manière séduisante, par un petit mystère : quel est cet homme qui a mis sous sa fenêtre une banderole « HOMME SEUL », en face d’un immeuble de bureaux à Versailles ? Trois employées de la firme qui exploite un de ces bureaux enquêtent... puis on perd de vue ce récit, pour ne le reprendre qu’à la fin, où l’on découvre que l’homme, qu’on a vu tout au long du récit, employé dans un supermarché de bricolage, n’a pas mis de banderole à sa fenêtre et ignore sa présence : ce sont ses collègues qui l’ont fait à son insu.
Tout le film, ou presque, n’est qu’une suite de saynètes avec des gags plus ou moins intéressants, jouées par d’innombrables acteurs qui viennent faire trois petits tours et puis s’en vont. On ne s’ennuie pas, mais on ne se passionne pas non plus. Et la nécessité de placer cela dans la ville de Versailles ne saute pas aux yeux. La ville n’a décidément pas de chance avec les films qui la prennent pour cadre.
Réalisé par Nicolas Winding Refn
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 19 janvier 2009
Sorti au Royaune-Uni le 13 mars 2009
Sorti en France le 15 juillet 2009
Certains critiques audacieux, ou tout simplement en mal d’argument, ont comparé à Orange mécanique ce film d’un réalisateur danois, sous le prétexte que le triste héros de cette histoire est, comme on disait à l’époque, « ultra-violent ». Mais on en est loin. Le film de Stanley Kubrick brillait par le génie inventif de son auteur, celui-ci n’a pour style que le jeu stylisé de certains personnages et l’omniprésence de la bande sonore – bruitages et musique classique. En revanche, les images sont très laides (beaucoup de grain sur la pellicule), et surtout, le récit fait du surplace : à la fin, on en est au même point qu’au début, et Michael Peterson, qui a choisi le surnom de Charles Bronson, vedette morte il y a six ans – et surtout mauvais acteur –, est toujours en prison en Angleterre, si l’on en croit le carton de fin. Entre-temps se sont succédés les épisodes de révolte suivis de punition, sans guère de variante. Mais surtout, le film ne dit rien, se bornant à faire le portrait d’un individu exhibitionniste (d’emblée, il déclare, à un improbable public de théâtre en habits de soirée, qu’il veut être célèbre).
L’acteur est bon, mais le personnage principal n’inspire aucune sympathie ; les autres personnages non plus. Pris de curiosité au début, on se lasse assez vite.
Réalisé par Alain Guiraudie
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2009
Sorti en France le 15 juillet 2009
Titre sans rapport avec l’histoire. Une lycéenne de seize ans tombe amoureuse d’un bear (pour les non initiés, un homo quadragénaire, obèse et poilu) qui l’a sauvée d’un viol par quatre voyous... en les payant. Mais son Roméo ne s’habitue pas aux relations hétérosexuelles et fait tout pour la quitter. Ce pourrait être drôle, mais ça ne l’est guère, et c’est très laid à voir. Tout au plus peut-on sourire du fait que tous les hommes de cette histoire, ou presque, sont des homos. Les femmes, elles, sauf la lycéenne, sont toutes vieilles et laides, ce qui devrait plaire à Isabelle Alonso.
Petite anecdote sans rapport avec le récit : l’actrice Hafsia Herzi, qui joue la lycéenne, assistait à la première séance de ce jour, aux Halles, assise deux rangs devant moi. Puis, lorsque son personnage a disparu de l’histoire... elle a quitté la salle !
Ces acteurs, tous pareils, ils ne s’intéressent qu’à eux-mêmes.
Réalisé par Rashid Masharawi
Titre original : Eid milad Laila
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 8 septembre 2008
Sorti en France le 22 juillet 2009
En Palestine occupée, Abou Laila est un juge quinquagénaire sans affectation qui, pour gagner sa vie, fait le taxi au volant du véhicule de son beau-frère. Il commence chaque journée par le ministère de la Justice pour tenter d’obtenir un emploi, mais on l’éconduit régulièrement avec un « Revenez demain ! », ce qui ne surprendra pas ceux qui connaissent les pays sous-développés gangrenés par une administration incapable et corrompue.
Comme l’indique le titre, nous suivons le personnage, constamment à l’écran (par chance, l’acteur Mohammed Bakri en homme désabusé convient très bien), dans toutes ses pérégrinations tout au long d’une journée particulière, le jour où sa fille Laila doit fêter son huitième anniversaire. Les incidents cocasses ou tragiques vont s’accumuler au fil des heures, pour nous offrir en fin de compte le tableau pas très rose d’un mini-pays qui tente difficilement de survivre – comme ses habitants, que notre juge-chauffeur est chargé d’incarner dans toute l’absurdité de sa situation.
Le film a tous les avantages : il est court (1 heure et 11 minutes), il n’est pas « grand public » et passe donc dans des salles quasi-désertes dont les ploucs sont absents, il ne comporte ni bande sonore agressive ni trucages numériques, et surtout, il raconte quelque chose, ce qui se fait rare. C’est sans doute ce qu’on peut voir de mieux en cette période creuse.
Réalisé par Pete Docter et Bob Peterson
Titre original : Up
Sorti en France (Festival de Cannes) le 13 mai 2009
Sorti en Russie le 28 mai 2009
Rien à voir avec l’opérette à succès Là-haut, interprétée par Maurice Chevalier, il s’agit du dixième long-métrage d’animation (en images de synthèse) de la firme Pixar. Comme toujours, la réalisation technique est parfaite, mais le film m’a semblé souffrir du même défaut que Coraline (qui n’est pas de Pixar) : cela démarre très bien, puis le scénario finit par accumuler les évènements avec pour seul but de montrer ce qu’on sait faire.
Bref, le début est éblouissant, les images sont extraordinaires de bout en bout, mais l’histoire a un intérêt assez limité. De plus, il y a chez les auteurs de films d’animation une sorte de prédilection pour les personnages laids, qui peut ne pas emporter tous les suffrages. On y échappe lorsqu’il s’agit de personnages non humains, comme dans Cars, Finding Nemo ou la première moitié de Wall-E, qui sont, à mon avis, les meilleurs films de chez Pixar.
Mais enfin, c’est si bien fait que le film est à voir malgré tout. À signaler toutefois une erreur de scénario : au début du film, les deux enfants, Ellie et Carl, qui ont une dizaine d’années, ont pour idole un explorateur célèbre, Charles Muntz, qui va se révéler comme le méchant de l’histoire, et qui doit avoir une trentaine d’années. Donc, à la fin, quand Carl a 78 ans, Muntz devrait être centenaire. Or on le voit bondir, faire de l’escrime, escalader la paroi extérieure d’un dirigeable, toutes choses que les centenaires font quotidiennement, comme chacun sait ; en outre, il a le visage d’un sexagénaire, tout au plus. Les scénaristes ont égaré la notice biographique de leurs personnages ?
Le film est logiquement précédé d’un court-métrage dont l’histoire se passe en plein ciel, Partly cloudy, et dont les personnages sont des nuages. Ce petit film, qui n’est d’ailleurs pas terrible, n’a pas été présenté lors de l’avant-première parisienne, et, très probablement, il passe à la trappe dans les salles.
Réalisé par Stephen Daldry
Sorti aux États-Unis le 10 décembre 2008
Sorti en France le 15 juillet 2009
Le titre français du livre est Le liseur, mais il aurait pu s’intituler « La honte », car c’est bien de cela qu’il s’agit. Quoi qu’il en soit, histoire intéressante, mais qui aurait pu donner lieu à deux films, tant ses deux parties sont hétérogènes. Jouons cartes sur table, je préfère de loin la première, alors que, visiblement, l’auteur du livre Bernhard Schlink et le réalisateur Stephen Daldry (celui de Billy Elliott, en 2000) privilégient la seconde : le procès de la fille, qui a été gardienne à Auschwitz, qui sélectionnait les femmes vouées à la chambre à gaz, et qui a laissé mourir dans un incendie trois cents prisonnières, parce que leur ouvrir les portes « aurait causé du désordre ». Certes, ses cinq co-accusées prétendent qu’elle était leur chef, ce que prouverait un document qu’elle aurait rédigé, mais elles mentent, puisque Hannah est illettrée. Mais, par honte de l’avouer en public, elle endosse la responsabilité et se voit condamnée à la prison à perpétuité, pendant que les menteuses n’écopent que de quatre ans ! Or il existe un témoin, son ancien (et très jeune) amant, qui pourrait révéler au tribunal qu’elle ne savait pas écrire, mais se tait parce qu’il respecte son choix. Cette histoire tire-larmes me laisse indifférent, et j’ai de beaucoup préféré l’histoire d’amour entre une femme de trente-six ans et un garçon de seize ans, qui constitue la première moitié du film : les scènes d’amour, contrairement à l’habitude, sont belles au lieu d’être ridicules ou gênantes, et le jeune acteur, David Kross (il vient d’avoir dix-neuf ans), est absolument parfait. Mais, injustement, le distributeur français l’a supprimé de l’affiche, alors qu’il figure sur celle d’origine.
Une négligence dans la mise en scène : les premières scènes sont contemporaines (mobilier ultra-moderne, ordinateur portable, etc.), donc on peut les situer en 2009 ou 2008. À cet âge, Michael a logiquement cinquante ans de plus que dans la première partie, donc 66 ans. Or son interprète Ralph Fiennes a quarante-six ans, et son personnage n’en paraît pas davantage. Ça n’a gêné personne, au moment de la production ?
Quelques critiques se sont énervés à propos de ce film, allant jusqu’à le trouver « ignoble » (sic)... parce qu’ils y ont vu ce qu’il ne disait pas : que le fait d’être illettré, donc issu de la couche la plus défavorisée du petit peuple, incitait forcément à devenir un bourreau nazi (et certains sont allés jusqu’à s’indigner qu’une ancienne victime, rescapée des champs de la mort, vive riche et considérée, de nos jours, dans un bel appartement à New York. On aurait dû demander son avis à Simone Veil, à qui personne ne reproche d’être devenue ce qu’elle est, honorable, riche et très justement respectée). Ces critiques sont bien intentionnées, mais stupides, et comme souvent, on ne trouve dans les œuvres que ce qu’on y apporte. Il est clair que la femme incarnée par Kate Winslet est ignorante et sotte, mais nulle part on ne laisse entendre qu’elle aurait agi différemment si elle avait appris à lire. Après tout, beaucoup de dignitaires nazis étaient cultivés.
Réalisé par Larry Charles
Sorti aux États-Unis le 25 juin 2009
Sorti en France le 22 juillet 2009
Je n’avais pas ri de si bon cœur depuis longtemps. Le principe du film est le même que pour Borat : montrer le ridicule des idées préconçues en provoquant jusqu’à les scandaliser ceux qui les étalent. Et sur ce plan, Sacha Baron Cohen n’épargne personne : couturiers, mannequins, gens du cinéma et de la télé, Noirs, militaires, gros ploucs de l’Arkansas, Israéliens, Palestiniens (« Cessez de vous entretuer, butez plutôt un chrétien ! »), et bien sûr les homophobes.
Il a tout compris, Sacha : on ne combat pas les préjugés en larmoyant ni en argumentant, mais en se payant la tête de ceux qui pensent avec leurs pieds. Alors, bien sûr, c’est très gras, d’un mauvais goût indépassable, qui révolte pas mal de spectateurs – j’en ai vu quitter la salle –, mais salutaire. Et son personnage n’est pas ridiculisé, c’est des autres que l’on rit.
Juste une remarque : il ne fait aucun doute que tout cela est largement bidonné, je veux dire mis en scène, parfois dans les moindres détails. Quatre scénaristes et un texte aussi écrit, c’est suffisant pour qu’on ne croit pas qu’aucune séquence soit réellement improvisée – par exemple, la scène de sodomie ratée dans la chambre d’hôtel, où directeur et personnel ne pouvait pas ne pas voir les caméras ! Certaines personnes naïves croient que, parce que les quelques personnages réels qui figurent dans le film sont ridiculisés, ils le sont contre leur gré. C’est oublier que le sacro-saint droit à l’image interdit de montrer quiconque à l’écran sans son accord écrit ! Et que beaucoup préfèrent se voir montrés sous un jour défavorable plutôt qu’être ignorés – voyez nos politiques réclamant d’être personnifiés par les Guignols de Canal Plus. Et puis, dans la séquence où Brüno joue au petit soldat (relooké par Dolce et Gabbana !), l’armée a bien dû donner son autorisation pour le tournage dans une caserne, avec la participation d’un régiment.
Réalisé par Jean-Marc Vallée
Titre original : The young Victoria
Sorti en Allemagne le 5 février 2009
Sorti en France le 22 juillet 2009
Si ce film a été coproduit par Sarah Ferguson, qui fit partie avant son divorce de la famille royale britannique, on peut du moins constater que la chère Fergie s’est montrée moins mesquine que Diana, et n’a pas tenté de se venger de son ex-belle-famille : le film est en effet une hagiographie sans la moindre critique à l’égard de la monarchie. Au point qu’on pourrait croire qu’il a été réalisé en vue d’être présenté à la reine au cours d’une soirée de gala !
Le récit ne s’attache qu’aux premières années de la reine Victoria, qui voulut monter sur le trône dès ses 18 ans, histoire de couper à sa mère toute velléité d’exercer une quelconque régence. L’autre aspect de l’histoire est son histoire d’amour avec Albert de Saxe-Coburg und Gotha, prince allemand avec lequel elle connut un coup de foudre réciproque et qu’elle épousa, mais qui eut le malheur de mourir jeune. Elle, au contraire, régna jusqu’à 81 ans, ce qui est le record britannique.
Tout cela est très décoratif, agréable à regarder, mais le film ne dit rien. Il est dû à Jean-Marc Vallée, qui avait réalisé C.R.A.Z.Y. en 2005, et qui, là, semble avoir exécuté une commande, tant le résultat est dépourvu de toute aspérité.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.