Œuvres citées (en italique, autres que des films) : La ligue des gentlemen extraordinaires – The league of extraordinary gentlemen – L’adversaire – L’emploi du temps – Bienvenue au gîte – Le déclin de l’empire américain – Les invasions barbares – Jésus de Montréal – Hukkle – Confidence – Hic – Hukkle – Le grand sommeil – Alila – Ken Park – Baise-moi – Six feet under – Blind shaft – Mang jing – Les oiseaux – Une journée particulière – Mystic river – Janis et John – Et là-bas, quelle heure est-il ? – Ni na bian ji dian – Vive l’amour – Le pornographe – Tiresia – L’affaire Dominici – Desperado 2 – Once upon a time in Mexico – Elephant – Crazy / Beautiful – Sarah – Friends – Psychose – My own private Idaho – Dancer in the dark – Anything else – Harry dans tous ses états – Celebrity – Cette femme-là – Meurtres – Tchao pantin – La couleur du mensonge – The human stain
Personnes citées : Stephen Norrington – Jules Verne – Nicole Garcia – Laurent Cantet – Denys Arcand – James Foley – Christine Bravo – György Pálfi – Amos Gitai – Larry Clark – Edward Lachman – Catherine Breillat – Patrice Chéreau – Pascal Bonello – Michel Ciment – Jean-Paul II – « Mère » Teresa – Stéphane Rousseau – Li Yang – Ettore Scola – Clint Eastwood – Samuel Benchetrit – Sergi Lopez – John Lennon – Janis Joplin – Ming-liang Tsai – François Truffaut – Jean-Pierre Raffarin – Jean-Pierre Léaud – Michel Serrault – Robert Rodriguez – Sergio Leone – Luc Besson – Johnny Depp – Vanessa Paradis – Gus Van Sant – Diane Keaton – Woody Allen – Jay Hernandez – J.T. Leroy – Aria Argento – Cole Sprouse – Dylan Sprouse – Gus Van Sant – Michael Moore – George W. Bush – Marcel Proust – Alfred Hitchcock – Claude Lelouch – Woody Allen – Louis de Funès – Guillaume Nicloux – Fernandel – Bourvil – Coluche – Josiane Balasko – Robert Benton – Nicole Kidman
Réalisé par Stephen Norrington
Titre original : The league of extraordinary gentlemen
Sorti aux États-Unis le 11 juillet 2003
Sorti en France le 1er octobre 2003
Vu La ligue des gentlemen extraordinaires. L’histoire n’a pas grande importance, et les scénaristes se sont bien amusés. Figurez vous qu’un complot mondial fomenté par le professeur Moriarty, qui se fait appeler « M » comme le supérieur de James Bond, recrute Allan Quatermain, le capitaine Nemo, Tom Sawyer, le docteur Jekyll, Dorian Gray, l’Homme Invisible et une femme vampire (dont j’ai vaguement cru comprendre qu’elle était la mère de Dracula) pour déjouer le complot. Les trucages numériques surabondants servent bien les péripéties, mais le meilleur est dans les gags absurdes, comme le « Nautilus » passant sous le Pont des Soupirs. J’ai failli voir réalisé mon vieux rêve d’une poursuite de voitures dans les rues de Venise, mais hélas, il n’y a qu’une voiture. Compensation, elle est conduite à toute allure par Tom Sawyer pendant le Carnaval, alors que Venise s’écroule peu à peu sous les bombes posées par Moriarty. Un gag visuel qui passe inaperçu : le plan aérien du « Nautilus » filmé comme le « Titanic ».
Au chapitre des bourdes, tout de même : l’année 1899 présentée comme la dernière année du dix-neuvième siècle, alors que c’est 1900 ; et la connerie habituelle dans les sous-titres, Allan Quatermain donnant du « mon capitaine » au capitaine Nemo. Il suffirait pourtant de lire Jules Verne !
Réalisé par Nicole Garcia
Sorti en France (Festival de Cannes) le 25 mai 2002
Sorti en France le 28 août 2002
Pour L’adversaire, film de Nicole Garcia, je n’en ai pas pensé beaucoup de bien. Très en-dessous du film de Laurent Cantet sorti peu auparavant, L’emploi du temps.
Réalisé par Claude Duty
Sorti en France (Paris Cinéma) le 9 juillet 2003
Sorti en France le 3 septembre 2003
J’ai bien aimé Bienvenue au gîte. Distrayant et pas conventionnel. Aucune caricature du gîte gay. Tout ça est plutôt sympathique.
Jeudi 9, sur Arte, Le déclin de l’empire américain. J’attends de le revoir pour aller visionner Les invasions barbares. Denys Arcand avait fait aussi Jésus de Montréal, qui était très bon. Pas Jésus. Le film.
Réalisé par James Foley
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2003
Sorti en France le 1er octobre 2003
Je ne sais pas si c’est l’effet du hasard, mais j’ai visionné coup sur coup deux films incompréhensibles entre hier et aujourd’hui. Pourtant, l’effet est très différent, car le premier est bon et le second mauvais.
Hier jeudi, donc, j’ai vu Confidence. Pour une fois, on n’a pas traduit le titre, alors que ça s’imposait, étant donné que ce titre est un faux ami de la plus belle eau : pas la moindre confidence dans cette histoire, mais une histoire de confiance, puisqu’on raconte une arnaque. Le récit est aussi difficile à suivre que dans Le grand sommeil, il n’empêche que c’est plaisant à voir, car très original, et avec des images telles qu’on n’en voit pas souvent.
Réalisé par György Pálfi
Titre original : Hukkle
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 12 septembre 2002
Sorti en France le 1er octobre 2003
En revanche, la merdouille vue ce matin, et que certains journaux ont portée aux nues parce que c’est un film hongrois et qu’on n’a pas vu de film hongrois depuis la dernière fois où Christine Bravo a été vue sobre, est d’un ennui de plomb. Ça s’appelle Hukkle, en français Hic, et je vous recommande de prendre la fuite s’il passe dans votre ville. Je ne pense pas que filmer deux minutes d’affilée les énormes génitoires d’un cochon qu’on mène à la truie fasse beaucoup avancer le cinéma.
Réalisé par Amos Gitaï
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 7 septembre 2002
Sorti en France le 1er octobre 2003
Alila est un bon film israélien, d’Amos Gitaï, qui a cette particularité de n’être fait que de trente-cinq plans séquences plutôt virtuoses (dans le film composé de onze courts métrages sur le 11 septembre 2001, il avait fait le plan-séquence le plus long, à ce jour, de l’histoire du cinéma). Mais il y a surtout un détail qu’on ne verra jamais dans aucun film occidental : un père qui dit « Mon chéri » à son fils de 18 ans, déserteur et recherché par la police.
Réalisé par Larry Clark et Edward Lachman
Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 31 août 2002
Sorti en France le 8 octobre 2003
Ken Park est le titre d’un film de Larry Clark et Edward Lachman. C’est aussi le nom d’un personnage, un jeune lycéen, qu’on ne voit presque pas. Il apparaît au début, filmant son suicide au camescope, et à la fin, en flash-back, où on nous fait savoir qu’il s’est flingué parce qu’il avait mis enceinte sa petite amie ! Une excellente raison de se suicider, comme on voit.
Si je n’ai pas classé ce film dans la catégorie « À fuir », c’est parce que les motivations du réalisateur, qui vise à décrire la laideur de la vie américaine, provinciale et puritaine, ne sont jamais basses. Il y a un propos, en somme. Mais que c’est déprimant et laid ! Presque tout tourne autour du sexe, via des scènes non simulées, la plus pénible étant une masturbation avec pendaison, et son plan rapproché sur la stalactite de sperme après l’éjaculation. Et je me suis demandé pourquoi les rares scènes de sexe insérées dans les films « normaux », c’est-à-dire non pornographiques, sont invariablement aussi moches – alors qu’elles peuvent être très belles dans certains films classés X. Je pense notamment aux films de Catherine Breillat, Patrice Chéreau ou Pascal Bonello (je n’ai pas vu Baise-moi) : ces gens-là vous pousseraient à l’auto-castration, tant ils sont sinistres.
Dimanche soir, dans l’émission Le masque et la plume, le critique le plus intelligent de France, Michel Ciment, répondant à un collègue qui estimait que la mise en scène du film Les invasions barbares était plate et archi-traditionnelle, a dit qu’il valait mieux que la mise en scène ne distraie pas l’attention du spectateur par des mouvements de caméra lorsqu’il y a une conversation que le spectateur doit écouter. Tiens, tiens ! Ça m’a rappelé quelque chose.
Réalisé par Denys Arcand
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2003
Sorti en France le 24 septembre 2003
Dans quel film Jean-Paul II est-il appelé « un Polonais sinistre » et « mère » Teresa « une Albanaise gluante » ? Dans Les invasions barbares, que je vous invite à ne pas rater. Ce film m’a semblé assez différent de son ancêtre, Le déclin de l’empire américain, il y a beaucoup plus d’action. C’est surprenant, mais le rôle du fils, Sébastien, est tenu par un comique très connu au Québec, Stéphane Rousseau. Je l’ai vu il y a deux ans au Bataclan. Il sait tout faire, chanter, jouer des sketches, faire des imitations et du mime. On le connaît peu, en France, mais ça va peut-être changer.
Dans Les invasions barbares, le côté original, c’est ceci : on nous présente un personnage, Sébastien, qui travaille à la Bourse de Londres et gagne beaucoup d’argent. Dans l’esprit du public, pour qui la Bourse, c’est l’enfer du jeu et un repère de voleurs, on se dit immédiatement que le type est un salaud, etc. Or, le cliché se révèle crevé. Bien sûr, Sébastien sait qu’avec son pognon, il va pouvoir acheter tout le monde, et le fait effectivement, administration de l’hôpital, syndicats, et ainsi de suite. Mais il le fait, sans illusions, pour améliorer le sort de son père mourant, donc en poursuivant un but qui n’a rien à voir avec les clichés habituels sur l’usage de l’argent que font les riches. On ne voit jamais cela sur un écran de cinéma. Plutôt bien, de bousculer les idées reçues. Simple compassion, d’ailleurs, car ce père n’est pas très aimant. Mais je parle ici du regard cinématographique sur la situation ; en effet, d’ordinaire, dans l’esprit des gens, un type qui gagne sa vie à la Bourse est automatiquement un salaud ; or Sébastien est un homme très froid, très réaliste et très pragmatique, mais, en supplément, c’est un homme de devoir et qui a de l’honneur – notion qui fait ricaner, de nos jours. De plus, il fait quand même des trucs vachement illégaux pour le bien de ce père qui ne l’aime pas, puisqu’il se procure de l’héroïne et pousse une religieuse à lui faire une injection. Ajoutez à cela un policier assez intelligent pour laisser la loi de côté, parce qu’il y a mieux à faire que de l’appliquer sans se poser de question, parfois.
On a donc un film qui se garde bien d’être manichéen. C’est si rare que ça vaut d’être remarqué.
Quand Arte passe un film en version doublée, c’est prétendûment parce que la V.O. n’est pas sur le marché. Difficile à croire ! Avec cet argument bidon, ils m’ont gâché les meilleures occasions. Pour ce qui est du logo de la chaîne, il ne DOIT PAS apparaître durant les films de cinéma. Mais les projections, en soirée, ont lieu alors qu’il n’y a personne de responsable au siège de la chaîne : c’est un simple employé qui enfourne la cassette dans le lecteur ou lance le disque dur contenant le film, et s’il s’est gouré, on peut toujours prier pour qu’il s’en aperçoive. Je me souviens avoir téléphoné à la chaîne un soir où une telle gaffe avait été faite, et il n’y avait PERSONNE pour corriger l’erreur.
En fait, la plupart des chaînes gratuites du câble collent leur logo sur les films. Paris-Première, pour les cinq premières et cinq dernières minutes ; Canal Jimmy, tout le temps du film. Etc.
Autres bavures : recadrer l’image pour avoir un faux écran large (en coupant le haut et le bas, évidemment). Canal Jimmy fait cela pendant le générique de Six feet under, et repasse à l’écran étroit dès que le feuilleton commence. C’est complètement stupide.
Réalisé par Li Yang
Titre original : Mang jing
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 12 février 2003
Sorti en France le 1er octobre 2003
Vu un film chinois (de Chine continentale), Blind shaft. Pas mauvais, mais il y manque quelque chose. C’est l’histoire de deux crapules qui ont trouvé un moyen inédit de se faire de l’argent sans créer d’emplois fictifs : recruter un quidam, le faire passer pour un parent, prendre un boulot pour trois dans une mine de charbon, l’assommer (le quidam, pas la mine), provoquer un éboulement qui l’ensevelit, puis faire chanter la direction afin d’obtenir une grosse indemnité au titre du dommage causé à la famille. On les voit faire ça au début. Ensuite, ils recrutent une autre victime, un gentil garçon de 16 ans tout naïf. Tellement gentil qu’au moment de le sacrifier, l’un des deux compères a pitié et veut renoncer. Les deux canailles se querellent alors et s’assomment mutuellement. Le garçon, effrayé, se sauve. Le contremaître provoque à ce moment une explosion destinée à obtenir des gravats de charbon (il croit la mine vide), et le garçon reçoit une grosse prime... car il vient de perdre son « oncle » dans l’accident ! L’histoire est donc plutôt sarcastique.
Malheureusement, c’est filmé comme un drame, avec un sérieux imperturbable, sans aucune distance. Il manque par conséquent au film cette dimension ironique indispensable – à mon avis.
Dans un film comme Les oiseaux, on doit faire croire au spectateur qu’il a vu... ce qu’il n’a pas vu ! Le montage très rapide est un des moyens utilisés. Dans le film de Scola Une journée particulière, le plan-séquence du début compte 5558 images. Durée : 3 minutes et 51,58 secondes au cinéma, 3 minutes et 42,32 secondes en vidéo. Mais il y a possibilité de trucage, car, entre les images 2741 et 2755, la caméra passe devant un mur nu, sans aucun personnage qui bouge : on peut donc insérer ici une coupure.
Réalisé par Clint Eastwood
Sorti en France (Festival de Cannes) le 23 mai 2003
Sorti en France le 15 octobre 2003
On aime bien Clint Eastwood, mais il faut avouer qu’il a raté son film Mystic River. L’histoire commence et finit sur des épisodes forts, mais entre les deux, ça digresse beaucoup, et on s’ennuie ; si bien qu’on ne suit plus et qu’on ne comprend rien au récit, d’ailleurs trop long. Pour l’expression de la violence, voir mon dernier Entracte.
Réalisé par Samuel Benchetrit
Sorti au Canada (Festival de Montréal) le 3 septembre 2003
Sorti en France le 15 octobre 2003
Janis et John : Sergi Lopez est agent d’assurances, DONC il a escroqué un client. Pour le rembourser, il doit rouler un autre pigeon, son cousin Léon, un dingue qui croit que John Lennon et Janis Joplin veut venir un jour le voir dans son magasin de musique où ne passe jamais un client.
La première partie, où l’arnaque se monte, est assez réjouissante. Mais, comme c’est le genre d’histoire qu’on ne sait jamais comment terminer, la deuxième moitié part en eau de boudin.
Réalisé par Ming-liang Tsai
Titre original : Ni na bian ji dian
Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2001
Sorti en France le 26 septembre 2001
Je viens de terminer de revoir le film, que j’avais enregistré. Le garçon, sans l’exprimer, est manifestement amoureux de la fille qui part pour Paris ; or, comme il est un peu zinzin (ils le sont tous, dans ce film), il veut être près d’elle par la pensée et met toutes les montres et horloges à l’heure française. Son père, il ne s’en soucie guère, hors le moment où il transporte ses cendres dans une urne et que le taxi passe sous un tunnel. À cet instant seulement, il demande à son père de rester en contact – comme si le défunt était suspendu à un téléphone mobile !
On ne peut pas connaître les sentiments de ce personnage, et c’est sans doute voulu. Je n’ai jamais vu cet acteur (qui n’en est pas un) exprimer quoi que ce soit. Il a joué dans tous les films de ce réalisateur, et uniquement dans ceux-là. Le film est dédié au père du réalisateur et à celui de l’interprète.
On ne peut pas non plus connaître à coup sûr les motivations des personnages, mais ils sont tous malheureux et enfermés dans un carcan, ce qu’exprime très bien le fait que jamais la caméra ne bouge. Par exemple, on ne saura pas pourquoi la fille voulait tant cette montre, ni pourquoi elle va à Paris, car elle ne semble pas s’y plaire beaucoup. De Paris, on ne voit qu’un café, un restaurant, une cabine téléphonique, un hôtel, un cimetière et le bassin des Tuileries.
Enfin, dire que c’est un hommage à Truffaut, comme je l’ai lu ou entendu, est un contresens : le film est d’un esprit tout à fait opposé.
Mais je regrette qu’on n’ait pas plutôt passé Vive l’amour, beaucoup moins hermétique. Espérons que ça viendra.
[Réponse à une remarque :]
Je ne sais pas si ce garçon faisait aussi le taxi, ce n’est pas très clair, mais ça expliquerait la voiture : avec quoi l’aurait-il achetée, en vivant du commerce des montres à la sauvette ?
Ce type de personnages qui ne savent pas quoi faire de leur vie me fait penser à Ken Park, ce film états-unien que j’ai détesté. Mais, au lieu de tomber dans le suicide ou le meurtre, ils se contentent de s’emmerder et de ne rien faire, ce qui est plus proche de la réalité, en tout cas chez nous. Aux États-Unis, pays de barbares, on va tout de suite aux excès spectaculaires. J’ai dû l’écrire ailleurs, mais Taïwan ressemble beaucoup à la France et aux banlieues des grandes villes, mais très peu aux États-Unis (Taipeh est vraiment moche, dans ce film). Ce n’est pas sans raison que la fille vient à Paris, et non à New York ou Los Angeles.
Au sujet de Ken Park, je ne passe pas pour être aussi coincé qu’un clergyman luthérien, et je n’abuse pas de l’expression « être choqué ». Je n’ai donc pas été « choqué » par ce film, mais j’ai estimé, opinion personnelle, qu’il n’ajoutait pas beaucoup à la Beauté de la Création (les majuscules sont destinées à souligner combien le présent discours est sérieux).
Le film commence fort bien, puisqu’un jeune homme, Ken Park, amateur de planche à roulettes, se fait sauter la cervelle, après avoir installé le caméscope qui va servir à immortaliser son passage ad patres. Puis on voit un autre jeune homme faire un interminable cunni lingus à une femme plutôt belle, dont on saura ensuite que c’est la mère de sa petite amie, puisqu’il fera des comparaisons sur le goût de leurs sexes respectifs. Après, un autre jeune homme se fait engueuler par son père, un adepte de l’haltérophilie mais fumeur et buveur de bière, parce qu’il aime lui aussi se déplacer sur une planche à roulettes. Le père casse donc la planche à roulettes. Un troisième jeune homme vit chez ses grand-parents, et il les hait, parce que la grand-mère entre sans frapper dans sa chambre et que le grand-père triche au scrabble – une raison sérieuse de haïr l’homme qui vous élève, vous en conviendrez tous. Pour cela, vers la fin du film, il va les assassiner à coups de couteau. Auparavant, il aura expérimenté la fameuse sensation qu’éprouvent, dit-on, tous les pendus et qui a donné naissance à la légende de la mandragore. Pourvu d’un sexe peu attrayant, il parvient néanmoins à en tirer quelque chose (panoramique de la caméra, de haut en bas, vers la stalactite de sperme avant qu’elle agrémente la moquette de la chambre). Une jeune fille vit avec son père, un fanatique de la religion catholique, qui la prend pour la réincarnation de sa mère défunte, donc pour une sainte, avant de la surprendre en train de faire une fellation à son petit ami. Pour la punir, il la force à un simulacre de mariage entre lui-même et sa fille, oui oui –, histoire que la robe de mariée de la maman puisse resservir une dernière fois. Après, le père torgnoleur cité plus haut tente de sucer son fils alors que celui-ci dormait. Le garçon se réveille, bouscule son géniteur et quitte la maison. Enfin, il rejoint la fille et l’amateur de cunni lingus, et tous les trois, définitivement à poil, partouzent longuement. En conclusion nous est révélée la raison du suicide initial : la petite amie de Ken Park était enceinte, évènement extraordinaire qui motive bien un suicide, en effet.
Les pratiques sexuelles des personnages de Ken Park n’ont rien d’exceptionnel. C’est le regard posé dessus par le réalisateur qui est gênant. On a cité dans l’émission Le masque et la plume le détail que je n’avais pas apprécié : une fois que le type a éjaculé (plan pris à deux mètres), la caméra se place tout près, et fait un panoramique descendant pour bien cadrer la dégoulinance (je parle comme Raffarin), du gland boursouflé vers le sol. Ça, c’est de la complaisance, et c’est plus qu’inutile, on avait compris.
Ce que je déteste au cinéma, c’est être agressé. Par exemple, je n’irai pas voir Tiresia, où le personnage principal se fait crever les yeux. Le gars qui a fait le film, Pascal Bonello, est un type bizarre ; son précédent film, Le pornographe, faisait dans le culturel, mais avec des scènes montrant le tournage de scènes pornos non simulées, Jean-Pierre Léaud jouant le réalisateur. Je me suis souvent demandé quelle devait être l’ambiance sur un plateau quand on filme des horreurs ou des scènes de cul. Pour ma part, je n’ai assisté qu’à des tournages tout à fait banals.
J’ai regardé en différé le téléfilm de TF1 sur Dominici. Les dialogues sonnent faux, le scénario est visiblement inspiré par les lubies ayant cours aux États-Unis (la thèse du complot), Michel Serrault en fait des tonnes et parle sans arrêt, alors que le vrai Dominici ne desserrait pas les dents, et tout le monde porte une casquette. À la fin, quand le vieux sort de prison, il a pris vingt ans dans les gencives, mais tous les membres de sa famille ont le même âge qu’au début. On a juste collé une moustache à un gosse pour qu’il ait l’air d’un jeune homme. Il paraît que ce téléfilm fait honneur à la télévision française.
Réalisé par Robert Rodriguez
Titre original : Once upon a time in Mexico
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 27 août 2003
Sorti en France le 22 octobre 2003
Le titre original, traduit en français (« Il était une fois au Mexique »), avait servi... au Maroc seulement, pour un film de Sergio Leone, afin d’éviter le titre français qui était « Il était une fois la Révolution », ce dernier mot étant tabou dans le pays.
Cela dit, vous lirez à droite et à gauche (et peut-être même au centre) que le film Desperado 2 (et pas « Desesperado 2 », comme je l’ai entendu) est vachement chouette, et beaucoup mieux que les deux précédents de Robert Rodriguez.
Bon, d’accord, ce type a du savoir-faire, il a appris comment placer et déplacer sa caméra, il sait trouver de bons gags visuels ; mais tout ça est une fois de plus au service d’une histoire nulle, simple prétexte à un festival de castagne, de coups de feu, d’explosions et d’atrocités, comme saurait en tambouiller Luc Besson, par exemple. Avec, pour ne pas changer, le grand classique de la foutaise, les personnages qui font le saut périlleux arrière dès qu’une balle les frappe.
Johnny Depp s’y fait crever les yeux avec une fraise de dentiste. Après ça, il va très bien, merci pour lui. Il continue de défourailler sur les méchants, et il fait mouche à tous les coups, vu, si j’ose dire, qu’il les repère au son. Ça donne envie de suivre le conseil de Toinette dans Le malade imaginaire. Le beau Johnny avait la réputation de bien choisir ses rôles et ses réalisateurs, mais, depuis quelques années, disons, à peu près depuis qu’il s’est mis en ménage avec Vanessa Paradis, il ne tourne pratiquement plus que des navets. Il veut concurrencer Michel Serrault ?
Réalisé par Gus Van Sant
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2003
Sorti en France le 22 octobre 2003
Elephant m’a laissé indifférent. Mais j’ai noté que, parmi les producteurs associés, on compte Diane Keaton, ancienne femme de Woody Allen, Jay Hernandez, le jeune acteur de Crazy / Beautiful, et J.T. Leroy. Le fameux roman Sarah, qui a fait connaître ce dernier il y a deux ans (il n’a que 23 ans), va être porté à l’écran l’an prochain, mis en scène par Aria Argento, laquelle jouera aussi le personnage de Sarah. L’enfant qui devient pute, Jeremiah, aura trois interprètes, dont l’un, Cole Sprouse, jouait Ben dans Friends (son frère jumeau Dylan partagera le rôle avec lui).
Pour revenir à Elephant, le problème du spectateur, c’est que, durant les deux premiers tiers du film, il se demande ce qu’il fout ici. On filme longuement, et trois fois plutôt qu’une, des lycéens qui déambulent, bavardent, mangent, téléphonent... et travaillent très peu (on est dans un lycée états-unien). Et il se pose la question, le spectateur : « Est-ce que je serais venu voir ce film si je ne savais pas d’avance qu’il s’agit du fameux lycée de Columbine ? Et que le massacre va arriver ? ».
De sorte que le film s’appuie sur la notoriété acquise par l’intermédiaire des journaux AVANT qu’on le voie ! C’est un peu faiblard, à mon avis, comme procédé. Car c’est un procédé ! Je ne fais pas partie des groupies de Gus Van Sant, surtout après son remake foireux de Psychose. Il s’intéresse aux problèmes des jeunes, c’est très louable, mais il y a toujours dans ses films quelque chose qui cloche. Souvenez-vous de la fin laborieuse de My own private Idaho.
Quelle différence avec le film de Michael Moore ! C’était alerte, vif, varié, militant, gai dans l’exposition des désastres de la civilisation yankee ; il y avait un ton, un point de vue, des faits, des IDÉES. On en sortait euphorique. Elephant laisse indifférent. Ce n’est même pas mauvais, c’est incolore.
Un film peut avoir de bonnes critiques et ne pas m’enthousiasmer. Pourquoi être de l’avis de tout le monde ? Pour ce qui est du festival de Cannes, j’en ai parlé quand j’ai critiqué Dancer in the dark. Très souvent, le jury a une intention politique ou polémique qui influe sur le palmarès. Ainsi, l’année dernière je crois, le but non avoué était de ne décerner aucune récompense aux films hollywoodiens ; cette année, c’était les films français qui étaient ostracisés, de sorte que la France n’a décroché aucune récompense !
On a récompensé Elephant parce que Gus Van Sant fait partie des cinéastes violemment opposés à Bush – ce qui est très bien, mais n’a pas grand-chose à voir avec la valeur de son film, couronné par les DEUX principaux prix, exploit jamais vu à Cannes.
Rappelons que le festival de Cannes, c’est un peu comme le prix Goncourt, qui a refusé de couronner des auteurs parmi les plus illustres, comme Proust. Ainsi, jamais Hitchcock n’y a remporté le moindre prix, bien qu’il ait présenté six fois un de ses films ! C’est fort, non ? En revanche, on y a couronné Lelouch ! Je veux bien, mais il y a une différence de niveau.
Réalisé par Woody Allen
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 27 août 2003
Sorti en France le 29 octobre 2003
On aurait bien aimé que le film de Woody Allen, Anything else, soit aussi bon que les précédents. Or il n’y a que du dialogue, brillant comme d’habitude, mais pas du tout d’histoire. Dommage...
Anything else se contente d’exposer les ennuis causés à un jeune auteur de sketches comiques par la fille qu’il fréquente, plutôt zinzin, par la mère de celle-ci, plutôt égocentrique, par son agent, plutôt incompétent, et par un ami donneur de conseils (Woody Allen lui-même), plutôt fou à lier. Mais cela ne provoque aucun événement particulier qui ait un peu d’importance : des disputes, des conversations, des séances de psychanalyse, c’est tout.
Harry dans tous ses états, je n’avais pas trop aimé à la première vision, mais je l’ai revu et j’ai changé d’avis. Il y avait des situations grandioses, comme cet épisode où Harry est invité à donner une conférence dans l’université où il a fait ses études : il s’y pointe avec, dans sa voiture, son fils de huit ans, une pute noire et un cadavre ! Dans le dernier film vu hier, c’est nettement un ton au-dessous sur ce chapitre de l’absurdité. Je ne dis pas que c’est un mauvais film, et je ne me suis pas ennuyé, mais j’ai préféré les autres. De toute façon, on se sent concerné ou pas, c’est personnel : lundi, j’ai déjeuné avec un type qui avait détesté Celebrity, alors que j’avais beaucoup aimé ce film-là.
Réalisé par Guillaume Nicloux
Sorti en France le 15 octobre 2003
C’est drôle, la plupart de comiques, sauf peut-être Louis de Funès, ont essayé de jouer des rôles tragiques. Fernandel a interprété Meurtres, où il euthanasiait sa femme (et le public rigolait en le voyant pleurer), Bourvil a fait des tas de films sérieux, Coluche a joué dans Tchao pantin. Et voilà que Josiane Balasko s’y est mise elle aussi, dans Cette femme-là. Elle est triste et fait une psychanalyse parce qu’elle a provoqué la mort de son gosse dans un accident de voiture. Elle est aussi capitaine de police et enquête sur une femme qui s’est pendue dans un bois. On la voit à poil. On la cogne, on la tabasse, et même, on lui pisse dessus.
Tout est sinistre dans ce film. Je n’ai noté qu’un point positif : le dialoguiste sait qu’un revolver n’est pas un pistolet ! En général, les types qui écrivent ignorent complètement que c’est différent, y compris les auteurs de romans policiers.
Réalisé par Robert Benton
Titre original : The human stain
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 29 août 2003
Sorti en France le 29 octobre 2003
On voit assez bien pourquoi « Le Canard enchaîné » de cette semaine a classé La couleur du mensonge dans les films à voir : c’est parce que le sujet en est le racisme, à la sauce du politiquement correct.
Dans une famille noire est né un garçon blanc. Accident génétique. Lorsque le garçon amène à sa mère sa fiancée islandaise, la jeune fille à laquelle il n’avait rien dit est foudroyée par la révélation, et elle rompt. De sorte que le jeune homme, Coleman, non seulement ne présente pas à sa mère sa fiancée suivante, mais déclare à celle-ci qu’il prétendra désormais que ses parents sont morts ! Sa mère le traite d’assassin et son frère aîné le renie.
Beaucoup plus tard, devenu professeur de littérature et proche de la retraite, il fait en cours une plaisanterie sur deux élèves qui n’ont jamais fichu les pieds dans sa classe depuis la rentrée, et demande si ce sont des « zombies ». Pas de chance ! Les deux absents étaient noirs, ce qu’il ignorait, et portent plainte pour injures racistes. Il démissionne et sa femme meurt d’une embolie.
Cette histoire serait très bonne si l’intrigue ne se compliquait pas d’une liaison que le personnage a ensuite avec une femme de ménage interprétée par Nicole Kidman (!), laquelle a aussi des ennuis dont le spectateur se fout royalement – épisode sans rapport avec les thèmes principaux. Je suppose qu’il fallait une vedette féminine pour financer le film. Du coup, ça devient inintéressant, car l’histoire part dans tous les sens et perd sa signification.
La morale de tout ça, c’est que, lorsqu’on adapte un roman, il ne faut pas tout conserver, mais retenir seulement ce qui sert l’histoire. Dommage, c’est raté. Je ne retiens que le début, c’est-à-dire l’épisode des zombies, et une scène d’amour qui est la plus belle qu’on ait vue depuis très longtemps.
Une belle pensée extraite du film cité ci-dessus : le plus difficile n’est pas de coucher avec des filles, mais d’obtenir qu’elles partent APRÈS.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.