Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Amazonia – Les interdits – Henri – Quand la mer monte – Le voyage de Sullivan – Sullivan’s travels – Les garçons et Guillaume, à table ! – La corde – Douze hommes en colère – Le Cid – 100 % cachemire – Palais Royal ! – Lawrence d’Arabie – The women – Rebecca – Soupçons – Lettre d’une inconnue – Autant en emporte le vent – Le loup de Wall Street – Je fais le mort – Belphégor - Le fantôme du Louvre – Arsène Lupin – Le caméléon – Poupoupidou – Gravity – 2001 : Odyssée de l’espace – Rêves d’or – La jaula de oro – 16 ans ou presque – The lunchbox – Dabba – L’odyssée de Pi – Chantons sous la pluie – Singin’ in the rain – Hello Dolly – Le géant égoïste – The selfish giant
Personnes citées : Thierry Ragobert – Anne Weil – Philippe Kotlarski –Yolande Moreau – Preston Sturges – Guillaume Gallienne – Valérie Lemercier – Peter O’Toole – Joan Fontaine – George Cukor – Alfred Hitchcock – Max Ophüls – Olivia de Havilland – Leonardo DiCaprio – Martin Scorsese – Jean-Paul Salomé – Alfonso Cuarón – George Clooney – Diego Quemada-Diez – Tristan Séguéla – Ritesh Batra – Irrfan Khan – Gene Kelly – Stanley Donen – Arthur Freed – Cyd Charisse – Donald O’Connor – Clio Barnard – Oscar Wilde – Conner Chapman – Christian Bale – Martin Compston – Jamie Bell
Réalisé par Thierry Ragobert
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 7 septembre 2013
Sorti en France le 27 novembre 2013
Je pensais que le singe du film était un macaque, mais il s’agit en fait d’un capucin. Il faut dire que les deux se ressemblent assez. Bref, un petit avion s’écrase dans la forêt amazonienne. Le pilote est indemne et abandonne l’appareil, y laissant une cage où est enfermé ce singe, qui parvient à se libérer et doit désormais se débrouiller dans la jungle (il ne rencontrera des humains qu’à la toute fin, des Indiens du Brésil, sur un de ces chantiers où l’espèce humaine s’ingénie à détruire la forêt), milieu hostile où c’est le chacun-pour-soi qui prévaut partout.
Il ne s’agit pas du tout d’un de ces pseudo-documentaires comme en fabriquait jadis la firme Disney pour accompagner ses dessins animés : là régnait la niaiserie du commentaire et l’anthropomorphisme des comportements animaux. Ce genre est passé de mode, tant mieux. Cela dit, il faut remarquer que ce film est une fiction, avec une équipe nombreuse, une mise en scène et des décors, comme le révèle le générique de fin. Le but était de montrer la forêt, pas le comportement animal, et le petit singe sert d’observateur étranger !
Mais, détail prosaïque, saviez-vous que la première cause de mortalité dans la forêt amazonienne était... la chute des noix de cocos ?
(Le film a été tourné en 3D, mais certaines salles évitent cet inconvénient)
Réalisé par Anne Weil et Philippe Kotlarski
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 7 septembre 2013
Sorti en France le 27 novembre 2013
Ces interdits sont en fait des refuzniks, nom qu’on donnait aux Juifs de l’Union soviétique, auxquels le régime interdisait tout, et surtout de quitter le pays – sauf s’ils pouvaient prouver qu’ils avaient de la famille en Israël
Juifs, cousins, âgés de vingt ans, Carole et Jérôme partent en voyage organisé à Odessa, derrière le rideau de fer, en 1979. Ils se prétendent fiancés, mais se sont donné la mission de contacter des refuzniks, et c’est ainsi que Jérôme rencontre Viktor, qui lui remet un journal intime de ses souffrances, le chargeant d’aller le remettre à sa femme, déjà en Israël. Il ignore qu’elle a un cancer et va bientôt mourir. Jérôme, au moyen d’une ruse, dupe la police des frontières, et c’est Carole qui se chargera de la commission.
Cette histoire serait intéressante si on n’y avait pas greffé dessus une banale histoire d’amour entre les deux cousins, qui, après avoir beaucoup résisté, succombent à leur attirance réciproque. Il s’ensuivra la naissance d’un garçon, Antoine, que Carole va cacher à Jérôme, car elle s’est aussi exilée en Israël tandis que Jérôme restait à Paris. Quand il l’apprendra, dix ans plus tard, il est trop tard, elle s’est mariée avec un autre.
Film de deux débutants, deux monteurs, qui ont voulu trop en dire et ne se sont pas montrés assez clairs. Le résultat, gâché par cette fin, est honorable, sans plus.
Réalisé par Yolande Moreau
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 7 septembre 2013
Sorti en France le 4 décembre 2013
C’est entendu, on a de l’estime pour Yolande Moreau, actrice confirmée (72 films) et sympathique, et qui signe ici son deuxième film comme réalisatrice, après Quand la mer monte, où elle était d’ailleurs co-réalisatrice. Mais ce n’est pas une raison pour délirer et la couvrir de fleurs, alors qu’elle n’innove en rien dans le cinéma belge, et qu’on a vu beaucoup mieux. Disons-le, son film est assez ennuyeux. Certes, certes, toujours les gens simples, le petit peuple, les êtres un peu défavorisés – ici, un quinquagénaire immigré italien, qui se retrouve veuf, doit tenir tout seul le café que sa femme dirigeait d’une main ferme ; des copains ; une vague passion pour les pigeons voyageurs, symbolisée par un envol collectif des volatiles jusque là encagés ; et surtout une handicapée mentale légère, Rosette, qui rêve beaucoup et ne voit le mal nulle part.
La mise en scène est très classique, au contraire des films tapageurs qu’on fait actuellement, mais, somme toute, il ne se passe pas grand-chose, et on reste nettement sur sa faim.
Réalisé par Preston Sturges
Titre original : Sullivan’s travels
Sorti en France le 5 mai 1948
Ressorti en France le 30 octobre 2013
Comédie réalisée par un maître du genre, et qui démarre très bien, sur un ton satirique, avec ce personnage du réalisateur hollywodien qui a voulu faire un film de gauche alors que lui-même n’a jamais connu les difficultés des classes défavorisés. Couvert de quolibets par les pontes du studio, qui prétendent, eux, en avoir bavé dans leur jeunesse (ils mentent), il part à la recherche des pauvres dans un voyage hilarant qui le ramène chaque fois, et bien malgré lui, à Hollywood qu’il voulait quitter.
Ensuite, il rencontre une fille, et c’est moins amusant. Puis il va en prison, et n’en sortira qu’en « avouant » le meurtre d’une personnalité, qui s’avère être bien vivante, puisqu’il s’agit de... lui-même !
L’épilogue renverse les données de départ : déniaisé politiquement, l’homme renonce à faire des films sociaux et convient que les comédies, au fond, sont bien plus utiles, en apportant un peu de joie chez ceux qui les regardent, et que les films, en fin de compte, ne servent pas à « délivrer des messages ».
Néanmoins, on ne peut s’empêcher de penser que, comme la plupart des auteurs de comédies, Sturges n’a pas su résister à la tentation de se contredire en incluant dans sa comédie plusieurs touches d’émotion, ce qui est un cliché scénaristique. Chaplin a fait cela toute sa vie !
Note : ironiquement, Sturges utilise plusieurs fois, pour sonoriser son film, des musiques classiques, mais arrangées. Ainsi, la bagarre sur le toit du train, au tout début, est accompagnée par le troisième mouvement de... la Sonate au Clair de Lune, de Beethoven ! Le gros Ludwig n’avait pas prévu que sa musique servirait à cela.
Réalisé par Guillaume Galienne
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2013
Sorti en France le 20 novembre 2013
Ne croyez pas les grincheux qui voient dans ce film un navet, et dans son auteur-interprète, un cabotin : ces gens-là nient l’évidence. Il n’y a pas si longtemps, un critique de France Inter, désireux de se démarquer de ses collègues, a gémi que Gallienne avait fait l’erreur classique de vouloir « aérer la pièce », comme on dit, en multipliant les lieux et les époques. La pièce sans décor et avec un unique interprète était bien meilleure, prétendait-il. Je n’ai pas vu la pièce, mais j’ai conservé un peu de bon sens en voyant le film, et on doit convenir que la règle des trois unités (lieu, temps et action) du théâtre classique serait en l’occurrence d’une application saugrenue, car on ne raconte pas ici une histoire se déroulant dans un temps très court et sans interruption dans un seul lieu, comme c’est le cas avec La corde ou Douze hommes en colère. Au contraire, c’est toute une jeunesse qui est évoquée, de la vie de famille aux pensionnats, avec consultations de psychiatrie et mise entre parenthèses du service militaire, jusqu’à l’évocation du mariage prochain. Vous ne pourriez caser tout cela via un monologue dans une chambre de bonne. Et on a vu ce que la fameuse règle classique a donné avec Le Cid...
Bref, évitez de vouloir paraître intelligents, voyez le film et amusez-vous. On ne sait si Gallienne en fera d’autres, car il ne semble pas y avoir urgence, mais celui-là n’est pas de trop dans le cinéma français actuel.
Réalisé par Valérie Lemercier
Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 26 août 2013
Sorti en France et en Belgique le 11 décembre 2013
Des trois premiers films de Valérie Lemercier, seul Palais Royal ! était réussi. Dans le cas présent, après un début assez brillant qui fait la satire des bourgeois ultra-friqués du septième arrondissement de Paris et des thèmes idiots traités par les magazines féminins (du genre « Le rouge, nouveau noir » ou « Les pois, les rayures de demain »), on s’égare vers une situation embrouillée dans laquelle ce couple qui a adopté un garçon russe (de sept ans !) ne plaisant pas à la mère doit s’en séparer, puis le récupère après une péripétie à laquelle on ne comprend rien. Pour ne rien arranger, et comme neuf comédies sur dix qui ne s’assument pas, on sombre dans la sentimentalité, et l’enfant rejeté et qui rejetaient ses parents adoptifs devient adorable – métamorphose pas vraiment inattendue mais à laquelle, paradoxalement, on ne croit pas une demi-seconde.
« Le Canard enchaîné », toujours aussi bon critique, prétend que l’enfant bulgare qui tient le rôle du gamin russe n’est « pas pour rien » dans la réussite supposée du film. En réalité, il fait la gueule sur les neuf-dixièmes du récit, et c’est tout. C’est le personnage qui est dévastateur, pas son interprète.
Est-ce parce qu’il savait que Lawrence d’Arabie, son quatrième film de cinéma (il avait fait un peu de télé avant), qui a fait sa gloire en 1962, passerait ce soir sur RTL9, donc en version doublée pour les ploucs, que Peter O’Toole est mort avant-hier, à l’âge de 81 ans ? Ce qui est certain, c’est qu’on n’a parlé que de lui, et que les médias ont oublié de mentionner le décès de Joan Fontaine, morte le lendemain, à l’âge de 96 ans. Cette belle actrice avait été l’une des héroïnes de George Cukor, pour ce film curieux, The women, où ne figurait AUCUN homme ; d’Alfred Hitchcock, pour Rebecca et Soupçons ; et de Max Ophüls, pour Lettre d’une inconnue, mélodrame sublime. Chose curieuse, sa sœur est restée plus célèbre qu’elle, c’est Olivia de Havilland, la Mélanie d’Autant en emporte le vent, qui a un an de plus, et qui... vit toujours. Olivia avait gardé leur vrai nom de famille, et toutes deux étaient nées à Tôkyô.
Mais le plus triste est ailleurs. Le plus triste est que Leonardo DiCaprio vient de faire un cinquième film avec Scorsese, Le loup de Wall Street, qui sortira chez nous le jour de Noël, en même temps qu’au Canada, en Grèce, en Inde et aux États-Unis.
Quand je dis que Noël est un jour sinistre...
Réalisé par Jean-Paul Salomé
Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 20 août 2013
Sorti en Belgique le le 29 septembre 2013
Sorti en France 11 décembre 2013
Jean-Paul Salomé serait-il en passe de s’améliorer ? J’avais vu de lui deux mauvais films, Belphégor - Le fantôme du Louvre en 2001, et Arsène Lupin en 2004. Puis, en 2010, il y avait eu Le caméléon, qui était nettement meilleur. Cette fois, avec Je fais le mort, il sort un film tout à fait correct, quoique dépourvu d’originalité, puisque l’histoire semble quelque peu calquée sur Poupoupidou, vu en 2011 : un amateur résoud un crime commis en montagne, dans un paysage très enneigé. Ces deux films bénéficient d’une réalisation ultra-classique, sans cet excès de trucages numériques dont nous commençons à être gavés.
Le début est excellent. Puis les choses se compliquent, avec ce juge d’instruction, une femme, qui s’en va nuitamment sur le lieu du crime, en brisant les scellés qu’elle a elle-même fait poser, ce que j’ai estimé un peu dur à gober. On l’en exonère en affirmant que c’était sa première enquête... Mais le point de départ, un comédien au chômage engagé pour jouer le rôle du cadavre dans la reconstitution d’un crime, est déjà une joyeuse fantaisie qu’il ne faut surtout pas prendre au sérieux.
Bref, le film est fait pour amuser, et remplit son contrat. Son absence de toute prétention le rend sympathique.
Réalisé par Alfonso Cuarón
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 28 août 2013
Sorti en France et en Suisse le 23 octobre 2013
Ici, on n’a pas l’habitude de confirmer le succès de ces blockbusters qui remplissent les salles de spectateurs auxquels on a fait croire qu’ils allaient voir le chef-d’œuvre de la décennie, et si ce film a rameuté en France quatre millions de spectateurs que la 3D n’a pas rebutés, tant mieux pour lui : Gravity est un navet, dont le seul avantage est d’être court (1 heure et 24 minutes, plus six minutes de générique de fin, qui ne détaille que les équipes techniques, puisque l’histoire elle-même ne compte que trois acteurs, dont ne subsiste rapidement que l’actrice principale, seule jusqu’au dernier plan : même ce pauvre George Clooney est sacrifié, et ne revient que dans une courte scène fantasmée).
Mais de quoi s’agit-il ? De trois techniciens envoyés dans l’espace, une femme et deux hommes dont l’un, tout à fait anonyme, n’est vu que de loin et sera tué le premier, et dont l’autre est au bord de la retraite. Quant à la femme, curieusement affublée d’un prénom masculin, Ryan, on a du mal à croire qu’elle a pu être recrutée pour cette mission (réparer un quelconque bidule), alors qu’elle traîne un problème psychologique de taille : elle a perdu son enfant et ne s’en est jamais remise. Quand on sait le coût des missions spatiales et la rigueur avec laquelle tout candidat susceptible d’avoir une défaillance est écarté du recrutement par la NASA, on mesure le sérieux du concept.
Mais voilà, le travail va être anéanti, parce que ces salauds de Russes ont fait sauter une de leurs propres navettes, que les débris envahissent les environs, et qu’ils viennent heurter la navette états-unienne, ce qui, convenez, est une grave faute de goût envers le pays qui a inventé la démocratie (à Boston, dit-on). Du coup, les deux survivants ne peuvent plus retourner sur Terre, sauf s’ils parviennent à gagner le Soyouz abandonné le plus proche – et, coup de chance, Ryan s’est entraînée à piloter un Soyouz sur un simulateur. Elle réussit cette première étape, puis passe sur une autre navette, chinoise elle-là, tout aussi désaffectée, et le tout en moins d’une heure, avant de sauter en parachute et d’atterrir sur une plage, coup de chance, puisqu’elle aurait pu tout aussi bien arriver au centre du désert de Gobi, voire à Terre-Neuve ou Sainte-Foy-la-Grande. Entre-temps, elle aura connu une hallucination lui permettant de revoir le défunt George Clooney, auquel elle confie la mission, puisqu’il est mort, de dire à son enfant, au paradis, que sa maman l’aime.
Le seul point intéressant de cette histoire nunuche, c’est qu’on montre concrètement que l’espace est devenu une poubelle, envahi qu’il est de débris d’engins ayant cessé de fonctionner, et que le moindre heurt avec un de ces vestiges dont on voit mal comment se débarrasser, même minuscules, peut vous pulvériser.
Alors oui, il y a la technique. Elle est réussie, omniprésente puisqu’il n’y a que cela, mais j’avoue m’être ennuyé comme un rat mort, car la fin est prévisible, donc le suspense est absent. Et notons que la musique, quoique débarrassée des habituelles percussions propres aux films d’action, n’en est pas meilleure pour autant : comme toujours, il y en a trop. Mais le spectateur n’aurait pas supporté le silence de l’espace, paraît-il...
Je vous épargne la comparaison avec 2001 : Odyssée de l’espace, elle serait écrasante. Il n’y a dans Gravity ni métaphysique ni réflexion sur l’avenir de l’humanité. Rien que de la mécanique et de la psychologie de bazar.
Réalisé par Diego Quemada-Diez
Titre original : La jaula de oro
Sorti en France (Festival de Cannes) le 22 mai 2013
Sorti en France le 4 décembre 2013
C’est un peu le même sujet que celui de Sin nombre, qui avait tant impressionné en 2009 : trois jeunes Guatémaltèques, Sara, Juan et Samuel veulent fuir le chômage et tenter leur chance aux États-Unis. Sans aucun visa ni moyens d’existence, ils montent clandestinement dans un train roulant vers le Nord, comme des dizaines de candidats à l’émigration. Samuel disparaît assez vite, mais Chauk le remplace : cet Indien du Chiapas, qui ne parle pas l’espagnol, se joint à eux, mais il déplaît à Juan, car il se montre trop intéressé par Sara.
Heureusement, si l’on peut dire, Sara est enlevée, avec d’autres filles, par des bandits qui les destinent à ce que vous devinez, et les deux garçons restent en tête à tête. Et Chauk, dont la générosité naturelle l’a poussé à sauver la vie de son compagnon, devient ainsi son meilleur ami. Mais, dès leur arrivée aux États-Unis, le pauvre Chauk est abattu sans aucune raison par un de ces citoyens modèles qui pullulent dans ce pays, où l’on tire sur les inconnus avant de leur demander ce qu’ils font là. Et Juan, qui pensait que la vie aux États-Unis était un conte de fée, finit avec un travail dégradant, ramasser les bouts de bidoche qui jonchent le sol d’une usine d’abattage industriel.
Le film, très engagé par conséquent, est beau et triste, et il illustre parfaitement l’incompréhension et le cynisme généralisés qui caractérisent nos pays en général et les États-Unis en particulier, tares contre quoi solidarité et fraternité restent impuissantes. Les jeunes interprètes nous sont inconnus, et la réalisation est très bonne. Ô surprise, il a été tourné en Super-8, un format de pellicule utilisé naguère pour les documentaires (il coûte moins cher), et que je croyais disparu. Comme quoi, la technique n’est rien !
Réalisé par Tristan Séguéla
Sorti en Suisse francophone le 22 septembre 2013
Sorti en France et en Belgique le 18 décembre 2013
Très à l’aise au début dans ce rôle d’un homme de trente-quatre ans, grand-bourgeois ayant hérité des qualités et des défauts d’un père que jamais il n’a contrarié (il est avocat de gauche, il écrit des articles et de livres de philosophie, il joue du Chopin et refuse de paraître dans des émissions de télé, qu’il méprise), Laurent Laffitte l’est un peu moins ensuite, lorsqu’il doit jouer sa métamorphose : atteint d’une maladie rare se manifestant par une éruption d’acné et le renvoyant au stade mental de la puberté, il doit se faire guider par son frère de seize ans, qui est son contraire exact. On n’a aucun mal à deviner la suite, d’autant moins que ce type de scénario a été utilisé maintes fois.
Il n’en reste pas moins que le film ne mérite pas le mépris dont certains l’ont accablé, ayant confondu le personnage avec le sens de ce que cette histoire tente d’exprimer : non, l’entreprise n’est pas vulgaire, et les jeunes acteurs, bien que leur rôle soit très facile, ne sont pas si mauvais.
Tout de même, on est un peu surpris que Laffitte, qui a la réputation d’être aussi cultivé que son personnage, se laisse aller à employer des expressions comme « se rappeler DE quelque chose » ou « J’avais TRÈS faim », qui sont des fautes manifestes.
Cela dit, il s’agit d’un premier long métrage, qui ne sera peut-être pas suivi d’un second.
Réalisé par Ritesh Batra
Titre original : Dabba
Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2013
Sorti en France le 11 décembre 2013
On reconnaît immédiatement l’acteur principal Irrfan Khan qui, à 47 ans, possède 115 films à son actif ! Il jouait Pi adulte dans L’odyssée de Pi.
Une histoire sentimentale dans laquelle les deux héros ne se rencontrent jamais ? Non, nous ne sommes à Rochefort, mais à Mumbaï (nouveau nom de Bombay, en Inde). Ila, une jeune femme mariée à un homme qui ne rentre pas à la maison pour déjeuner et qui probablement la trompe, lui prépare sa gamelle, comme on ne dit plus – c’est cela, la lunchbox –, et en confie la livraison à un service spécialisé... mais qui se trompe d’adresse et livre le repas à un chef comptable d’une autre entreprise, proche de la retraite. Ayant trouvé le déjeuner délicieux, il met un petit mot dans la lunchbox afin de remercier, et une correspondance s’ébauche par cet intermédiaire d’un genre nouveau.
D’autres péripéties mineures se greffent sur ce canevas, et nous renseignent sur la vie quotidienne de la classe moyenne en Inde, ses espoirs et ses désillusions. C’est le premier film de Ritesh Batra, et il est très réussi, même si sa lenteur peut en incommoder certains. L’intrigue est corsée par la présence d’un successeur potentiel, que sa direction impose au comptable afin qu’il le forme, et qui va se révéler un peu escroc, ce qui n’empêchera pas les deux hommes de devenir amis, après la froideur du début.
Réalisé par Gene Kelly et Stanley Donen
Titre original : Singin’ in the rain
Sorti aux États-Unis le 27 mars 1952
Sorti en France le 11 septembre 1953
Un grand classique de la comédie musicale, exceptionnellement réussi. Des deux réalisateurs, Gene Kelly, acteur, danseur, chanteur, chorégraphe, metteur en scène y compris pour des films où il ne jouait pas (Hello Dolly, c’était de lui), était l’aîné du tandem – de douze ans. Donen, lui, avait débuté grâce à Gene et au producteur Arthur Freed, et, ce que peu de gens savent, alors qu’il avait seulement 28 ans au moment du tournage, il vit toujours ! C’est le seul survivant du film.
Presque tout est parfait dans cette comédie : scénario, dialogue, thème (le début du cinéma parlant et du doublage), l’interprétation, et je ne vois guère que la séquence des numéros dansés du projet de réfection d’un navet muet en comédie parlante et chantante qui est un peu longuette et s’insère médiocrement dans le reste. Dommage, c’est la seule apparition, dans le film, de Cyd Charisse. Mais cette critique est mineure.
Naturellement, tout est célèbre dans ce film, mais je trouve un peu injuste que Donald O’Connor, qui est brillantissime comme chanteur, danseur et comédien, soit si peu connu du « grand » public. Ayant débuté à douze ans et joué dans 84 films et téléfilms, c’est à peine si, en France, on connaît son nom ; or son numéro de danse acrobatique et comique Let em’ laugh dans le présent film est un sommet de la comédie musicale. Il a eu un Golden Globe pour cette séquence. Voyez ci-dessous :
Inutile de résumer l’histoire, elle est tellement connue que les rares bipèdes qui n’ont jamais vu le film ont sans doute passé toute leur existence sur Mars. Revoyez-le, achetez le DVD ou le Bluray, volez-le au besoin, et apprenez par cœur les chansons, par exemple celle du cours de diction (là, c’est un conseil à destination de Régis Mailhot le bafouilleur, l’exercice lui fera le plus grand bien). Écoutez plutôt :
Réalisé par Clio Barnard
Titre original : The selfish giant
Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2013
Sorti en France le 18 décembre 2013
Arbor et son ami Swifty vivent à Bradford et sont renvoyés de l’école (oui, à treize ans, c’est possible en Angleterre !). Alors, pour se faire un peu d’argent, ils volent des métaux, surtout des fils de cuivre, pour le compte d’un ferrailleur, Kitten, qui se charge de fourguer la marchandise. Arbor semble doué pour ce genre de négoce, alors que son copain s’intéresse davantage aux chevaux, or Kitten organise des courses de chevaux non déclarées.
Puis Kitten les envoie voler le précieux métal sous une voie de chemin de fer, et Swifty, électrocuté, est complètement carbonisé. Arbor veut tuer Kitten, mais la police arrête le malfrat. Arbor plonge dans la dépression, et n’en sort qu’en s’intéressant, à son tour, aux chevaux.
Cette histoire est adaptée d’un conte d’Oscar Wilde, mais cela ne se sent guère, tant le climat est contemporain. Elle vaut surtout par le personnage d’Arbor, interprété par un garçon de douze ans, Conner Chapman, qui a tourné trois films et trois téléfilms cette année, et dont vous pouvez être certains qu’il ira loin, comme ce fut le cas pour Christian Bale, Martin Compston et Jamie Bell, autres jeunes acteurs Britanniques exceptionnellement doués, tous devenus vedettes. On en reparlera.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.