Œuvres citées (en italiques, autres que des films de cinéma) : – Fukushima mon amour – Grüsse aus Fukushima – Hiroshima mon amour – Je ne suis pas un salaud – L’étranger – Madame B. - Histoire d’une Nord-Coréenne – Dans les forêts de Sibérie – Les oubliés – Paris pieds nus – Citoyen d’honneur – El ciudadano ilustre – Everest – 1:54 – Baby boss – Traque à Boston – Patriots Day – Deepwater – L’autre côté de l’espoir – Toivon tuolla puolen – Le Havre – Certaines femmes – Certain women – Going to Brazil – Orfeu Negro – L’homme de Rio – À voix haute – Ouvert la nuit – Une vie ailleurs – Fixeur – Brimstone – La nuit du chasseur
Personnes citées : Doris Dörrie – Alain Resnais – Marguerite Duras – Emmanuel Finkiel – Albert Camus – Nicolas Duvauchelle – Jero Yun – Safy Nebbou – Raphaël Personnaz – Sylvain Tesson – Martin Zandvliet – Fiona Gordon – Dominique Abel – Jacques Tati – Charles Chaplin – Pierre Étaix – Emmanuelle Riva – Pierre Richard – Mariano Cohn – Gastón Duprat – Baltasar Kormákur – Yan England – Olivier Casas – Michel Jonasz – Peter Berg – Donald Trump – Aki Kaurismäki – Frédéric Chopin – Kelly Reichardt – Patrick Mille – Stéphane De Freitas – Eddy Moniot – Édouard Baer – Olivier Peyon – Ramzy Bedia – Adrian Sitaru – Martin Koolhoven
Réalisé par Doris Dörrie
Titre original : Grüsse aus Fukushima
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 13 février 2016
Sorti en France le 15 février 2017
Titre français platement imité de celui du film de Resnais, Hiroshima mon amour, adapté de Marguerite Duras : sans raison, car cette histoire ne recèle aucune histoire d’amour, contrairement au film susdit. D’ailleurs, le titre original en allemand signifie simplement « Salutations de Fukushima ».
Marie, jeune Allemande qui désire « changer de vie » en se dévouant pour les autres, s’en va faire au Japon un spectacle de clowns, pour lequel elle n’est pas douée. Elle abandonne alors, et décide de suivre une quinquagénaire, Satomi, ancienne geisha, qui a dû fuir Fukushima, car sa maison a été détruite par le raz de marée. Elle l’aide à tout remettre en état, et apprend en échange le mode de vie local.
Déjà, une absurdité : alors que les deux femmes ne parlent pas la même langue et ne se comprennent absolument pas, au bout de quelques scènes, cet obstacle est levé, car toutes deux parlent un anglais très compréhensible ! Mais passons.
Le film est un documentaire romancé, et l’image la plus forte est celle de ces milliers de sacs en plastique dans lesquels on a enfourné la terre contaminée par les radiations de la centrale nucléaire, et dont nul ne sait que faire. Abandonnés sur un terrain et à l’air libre, ils sont là, sans doute, pour des siècles. Mais le film bascule très vite dans une absurde histoire de fantômes, en quoi croit Satomi, qui, de plus, est hantée par le remords : lors de l’inondation par la mer, elle et une amie s’étaient réfugiées dans un arbre, mais elle avait poussé du pied son amie, qui était tombée et s’était noyée. Ce pour quoi, ayant éloigné Marie, elle tente de se pendre, ce qui rate puisque Marie revient à temps pour la sauver.
La dernière séquence est incompréhensible : les deux femmes prennent le train pour se rendre en ville chez la fille de Satomi, qu’elle voit rarement. Rien ne se passe, et le film s’achève dans une gare.
De toute évidence, la réalisatrice, qui a peu de convictions décelables autre que sa passion pour le Japon, a manqué d’un scénario crédible et intéressant, et elle conclut sur un slogan un peu racoleur, Non au nucléaire, pas très indiqué puisque l’accident nuéclaire n’a fait aucune victime, et que toutes les morts l’ont été par noyades ! Faut-il interdire les raz de marée ?
Réalisé par Emmanuel Finkiel
Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 25 août 2015
Sorti en France le 24 février 2016
Eddie, marié, père d’un enfant, est instable, violent et incapable de garder un travail. Un soir, il est agressé par quelques voyous et se retrouve à l’hôpital. Il porte plainte, et la police le confronte à quelques suspects, parmi lesquels il affirme reconnaître un de ses agresseurs, Ahmed. Et, en dépit de l’absence de tout autre témoignage, Ahmed est gardé en prison préventive pendant des mois.
Mais, lors du procès, Eddie se rétracte, et Ahmed, innocenté, est libéré. Cependant, les rapports d’Eddie avec sa femme se sont dégradés, et elle le quitte. Eddie s’est aussi querellé avec son supérieur hiérarchique, et il quitte son emploi.
La fin du film est tragique : Eddie a volé un pistolet et des munitions, il se rend dans le grand magasin qui l’employait, casse tout et tue son ex-patron, puis il se suicide.
On a comparé l’hostilité d’Eddie envers Ahmed, qui est un garçon convenable, qui travaille et va bientôt être père, à celle de Meursault dans L’étranger d’Albert Camus, qui avait tué un Arabe sur la plage de Sidi-Ferruch, près d’Alger. Mais c’est peut-être une comparaison un peu forcée.
Les trois acteurs, sont parfaits, surtout Nicolas Duvauchelle, qui exprime fort bien la douleur intérieure d’un homme qui est un raté et qui le sait. Ce sujet est rarement abordé au cinéma, et c’est le principal mérite du film.
Réalisé par Jero Yun
Sorti en Corée du Sud (Jeonju International Film Festival) le 30 avril 2016
Sorti en France le 24 février 2017
Le film est précédé par un court métrage du même réalisateur sud-coréen, tourné à Paris en 2011, et montrant une femme coréenne ayant quitté la Chine en y laissant son fils de seize ans, qui en a maintenant vingt-cinq, et avec lequel elle n’a de contact que par lettres, le gouvernement chinois refusant d’accorder des visas de sortie aux jeunes, de crainte qu’ils ne veuillent plus revenir dans ce paradis. Ce court-métrage est bien meilleur que le film principal, auquel on ne comprend pas grand-chose, car le réalisateur n’a pas fait un grand effort pour expliquer qui est qui.
Bref, madame B., nord-coréenne, a naguère été vendue de force à un paysan chinois par les passeurs qui l’ont fait émigrer en Chine. Afin d’aider sa famille restée en Corée du Nord, elle est devenue trafiquante de drogue et proxénète, a réussi à faire passer les siens en Corée du Sud via la Thaïlande, et tous vivent aujourd’hui à Séoul. Mais les services secrets sud-coréens, atteints d’espionnite, redoutent que tous ces étrangers soient des agents nord-coréens, et les harcèlent. L’un des fils explique qu’il hait les policiers des deux côtés. Quant à son « mari » chinois, qu’elle n’a pas épousé puisque dépourvue de papiers officiels, il ne peut pas la rejoindre, puisqu’il n’a pas de visa.
J’avoue m’être ennuyé, face à la complexité de cette situation, qui n’est explicitée que par des interviews cahotiques des personnages.
Réalisé par Safy Nebbou
Sorti en France (Festival de Cabourg) le 8 juin 2016
Sorti en France le 15 juin 2016
Le film ne donne certes pas envie de fuir le monde moderne pour aller s’installer dans une cabane en Sibérie, et la scène où Raphaël Personnaz creuse un trou dans la glace pour se baigner tout nu dans l’eau glacée a de quoi faire frissonner, dans tous les sens du terme !
Bref, son personnage, Teddy, veut fuir le monde européen qui l’entoure, car il supporte plus le bruit et l’agitation. Il part donc en Sibérie, muni de quelques mots de russe, y achète une cabane au bord du lac Baïkal, et décide d’y vivre. Mais, une nuit où il s’est perdu dans une tempête de neige, il est secouru par Aleksei, un Russe en fuite qui vit caché dans la forêt sibérienne depuis son évasion douze ans plus tôt : il avait tué un homme et doit encore attendre trois ans pour que son meurtre soit prescrit. Les deux hommes deviennent amis, jusqu’à ce qu’Aleksei tombe malade, obligeant Teddy à retourner en ville pour acheter des médicaments – en soudoyant le médecin qui ne veut pas lui faire une ordonnance, car nous sommes en Russie. Mais, à son retour, Aleksei est mort, et Teddy abandonne son projet de vivre en solitaire.
Le film est adapté d’un livre autobiographique de Sylvain Tesson, et le scénario a été enjolivé pour éviter au spectateur les affres de la solitude à l’écran. On a donc rajouté le personnage du Russe en fuite et qui se cache, modification qui ne surprend guère. Ce qui a donné lieu au baratin habituel du réalisateur, déclarant, comme ils le font tous, que, dès qu’il a rencontré l’acteur, « comme une évidence, j’ai senti immédiatement que c’était lui ». On a lu cette ineptie des centaines de fois. Les conseillers en communication devraient changer un peu de registre !
Les paysages sont beaux, mais ne donnent aucune envie d’aller vérifier sur place si la Russie en général et la Sibérie en particulier sont des paradis.
Réalisé par Martin Zandvliet
Titre original : Under sandet
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 8 juin 2016
Sorti en France le 1er mars 2017
Un grand film danois, dont la critique est ICI.
Réalisé par Fiona Gordon et Dominique Abel
Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 2 septembre 2016
Sorti en France le 8 mars 2017
Il est évident que les deux réalisateurs-acteurs de ce film se réfèrent un peu à Tati et Chaplin, et beaucoup plus à Pierre Étaix, génie français trop méconnu, auquel on pense constamment. À une différence : Étaix, pour faire rire, ne ridiculisait jamais ses personnages ! Ici, grimés, laids, sales, mal habillés, les deux personnages sont perpétuellement grotesques, ce qui rend le film souvent gênant et gomme un tantinet l’effet comique de leurs maladresses.
Par chance, cette histoire a ses instants de grâce, par la vertu des apparitions trop épisodiques d’Emmanuelle Riva dans son dernier film, et de Pierre Richard, qui ne font jamais rire d’eux-mêmes.
Réalisé par Mariano Cohn et Gastón Duprat
Titre original : El ciudadano ilustre
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 4 septembre 2016
Sorti en France le 8 mars 2017
Lauréat sarcastique du Prix Nobel de littérature, Daniel Mantovani, argentin (aucun Argentin n’a jamais reçu ce prix) mais vivant à Barcelone, et très sollicité de toutes parts, accepte une invitation qu’il avait d’abord songé à refuser : retourner à Salas, son village natal – imaginaire –, quitté à l’âge de vingt ans, quarante ans auparavant, et qui lui a beaucoup servi de décor pour ses histoires. Rebuté par le souvenir qu’il garde de la médiocrité de la population locale, il est néanmoins poussé par la curiosité, mais va vite regretter d’avoir changé d’avis, car, dès le début, tout se passe mal : une crevaison retarde d’un jour son arrivée (le village est à six cents kilomètres de Buenos Aires), son chauffeur est un incapable, les assistants à sa première conférence ne lui posent aucune question intelligente, on lui reproche d’avoir ridiculisé les habitants dans ses livres, de refuser invitations et demandes de secours, et on le sollicite de présider un jury qui doit récompenser les exploits artistiques de ses concitoyens, parmi lesquels pas une seule toile ne mérite l’attention – donc il vexe tout le monde ! Peu à peu, à force de refus et de ricanements, il se met à dos tout le village, et manque de se faire tirer dessus au cours d’une partie de chasse.
Néanmoins, tout n’est pas noir, et j’avais très vite deviné que le jeune concierge de son hôtel, qui lui a donné à lire les nouvelles qu’il a rédigées, lui inspirerait assez de sympathie pour que, juste avant son départ, il lui offre très sincèrement de faire éditer une de ses œuvres. Procédé de scénariste...
Le film est entre le comique et la satire sans concessions, et tout drame est évité. Le plus comique étant le fait qu’ensuite, les deux réalisateurs ont fait écrire anonymement un roman de Daniel Mantovani, qui n’existe pas non plus. Ah, la publicité !
Réalisé par Baltasar Kormákur
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 2 septembre 2015
Sorti en France le 23 septembre 2015
Filmé en Islande, en Italie et au Népal pour les extérieurs, et à Cinecittà principalement pour les intérieurs, cette histoire, adaptée d’un livre relatant une mésaventure authentique survenue en 1996, montre deux expéditions qui tentent l’assaut de l’Everest. Certains des participants vont y parvenir, mais il y eut huit morts.
Les personnages principaux sont joués par des acteurs célèbres, ce qui gêne un peu et nuit à la tentative d’authenticité. Et puis, lesdits personnages sont si nombreux que le public s’y perd. De sorte que le succès de ce film, tourné en 3D pour le spectacle, a été assez mitigé.
Réalisé par Yan England
Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 24 août 2016
Sorti en France le 15 mars 2017
Le réalisateur-acteur-producteur-animateur de télévision de ce film québécois, son premier, a voulu courir deux lièvres à la fois, mais il n’en atteint finalement aucun, car ces deux thèmes, sans aucun rapport entre eux, ne fusionnent pas !
Ces deux thèmes sont les suivants : les conséquences parfois mortelles du harcèlement anti-homosexuel dans les lycées et collèges, qui peut, comme ici, pousser un jeune au suicide ; et le désir de prendre une revanche en gagnant une compétition sportive, par un concurrent qui n’a aucune chance au départ, mais finit, comme toujours au cinéma, par gagner – avec, une fois de plus, l’habituel déluge de niaiseries proférées dans le monde sportif : donne tout, va jusqu’au bout de tes rêves, et autres platitudes.
Bref, Tim et Francis s’aiment sans se le dire, c’est établi dès le départ lorsque Tim a la velléité d’embrasser sur les lèvres son camarade qui dort, mais il n’ose pas ; et lorsque Francis lui crie « Je t’aime » juste avant de sauter du haut d’un pont, désespéré par l’absence de réciprocité. Donc, incontestablement, ils sont vierges et n’ont rien fait ensemble. Mais, harcelé par un groupe de camarades du lycée qui ont découvert – ou soupçonné, ce n’est pas certain – son homosexualité, Francis se suicide, et Tim ne cherche plus qu’à se venger du chef des harceleurs, un nommé Jeff, qui le harcèle aussi, sans plus de raison que sa camaraderie avec Francis. Or il se trouve que Jeff est le champion du lycée pour la course à pieds de deux cents mètres, qu’il a parcouru en une minute et cinquante-quatre secondes, d’où le titre du film. Mais Tim est aussi bon coureur, quoique moins rapide, et il décide de battre Jeff lors de la prochaine compétition. Naturellement, comme toujours au cinéma, il triomphe, mais Jeff se venge à son tour en mettant en ligne une vidéo où l’on voit Tim et le défunt Francis copulant dans un coin sombre. Et là, le scénario sombre dans le ridicule : d’où sort donc cette vidéo de deux garçons qui n’étaient pas amants et ne se sont seulement jamais embrassés ?
La fin parachève ce ridicule : Tim a quelques notions de chimie, et il fabrique une bombe qu’il dépose dans la boîte de nuit où Jeff et ses copains font la fête, mais il se ravise au dernier moment, se pointe sur les lieux pour sauver tout le monde, et c’est lui qui est tué dans l’explosion !
Dans « Le Canard enchaîné » sorti ce matin, le film bénéficie d’une critique favorable. Visiblement, le rédacteur n’a vu que les (bonnes) intentions, mais pas la réalisation. Mais il paraît que ce fabuleux navet est projeté dans les écoles du Québec. Pas les écoles de cinéma, on espère !
Réalisé par Olivier Casas
Sorti en France (Festival de L’Alpe d’Huez) le 21 janvier 2017
Sorti en France le 8 mars 2017
Le baby phone est un gadget destiné aux parents ayant un bébé : un microphone installé dans la chambre de l’enfant permet d’entendre s’il pleure ou pas, afin d’assurer un peu de paix à ses géniteurs. Évidemment, il faut éviter d’échanger des confidences à portée du micro, car elles s’entendront ailleurs !
Cet argument bien mince est la source d’une comédie de mœurs – une de plus – sur la génération des trentenaires, thème favori des auteurs de comédie pour dimanches soirs à la télévision. Or celle-ci ne casse pas des briques.
Les acteurs, rompus à ce genre de travail, ne sont pas mauvais, mais rien dans le scénario ne leur permet l’originalité, que du reste personne ne cherche. Le réalisateur-scénariste-producteur s’était fait la main sur un court-métrage du même titre, et seul Michel Jonasz, qui dort les trois-quarts du temps, tranche un peu sur le reste. Qui n’est certes pas déshonorant, mais ne laissera aucun souvenir.
Réalisé par Peter Berg
Titre original : Patriots Day
Sorti aux États-Unis (à l’AFI Fest) le 17 novembre 2016
Sorti en France le 8 mars 2017
Les deux seules qualités de ce film sont le réalisme de la séquence d’attentat à Boston (on a très bien intégré numériquement les acteurs dans les prises de vues d’archives), et le fait d’avoir évité les images de gore. Pour le reste, aucune nuance, tous les policiers, tous les officiels, tous les citoyens sont des héros, des patriotes, des citoyens fiers d’appartenir au Pays de la Liberté (sic) et à la ville où est née la démocratie (re-sic), et les hommages auto-décernés pleuvent sans la moindre nuance.
L’enquête menée pour retrouver les deux assassins, qui par extraordinaire ne sont pas musulmans, démarre et avance très lentement, et les enquêteurs ne s’embarrassent pas de la loi. C’est donc du Trump avant Trump !
Le réalisateur avait réussi Deepwater, sur une catastrophe accidentelle sur une plateforme pétrolière. Ici, c’est beaucoup moins bien, parce qu’on donne dans le style patriote. Comme l’indique le titre original, et c’en est ridicule...
Réalisé par Aki Kaurismäki
Titre original : Toivon tuolla puolen
Sorti en Finlande le 25 janvier 2017
Sorti en France le 15 mars 2017
Aussi réussi que Le Havre, et dans le même esprit humaniste, mais filmé cette fois à Helsinki. En fait, ce sont deux histoires parallèles, qui ne se réunissent qu’une demi-heure avant la fin. La première est celle de Wikhström, commerçant quinquagénaire qui décide de quitter sa femme et d’ouvrir un restaurant ; la seconde est celle de Khaled, qui a fui la ville d’Alep, en Syrie, où toute sa famille a été tuée par le bombardement de la maison familiale, sauf sa sœur, dont il ne sait ce qu’elle est devenue. Khaled a réussi à embarquer sur un cargo, caché sous un tas de charbon, et débarque en Finlande, dont il ignore tout à commencer par la langue. Il trouve des gens compatissants pour l’aider à faire une demande d’asile, qui sera refusée parce que la situation des habitants d’Alep « n’est pas assez désespérée », et doit désormais se cacher pour ne pas être expulsé. Il se réfugie donc dans le restaurant de Wikhström, qui l’accueille et lui offre un travail. Mais, alors qu’un ami a réussi à retrouver la fameuse sœur, Khaled est poignardé par un excité d’extrême droite. Par chance, il n’en meurt pas, et Wikhström se remet en ménage avec sa femme.
Fin optimiste, donc, à laquelle on ne croit guère, mais le film est réalisé avec tant de précision et de clarté qu’on passe sur ce détail.
Petite erreur de mise en scène : durant une conversation entre deux personnages, la radio diffuse un morceau de Chopin. Hélas, on écoute la musique et on rate ce qu’ils disent ! Comme quoi, il ne faut pas courir deux lièvres à la fois, je l’ai noté précédemment à propos de 1:54.
Réalisé par Kelly Reichardt
Titre original : Certain women
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 24 janvier 2016
Sorti en France le 22 février 2017
Il est permis de ne pas être très captivé par ce petit film où il ne se passe pas grand-chose, et qui, par conséquent, est sorti d’abord au festival de Sundance, la capitale du politiquement correct, et a trusté les récompenses de divers festivals féministes.
Tout tourne autour de trois femmes, dont deux sont avocates dans une petite ville du Montana, plus une quatrième qui s’entiche de la troisième, sans succès. Bref, une tranche de vie, et de vies assez minables. Mais enfin, les films à sketches (aujourd’hui, on parle plutôt de film « choral », histoire de sembler renouveler le vocabulaire), c’est un peu désuet. On ne s’ennuie pas vraiment, mais, alors que la plupart des films actuels dépassent allègrement les deux heures, on est heureux que celui-ci soit court !
Réalisé par Patrick Mille
Sorti en France (Festival d’Angoulême)) le 24 août 2016
Sorti en France le 22 mars 2017
Inexplicable ! « Le Canard enchaîné » de ce jour place cette chose – au titre inutilement anglais – en tête des films à voir. En réalité, après un début passable quoique vulgaire, tout s’enlise dans les invraisemblances, le grotesque, l’agitation et la confusion. Sans renoncer à la vulgarité qui culmine dans la trop longue scène où le réalisateur-coscénariste-acteur suce un esquimau sur la plage. Rien ne tient debout dans la seconde moitié de cette histoire, y compris le revirement du méchant, et la fin est bienvenue quand elle arrive enfin.
Le Brésil qui sert de cadre est très mal montré. Rien à voir avec Orfeu Negro ou L’homme de Rio !
Réalisé par Stéphane De Freitas
Sorti en France (Festival de Valenciennes) le 14 mars 2016
Sortira en France le 12 avril 2017
Ce très beau film n’a été projeté que deux fois en France, mais l’avant-première à laquelle j’ai assisté, avec un public clairsemé, a eu un tel succès, qu’il marchera très bien, on l’espère, une fois sorti officiellement (le 24 mars à Saint-Gratien et le 27 à Lille). Il s’agit d’un documentaire tourné il y a deux ans, qui semble-t-il, est déjà passé une fois à la télévision, mais a été remanié depuis.
Le sujet en est le concours Eloquentia, qui se déroule chaque année à l’Université de Saint-Denis, au nord de Paris, et qui élit « le meilleur orateur du 93 » – le département de Seine-Saint-Denis, où ne vivent pas que des rappeurs vociférant des inepties. Là, des étudiants de cette université, dirigés par des professionnels de la parole (les formateurs : un avocat, un slameur et un metteur en scène), apprennent à s’exprimer en public. Les candidats ne sont que trente, sont un peu coincés au début, mais les exercices et les trucs du métier qu’on leur propose les dégèlent assez vite, et c’est réjouissant. On en voit quelques-uns, de ces procédés originaux, et on s’amuse de voir ces jeunes changer en bien, et à toute vitesse. Si bien que les plus doués deviennent excellents, et j’avoue avoir deviné très vite qui serait le gagnant, un jeune homme nommé Eddy Moniot (photo ci-dessous), qui a d’ailleurs attiré l’attention d’Édouard Baer, présent dans le jury final, lequel lui a proposé un petit rôle de réceptionniste dans son film Ouvert la nuit – film qui n’a pas, malheureusement, remporté un grand succès, mais c’est le cas de tous les films réalisés par Baer.
Le réalisateur du film, ancien basketteur professionnel ayant grandi dans ce département, qui a ensuite bifurqué vers les études de droit, a créé en 2012 le concours Eloquentia, avec dès cette date l’idée d’en tirer un film. Lui-même, en faculté, avait participé à des concours d’éloquence. Il déclare que les deux objectifs de ce concours sont de gagner la confiance en soi, en prenant position face aux autres, et de supporter le regard des autres et s’écouter soi-même – ce qui est contraire à l’utilisation quotidienne des smartphones ou des réseaux sociaux. Noble tâche !
Eddy, le gagnant, alors âgé de vingt ans, qui en a maintenant vingt-trois et qui était primitivement étudiant à la faculté de Paris-8, à Saint-Denis, en licence théâtre, est très attachant, il vit avec ses parents, qu’il vénère, dans un village de l’Aisne, Corcy, loin de tout, et doit faire dix kilomètres à pied pour gagner la gare de Villers-Cotterets afin de se rendre aux cours, à Saint-Denis, à soixante-dix kilomètres de là : trois heures de marche à l’aller et autant au retour, afin de réaliser son rêve d’être acteur ! Il a écrit l’excellent texte qu’il a joué à la finale du concours.
Il n’y a pas de meilleur remède aux ambitions mortifères du Front National, qui met tous les jeunes de banlieue dans le même sac.
Je dis plus haut avoir deviné très vite qui serait le gagnant, mais je n’ai aucun mérite : comme le montage des séquences tournées a été fait environ un an après les résultats du concours, on a privilégié au montage les scènes familiales filmées chez les deux gagnants, et surtout celles avec Eddy et ses parents âgés, Amel et Jean-Pierre – hélas décédé d’un cancer quelques mois après le triomphe de son fils. C’est tout à fait normal. Soit dit en passant, je connais son adresse, tout à fait à la lisière du village, et son numéro de téléphone, mais je ne les divulgue pas !
Réalisé par Olivier Peyon
Sorti en France (Festival de Valenciennes) le 18 mars 2017
Sorti en France le 22 mars 2017
Sylvie, une Française, avait épousé Pablo, un Uruguayen, et ils avaient eu un fils, Felipe. Mais ils ont divorcé, et Pablo a enlevé l’enfant pour l’emmener en Uruguay, dans une petite ville où habite sa mère, Norma. Il a raconté à Felipe que Sylvie est morte en France dans un accident de voiture. Mais lui-même est mort ensuite, et Norma, ne voulant pas perdre son petit-fils après son fils, a gardé l’enfant et a fait venir sa fille María pour aider à l’élever.
Mais Sylvie veut récupérer son fils, et elle part pour l’Uruguay, accompagnée de Mehdi, un travailleur social, sur qui elle compte pour enlever Felipe et le faire passer en Argentine, où elle prendra l’avion pour la France. Mais ce projet va échouer quand Felipe découvrira que sa mère vit toujours, qu’il a donc été trompé, et il refuse de lui parler. Mais il se laissera persuader par Mehdi, devenu son ami, et tout s’arrange in extremis : si la mère frustrée s’installait en Uruguay ?
Une faiblesse de scénario : pourquoi la police, mise au courant de toute l’histoire, arrête-t-elle... la tante María, qui n’est responsble de rien, alors que la seule responsable de tout cela est la grand-mère Norma ? Et une lourdeur dans le dénouement lorsque mère et fils sont face à face dans un jardin public : Felipe tient Sylvie à distance en tournant autour d’un portique pour enfants, elle veut le rejoindre en grimpant sur l’obstacle, alors lui-même grimpe et enfin la rejoint en haut ! Message de l’auteur : nous avons surmonté l’obstacle. Astuce de mise en scène pas vraiment fine.
Mais le film est assez prenant, et l’enfant inspire la sympathie.
Ramzy Bedia, quand il ne joue pas les rigolos en tandem pour Canal Plus, est convaincant.
Réalisé par Adrian Sitaru
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2016
Sorti en France le 22 mars 2017
En langage journalistique, un fixeur accompagne un journaliste en reportage dans un pays étranger, afin de le guider et de faciliter son travail. C’est le cas de Radu, roumain francophone, travaillant à Bucarest pour une agence française, et qui propose à un journaliste parisien de le guider afin de réaliser un scoop : interviewer sur place une jeune prostituée roumaine qui a travaillé à Paris après avoir été enlevée en Roumanie, et qui a été expulsée vers son pays d’origine. La difficulté est double : elle est actuellement hébergée dans un foyer religieux dont la supérieure ne veut pas la laisser voir aux journalistes, et la fille elle-même est terrorisée et craint des représailles si on la filme.
On voit très bien que le cinéaste auteur de ce film veut traiter de la responsabilité du journaliste, du conflit entre l’information et le respect de la vie publique, des compromissions éventuelles allant à l’encontre des beaux discours, et autres questions morales. Mais tout cela reste au stade des bonnes intentions, et son film est mal fichu sur le plan du scénario.
D’abord, il est très lent à démarrer. Ensuite, il cède à la tentation récurrente de nous informer sur la vie familiale du fixeur, qui n’a rien à voir avec le sujet mais qui est un poncif de la dramatisation en matière de fiction. Enfin, il a la mauvaise idée d’introduire un personnage chargé de traduire tous les dialogues entre le français et le roumain, de sorte que les sous-titres répètent ce qu’on a déjà entendu, ce qui ralentit l’action et agace quelque peu.
La fin est aussi un peu racoleuse : la prostituée, qui n’a que quatorze ans, se méprend et propose à l’intervieweur de lui faire une fellation, ce qu’il refuse énergiquement. C’était donc une parfaite idiote ?
Ces restrictions faites, le film est bien fait et bien interprété.
Réalisé par Martin Koolhoven
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 3 septembre 2016
Sorti en France le 22 mars 2017
Le film bénéficie d’un scénario travaillé, qui malheureusement tombe dans une astuce classique, mélanger les épisodes : une fois qu’on a compris que, des quatre épisodes, le numéro 3 vient avant le 2, c’est plus clair ! Mais Tarantino, dans son dernier western, avait déjà fait le même coup...
Écrit et réalisé par un Néerlandais, tourné en Allemagne, Autriche, Espagne et Roumanie, mais censé se dérouler aux États-Unis à la fin du dix-neuvième siècle, le film conte l’histoire sinistre et invraisemblable d’un pasteur qui pourchasse une jeune femme. Or ce personnage est rigoriste, sadique, tortionnaire, incestueux, pédophile et assassin, de quoi faire passer pour un saint celui qu’interprétait Robert Mitchum dans La nuit du chasseur. Mais la réalisation est truffée de scènes de violence, inexplicables et plutôt complaisantes : deux pendaisons, deux langues coupées, quelques égorgements dont celui d’un cochon, la flagellation d’une femme puis d’une petite fille, une fusillade, et j’en oublie... Est donc tombée la stigmatisation peu inattendue : interdiction aux moins de seize ans.
Comme le film est excessivement long, et alourdi par une musique aux cordes qui ne cesse jamais, on voit arriver la fin avec un certain soulagement... si on n’est pas parti avant la fin !
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.