Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Margin call – Wall Street – La grande illusion – Tyrannosaur – Jurassic Park – Sans issue – The cold light of day – La mauvaise éducation – JCVD – Indian palace – The Best Exotic Marigold Hotel – Avanti ! – Shakespeare in love – Barbara – Le prénom – Douze hommes en colère – La corde – Cuisine et dépendances – Le crime était presque parfait – Carnage – Le dieu du carnage – Maman – Les sœurs fâchées – Chroniques sexuelles d’une famille d’aujourd’hui – Shortbus – Contrebande – Contraband – Reykjavik-Rotterdam – Jar City – Moonside kingdom – Rencontres du troisième type – Starbuck – Les vieux chats – Gatos viejos – Le ruban blanc – Funny games – Grosse fatigue – Dark shadows – Les femmes du bus 678
Personnes citées : J. C. Chandor – Oliver Stone – Jean Renoir – Joseph Goebbels – Jean Gabin – Frank Hansel – Paddy Considine – Mabrouk el Mechri – Henry Cavill – Bruce Willis – Rochdy Zem – John Madden – Billy Wilder – Christian Petzold – Alexandre de La Patellière – Matthieu Delaporte – Benjamin Constant – Yasmina Reza – Roman Polanski – Alexandra Leclère – Jean-Marc Barr – Pascal Arnold – Baltasar Kormákur – Arnaldur Indriðason – Wes Anderson – Jacques-Yves Cousteau – Bob Balaban – François Truffaut – Ken Scott – Steven Spielberg – Sebastián Silva – Pedro Peirano – Michael Haneke – Michel Ciment – Leos Carax – Alexandre-Oscar Dupont – Jacques Audiard – Alain Resnais – Michel Blanc – Carole Bouquet – Philippe Noiret – Josiane Balasko – Marie-Anne Chazel – Christian Clavier – Guillaume Durand – Charlotte Gainsbourg – David Hallyday – Estelle Lefébure – Gérard Jugnot – Dominique Lavanant – Thierry Lhermitte – Roman Polanski – Mathilda May – Tim Burton – Terry Gilliam – Mohamed Diab – Asghar Farhadi
Réalisé par J. C. Chandor
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 25 janvier 2011
Sorti en France le 2 mai 2012
Premier long métrage d’un réalisateur-scénariste dont on ne sait pas grand-chose, il s’agit d’une sorte de version nouvelle du Wall Street qu’Oliver Stone avait sorti en 1987, mais en moins hystérique, moins tape-à-l’œil et beaucoup plus clair. Cette fois, on prend pour cible la faillite de la banque Lehmann Brothers, bien qu’aucun nom ne soit précisé.
Bref, alors qu’une compression de personnel a causé le renvoi (en cinq minutes !) de 80 % de l’étage des traders, le chef du service de la gestion des risques (sic) est mis à la porte, au moment même où il vient de découvrir que la banque, à force d’opérations hasardeuses sur des titres pourris – on préfère dire qu’ils sont toxiques (re-sic) –, est au bord de la catastrophe. Or il a laissé à un de ses jeunes subordonnés un dossier prouvant tout cela, et, lorsque ledit subordonné prévient sa hiérarchie, c’est le branle-bas de combat, qui va durer toute la nuit. Solution retenue : d’abord, rappeler en catastrophe le type qu’on a viré, puis revendre en masse les titres qui ne valent plus rien, jeu de Mistigri qui donne lieu au passage le plus intéressant du film : le marchandage téléphonique des courtiers essayant de fourguer à des collègues extérieurs tout ce qu’ils peuvent brader. Morale de cette histoire : sauvons les meubles, et tant pis s’il faut ruiner les autres.
L’avantage de ce film est qu’il met à notre portée le mécanisme des magouilles que nous ne sommes pas censés connaître. Tout se passe en conversations et joutes oratoires, et c’est plutôt instructif !
Comme on le sait, le film de Jean Renoir est récemment ressorti dans une copie rénovée, or on n’a pu faire cette rénovation que grâce à la découverte du négatif d’origine à la cinémathèque de Toulouse. Mais que faisait-il là ?
Lorsque les nazis occupèrent la France, Goebbels s’assura que le film, sorti en 1937, avait bien été saisi par l’occupant dont il était le ministre de la propagande. Il considérait en effet Renoir, qui avait servi dans l’aviation (l’uniforme que porte Gabin dans le film lui appartenait !), comme l’ennemi public numéro 1 dans l’univers du cinéma, mais Gabin n’était pas moins déterminé, qui, plus grande vedette européenne, refusa de tourner pour les Allemands et s’engagea dans la Marine en 1943. Or un raid aérien des Alliés, en 1942, fit croire que la pellicule avait été détruite. En réalité, un archiviste spécialisé dans le cinéma, Frank Hansel, officier allemand à Paris, avait en contrebande emporté le film à Berlin. Si bien que, lorsque les Russes entrèrent dans la capitale du Reich en 1945, ils trouvèrent le film, le transférèrent et l’archivèrent à Moscou.
Dans les années soixante, Jean Renoir voulut restaurer son film, mais il ignorait tout cela et dut travailler sur de vieilles copies en mauvais état. Or le hasard fit qu’à peu près au même moment, les Russes firent un échange d’archives avec la ville de Toulouse, et le négatif original de La grande illusion fit partie de l’échange. Mais personne n’en tint compte, car nombreuses étaient les nouvelles copies faites après la restauration de Renoir, et on ne s’avisa pas que le négatif alors déposé à Toulouse était le seul bon !
On a fini par s’en aviser. Comme quoi, les archives et les échanges culturels servent à quelque chose.
Réalisé par Paddy Considine
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 21 janvier 2011
Sorti en France le 25 avril 2012
Film d’un débutant, qui n’avait fait qu’un court métrage auparavant, ce qui semble expliquer les multiples mauvais choix de son scénario. Évidemment, c’est au redoutable festival de Sundance qu’on a présenté cette chose...
On a donc un film déprimant, misérabiliste, et qui rapporte des horreurs, sans les montrer, dans un cadre pas folichon, en Écosse. Les critiques de profession, qui fréquemment se contentent du dossier de presse pour rédiger leurs papiers, adorent que les spectateurs qu’ils aiguillent vers un film s’ennuient – eux ont dormi ou sont partis avant la fin. Pour ma part, j’ai fait les deux, dormir et m’ennuyer.
Un détail : le titre vient du surnom que le personnage principal a donné à sa femme décédée, parce que, obèse, elle faisait trembler l’escalier en se déplaçant, tout comme... le T-rex de Jurassic Park ! Ouarf...
Réalisé par Mabrouk el Mechri
Titre original : The cold light of day
Sorti en Espagne le 4 avril 2012
Sorti en France et en Belgique le 2 mai 2012
À propos de La mauvaise éducation, sorti en 2004, j’avais raillé ces résumés de films que publient les journaux, et celui-là était gratiné dans le genre malhonnête. Or, pour le présent film, on peut lire ceci, qui n’est pas malhonnête mais à côté de la plaque : « Will Shaw, un étudiant américain, part en Espagne rejoindre sa famille pour une croisière pendant les vacances. Mais à son arrivée, il découvre un bateau vide et des traces de sang. Il est contacté par une mystérieuse organisation qui lui apprend que son père est en réalité un agent de la CIA. Celui-ci a disparu avec des documents importants. Will dispose de quelques jours pour le retrouver s’il veut sauver le reste de sa famille ».
Rions. Will n’est pas un étudiant, mais le patron d’une petite affaire de consultants commerciaux, il ne découvre pas le bateau vide à son arrivée, mais lorsqu’il y revient après être allé à terre, et c’est son père, qu’il n’a pas besoin de « retrouver » puisque c’est celui-ci qui le contacte, qui lui révèle son appartenance à la CIA.
À part cela, c’est un bon film d’action, avec beaucoup de cascades et de scènes spectaculaires, qui se déroule essentiellement dans les rues de Madrid. Henry Cavill, vedette pour la première fois, est beau, athlétique, et bon comédien. Deux curiosités, Bruce Willis meurt au premier tiers du récit, et Roschdy Zem joue un Israélien ! Le réalisateur avait sorti JCVD en 2008, déjà un bon film.
Réalisé par John Madden
Titre original : The Best Exotic Marigold Hotel
Sorti en Italie (Rencontres internationales de Sorrente) le 30 novembre 2011
Sorti en France le 9 mai 2012
Bien que le film soit sorti d’abord en Italie, je n’ai trouvé aucune trace, chez les critiques de cinéma, d’une référence qui pourtant s’impose : le chef-d’œuvre de Billy Wilder, Avanti ! La culture, vous dis-je, la culture...
À Jaipur, capitale de l’État indien du Rajasthan, un jeune homme, Sonny Kapoor, copropriétaire avec ses deux frères d’un vieil hôtel qui tombe en ruines et n’a aucune commodité (même pas de portes aux chambres, sauf à la sienne !), naïf et incurablement optimiste, a rebaptisé l’endroit d’un nom attrayant, The Best Exotic Marigold Hotel for the Elderly & Beautiful, et fait sa publicité sur Internet. Il n’attire qu’un petit groupe de retraités britanniques cherchant un endroit pas cher pour y vivre. L’hôtel est évidemment décevant, mais le charme du pays et du jeune homme vont tout modifier.
Je n’avais pas beaucoup d’estime pour le Shakespeare in love du même réalisateur, et ce film-ci, au demeurant très sympathique, n’est pas sans défaut, quoique on y prenne énormément de plaisir. Mais il est trop long, parce que le réalisateur et le scénariste, au lieu de se contenter d’une comédie alerte et bien troussée, ont voulu noyer leur histoire dans une sauce à l’humanisme qu’ils n’ont pas su doser. Si bien qu’il y a trop de tout.
On le regrette d’autant plus que la ville est agréable à voir sans que jamais on la filme sous un angle touristique, et que les meilleurs comédiens d’Angleterre sont présents. On apprécie en particulier le numéro raciste de Maggie Smith, qui finira néanmoins par devenir la co-directrice de l’hôtel !
Réalisé par Christian Petzold
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 11 février 2012
Sorti en France le 2 mai 2012
Encore un de ces titres à l’inspiration médiocre, où l’on se contente de choisir le nom du personnage central. Le cinéma ne réclame pas un peu plus d’imagination ?
Allemagne de l’Est, en 1980. Barbara est médecin dans un hôpital de province, mais on a eu la mauvaise idée de la nommer dans une ville du littoral, si bien que, soupçonnée d’avoir voulu émigrer à l’Ouest, l’occasion lui en est offerte sur un plateau, puisque le Danemark, tout proche, est accessible sans peine ! Pas très fin, ces responsables politiques...
Néanmoins, et bien que tout soit prêt, argent, canot pneumatique, complicités, Barbara ne va pas émigrer, car ses malades la retiennent. Elle fera passer à sa place l’une d’elles.
Film austère, sans musique, honorable, et qui communique bien ce sentiment d’appréhension permanente que devaient ressentir les malheureux Allemands de l’Est, mais, bémol, guère palpitant, car on a tout compris très vite, une fois les éléments mis en place.
C’est pourquoi je vais concentrer mon tir sur le sous-titreur : cet individu, dont je n’ai seulement pas noté le nom, prête aux personnages sa propre vulgarité de langage, et n’imagine sans doute pas qu’autrui pourrait parler correctement. Or je ne crois pas qu’en 1980, en Allemagne de l’Est, une femme médecin dirait à un collègue auquel ne la lie aucun lien d’amitié, « Vous avez bien bossé » ou « Je suis crevée ». Surtout en tenant compte du fait que “Gut Arbeit” et “Ich bin müde” se traduisent tout à fait classiquement par « Bon travail » et « Je suis fatiguée ».
Réalisé par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte
Sorti en France et en Belgique le 25 avril 2012
Le générique annonce la couleur, puisqu’il ne comporte que les prénoms de tous les participants du film.
Certes, si l’on excepte un inutile prologue, puis une séquence intermédiaire et un épilogue qui ne s’imposent pas beaucoup plus, on a là du théâtre filmé, puisque tout se passe dans un salon entre cinq personnages. Mais il n’y a pas lieu de dénigrer le théâtre filmé, car Douze hommes en colère, La corde, Cuisine et dépendances ou Le crime était presque parfait (et j’en oublie) ont démontré qu’on pouvait du très bon cinéma en filmant une pièce en un acte et à huis-clos.
On n’a parlé, pour le lancement du film, que du point de départ : un homme annonce à sa sœur, son beau-frère et un ami, que le bébé que lui et sa femme attendent pour bientôt sera prénommé Adolphe – pas Adolf, souligne-t-il. À toutes les objections scandalisées, il répond que c’est là le prénom du héros très romantique de Benjamin Constant, et il leur renvoie leurs contradictions. Mais, dès le milieu du film, il révèle que c’était une blague, qu’il n’a jamais lu Benjamin Constant, et que l’enfant sera prénommé Henri !
Toujours est-il que ce point de départ déclenche une série de scènes dans lequelles, tour à tour, chacun des personnages sera démoli par les quatre autres. Mais, comme il faut bien conclure l’histoire, l’épilogue révèle que les médecins se sont trompés, et que le bébé... est une fille ! Embrassons-nous, tout est oublié.
On reconnaît le canevas utilisé dans ses pièces par Yasmina Reza – qui n’est pas l’auteur de cette histoire –, et certains ont déploré que Le prénom soit moins réussi que Carnage, le film de Polanski tiré d’une pièce de cet auteur, Le dieu du carnage. Je suis d’un avis contraire, le film de Polanski ne fonctionnait pas, et les rebondissements n’avaient lieu que parce que les visiteurs, au moment de s’en aller, se ravisaient sur le pas de la porte et revenaient se quereller avec leurs hôtes. Ce truc, très artificiel, ne se fondait pas sur les caractères, mais uniquement sur le caprice du scénariste. Dans Le prénom, ce n’est pas le cas, les disputes n’ont rien de factice, et le récit est mu par les motivations profondes des personnages.
J’ajoute que les dialogues sont très bons, et les acteurs parfaits.
Réalisé par Alexandra Leclère
Sorti en France le 9 mai 2012
Troisième long métrage de la réalisatrice. Je n’avais vu que le premier, Les sœurs fâchées, qui brillait par son amateurisme. Le film d’aujourd’hui brille par sa fausse bonne idée : deux sœurs (encore !), dans la quarantaine, très occupées, vivant à Paris, n’ont pas vu leur mère installée à Lyon depuis vingt ans, et qui jamais ne s’est souciée d’elles. Or celle-ci décide de venir vivre à Paris, mais les entrevues avec ses filles se passent si mal que celles-ci décident... de la kidnapper, de l’emmener dans une maison sur la côte bretonne, et, pour la forcer à les aimer, de l’enchaîner à une ancre de bateau ! Épisode ridicule, auquel la réalisatrice-scénariste renonce au bout de dix minutes. Détail : la chaîne mesure dix mètres, mais le dialogue a raté l’occasion de mentionner que les liens familiaux ne sont pas très étroits...
On devine une heure à l’avance que tout ce petit monde va se réconcilier, et que le mot de la fin, qui est aussi celui du titre, sera prononcé par la plus rancunière des deux sœurs. Symbole : elle a par-do-nné !
Les trois actrices sont très bien, mais le scénario bat de l’aile. Ainsi, pendant que les filles séquestrent leur mère – qu’elles ont enlevée en abandonnant leur travail et sans prévenir leur entourage – que deviennent les enfants de l’aînée ? Personne n’y a songé.
Réalisé par Jean-Marc Barr et Pascal Arnold
Sorti en France le 9 mai 2012
On rêve à ce qu’Éric Rohmer aurait fait avec un pareil sujet. Ici, malgré la durée modeste du film (une heure et dix-sept minutes), on en vient très vite à s’ennuyer, et deux spectateurs ont gagné la sortie au cours de la séance où je l’ai vu. Pourtant le point de départ était relativement séduisant : un lycéen majeur est encore vierge et n’en peut plus de cet état ; pour ne rien arranger, obéissant à un pari stupide, il s’est fait prendre se masturbant en classe et filmant son exploit avec son téléphone mobile. Cet minuscule incident est le point de départ d’un revirement de ses parents, qui jusqu’alors n’abordaient pas les questions sexuelles avec leurs enfants, et le prétexte d’une revue complète des activités de toute la famille, grand-père compris.
Hélas, les deux réalisateurs ont cru malin de faire accomplir à leurs interprètes des scènes de sexe non simulées, et... de les masquer par le montage pour la projection en salles, réservant les vues plus audacieuses à la future version en DVD. Traduction : si vous voulez en voir davantage et vous rincer l’œil, achetez le DVD ! Je note aussi que le frère aîné est bisexuel, ce qu’on n’apprend qu’à la fin, mais qu’il n’y a aucune scène de sexe homo dans le film. Pudibonderie ?
Bref, on n’est pas plus faux cul. Je rappelle qu’un excellent film, venu des États-Unis, Shortbus, n’avait pas eu cette hypocrisie, et... avait remporté un vrai succès !
Réalisé par Baltasar Kormákur
Titre original : Contraband
Sorti au Kazakhstan, en Russie et à Singapour le 12 janvier 2012
Sorti en France le 16 mai 2012
L’histoire du gangster qui s’est rangé des voitures mais se trouve obligé de reprendre du service parce qu’il a une dette à régler a servi si souvent qu’on en remplirait des dictionnaires. Le scénario n’offre donc que très peu de surprises, et les quelques retournements qu’il ménage ne bouleversent pas le public, qui se contente de visionner les scènes d’action, et surtout leur décor, puisque un cargo transportant des conteneurs depuis Panama est leur lieu principal.
Notons que le réalisateur est en fait un acteur du film Reykjavik-Rotterdam, dont il fait ici un remake, et surtout, que l’un des deux scénaristes de ce précédent film était le grand écrivain islandais Arnaldur Indriðason, dont je vous engage à lire tous les livres. Jar City, c’était de lui.
Réalisé par Wes Anderson
Sorti en France (Festival de Cannes et en salles) le 16 mai 2012
Un film sans cascades, poursuites de voitures ni téléphones portables, que c’est reposant ! Il est vrai que l’histoire se passe en 1965 : un scout de 12 ans s’échappe du camp où personne ne l’apprécie, et va rejoindre une fille connue depuis un an et avec laquelle il correspondait. Ils sont excentriques, rêveurs, amoureux, et vont... être mariés symboliquement par un autre chef de camp, sachant bien que leur union ne sera pas légalisée. Là-dessus, une effroyable tempête ravage la région. Mais tout ira bien et le scout orphelin est adopté par le chef de police qui le cherchait.
En fait, cette histoire pas du tout réaliste au fort parfum d’enfance n’a aucune importance, et sert de prétexte à une mise en scène très inventive, surtout dans la première séquence. Il y a bien un passage à vide quand les deux amoureux sont seuls, mais, dès qu’il y a du monde sur l’écran, cela s’anime de joyeuse façon.
Wes Anderson s’était déjà signalé par une belle mise en boîte de Jacques-Yves Cousteau, célèbre imposteur de l’écologie marine. Les vedettes adultes sont toutes à contre-emploi, et Bob Balaban, dans le rôle du narrateur, n’a aucun interlocuteur. C’est sans doute pour cela qu’invité à Cannes, personne n’a parlé de lui, et aucun critique ne semblait connaître ne serait-ce que son nom. Il était pourtant l’interprète franco-anglais de François Truffaut dans Rencontres du troisième type. Ils en ont, de la culture cinématographique, les habitués du Festival de Cannes !
Réalisé par Ken Scott
Sorti au Canada le 27 juin 2011
Sortie prévue en France le 27 juin 2012
Cette fable n’est pas une publicité à la gloire de ces établissements où l’on boit du café imbuvable : le Starbuck du titre était... un taureau, Hanoverhill Starbuck, qui a connu la célébrité grâce au fait d’avoir été le meilleur géniteur du Centre d’Insémination Artificielle du Québec : plus de 200 000 filles, 209 fils et plus de 400 petits-fils entre mai 1979 et septembre 1998 ! Et, en effet, le personnage central de cette histoire loufoque, David, 42 ans et vivant à Montréal, donne son sperme depuis plus de vingt ans pour se faire de l’argent de poche, parce qu’il est fauché (il est livreur dans la boucherie industrielle de son père). Or, un jour, il apprend que six cents et quelques de ses « dons » ont produit leurs fruits, que 533 enfants en sont nés, et que 142 d’entre eux ont fait une démarche pour connaître leur père biologique ! Il refuse d’abord de révéler son nom, mais a la curiosité de consulter peu à peu les 142 fiches d’identité des demandeurs que lui a communiquées son ami avocat, et de faire leur connaissance sans leur révéler qui il est.
Or il se trouve, d’une part, que tous ces jeunes gens sont sympathiques et que cette sympathie s’avère réciproque, et, d’autre part, que David, mal conseillé par son avocat et désargenté, décide de porter plainte contre la clinique qui a favorisé le dépôt de demandes de ses enfants, afin de percevoir pour lui-même des dommages et intérêts. Il gagne en effet devant le tribunal, mais regrette son geste et se dévoile, au moment même où sa compagne met au monde un enfant de lui. Tout se termine dans l’euphorie, les 142 enfants, présents à la maternité, ont un petit frère...
Bien entendu, à l’origine de cette farce très réussie, il y a un « débat de société », le vide juridique existant au Canada sur l’anonymat du don de sperme. Mais enfin, nul n’est obligé de s’en soucier.
Bien entendu encore, il va y avoir un remake à Hollywood, et, comme toujours, Spielberg est dans le coup. Mais ça, c’est classique.
Réalisé par Sebastián Silva et Pedro Peirano
Titre original : Gatos viejos
Sorti aux États-Unis le 8 octobre 2010
Sorti en France le 25 avril 2012
Film chilien, c’est très rare. Isadora et Enrique sont un couple de septuagénaires (non mariés) vivant dans un élégant et très confortable appartement de Santiago, mais au dernier étage ; or l’ascenseur tombe souvent en panne, et Isadora souffre de la hanche. Autant dire qu’elle est confinée chez elle. C’est le prétexte que choisit sa fille Rosario pour tenter de mettre la main sur le logement de sa mère, moyennant un échange avec un rez-de-chaussée. Isadora, qui a des pertes de mémoire mais ne perd pas son bon sens, refuse, et sa fille la gifle puis fait mine de partir. Isadora descend alors tous les étages, et se retrouve dans la rue, où elle erre et finit par se perdre dans un parc et barboter dans le bassin d’une fontaine, au milieu des touristes hilares ou ébahis.
Pas de panique, Enrique et Rosario la récupèrent, et elle finit par accepter l’échange d’appartement.
Ce film assez court décrit très bien ce naufrage qu’est la vieillesse. Évidemment, l’ambiance n’est pas à la rigolade, mais tout cela est bien observé, avec une foule de petits détails pertinents.
Je ne vais pas m’étendre sur le palmarès du festival de Cannes, les journaux s’en chargent. Simplement deux remarques.
D’abord, je suis satisfait de la palme d’or atribuée à Michael Haneke. Ce cinéaste domine nettement ses confrères, et Le ruban blanc, déjà primé, était un film extraordinaire, autant par son histoire que par sa beauté plastique. Le fait que Haneke soit un drôle de type qui, selon Michel Ciment, déteste l’espèce humaine, ne me gêne pas, non plus que d’avoir réalisé deux versions de Funny games, dont la violence et le côté pervers n’étaient qu’en arrière-plan : aucune image repoussante ne venait violenter la sensibilité du spectateur, tout était dit mais rien n’était montré.
Et puis, je suis assez heureux que les cinéastes français aient été laissés à leur place, au fond du couloir à droite (le film d’Haneke est français, même si le cinéaste est autrichien). Je déteste ce zozo détraqué qui se fait appeler Leos Carax (son vrai nom est Alexandre-Oscar Dupont !), et Jacques Audiard ne m’intéresse en rien, je l’ai déjà écrit. Quant à Resnais, il m’a toujours fait bâiller. Les critiques se sont extasiés sur ce que, dans son film, les acteurs portent leur véritable nom. La belle trouvaille ! S’ils avaient un peu de mémoire, ils se souviendraient que Michel Blanc a déjà fait cela dans Grosse fatigue, en... 1994 ! Y portaient leur propre nom : lui-même, Carole Bouquet, Philippe Noiret, Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Guillaume Durand, Charlotte Gainsbourg, David Hallyday, Estelle Lefébure, Gérard Jugnot, Dominique Lavanant, Thierry Lhermitte, Roman Polanski et Mathilda May.
Réalisé par Tim Burton
Sorti en France et en Belgique le 9 mai 2012
Au début, on regarde avec amusement cette histoire de vampire, enfermé en 1776 dans un cercueil par une sorcière (mal) nommée Angélique, et qui n’en ressort qu’en 1972. Un festival d’anachronismes en perspective ?
Même pas ! Cette histoire très distendue et d’un intérêt qui faiblit au fur et à mesure que le récit avance ne sert au fond que de prétextes à une débauche de trucages numériques, soutenus par une musique assourdissante et de piètre qualité, qui ne diffère en rien de ce qu’on entend sur tous les blockbusters. Et ce n’est pas le pauvre gag d’Alice Cooper jugé comme « la femme la plus laide que j’aie jamais vue » qui va sauver ce naufrage.
On finit par se dire que Tim Burton est le frère de Terry Gilliam : l’un et l’autre ne s’intéressent qu’aux effets visuels, et à la possibilité de nous en mettre plein la vue. Mais ils n’ont plus rien à dire.
Réalisé par Mohamed Diab
Titre original : 678
Sorti à Dubai (Festival international du film) le 12 décembre 2010
Sorti en France le 30 mai 2012
Tourné et sorti avant la chute de Moubarak, le film raconte les tribulations de trois femmes du Caire qui tentent, à leur manière, de lutter contre le machisme, et plus spécialement les agressions sexuelles qui, ô surprise, n’étaient pas un délit en Égypte avant le procès montré au dénouement de cette histoire.
Fayza, mère de famille qui manque d’argent, est obligée de prendre le bus chaque jour et se fait peloter par des frustrés. Elle finit par se défendre en ripostant, une première fois en piquant son agresseur avec une épingle à cheveux, la seconde fois avec un canif. Seba, qui est d’une famille aisée, fiancée avec un type bien, est agressée dans la rue, maîtrise son agresseur et tient à porter plainte, mais découvre alors qu’aucune femme n’a jamais déposé de plainte ! En outre, son entourage, pour éviter le scandale, tente de la dissuader de maintenir sa plainte, mais en vain, et son fiancé la soutient. Enfin, Nelly donne aux femmes des cours d’autodéfense et intervient dans des émissions de télévision sur ce thème. Bien entendu, elles finissent par se rencontrer et décident de pratiquer l’autodéfense dans un lieu public pour alerter l’opinion, mais elles ne parviennent pas à se faire agresser !
Le scénario est bon dans les trois premiers quarts du film, mais il s’étire inutilement dans le dernier quart, ce qui amoindrit son impact. Sans cela et le renoncement passager des trois femmes peu avant la fin, il serait du niveau des films iraniens d’Asghar Farhadi. Et puis, tout est filmé en caméra portée, en gros plans le plus souvent, et cette réalisation pseudo-branchée nuit à la qualité du film.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.