Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Orange mécanique – Robert Mitchum est mort – Gianni et les femmes – Gianni e le donne – Gomorra – Le déjeuner du 15 août – Medianeras – Les demoiselles de Rochefort – The prodigies – La nuit des enfants rois – Monsieur Papa – London boulevard – Insidious – L’exorciste – Paranormal activity – Saw – Beginners – Âge difficile obscur – Positif – Saló – Le chat du rabbin – The tree of life – L’affaire Rachel Singer – Ha-hov – Omar m’a tuer – La Moldau – Des hommes et des dieux – 2001: A space Odyssey – L’étranger – Just one more thing – Columbo – Murder by the book – Le livre témoin – Psychose – La balade sauvage – Badlands – Bonnie and Clyde – Mike – Blue Valentine
Personnes citées : Olivier Babinet – Fred Kihn – Olivier Gourmet – Gianni Di Gregorio – Gustavo Taretto – Jacques Demy – Antoine Charreyron – Kad Merad – Patrick Cauvin – William Monahan – Keira Knightley – James Wan – Oren Peli – Jean-Paul Grousset – Mike Mills – Michel Ciment – Pier Paolo Pasolini – Joann Sfar – Xavier Leherpeur – Antoine Delesvaux – Terrence Malick – Roschdy Zem – Omar Raddad – Albert Camus – Fernandel – Jacques Chirac – Jacques Vergès – Jean-Marie Rouart – Peter Falk – Miksa Falk – John Cassavetes – Steven Spielberg – Gérard Depardieu – Brad Pitt – Angelina Jolie – Claude Lelouch – Pascal Rogard – Chris Mallick – Larry Mallick – Andrés Segovia – Lars Blumers – Marc-André Grondin – Derek Cianfrance
Orange nécanique ressort cette semaine, mais les distributeurs ne se sont pas foulés : à Paris, seuls deux cinémas le passent, et il n’y aura que huit séances par semaine ! Pour un chef-d’œuvre de cette dimension, c’est minable.
Normalement, il y avait hier soir une avant-première à la Filmothèque du Quartier latin, l’une des deux salles dont je parlais, et le film devait être précédé d’un documentaire de cinquante minutes. Mais ce documentaire est passé sur Arte la semaine dernière. On pouvait y entendre deux ou trois extraits sonores d’interviews de Kubrick, jamais filmé dans ces circonstances.
On prétendait que cette version nouvellement projetée le serait en numérique, mais en fait, elle ne passe dans ce dispositif qu’à Lille, quatre fois par semaine. C’est tout !
Réalisé par Olivier Babinet et Fred Kihn
Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2010
Sorti en France le 13 avril 2011
Ce n’est pas un scoop à retardement, mais bel et bien le titre d’un film ! Arsène Meyer est l’agent artistique de Franky Pastor, acteur qui n’a jamais joué nulle part, mais dont la façon de mimer une scène d’un film noir l’a séduit. Il pense lui avoir trouvé un metteur en scène, et le traîne, via la Pologne, au-delà du cercle polaire arctique où se tient un festival du film... sous une tente ! Mais le fameux réalisateur n’est pas là, et, lorsqu’on le retrouve, il refuse absolument de continuer à faire ce métier.
Bref, le bizarre règne sur ce scénario, qui intéresse jusqu’à mi-parcours, puis finit par ennuyer un peu. Par chance, le film ne dure pas plus de 91 minutes, et il y a Olivier Gourmet, qui est bon dans tous ses rôles. Mais Mitchum n’apparaît à aucun moment, pas même en image, donc, méfiance...
Réalisé par Gianni Di Gregorio
Titre original : Gianni e le donne
Sorti en Italie le 11 février 2011
Sorti en France et en Belgique le 1er juin 2011
Il y a trois ans, le réalisateur, connu pour être le scénariste de Gomorra, avait réussi Le déjeuner du 15 août. Mais son nouveau film, tout en restant dans le même univers, est bien au-dessous, car il peine à trouver des péripéties qui soutiennent l’intérêt. Son Gianni a dû prendre sa retraite à cinquante ans, ne fait rien depuis (c’est sa femme qui apporte son salaire), et on le voit, au début du film, avec son ami avocat Alfonso, tenter d’escroquer sa mère, âgée de 95 ans, riche et gaspilleuse, et qui lui empoisonne la vie : coups de téléphone incessants pour des vétilles, dépenses inconsidérées, parties de poker avec ses amies, et tentative de vendre son luxueux appartement en viager, ce qui ne laisserait à Gianni que ses yeux pour pleurer.
Et puis, il y a les femmes, comme indique le titre. Gianni rêve d’avoir du succès, des tas de jolies femmes gravitent dans son entourage, mais il n’en séduit vraiment aucune.
La vérité oblige à reconnaître que ce synopsis est un peu court, et qu’il ne se passe rien. Par chance, le film ne dure qu’une heure et demie, les femmes sont agréables à regarder, et il y a quelques échappées sur Rome.
Réalisé par Gustavo Taretto
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) en février 2011
Sorti en Argentine en mars 2011
Sorti en France le 1er juin 2011
Le film a fait pousser des cris d’admiration à un certain nombre de critiques, mais, désolé, je ne marche pas à cette nouvelle version de l’incommunicabilité, évidemment compensée, dans le scénario, par les relations via Internet. L’Argentine nous a envoyé bien mieux, au cours de l’année écoulée.
Le titre désigne en espagnol des murs mitoyens, tels ceux qui séparent les deux personnages principaux de cette histoire, voisins sans se connaître, et qui, selon le principe inventé par Jacques Demy dans Les demoiselles de Rochefort, sont les deux éléments d’un couple futur qui ne se rencontrent jamais. Seule entorse à ce principe : dans la dernière scène, ils se rencontrent néanmoins dans la rue, parce que la fille, de sa fenêtre, a « reconnu », on se demande comment puisqu’elle ne l’a jamais vu, le garçon qui passait par là. En fait, ils s’étaient seulement parlé dans un dialogue en direct sur ordinateur, séquence trop longue et qui tombe, comme toutes les scènes de ce genre, dans le piège cinématographique habituel : les deux personnages tapent à toute vitesse sur leur clavier, mais ne font JAMAIS la moindre faute de frappe ou d’orthographe ! Allez voir dans la réalité comment cela se passe...
Les deux personnages sont caractérisés à coups de trucs de scénariste branché. Lui conçoit des sites Internet et n’est pas sorti de chez lui depuis deux ans, dit-il dans une voix off un peu envahissante ; sa fiancée est partie vivre aux États-Unis et lui a laissé son chien. Elle, architecte mais n’ayant jamais rien construit, vit de l’agencement de vitrines pour les grands magasins. Ils ont chacun la trentaine, redoutable cliché de cinéma, et, au sens strict, ne font rien d’intéressant, mais il paraît que c’est ce qui plaît au public. En fait, le principal intérêt du film, et peut-être son seul but, est de montrer que la ville de Buenos Aires est ce qu’il existe au monde de plus moche et de plus médiocre : aucune vision architecturale, aucun plan d’urbanisme, elle tourne le dos à la mer – que les immeubles cachent –, alors que les fils électriques, affirme la description, cachent le ciel. Au « Canard enchaîné », où l’on cultive une myopie persistante, on y a vu « un chant d’amour à la capitale argentine » ; d’amour vache, dans ce cas, puisque le film est un évident pamphlet. On mourrait plutôt que de vivre dans une telle laideur, et les citadins creusent des trous dans leurs murs (des « fenêtres illégales ») pour apercevoir autre chose que des parois aveugles.
Réalisé par Antoine Charreyron
Sorti en France (Festival de Cannes) en mai 2011
Sorti en France et en Belgique le 8 juin 2011
Malgré son titre anglais qui racole en tentant de faire croire, sans doute, que cette histoire vient d’Hollywood, c’est bien un film français, parlant français, d’animation, conçu d’après le deuxième roman du défunt Bernard Lentéric, La nuit des enfants rois, publié en 1981 et le seul qui ait eu du succès.
L’idée n’est pas mauvaise, mais la réalisation est calamiteuse : cinq jeunes gens surdoués, trois garçons et deux filles, dotés au surplus du pouvoir de manipuler les esprits, mais ne se connaissant pas, sont réunis par un sixième, plus âgé, et qui a vécu naguère la même existence, en pire puisque son père le maltraitait. Mais ils sont agressés, la police ignore leur plainte, et ils ne songent plus qu’à se venger.
Le réalisateur n’a fait jusqu’ici qu’une série de télévision, et... des jeux vidéo ! On s’en serait douté. Son dessin animé rassemble tout ce que le cinéma du blockbuster nous inflige à longueur d’année, violence, sadisme, jeux vidéo, omniprésence des ordinateurs et des téléphones portables (lourde insistance à nous montrer la marque Sony-Ericsson), et comme toujours, musique envahissante et de mauvaise qualité. Rien de tout cela n’existait en 1981, évidemment, et cette greffe ne prend pas.
Réalisé par Kad Merad
Sorti en France et en Belgique le 1er juin 2011
Marie Vallois préside une entreprise de travaux publics, et elle a un fils de douze ans qui commence à faire des bêtises. Il urge donc de lui trouver un exemple masculin (enfin une femme qui ne croit pas qu’un enfant peut se contenter de deux mères, sic), donc de lui dénicher un père. Elle jette son dévolu sur un type qui naguère a été viré de l’entreprise qu’elle préside et gagne sa vie en faisant du repassage (re-sic !), et lui confie la mission de le dégoûter du besoin d’un père. Pas de chance, le gosse se met à aimer son faux père, bien qu’ayant compris que ce n’était pas le vrai.
La comédie, dont le titre rappelle les feuilletons télévisés des années soixante, et surtout un roman de Patrick Cauvin, est très consensuelle et ne risque pas de déchaîner la moindre polémique. Presque tout, c’est-à-dire à peu près rien, se passe dans le treizième arrondissement de Paris, quartier partiellement asiatique, et que la pub nous a présenté comme un petit paradis, alors que c’est un amas hétéroclite de tours à l’architecture médiocrissime. Sitôt vue, sitôt oubliée, ladite comédie, mais Kad Merad, comique venu des radios-télés, devait, comme tous les autres, faire son film. L’acteur enfant, lui, n’a rien de particulier, c’est loin d’être la grande vedette de demain.
Réalisé par William Monahan
Sorti au Royaume-Uni le 26 novembre 2010
Sorti en France le 8 juin 2011
Mitchel vient de faire trois ans de prison pour une rixe. Il en sort et aspire à une vie honnête, en l’occurrence, un travail de garde du corps pour une vedette de cinéma qui a quitté le métier mais se trouve toujours harcelée par les paparazzi. Or un chef de gang nommé Gant tient à ce qu’il travaille pour lui, et fait enlever l’homme qui, croit-il, a envoyé Mitchel en prison. Hélas, ce n’est pas le bon, mais il le tue quand même et, puisque Mitchel a été témoin de cet assassinat, il devra travailler pour lui, espère-t-il.
Tout cela se termine mal, les méchants sont tués, mais Mitchel aussi, par un petit voyou que Gant protégeait.
Le scénario est bien construit, l’histoire est claire et bien réalisée. Les acteurs sont bons, et Keira Knightley est toujours aussi belle. Évidemment, le thème est rebattu au cinéma : on n’échappe pas à son « destin » (sic).
Réalisé par James Wan
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 14 septembre 2010
Sorti en France le 15 juin 2011
Titre mensonger, car il n’y a rien d’insidieux là-dedans, mais au contraire une épaisseur de trait rarement vue depuis des années.
Le scénario s’inspire à la fois de L’exorciste pour le thème de l’enfant possédé, et de Paranormal activity pour celui de la maison où se produisent des faits inexpliqués. Normal, Oren Peli, réalisateur de ce film, est ici producteur. Hélas!, la mise en scène est assurée par le réalisateur de Saw, qui ne faisait pas dans la subtilité. De sorte que chaque image censée nous effrayer se trouve doublée sur la bande sonore par un effet violent destiné à nous faire sursauter, procédé primaire, grossier, malhonnête et démodé, qui se reproduit ici une bonne cinquantaine de fois ! On est tenté de reprendre la vieille et récurrente plaisanterie de Jean-Paul Grousset dans « Le Canard enchaîné », lorsqu’il rendait compte des films d’épouvante : c’est surtout sa bêtise qui est épouvantable.
Réalisé par Mike Mills
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 11 septembre 2010
Sorti en France le 15 juin 2011
Hal, bien que conscient d’être homosexuel, s’est marié avec une amie et en a eu un fils, Oliver. Puis, devenu veuf, il sort du placard et passe une petite annonce pour trouver un amant plus jeune... et le trouve, alors qu’il a 78 ans ! On ne voit cela qu’au cinéma.
Le film tourne autour d’Oliver, devenu dessinateur, et seul, car toutes ses aventures (hétéros, elles) ont tourné court. Pourtant, il rencontre Anna, une actrice française, de passage à Los Angeles, et qui semble aussi déboussolée que lui. Puis Hal se découvre un cancer du poumon, dont il mourra peu avant l’épilogue, sans qu’on l’ait jamais vu souffrir le moins du monde ni être troublé par la perspective de cette fin.
Au fond, l’être le plus raisonnable de cette histoire semble être Arthur, le chien, qui ne parle pas, mais pense : ses répliques apparaissent, mais seulement dans des sous-titres qui s’affichent dans une autre couleur. Cela semble être la seule idée de ce film un peu morne et qui n’avance guère. En 2005, le réalisateur avait sorti un film intitulé Âge difficile obscur (titre en français, mais si !), dont le héros était accro... au suçage de son propre pouce !
Michel Ciment est probablement le critique de cinéma le plus intelligent et le plus cultivé de France. Il dirige la revue « Positif » (que je ne lis pas, je précise), a interviewé plusieurs fois Kubrick sur lequel il a écrit un livre faisant autorité, et il participe fréquemment à l’émission de France Inter Le masque et la plume. Je ne suis pas toujours d’accord avec Ciment, notamment à propos du dernier film de Kubrick, justement, mais enfin, cela ne diminue en rien mon estime pour lui. Il a, en particulier, osé descendre en flammes le Saló de Pasolini, et j’adhère totalement.
Il se trouve que, dans l’émission diffusée dimanche dernier, il a été question du navet de Kad Mérad, Monsieur Papa, dont la vacuité a fait rire tout le monde, et sur lequel j’ai moi-même écrit que cette comédie était « sitôt vue, sitôt oubliée » – voir plus haut dans cette page. J’ai aussi ajouté que « Kad Merad, comique venu des radios-télés, devait, comme tous les autres, faire son film », manie qui m’agace au plus haut point, et ça ne date pas d’hier.
Or, Ciment, dans l’émission dont je parle, a dit ceci : « C’est un film complètement inintéressant, et on se demande quelle est cette manie qu’ont tous les comédiens français aujourd’hui de prendre la caméra et de devenir metteurs en scène ». Attendu que je pose ici cette question depuis des années, me voilà devenu prophète en mon pays !
(Je signale que le film, au bout de deux semaines, a quitté les grandes salles pour aboutir dans des placards à balai)
Réalisé par Joann Sfar et Antoine Delesvaux
Sorti en France, en Belgique et en Suisse le 1er juin 2011
Ce rabbin vit à Alger, en des temps révolus (les années vingt, comme le fantasme du dernier film de Woody Allen) : l’Algérie est encore française, et nul ne remet alors en cause cette situation d’un pays paisible et heureux, somme toute, lorsque les communautés vivaient en bonne intelligence. Et on a vu ce que l’indépendance a pu apporter à ce pays, en l’espèce, une belle dictature militaire qui dure depuis près de cinquante ans et n’est pas près de cesser.
Le rabbin a une fille en âge de se marier, et un chat qui parle depuis qu’il a dévoré le perroquet de la maison. Ce chat est aussi incroyant, et le fait savoir en disant ce qu’il pense de Dieu et de la religion, c’est-à-dire des horreurs. C’est le meilleur de cette histoire. Puis il est question d’une expédition en Éthiopie et de diverses aventures qui m’ont semblé un peu tirées par les cheveux, et je me suis mis à regretter l’Alger du début de l’histoire.
Je n’ai pas non plus trouvé très fine l’attaque très peu originale contre Tintin, rencontré au Congo (dont je ne savais pas qu’il se trouvait sur le chemin de l’Éthiopie) : lui coller un horrible accent belge est mesquin, et juger une situation ancienne avec les critères d’aujourd’hui est totalement débile, mais cela plaît beaucoup, chez les intellectuels germanopratins. Par exemple Xavier Leherpeur : « La scène avec Tintin nous venge d’abord de tout “Tintin”, et de tout ce colonialisme qu’on essaye encore de nous vanter comme une valeur absolue et positive ». Vraiment, il fallait SE VENGER de Tintin et d’une bande dessinée datant de 1930 ? Vraiment, on essaye encore de nous convertir au colonialisme ? Où a-t-on vu cela ?
Le film est adapté d’une bande dessinée, par son auteur Joann Sfarr. Le dessin, que beaucoup ont trouvé excellent, m’a paru un peu rudimentaire : le chat a tout du fennec. On a eu aussi l’idée de tourner le film en 3D, histoire de sacrifier à la mode, mais, par chance, la plupart des salles parisiennes n’ont pas utilisé ce procédé superflu.
Bref, film sympathique dans l’ensemble, mais inutile de lui donner une suite, comme pourraient le laisser annoncer les autres épisodes qui existent en bande dessinée.
C’est cruel : le chef-d’œuvre du siècle, The tree of live, annoncé comme le plus grand film depuis que l’Homme a marché sur la Lune, ne... marche pas, lui. Après quatre semaines d’exclusivité, voilà qu’il est retiré de l’affiche un peu partout ! À Paris, seule une petite demi-douzaine de salles le passent encore, et une ou deux fois par jour seulement. Comment va faire le cinéphile, fervent admirateur de Malick, dont vous lisez ici la prose désolée ?
Réalisé par John Madden
Titre original : The debt
Sorti en Argentine le 2 septembre 2010
Sorti en France le 15 juin 2011
Cela ressemble à une pièce de théâtre, mais c’est en fait le remake d’un film sorti en Israël le 29 novembre 2007, et chez nous, seulement à la télévision le 25 juin 2010 (il existe en DVD). L’histoire est celle d’un médecin nazi, Vogel, qui opérait au camp de la mort de Birkenau (autrement dit, Auschwitz II), puis, après la guerre, s’est installé à Berlin-Est, où, devenu gynécologue, il s’est fait oublier. Instruit de ce fait, le Mossad (les services secrets israéliens) envoie en 1965 trois agents pour le kidnapper et le ramener en Israël, afin de le juger. L’enlèvement réussit, mais Vogel parvient ensuite à s’échapper. Les trois agents conviennent de prétendre, auprès de leur hiérarchie, qu’ils l’ont abattu lors de sa fuite : après tout, Vogel ne viendra pas les contredire ! Et c’est ainsi que le réalisateur se permet un flashback mensonger montrant que Rachel a tué Vogel lors de sa fuite. Maladresse...
Rentrés au pays, les trois y deviennent célèbres, et un livre fait, de la seule femme du groupe, Rachel, une héroïne nationale. Elle épouse l’aîné de ses camarades de commando, puis en divorce, tandis que le remords ronge le plus jeune, qui finit par se suicider. Mais, trente ans plus tard, un journal ukrainien annonce que Vogel n’est pas mort, mais, gravement malade, compte faire des révélations avant de mourir ! Avant qu’il confie son histoire à un journaliste local, Rachel doit se rendre sur place pour le faire taire définitivement. Mais elle découvre que le type est un mythomane qui répète ce que lui a confié le vrai Vogel, caché dans le même hôpital que lui. Vogel et elle se battent, il la poignarde sans la tuer, et elle l’expédie ad patres avec une seringue contenant le poison qu’elle lui destinait.
Le récit est palpitant, bien conduit, et très bien interprété. Mais avec Helen Miren comme vedette, ce n’est pas surprenant. Le thème est évidemment un thème de théâtre (nos mensonges ne nous lâchent pas), et l’on songe à Sartre, toutes proportions gardées.
Réalisé par Roschdy Zem
Sorti en France le 22 juin 2011
Le film de Roschdy Zem, parfaitement honnête et correctement réalisé, ne peut encourir aucune critique. Cette affaire est si connue qu’il est inutile d’en rappeler le déroulement. Notons simplement une scène : lors de son procès, le juge fait mine de s’étonner qu’Omar Raddad ne sache ni lire ni écrire, et ne parle pas le français, alors que sa famille vivait en France dès avant sa naissance ; et il fait alors une exhibition destinée à frapper : lui-même se met à s’exprimer en arabe, et cite une maxime disant que « c’est un péché », pour un musulman, de ne pas savoir lire assez d’arabe pour lire le Coran ! Cette façon d’envisager les choses m’a rappelé le procès de Meursault, dans L’étranger d’Albert Camus, lorsqu’on lui reprocha d’être allé, le jour de l’enterrement de sa mère, voir un film avec Fernandel. Autrement dit, pour enfoncer quelqu’un, on utilise des arguments n’ayant rien à voir avec l’affaire.
À la fin, un carton indique que la justice s’oppose à toute expertise tendant à provoquer la révision du procès. C’est devenu inexact : le parquet de Grasse vient de réclamer une telle expertise. Comme il ne fait guère de doute qu’Omar était innocent, il va peut-être se voir enfin réhabilité, car sa grâce partielle accordée par Chirac ne l’a jamais satisfait, on le comprend.
Et puis, je n’ai compris, ni pourquoi on taisait le fait que Jacques Vergès n’était pas resté le défenseur d’Omar, lequel a changé d’avocat ; ni pourquoi l’académicien Jean-Marie Rouart, qui a enquêté sur cette affaire et rédigé un livre afin de défendre Omar, est rebaptisé dans le film « Pierre-Emmanuel Vaugrenard »... Le bonhomme n’est d’ailleurs pas tout à fait sympathique.
Réalisé par Terrence Malick
Sorti en France le 17 mai 2011
Puisque les acteurs se battent pour tourner avec Malick, je m’adresse à Brad Pitt, qui est aussi producteur du film, et je lui dis : « Brad, mon garçon, tu es grand, maintenant. Tu es en âge de savoir gérer ton argent. Alors, va plutôt en Afrique, achète un ou deux petits Africains, et offre-les à Angelina, ça lui fera plaisir. Et si tu tiens absolument à faire un autre film avec Malick, fais ceci : 1. engage un monteur expérimenté, qui saura couper toutes les inepties mystico-cosmogoniques forcément incluses par le réalisateur dans son film, ainsi que tous les plans où la caméra se met à filmer en direction du ciel pour montrer un nuage, la cime d’un arbre, le haut d’un gratte-ciel, une fleur, un pont, voire rien du tout, et 2. confisque-lui tous ses disques de chants religieux (je sais, il doit en avoir des centaines), ainsi que La Moldau ! On n’a rien sans effort. Et cela lui évitera de sortir un nouveau chef-d’œuvre de mysticisme faisant apparaître Des hommes et des dieux comme un festival de paillardises ».
Blague à part, cette histoire d’une famille un peu déséquilibrée par l’autoritarisme du père serait passable si l’on coupait la demi-heure du début, qui est d’une prétention de télévangéliste et rappelle plutôt les multiples périodes philosophiques de Claude Lelouch, mais en beaucoup plus ridicule, et le quart d’heure de la fin, absolument incompréhensible : en comparaison, l’épilogue de 2001 est limpide !
Et puis, tenter de faire que le spectateur s’étouffe d’horreur parce que ce père est si « méchant », cela en fera peut-être sourire quelques-uns, mais moi, cela me fait HURLER de rire ! C’est tout ce que Malick a trouvé pour décrire un père trop sévère ? Songez que ce sadique impose à ses trois fils de se tenir droit sur leur chaise pendant les repas pour ménager leur colonne vertébrale, de ne pas prendre la parole pour ne rien dire, et de l’appeler « Père » ou « Monsieur » (il travaille pour l’armée) plutôt que « Papa ». Ce bourreau d’enfants à aucun moment ne les frappe ! Un amateur, quasiment. Les gosses devraient plutôt se réjouir de ne pas vivre en France, où, druckérisation généralisée aidant, on en est venu à dire « Votre papa » ou « Votre maman » à des adultes, voire à des vieillards. Puisque les mots père et mère sont des obscénités, chacun sait cela.
Triste nouvelle, Peter Falk est mort avant-hier, jeudi 23 juin (et non pas hier, comme l’a raconté bêtement la radio), à Los Angeles. De son vrai nom Peter Michael Falk, il était né à New York le 16 septembre 1927. Acteur, il avait cessé de travailler depuis des années, quand il fut atteint de la maladie d’Alzheimer, mais ce n’était pas son premier ennui de santé, puisque, à l’âge de trois ans, la chirurgie avait dû le priver de son œil droit, à cause d’un cancer. Cette infirmité, d’une part, lui interdit de s’engager dans les Marines à l’âge de 17 ans, et d’autre part, donna lieu à une petite histoire qui prouvait son sens aigu de l’humour : un jour qu’il disputait un match avec la Little League (baseball ou football, je ne sais pas), l’arbitre voulut l’expulser ; il retira alors son œil de verre de son orbite et le lui tendit, ajoutant « Je pense que vous avez besoin de ça ! ».
Ses ancêtres étaient juifs, russes du côté paternel, polonais du côté maternel, avec un peu de sang tchèque et hongrois. Son arrière-grand-père, Miksa Falk, était un écrivain et un homme politique hongrois bien connu. Lui-même publia un livre en 2006, intitulé Just one more thing, d’après une réplique récurrente de son personnage le plus célèbre, le lieutenant Columbo.
Il ne s’est d’ailleurs pas contenté d’être acteur et de devenir mondialement célèbre dans ce rôle du lieutenant Columbo, il tourna six films dirigés par son ami John Cassavetes. Il se passionnait aussi pour le dessin, et avait son propre studio de dessin à Beverly Hills.
Si on ne compte que pour un téléfilm la série Columbo, il a joué dans 107 films et téléfilms ; mais ladite série compte tout de même 67 ou 68 épisodes, avec une interruption de plus de dix ans entre 1978 et 1989.
Sa célèbre voiture, une Peugeot 403 plutôt déglinguée, j’avais été le seul en France à faire remarquer qu’elle était apparue à l’initiative de Spielberg, qui a réalisé l’épisode Murder by the book (en français, Le livre témoin). Elle lui a fait de l’usage !
Notons qu’en mars 1996, il a été fait Chevalier des Arts et Lettres par le ministère de la Culture, en France, et que sa médaille lui fut remise par Gérard Depardieu.
Après l’arnaque des films en vidéo charcutés pour correspondre au format des écrans de télévision en 16/9 (on coupe le haut et le bas de l’image, et hop ! voilà Psychose, qui n’a jamais été tourné ainsi, mis en conformité avec les désirs des téléphages), c’est le cinéma en salles qui s’apprête à faire de nouvelles concessions. Mais cette fois, à la manie purement commerciale de la 3D.
En effet, il existe actuellement une norme technique pour les écrans des salles de cinéma : elle garantit que la lumière qui y est répandue par les projecteurs est à peu près équitablement répartie sur la surface de l’écran, de sorte que, lorsqu’on projette une image-test ne contenant qu’une seule couleur, l’écart de luminance entre le point le plus lumineux et le point le moins lumineux ne dépasse pas 25 %.
Or, pour accélérer la multiplication des salles capables de projeter des films en 3D, le Centre National du Cinéma pourrait renoncer à cette norme ! Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Pascal Rogard, président de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), sur son blog. Le CNC, donc, serait sur le point de modifier les textes qui fixent les normes sur la qualité de projection, pour autoriser l’installation d’écrans métalliques adaptés à la 3D. Mais ces écrans n’offrent pas le même niveau de qualité visuelle que les écrans traditionnels ! Et donc, si la modification des textes actuels est adoptée, les films projetés pourront être beaucoup moins lumineux sur les côtés et dans les angles qu’au centre de l’image, avec une différence de plus d’un quart.
Inutile de dire que la qualité des projections s’en ressentira, et que beaucoup de spectateurs ne verront plus l’intérêt d’aller voir les films en salles, dès lors qu’ils auront mieux chez eux, où, évidemment, leurs chers écrans de télé ne reçoivent pas les images par projection.
Équiper les salles en numérique, à certaines conditions (prochainement, je ferai la distinction entre les deux formats de projection numérique, l’un étant très supérieur à l’autre, on le voit bien en salle où, par exemple, le Max-Linder offre une image bien meilleure que celles vues à l’UGC des Halles), c’était parfait ; mais les équiper pour recevoir un procédé aussi inutile que la 3D, au détriment de la qualité, c’est un peu fort. On prétend que la France s’est équipée trop tôt, que le procédé numérique adopté alors ne convenait pas à la 3D, qui demandait plutôt des écrans mats et des lunettes à obturation alternée (plus coûteuses), et que les patrons de salles ont préféré les écrans métalliques, justement ceux que le CNC s’apprête à valider, avec lunettes polarisées (beaucoup moins chères).
Certes, en septembre 2010, le ministère de la Culture a publié un décret pour aider les exploitants à s’équiper, mais il concerne exclusivement les petites salles indépendantes.
Et qui profite de tout ce micmac ? Les éditeurs de Bluray, bien entendu.
Réalisé par Terrence Malick
Titre original : Badlands
Sorti aux États-Unis le 13 octobre 1973
Sorti en France le 4 juin 1975, et ressorti le 15 juin 2011
De toute évidence, cette reprise d’un film vieux de trente-huit ans, et qui était quasiment passé inaperçu lors de sa sortie, n’a RIEN à voir avec le tapage qui a entouré celle de The tree of life, sa Palme d’Or à Cannes... et son semi-bide auprès du public !
Je n’avais vu cette œuvrette qu’à la télévision, n’en avais gardé aucun souvenir, j’ai eu la curiosité de la revoir, et je ne suis toujours pas emballé par cette histoire, inspirée des aventures de deux voyous du Middle West, Charlie Starkweather et Caril Ann Fugate, âgée de quatorze ans, qui deviennent dans le film Kit, un jeune éboueur crétin des années cinquante, et sa petite amie de quinze ans, Holly. Kit, sans raison, tue le père de Holly, avant que tous deux partent sur les routes, vivant de larcins, et le garçon tuant de temps en temps quelqu’un qui le gênait... ou pas. Ces exploits sont sans cesse commentés par la voix de la fille, qui ne fait rien mais commente beaucoup. Exemple : « Quand on avait besoin de manger, Kit écrasait une vache, ça économisait les munitions ». Nous sommes aux États-Unis, n’est-ce pas, et lui vient du Texas, une pépinière de génies ...
Évidemment, ils se font prendre, et par des policiers presque aussi bêtes qu’eux. Nous sommes aux États-Unis (bis). Kit passera sur la chaise électrique, et la fille, qui a eu le sursis et une réprimande, épousera le fils de son avocat. Success story.
Le film a été tourné dans le Colorado pour 350 000 dollars, avec l’aide de personnes de la région, et fut acheté pour 1,1 million de dollars. De toute évidence, Malick a tenté de refaire Bonnie and Clyde, sorti en 1967, six ans auparavant, mais il a échoué.
Naturellement, je plaisante, Terrence Malick est lugubre en toutes occasions, et cela se voit dans ses cinq films. Pourquoi ?
Cela remonte à sa jeunesse. Né au Texas, grand et chevelu, déjà timide et introverti, il avait étudié à Harvard, grâce à l’argent de son père, cadre chez Phillips Petroleum. Il avait deux frères plus jeunes, Chris et Larry. Puis Larry partit pour l’Espagne apprendre la guitare avec Andrés Segovia, un grand maître. Or, l’été 1968, Malick apprit que Larry s’était cassé la main. Son père le pria d’aller en Espagne aider son frère, il refusa, le père y alla lui-même, et revint... avec le corps de son fils qui s’était suicidé !
Malick en garda toute sa vie le sentiment qu’il était responsable de ce suicide.
Réalisé par Lars Blumers
Sorti en France le 22 juin 2011
Le premier long métrage d’un réalisateur inconnu, qui n’avait d’ailleurs rien fait depuis six ans, et qui a peu de chances d’en faire un autre.
Difficile, de faire tout un film sur un minable. Fabrice, qui préfère être appelé Mike, n’aime que les voitures, mais n’a pas pris la peine de passer son permis ; alors il vole celles qu’il convoite, fait un tour, puis les ramène là où il les a trouvées. Cet idéal de vie très élevé non moins que son incapacité à trouver quelque emploi que ce soit (lorsqu’il se présente à l’ANPE, il déclare vouloir être « pilote d’essai » pour voitures, mais se fait immédiatement rembarrer), font qu’il passe sa vie à glander avec trois copains aussi motivés que lui. Puis il met une fille enceinte, monte avec ses copains un hold-up de banque qui leur rapporte... 2600 euros, et se retrouve en prison. Lorsqu’il en sort, ce n’est pas mieux, et l’histoire se termine par un nouveau vol de voiture, une course-poursuite avec la police helvétique, et la mort.
Si les scènes comiques, comme celle du hold-up, sont assez réussies, cette fin dramatique est calamiteuse parce que ratée. C’est le plus mauvais film joué par Marc-André Grondin, très bon acteur québécois, qui s’est ici fourvoyé.
Notons que tout cela est censé se passer à Kembs, village français proche à la fois de l’Allemagne et de la Suisse (la jointure des trois frontières se trouve à douze kilomètres et demi). Mais on a voulu trop en faire avec ce détail, lorsque Fabrice dit en voix off que, pour aller chez son grand-père, c’est plus court de traverser deux fois la frontière en passant par la Suisse. Pure invention, dans cette région, la frontière est rectiligne et n’offre par conséquent aucun raccourci de ce genre !
Réalisé par Derek Cianfrance
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 24 janvier 2010
Sorti en France le 15 juin 2011
Avant même de chercher le renseignement, j’avais parié avec moi-même (ce sont les paris que je préfère, j’adore gagner) que ce film était sorti au Festival de Sundance : on reconnaît facilement cette catégorie de films, ils sont ennuyeux, politiquement corrects, n’ont ni queue ni tête, mais beaucoup de prétention.
Bref, encore une de ces bluettes racontées dans le désordre, parce que ça fait très chic de refuser la chronologie, comme disent les cuistres. L’ennui, dans le cas présent, c’est que le seul attrait qu’aurait présenté ce récit aurait été de nous faire assister à la lente dégradation des rapports entre les deux personnages, donc en respectant la chronologie. De leur histoire pulvérisée en une myriade de scènes sans grand intérêt – tantôt on s’aime, tantôt on se déteste –, il ne reste rien. Inutile de donner un résumé, toute l’équipe du film, à commencer par les deux acteurs (qui sont aussi producteurs exécutifs), semble s’en ficher comme de l’An Quarante.
Précisons néanmoins que le titre n’a aucun rapport non plus avec l’histoire : personne ne s’y prénomme Valentin ou Valentine, cela ne se passe pas le jour de la Saint-Valentin, et... rien n’est bleu. On a simplement deux acteurs qui cabotinent, surtout l’homme, qui joue un type ne sachant pas ce qu’il veut, répètant vingt fois les mêmes choses et n’écoutant pas les autres.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.