Œuvres citées : Dark water – Central do Brasil – Avril brisé – Diarios de motocicleta – Dark water (film japonais) – Une aventure – Virgil – Broken flowers – Paradise now – Grabuge ! – Le parfum de la dame en noir – Le mystère de la chambre jaune – Kiss kiss, bang bang – H2G2 : le guide du voyageur intergalactique – Collision – Crash – Million dollar baby – Short cuts – Magnolia – Aux abois – Keane – Le voleur de bicyclette – Bombón, el perro – La mort en ligne – Chakushin ari – Audition – Three... extremes – The hole – Revolver – Il ne faut jurer... de rien !
Personnes citées : Walter Salles – Xavier Giannoli – Ludivine Sagnier – Hervé Gaymard – Mabrouk El Mechri – Jean-Pierre Cassel – Jim Jarmusch – Hany Abu-Assad – Pascale Clark – Michel Serrault – Micheline Presle – Charles Berling – Jean-Pierre Mocky – Zabou Breitman – Vincent Elbaz – Bruno Podalydès – Sabine Azéma – Shane Black – Drew Barrymore – Paul Haggis – Lodge Kerrigan – Clint Eastwood – Robert Altman – Paul Thomas Anderson – David Cronenberg – Michael Moore – Philippe Collin – Tristan Bernard – Takashi Miike – Luc Besson – Guy Ritchie – Josée Dayan – Alfred de Musset – Éric Civanyan – Gérard Jugnot – Mélanie Doutey – Jean Dujardin
Réalisé par Walter Salles
Sorti aux États-Unis le 25 juin 2005
Sorti en France le 31 août 2005
Pendant qu’à Paris, les immeubles insalubres flambent les uns après les autres, à New York, ils sont la proie des inondations...
Du Brésilien Walter Salles, que « Le Canard enchaîné » qualifie de « jeune réalisateur » alors qu’il a dépassé les 49 ans, on ne connaît en France que Central do Brasil, Avril brisé, ainsi que son film sur Guevara, présenté au Festival de Cannes 2004, Diarios de motocicleta. Tous ces films étaient hispanophones, contaient des aventures humaines, et se passaient en Amérique du Sud. Pour la première fois, Salles se laisse tenter par les États-Unis et réalise, en langue anglaise et à New York, le remake d’un film japonais du genre fantastique, Dark water, sans même en modifier le titre. En foi de quoi, tous les critiques lui sont tombés dessus, fustigeant le manque d’originalité de l’entreprise.
On se permettra de n’être qu’en partie d’accord : une explication rationnelle, ce qui est nouveau, est donnée à tous les événements mystérieux survenus dans l’existence de cette mère divorcée qui emménage avec sa fille dans un appartement vétuste. Les ennuis de plomberie se combinent avec les fantasmes de l’enfant, Cecilia – un prénom qui décidément ne porte pas chance. Hélas, le réalisateur et son scénariste ne peuvent s’empêcher de succomber à la tentation, et la fin tragique de la mère reste inexpliquée, si bien qu’on retombe dans le fantastique de bazar, très peu inattendu.
Techniquement, c’est cependant moins lourd que les films d’horreur habituels. Mais la bande son est trop mise à contribution, comme d’habitude, et l’on se prend à souhaiter voir un film du genre qui soit entièrement insonorisé !
Réalisé par Xavier Giannoli
Sorti en France le 31 août 2005
Louis « fait des affaires » et gagne pas mal d’argent. Il a une femme, deux gosses et une belle maison, et, en supplément, il entretient Gabrielle. Non, que croyez-vous ? Gabrielle (Ludivine Sagnier) n’est pas vénale, mais elle vit dans un appartement qui flanquerait la nostalgie à Hervé Gaymard, et « elle apprécie de pouvoir faire ses courses » – que c’est élégamment dit !
Gabrielle est somnambule, ce qu’ignore Louis. Pas Julien, un voisin, qui l’a surprise, hagarde et blessée, la nuit, dans la rue. Au passage, le dialogue nous apprend que Julien est technicien au Forum des Images, aux Halles de Paris, et qu’il « travaille de nuit », détail étonnant, puisque cet établissement ne fonctionne qu’entre midi et huit heures du soir. Toujours le souci du petit détail vrai, chez les réalisateurs...
Julien, lui, vit avec Cécile, une amie d’enfance. Les deux couples se rencontrent, mais sympathisent peu. Cécile, surtout, fait la tête. Julien finit par coucher avec Gabrielle, Louis est jaloux mais ne fait pas de drame, Cécile le prend plus mal mais ne quitte pas Julien. Puis, sans trop de raisons, Gabrielle abat Louis d’un coup de pistolet, confirmant que ce film est littéralement tuant. Julien, qui n’en pense pas moins et n’a pas assisté à l’événement, affirme à la police qu’elle dormait en commettant le meurtre, ce qui la tire d’affaire.
La détonation, très forte, réveille les rares spectateurs qui ne sont pas morts d’ennui.
Réalisé par Mabrouk el Mechri
Sorti en France (Festival de Cabourg) le 17 juin 2005
Sorti en France le 7 septembre 2005
Ernest, ancien boxeur à qui des truands ont tranché la main, a reporté toutes ses ambitions sur Virgil, son fils adoptif. Mais Virgil a surtout boxé son entraîneur, ce qui a... entraîné la suppression de sa licence. Il gagne sa vie en vendant des sandwichs dans une gargote turque toujours au bord de la faillite, ouverte avec un de ses copains. Mais Ernest, en prison pour homicide volontaire, a un cancer qui va l’emporter très vite et pourrait permettre sa libération anticipée. Il risque ainsi d’apprendre que son fils, qui lui ment depuis des années, ne boxe plus ! Virgil doit donc remonter sur le ring, d’où magouilles et compromissions diverses. Bien vaines, car Ernest savait tout... Mais le match a lieu, et Virgil le gagne, évidemment.
Mabrouk El Mechri n’avait fait que deux courts métrages jusqu’ici. Son premier long métrage, sur ce canevas riche de bons sentiments casse-gueules, est épatant, alerte, vif, plein d’invention, pourvu d’un dialogue bien écrit, où les scènes drôles se mêlent sans hiatus aux scènes plus dramatiques. Les acteurs, tous bons, font un numéro délectable, notamment l’élégant Jean-Pierre Cassel, qui ne s’exprime ici qu’en argot, et Jalil Lespert, en ballot irresponsable (il n’arrête pas de dire « C’est pas moi ! »). Une petite baisse de régime vers la fin, peut-être due au trop-plein des péripéties.
Pour une fois, la musique est excellente et colle parfaitement à l’histoire et au montage des séquences.
Réalisé par Jim Jarmusch
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2005
Sorti en France le 7 septembre 2005
La plupart des films de Jim Jarmusch montrent des dialogues entre deux personnages qui ne se comprennent pas, mais sur le mode comique, voire loufoque – traitement de cette fameuse « incommunicabilité », si génératrice de scénarios pour cinéastes pensants, auquel jamais ne pensa Antonioni, qui en avait pourtant fait son fond de commerce. Ici, ces entrevues ont lieu entre Don, séducteur supposé, que son amie vient d’abandonner, et les femmes qu’il a connues vingt ans plus tôt. L’une d’elles, en effet, mais laquelle ?, lui a fait savoir par lettre anonyme qu’il avait un fils de dix-neuf ans dont il ignorait l’existence. Poussé par son copain Winston, un Noir chaleureux qui aime jouer les détectives, le voilà parti pour un road movie, avec cette différence que le voyage n’offre aucune possibilité de rencontres « décalées », comme aiment écrire les journaux, puisque les moindres détails du voyage ont été planifiés par ledit Winston, qui a aussi une vocation d’agent de voyages.
On a compris que s’il retrouvait d’emblée la mère anonyme, on aurait tout au plus un court métrage. En fait, Don, qui « y » est allé en traînant les pieds, perd son temps : non seulement il ne retrouve que des cinglées, mais il ne verra jamais son fils. Pourtant ce garçon rencontré dans un aéroport ne serait-il pas le fiston cherché, qui, disait la fameuse lettre, cherche aussi son père ? Il lui offre un sandwich, mais, aux premières questions personnelles, le garçon le traite de cinglé avant de prendre la poudre d’escampette.
Le film est très lent, pauvre en péripéties s’il est riche en détails sur les États-Unis en train de sombrer dans les comportements absurdes, et déçoit un peu. Mais, tel quel, il reste très au-dessus de la production de base des studios californiens.
Réalisé par Hany Abu-Assad
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 14 février 2005
Sorti en France (Festival de Cannes) le 12 mai 2005
Sorti en France le 7 septembre 2005
Les territoires occupés par Israël. Deux amis palestiniens ont été recrutés par l’organisation terroriste locale pour commettre un attentat suicide à Tel-Aviv. L’un est le fils d’un « martyr de la cause » ; l’autre, celui d’un « collabo », veut racheter ce qu’il considère comme la faute de son père. Le premier, Khaled, très religieux, est déterminé ; le second, Saïd, moins fanatique, ne sait trop s’il a pris la bonne décision. Au milieu, une amie, Suha, qui incarne le bon sens et le doute en matière de religion.
On assiste d’abord aux préparatifs. Les deux suicidaires sont habillés de neuf, rasés, lavés, on leur coupe les cheveux, et ils enregistrent leur testament sur cassette vidéo... sous les yeux des copains qui cassent la croûte ! Mais l’organisation de l’attentat foire, l’acte sanglant est reporté à une date ultérieure par les chefs (qui ne songent pas, eux, à payer de leur personne). Pourtant, Saïd, qui a feint de renoncer, échappe à la surveillance de ses amis, et le dernier plan du film laisse entendre qu’il va se faire sauter dans un bus rempli de soldats israéliens. Entre-temps, et c’est le point faible du scénario, Khaled a compris, grâce à Suha, que sa méthode n’était pas la bonne, puisque de nouvelles victimes ne feront que perpétuer les haines et favoriser la poursuite de la guerre – et l’on ne peut s’empêcher d’estimer qu’il a changé d’avis un peu vite : si une simple conversation nocturne avec une femme raisonnable suffisait à calmer les excités de tout poil...
De cette histoire sérieuse filmée sérieusement, on retire surtout la conviction que si les femmes étaient au pouvoir dans cette région du monde, toutes les dissensions seraient réglées depuis au moins un demi-siècle. Oui, mais...
Réalisé par Jean-Pierre Mocky
Sorti en France le 14 septembre 2005
Une histoire de trafic de cartes de séjour, des vraies, vendues à un prix exorbitant. Des assassinats, un commissaire « improbable », comme dirait Pascale Clark (Michel Serrault, septuagénaire, coupe en brosse, un anneau dans l’oreille), et une faune interlope. Les personnages homosexuels sont caricaturés comme on n’osait déjà plus le faire en 1950, et tous les acteurs, sauf Micheline Presle, jouent faux – surtout Charles Berling, qui ne montre aucune conviction décelable à l’œil nu. Serrault est très mauvais, comme dans tous ses films depuis vingt ans. C’est mollasson, signé Mocky, et c’est aussi raté que d’habitude. Même le dialogue est plat. Le public s’ennuie à mort.
Le générique du début nous apprend que l’adaptation de cette histoire est co-signée « JPM ». Je n’y suis pour rien, juré !
Réalisé par Bruno Podalydès
Sorti en Italie (Festival de Venise) en septembre 2005
Sorti en France le 14 septembre 2005
Le mystère de la chambre jaune réclamait une suite, que voici. Même réalisateur, mêmes personnages, mêmes acteurs, avec en prime Zabou Breitman et Vincent Elbaz – nouveauté bienvenue, car il faut convenir que le tout a un peu le goût de réchauffé, ce qui le place au-dessous du précédent film de Podalydès. Heureusement, le scénario, s’il néglige le roman d’origine (désuet, mais prenant), et s’il délaisse le genre des histoires de détective, est assez solide, puisque toutes les bizarreries qu’on a cru gratuites sont justifiées a posteriori, comme ce baiser d’une durée insolite au cours du mariage. Parmi les meilleures, la scène des périscopes au fond du puits, la mort d’un prince d’opérette, poignardé avec une flûte, et la substitution d’un imposteur au marié, en pleine église, via un confessionnal truqué par un prestidigitateur.
Un énorme point faible, Sabine Azéma, qui joue le rôle de la dame en noir du titre. Complètement éteinte, elle ne possède absolument pas l’aura romanesque indispensable. Aujourd’hui, ce qu’elle fait de mieux, c’est son âge, 56 ans.
Réalisé par Shane Black
Sorti en France (Festival de Cannes) le 14 mai 2005
Sorti en France le 14 septembre 2005
Pas beaucoup plus sérieux que H2G2, le film repose surtout sur une multitude de clins d’œil en direction du spectateur pas dupe, c’est-à-dire censé connaître les mœurs d’Hollywood, et sur un dialogue farci de blagues elles aussi basées sur la connivence : « Elle était trempée comme Drew Barrymore dans une boîte grunge ».
Le réalisateur étant un scénariste réputé, il s’en donne à cœur joie : abondance de jeux de mots, d’acrobaties absurdes – et de blagues de pédés, naturellement. On n’a rien contre, mais cela reste un tout petit film. Faut-il ajouter qu’on ne comprend rien à l’intrigue ? Mais non, inutile. Cela, c’est la condition sine qua non pour faire un film « policier »...
Réalisé par Paul Haggis
Titre original : Crash
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 10 septembre 2004
Sorti en France le 14 septembre 2005
Encore un film de scénariste (Paul Haggis, auteur du Million dollar baby de Clint Eastwood), mais réussi cette fois. Bien meilleur que Short cuts, de Robert Altman, presque aussi bon que Magnolia, de Paul Thomas Anderson, Collision (en fait, Crash, mais le titre a déjà été employé par David Cronenberg il y a neuf ans) est construit comme ces films : une multitude d’histoires apparemment sans lien, qui finissent pourtant par se rejoindre. Le cadre est le même, Los Angeles. Le thème qui unit toutes ces histoires, lui, est différent, puisqu’il s’agit de l’incompréhension, de l’hostilité, voire de la haine entre les diverses communautés qui peuplent les États-Unis : blanche, asiatique, noire, hispanique, arabe, iranienne, chacune affronte toutes les autres, en permanence. Et pas de happy end en vue !
Il faudrait tout citer, mais j’ai retenu deux scènes.
Deux flics en patrouille arrêtent un couple : la femme faisait une fellation à son compagnon noir, qui conduisait. Le plus âgé des deux policiers en profite pour faire une fouille au corps sur la femme et la peloter tant et plus, tout en exigeant de l’homme qu’il fasse des excuses. L’homme ne peut que se soumettre, les policiers sont assermentés, ils sont armés, il n’y a rien à faire. Sa femme lui reprochera longuement sa lâcheté et cette humiliation. Oui mais... victime plus tard d’un accident de voiture, elle est sauvée par le même flic – beau hasard cinématographique, soit dit en passant –, qui la sort de son véhicule en flammes au péril de sa propre vie. On n’est pas forcément ce qu’on paraît...
L’autre flic est un gentil : jeune, honnête, droit, posé, il demande à être séparé de son salaud de coéquipier pour faire cavalier seul. Oui, mais... il finit par abattre un jeune Noir qui ne le menaçait pas et n’était pas armé. Au passage, implicite, continue le réquisitoire déjà commencé par Michael Moore contre la vente libre des armes à feu.
On ne voit aucune issue. En tout cas, pauvre « rêve américain »...
Réalisé par Philippe Collin
Sorti en France (avant-première) le 3 juillet 2005
Sorti en France le 21 septembre 2005
Dimanche soir, Le masque et la plume, sur France Inter, a tressé des couronnes à ce film de Philippe Collin. Normal, le réalisateur a longtemps été critique dans la même émission. C’était donc Radio-Copinage. On attend encore qu’une quelconque émission de radio-télévision émette une quelconque réserve sur une œuvre commise par un de ses participants.
Le début n’est pas mauvais, car la réalisation est soignée, quoique minimaliste, comme on dit aujourd’hui. L’histoire est adaptée de Tristan Bernard : Paul, à cours d’argent, tue un usurier à coups de marteau, lui fait les poches, puis part en province. Un de ses amis est arrêté à sa place, mais bientôt relâché. À partir de cet épisode, le récit devient très morne, et ce n’est certes pas la rencontre de Paul avec Simone, une femme un peu étrange, qui relancera l’intérêt. Lorsqu’il rentre à Paris, Paul est appréhendé, jugé, condamné à mort, mais, très malade, il est gracié.
La reconstitution de l’époque est à la fois bonne et maladroite. Un carton précise que l’histoire se passe dans les années cinquante, mais le triste héros tue pour « trois mille francs ». Avant 1959, ce seraient des francs anciens, et la somme est ridicule ; après, on aurait des nouveaux francs, et cela, l’équivalent de trois mois de salaire d’un instituteur débutant, reste plausible mais dérisoire.
Réalisé par Lodge Kerrigan
Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 3 septembre 2004
Sorti en France le 21 septembre 2005
Six mois auparavant, la fille de William Keane, âgée de six ans, a disparu. Enlevée ? Depuis, Keane est devenu fou : il arpente les gares avec la photo de sa fille, interroge des inconnus, hurle dans la rue et agresse des gens qu’il soupçonne du forfait. Il est sans argent, sans domicile, sans avenir. Il rencontre une femme en instance de séparation, qui a aussi une petite fille du même âge. Keane va-t-il enlever la gosse, et rééditer l’histoire du Voleur de bicyclette ? On le laisse fortement entendre, sans nous le montrer, la fin du film tombant à ce moment précis.
C’est très austère, et l’interprète, filmé en caméra portée, ne quitte jamais l’écran. Honorable, mais déprimant.
Réalisé par Carlos Sorín
Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) en septembre 2004
Sorti en France le 31 août 2005
Au chômage, Juan, quinquagénaire pas compliqué, vit chez sa fille débordée par sa propre progéniture, et survit en fabriquant des couteaux qu’il a du mal à vendre. Pour un service rendu, on lui offre un chien « de race » (personnellement, j’ai trouvé l’animal hideux, mais des goûts et des couleurs...). Aussitôt, tout le monde autour de lui s’intéresse à Juan, et la chance tourne. Voilà notre homme tiré d’affaire, et sur le chemin de la prospérité.
Le film vient d’Argentine, il est sympathique... et parfaitement insignifiant ! Son principal avantage est d’être fait à l’ancienne, sans esbrouffe ni trucages numériques. Il finira donc sur Arte.
Réalisé par Takashi Miike
Titre original : Chakushin ari
Sorti au Japon (Festival de Tokyo) le 3 novembre 2003
Sorti en France le 21 septembre 2005
Il y a une trentaine d’années, lorsqu’un quidam s’offrait une chaîne stéréo japonaise, ses amis se fichaient de lui : « Ah ! le ringard ! il a acheté japonais. Mais tu n’y connais rien, mon pauvre vieux, il faut acheter allemand » (réplique venue d’une bande dessinée de Claire Bretécher). Aujourd’hui, les produits japonais, ou asiatiques en général, sont innovants, de qualité, moins chers que leurs équivalents européens... et l’industrie allemande est dans les choux. En revanche, c’est le cinéma japonais qui a hérité de l’étiquette « camelote », à eux ou trois exceptions près dont on a parlé ici.
La mort en ligne (titre original : Chakushin ari ; titre anglais, bien traduit, pour l’exploitation japonaise : You’ve got a call, d’une bouleversante originalité, vous allez comprendre pourquoi) est un film dû à Takashi Miike, ce cinéaste de 45 ans qui a déjà réalisé soixante-cinq films et téléfilms, dont l’horrible Audition et le sketch The box pour Three... extremes, l’année dernière. La mort en ligne, en fait, est plus ancien (2003) et a connu une suite, filmée par un autre réalisateur, qui n’est pas sortie en France, mais le succès des productions citées a fait qu’on l’a ressorti, et les distributeurs n’ont sans doute pas fini de vider leurs tiroirs.
Ils auraient mieux fait d’y laisser celui-ci, qui est plutôt raté. Vous vous souvenez sans doute de cette histoire, également japonaise, et qui a fait l’objet d’un remake, dans laquelle une cassette vidéo provoquait la mort de tous ceux qui la visionnaient (il y avait même eu cette version porno gay, complètement ratée, avec des interprètes d’une laideur extrême, délicatement intitulée The hole, où la cassette rendait homos tous les hommes qui la regardaient !). Eh bien, ici, variante : la mort se propage via les téléphones portables. L’idée de départ est plutôt ingénieuse : les futures victimes reçoivent sur leur messagerie un message enregistré avec leur propre voix, et qui annonce leur mort prochaine, laquelle arrive effectivement. Malheureusement, à mi-parcours, le réalisateur et ses deux scénaristes ne savent plus comment se dépétrer de leur postulat initial, et bifurquent sur une histoire de fantômes parfaitement banale et ennuyeuse.
Question : existe-t-il dans la nature féminine une disposition particulière, génétique ou autre, qui induise qu’on se traîne à terre à quatre pattes en poussant des hurlements stridents ? Ce comportement est récurrent dans le cinéma prétendu d’horreur, et il est permis au spectateur de commencer à en être un peu las.
Réalisé par Guy Ritchie
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 11 septembre 2005
Sorti en France le 28 septembre 2005
Ne demandez pas pourquoi ce film s’intitule ainsi, car on ne voit, très fugitivement, qu’un seul revolver durant tout le récit, et il ne joue aucun rôle dans l’action. Un tas de pistolets, en revanche, mais c’est un objet différent... détail qu’aucun auteur de film, surtout pas Luc Besson qui a signé l’adaptation, et guère d’auteurs de romans policiers, ne semble connaître. Passons. En tout cas, le titre est malencontreux, car il existe pas moins de neuf films et téléfilms de ce nom entre 1992 et aujourd’hui, dont un autre cette année 2005 !
La réalisation tout autant que le scénario, dus au même Guy Ritchie, sont minutieusement conçus. On regrette d’autant plus que l’histoire soit à la fois incompréhensible (pratique : comme on ne comprend rien, on peut se rendre aux toilettes aussi souvent qu’on le veut, cela n’y changera pas grand-chose), et empreinte d’une certaine prétention. Un seul exemple, la scène finale, lorsque la voix off (omniprésente), s’adressant au héros, commente le suicide de l’un des méchants : « Il a voulu se faire passer pour toi ». Autrement dit, cliché, tout ce que le spectateur a vu n’est peut-être pas vrai. C’est d’un snob à vous mettre en éventail un doigt de pied sur deux.
Réalisé par Éric Civanyan
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 11 septembre 2005
Sorti en France et en Belgique le 28 septembre 2005
Musset n’y reconnaîtrait pas sa pièce, mais, après tout, ce n’est pas un objet sacré, et l’entreprise, souvent vulgaire, a du moins le mérite d’échapper à la catégorie « qualité française », sur le mode « Portons à l’écran les chefs-d’œuvre de notre littérature ». On frémit en sougeant à ce qu’en aurait fait l’envahissante Josée Dayan.
Il n’empêche que le ton, souvent grivois, est très TF1. « Elle est moche », « Vous êtes cinglée », « Que du bonheur », ces anachronismes verbaux, dont on n’est pas certain qu’ils soient tous volontaires, trahissent une inculture crasse chez l’adaptateur-scénariste-réalisateur Éric Civanyan : ne place-t-il pas en 1830 le projet haussmanien de la rénovation de Paris ? Et ce serviteur qui présente ses hommages à son patron Gérard Jugnot ! Des hommages à un homme ? À cette époque déjà, on ne trouvait plus de domestiques stylés...
Mélanie Doutey est jolie, Jean Dujardin est assez bon acteur, Gérard Jugnot, qui n’est pas la vedette du film, bombe le torse au premier plan de l’affiche. Heureusement, c’est court, enlevé, et la musique est alerte.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.