Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Une heure de tranquillité – Exodus: Gods and kings – Les dix commandements – Exodus (1960) – Moïse – Captives – The captive – Family viewing – Buried – Hard day – Kkeut-kka-ji Gan-da – Marnie – The trouble with Harry – Torn curtain – Eyes wide shut – Marie-Jo et ses deux amours – The time machine – Inglourious bastards – Les oiseaux – La planète des singes – Pasolini – Io, angelo nero – Io so... come hanno ucciso Pasolini – Saló ou les cent vingt journée de Sodome – Les mille et une nuits – Imitation game – The imitation game – The Bletchley circle – Sherlock – Nouveau départ – We bought a zoo – Under the Dome – Queen and country – Hope and Glory – Full metal jacket – L’affaire SK1 – Bébé Tigre – A most violent year – Margin call – Loin des hommes – Avril brisé – Les nouveaux sauvages – Relatos salvajes – Destination finale – Discount – Lärjungen – Whiplash – Full metal jacket – Caravan – Listen up Philip – Une merveilleuse histoire du temps – The theory of everything – A brief history of time – Charlie Mortdecai – Sweeney Todd – Francisco de Goya – Puzzlehead – Phoenix – Vertigo – Le retour des cendres – Antisocial – La nuit des morts-vivants
Personnes citées : Patrice Leconte – Florian Zeller – Fabrice Luchini – Woody Allen – Ridley Scott – Cecil B. DeMille – Gerald Messadié – Christian Bale – Aaron Paul – Sigourney Weaver – Elmer Bernstein – Atom Egoyan – Ryan Reynolds – Arsinée Khanjian – Seong-hun Kim – Alfred Hitchcock – Stanley Kubrick – Robert Guédiguian – Les Monty Python – Grigori Raspoutine – Rod Taylor – Winston Churchill – Quentin Tarantino – Herbert-George Wells – George Pal – Charlton Heston – Abel Ferrara – Dominique Strauss-Kahn – Pier Paolo Pasolini – Giuseppe Pelosi – Michel Ciment – Ninetto Davoli – Donatien Alphonse François de Sade – Morten Tyldum – Alan Turing – Elisabeth II – Benedict Cumberbatch – Allen Leech – Charles Dance – Anita Ekberg – Cameron Crowe – Benjamin Mee – Matt Damon – Scarlett Johansson – Colin Ford – John Boorman – Stanley Kubrick – Frédéric Tellier – Franck Magne – Guy Georges – Cyprien Vial – Harmandeep Palminder – J. C. Chandor – David Oelhoffen – Damián Szifron – Ricardo Darín – Louis-Julien Petit – Samuel Doux – Zabou Breitman – Ulrika Bengts – Damien Chazelle – J.K. Simmons – Duke Ellington – Alex Ross Perry – Woody Allen – Philip Roth – James Marsh – Stephen Hawking – Jane Wilde – Eddie Redmayne – David Koepp – Johnny Depp – Tim Burton – Patricia Highsmith – Hermann Göring – James Bai – Christian Petzold – Alfred Hitchcock – Hubert Monteilhet – Cody Calahan
Réalisé par Patrice Leconte
Sorti en Belgique le 10 décembre 2014
Sorti en France le 31 décembre 2014
N’ayant pas vu la pièce de Florian Zeller, un peu inspirée d’un texte anglais (contrairement à ce que Zeller a prétendu), et que jouait Fabrice Luchini au Théâtre Antoine, j’ai voulu voir le film, dont la réalisation m’a parue bien agitée. Avantage : on n’y sent pas l’origine théâtrale. Inconvénient : comme on devine dès le début que le personnage principal, un dentiste mélomane et propriétaire d’une chaîne haute fidélité d’un luxe tapageur, ne pourra pas écouter le disque qu’il vient d’acheter, tous les ennuis qui lui pleuvent dessus sont un peu forcés. Le meilleur du film est justement dans cette musique de jazz, que Woody Allen aurait sans doute appréciée, mais le disque, en vinyle selon la mode du moment, s’avère rayé ! Précisons que la musique a été écrite pour le film, et que le fameux disque et son interprète n’existent pas dans la réalité.
Je n’ai guère apprécié la mise en scène, faite aussi selon la mode du moment, avec une caméra portée, pour aller plus vite. Le film ne laissera guère de trace, mais il est amusant à suivre.
Réalisé par Ridley Scott
Sorti en Corée du Sud le 3 décembre 2014
Sorti en France le 24 décembre 2014
Le croiriez-vous ? Le film n’est sorti ni en Angleterre, alors qu’il a été tourné partiellement à Londres, ni aux États-Unis. En revanche, il devait sortir le 31 décembre en Égypte, mais il a été censuré dès le 26, parce que les Égyptiens, ou du moins le ministre local de la Culture, n’ont pas digéré que les prétendus esclaves hébreux aient construit les Pyramides. Quant aux Marocains, ils n’ont pas supporté que Dieu soit représenté par... un enfant (qui admet que Moïse ne soit pas d’accord avec lui), et que Moïse soit montré en train de graver au burin les tables de la loi, pendant que Dieu sert le thé ! Mais tout cela est risible, bien dans la note de ces pays où la liberté de pensée n’existe pas, et où changer de religion est théoriquement passible de la peine de mort.
Je n’aime guère Ridley Scott, et n’avais vu aucun film de lui depuis Mensonges d’État, en novembre 2008, qui ne m’avait guère convaincu. Non que Scott soit un mauvais réalisateur, c’est au contraire un bon technicien, mais il n’a aucun style, et on peut ne pas entrer dans ses histoires, presque toujours fondées sur une réalisation très agitée. Là, il reprend l’histoire contée par Cecil B. DeMille en 1956 dans Les dix commandements, mais qu’il tronque après l’épisode de la Mer Rouge, et le résultat est exactement ce à quoi je m’attendais, et que j’ai écrit ICI... en me trompant un peu – n’ayant pas vu le film – sur le passage de la Mer Rouge, puisqu’il se réduit à un retrait de la marée, permettant aux fuyards de passer presque à pied sec. Ce qu’on a traité en trucages numériques, c’est le raz de marée qui a noyé l’armée égyptienne, raz de marée d’ailleurs assez peu probable dans une mer presque fermée.
Au passage, je note que ce film, qui n’ennuie à aucun moment, a été massacré par Le masque et la plume de France Inter, dont les critiques se sont stupidement acharnés en moqueries, allant même jusqu’à prétendre que Christian Bale semblait se désintéresser du film, auquel « il ne croyait pas ». Pure invention, Christian Bale est un grand acteur, et il remplit parfaitement son rôle. En revanche, on a si bien grimé ses partenaires que je n’ai reconnu ni Aaron Paul, ni Sigourney Weaver !
Que dire d’autre ? Que la version de ce film sur le franchissement de la Mer Rouge est conforme à ce que pensent les historiens modernes (lire le Moïse de Gerald Messadié), qui ne voient aucune nécessité d’un « miracle » pour passer à cet endroit. Et les dix plaies d’Égypte sont tout à fait rigolotes, même si on est un peu déçu par l’orage de grêle, beaucoup mieux traité par Cecil B. DeMille. Et puis, comme dit plus haut, Ridley Scott n’a aucun style, multiplie les gros plans et les mouvements de caméra superflus, et filme cinquante plans là où un seul suffirait : par exemple, l’ouverture aux esclaves des silos de blé, scène où DeMille montre en un seul plan leur joie de pouvoir enfin manger à leur faim, là où Scott ne filme que des bousculades.
Naturellement, on se doutait bien que le film ambitionnait de ne s’appeler qu’Exodus, mais, pour des questions de droit, il n’a pu prendre ce titre du film d’Otto Preminger, lequel racontait tout autre chose.
Enfin, la musique est de cette soupe dont les producteurs pensent qu’elle est nécessaire à leurs blockbusters, et elle ne reste jamais en mémoire. Alors que celle composée par Elmer Bernstein pour Les dix commandements était inoubliable.
Notons qu’en deux semaines, le film a eu plus de 1 200 000 spectateurs en France. Mais, sorti à l’UGC des Halles dans deux grandes salles dont une le projetait en 3D, il ne passe plus, deux semaines après, que dans une salle moyenne et en 2D. Ce qui doit bien signifier quelque chose.
Réalisé par Atom Egoyan
Titre original : The captive
Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2014
Sorti en France le 7 janvier 2015
Curieux film, raconté dans le désordre : temps et lieux. Curieuse affiche, qui ne montre à peu près rien. Et curieux titre, mis au pluriel en France, alors que le titre d’origine est au singulier, puisqu’il n’y a qu’une captive, Cassandra, enlevée par un pédophile à l’âge de neuf ans, et qui ne sera délivrée que huit ans après, alors qu’elle était volontaire pour demeurer avec son ravisseur, et lui servait de rabatteuse pour attirer d’autres victimes ! Mais enfin, avec Atom Egoyan, on est habitués aux histoires tordues – la meilleure et jamais égalée étant Family viewing, en 1987.
Son mariage parvenu au bord du gouffre après son enlèvement, le père de Cassandra s’obstine à la rechercher, avec l’aide d’un tandem de policiers spécialisés dans ce type d’affaires, le tout se déroulant tout près des chutes du Niagara, que la réalisation oublie d’exploiter, de sorte qu’on se demande pourquoi cela se passe à cet endroit. Pour corser un peu le scénario, l’un des policiers soupçonne le père d’avoir vendu sa fille à un réseau de pédophiles, mais c’était une fausse piste...
Le film est bien fait, joué par des inconnus à l’exception de Ryan Reynolds, qui était le seul acteur de Buried. Et, comme d’habitude, le réalisateur case sa femme Arsinée Khanjian dans la distribution !
Réalisé par Seong-hun Kim
Titre original : Kkeut-kka-ji Gan-da
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2014
Sorti en France le 7 janvier 2015
Quel scénario ! Cela commence comme une comédie macabre à la manière britannique, puis continue en film policier, lorsqu’il s’avère que l’inspecteur Go, qui croyait avoir tué un piéton au volant de sa voiture, comprend que l’homme a, en réalité, été exécuté de deux balles par... un collègue corrompu et enrichi dans le trafic de drogue. Type de trame ultra-classique, surtout chez nous où le coupable d’un crime est TOUJOURS un policier !
On rit beaucoup, notamment en assistant à la méthode absurdement compliquée que Go est forcé d’appliquer pour dissimuler le cadavre... dans le cercueil de sa propre mère, qui vient justement de mourir. Mais, au passage, on admire que le réalisateur et les scénaristes désamorcent a posteriori un des gags de ladite méthode, en montrant, sans un mot de dialogue pour expliquer, et via un jouet utilisé par sa fille, qu’il aurait pu se faciliter la vie !
J’ai relevé trois références à Hitchcock, une à Guédiguian, et une aux Monty Python. Pour les comiques britanniques, leur fameux gag récurrent d’une masse énorme tombant du ciel pour tout écraser est repris par l’assassin, qui écrabouille ainsi une voiture et le témoin gênant qu’elle contenait. Du côté d’Hitchcock, le fait que le spectateur s’identifie au policier qu’il croit coupable d’un accident mortel et souhaite qu’il ne se fasse pas prendre durant l’introduction de la victime dans le cercueil, cela rappelle la scène de Marnie, où la voleuse cambriole un coffre et manque de se faire surprendre par une femme de ménage. Il y a aussi le gag du mort que l’on enterre et que l’on déterre, qui vient de The trouble with Harry. Et, reprise de Torn curtain, la scène de la bagarre, montrant combien il est difficile de tuer quelqu’un. Enfin, le gag du téléphone qui sonne dans le cercueil en reprenant la musique utilisée par Stanley Kubrick dans Eyes wide shut vient de Marie-Jo et ses deux amours, de Robert Guédiguian. Et puis, on pense un peu à Raspoutine, en voyant le criminel, qu’on croyait enfin mort dans une explosion, ressurgir peu avant la fin pour se venger.
Outre cette richesse thématique, le film est réalisé et monté avec une maîtrise inhabituelle, et même la musique est bonne – alors que, le plus souvent, dans les films, elle est exécrable.
On annonce le décès de Rod Taylor, mort avant-hier à l’âge de 84 ans. Il était australien, mais il s’était installé à Hollywood en 1950, et y avait fait une assez belle carrière, sans jamais être considéré comme un grand acteur ou une grande vedette. Son physique avantageux le désignait pour des rôles aventureux et toujours virils (en Australie, il avait interprété Tarzan dans une radio destinée aux enfants), mais, en 2009, il avait tenu le rôle de... Winston Churchill dans le Inglourious bastards de Tarantino. Cependant, on se souvient de lui pour avoir été Herbert-George Wells dans The time machine, très bon film de George Pal, et surtout l’avocat Mitch Brenner, principal rôle masculin dans Les oiseaux, d’Alfred Hitchcock. On avait pensé à lui en 1968 pour La planète des singes, film très prestigieux, mais la Fox lui avait préféré Charlton Heston, plus connu.
Réalisé par Abel Ferrara
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 4 septembre 2014
Sorti en France le 31 décembre 2014
Ce film d’Abel Ferrara, qui suit celui sur Dominique Strauss-Kahn dont on a fait grand tapage, n’est pas meilleur, contrairement à ce que la critique extasiée en a dit. Faire un film sur une personnalité controversée comme Pier Paolo Pasolini ne donne pas un film intéressant, car le résultat, brouillon, confus, ne sachant où il va, montre en outre la mort violente du personnage en misant sur une hypothèse qui n’a jamais été démontrée, celle du tabassage à mort du cinéaste par trois voyous homophobes. D’autres ont prétendu qu’il avait été assassiné sur commande de l’extrême droite, mais, concernant un homme très connu pour ses convictions de gauche, c’est classique. La vérité est que son assassin, un prostitué de dix-sept ans, Giuseppe Pelosi, a avoué son crime, survenu sans doute d’une dispute portant sur ses tarifs. C’était en novembre 1975, Pelosi a été arrêté, jugé l’année suivante, condamné à neuf ans de prison – ce qui semble peu pour le massacre du corps tel qu’il a été constaté –, et a fait sa peine de prison. Il en est sorti, et c’est lui, en 2005, donc trente ans après les faits, qui avança cette hypothèse de trois tueurs, dont il aurait facilité la tâche. Mais la RAI – la télévision italienne – finit par avouer qu’elle lui avait donné 6500 euros pour obtenir cette déclaration ! Il a d’ailleurs publié deux livres, non traduits en français : Io, angelo nero (en français, « Moi, ange noir »), en 1995, et Io so... come hanno ucciso Pasolini (en français, « Je sais... comment ils ont tué Pasolini »), en 2011.
Bref, ce film ne nous apprend rien. Et l’on remarque cette étrangeté de la publicité du film, qui présente sa dernière réalisation, Saló ou les cent vingt journées de Sodome, comme « son chef-d’œuvre ». En réalité, ce film horrifique et répugnant ne mérite pas cet éloge, et il a été fermement condamné sur France Inter par le meilleur critique de chez nous, Michel Ciment. Vouloir porter à l’écran les élucubrations de Sade, quelle imbécillité !
Au rang des curiosités, on a recruté Ninetto Davoli pour jouer dans le film. Ce très mauvais acteur, amant et interprète de Pasolini, a fait beaucoup d’efforts, naguère, pour nous faire croire qu’il avait participé aux recherches en vue de réaliser Les mille et une nuits de Pasolini. En fait, il en aurait été bien incapable !
Réalisé par Morten Tyldum
Titre original : The imitation game
Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 29 août 2014
Sortira en France le 28 janvier 2015
Contre toute attente, on a fini par porter à l’écran la vie d’Alan Turing, alors que, le 20 août 2013, j’avais écrit ICI que, « Quant à la biographie filmée du plus grand génie de l’informatique de l’Histoire, Alan Turing, on l’attendra un peu. Il est vrai que la vie (et la mort) d’Alan Turing ne saurai(en)t intéresser personne. Ce savant passsionné a tout simplement inventé l’informatique – donc presque rien – et la science de la programmation, sans laquelle aucun logiciel n’existerait ». Sans blague, ils me lisent, dans les studios britanniques ?
J’ai pu voir ce film avant sa sortie, et il m’intéressait, puisqu’il raconte une partie de la vie d’Alan Turing, génie britannique peu connu du public, et dont l’action aurait, dit-on, raccourci de deux ans la Deuxième guerre mondiale. Les services secrets ne parvenaient pas à décrypter les messages que les nazis envoyaient à leurs troupes, cryptés avec une ingéniosité toute particulière. Pour cela, les Allemands utilisaient une machine appelée Enigma, et changeaient le code chaque jour à minuit. Les chercheurs britanniques travaillant sur ce codage diabolique étaient réunis en grand secret à Bletchley Park, ce qui a donné lieu à un feuilleton de la télévision anglaise, The Bletchley circle.
Le film ne cache pas la persécution qui s’abattit sur Turing, qui était homosexuel et fut donc poursuivi, après la guerre, pour « indécence ». La justice l’obligea à « se soigner », euphémisme pour désigner la castration chimique, et il finit par se suicider en 1954, à l’âge de 41 ans. Aujourd’hui, Turing a été réhabilité – on dit « gracié », sic – par la reine Elisabeth, et il est reconnu comme l’un des pères de l’informatique, puisque la machine de Turing n’est rien d’autre que le premier ordinateur réellement fabriqué.
Turing était un esprit à part, ce que le film rend plutôt bien, notamment grâce à son interprète Benedict Cumberbatch, excellent acteur qui a connu la célébrité avec la série Sherlock. Mais les autres interprètes sont très bons eux aussi ; parmi eux, Allen Leech et le grand Charles Dance.
Turing se passionnait également pour l’intelligence artificielle, et c’est ce qui a donné au film son titre. Mais pourquoi le distributeur français l’a-t-il amputé, ce titre, de son article ?
Curieuse bousculade du calendrier : le 9 de ce mois, je parlais de la mort de Rod Taylor, et voilà que, deux jours plus tard, c’est Anita Akberg qui meurt à son tour. Elle était bien oubliée, vivait dans une maison de retraite, en Italie, et elle était complètement fauchée, au point d’avoir demandé de l’aide à la Fondation Fellini.
Or on raconte qu’elle avait eu une vie commune avec Rod Taylor, que celui-ci l’aurait abandonnée, et... aurait vendu sa maison et son yacht ! Bien sûr c’est invérifiable, et digne des commères d’autrefois, qui faisaient et défaisaient les réputations des vedettes d’Hollywood.
Je n’insère ici aucune photo de la pauvre Anita, et c’est volontaire. Dans l’état où elle était, ce serait de mauvais goût.
Réalisé par Cameron Crowe
Titre original : We bought a zoo
Sorti aux États-Unis le 26 novembre 2011
Sorti en France le 18 avril 2012
Ce film à l’eau de rose et sans la moindre aspérité ni audace est parfaitement calibré pour être vu en famille. Bâti sur une de ces redoutables histoires vraies, celle de Benjamin Mee, ancien journaliste, père de deux enfants, et devenu veuf après que sa femme et lui avaient résolu d’acheter un zoo dont les affaires battaient de l’aile, à Dartmoor (Angleterre), se déroule donc un récit enjolivé, déplacé en Californie, et qui a nécessité de construire un zoo à partir de rien, paysage compris.
Le tournage a utilisé pas mal d’animaux sauvages, un lion, trois tigres, deux ours, et ainsi de suite, sans oublier leurs trente dresseurs ! Matt Damon, toujours bon, tient le rôle principal avec Scarlett Johansson, qui n’a pas grand-chose à faire. On remarque aussi le jeune Colin Ford, pas encore devenu vedette, et qui tient aujourd’hui un rôle essentiel dans la série Under the Dome : il joue le fils de Mee, vieilli de quelques années, dont on a changé le prénom. Le vrai Mee et ses deux enfants apparaissent d’ailleurs dans la scène finale, parmi les visiteurs du zoo.
C’est trop long, très états-unien, avec l’exaltation sans surprise des valeurs humanistes (supposées) de ce peuple qui a inventé la démocratie (à Boston, chacun le sait).
Réalisé par John Boorman
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2014
Sorti aux Pays-Bas le 14 septembre 2014
Sorti en France le 7 janvier 2015
Film extrêmement sympathique et drôle, que Boorman a nourri de ses propres souvenirs, comme dans Hope and Glory, sorti en 1987, et dont il a gardé le personnage principal, Bill Rohan. Là, nous ne sommes plus durant la Deuxième guerre mondiale, mais en 1952, au moment de la guerre de Corée, où le Royaume-Uni est allié aux États-Unis contre le communisme qui sévit en Asie. Bill a 18 ans, il est vierge et vit avec ses parents (sa sœur aînée, mariée, a deux enfants) dans une île au milieu de la Tamise, à Shepperton, près des studios de cinéma.
Mais l’armée l’appelle, se charge de son instruction, puis en fait un sergent instructeur... en dactylographie. S’ensuivront une série d’aventures en compagnie de Percy, un joyeux drille sans morale ni principes, devenu son ami. Leur ennemi commun est le sergent-major Bradley, qui ne connaît que le règlement. Ils lui joueront plusieurs sales tours, et Bradley finira en hôpital psychiatrique !
Naturellement, les deux garçons, comme tous leurs copains, ne pensent qu’aux filles, mais ils finiront avec d’autres que celles qu’ils avaient prévues...
Tout cela est très britannique, même si le film a été tourné en Roumanie. Les acteurs sont inconnus en France, et s’avèrent parfaits, ainsi qu’il est de règle avec le cinéma anglais.
Parlant de ce film, Jérôme Garcin, qui présente sur France Inter Le masque et la plume, émission de critiques, a dit que les jeunes soldats suivaient leur instruction dans « un camp d’entraînement très dur ». On devine que Garcin n’a jamais fait son service militaire !
Tout ce que ces jeunes subissent, ce sont les criailleries d’un gradé, qui fait davantage de bruit que de mal. Pour le reste, ils ne sont jamais privés de sortie, jamais mis en prison (même pas pour avoir volé), jamais battus, jamais privés de courrier ni de nourriture, jamais soumis à des marches de plusieurs dizaines de kilomètres avec un sac à dos bourré de pierres, et ne font jamais de corvées pénibles ou dégradantes, ni de parcours du combattant, ni rien de ce qui fait l’ordinaire d’un camp d’entraînement très dur.
Dans toutes les armées, les soldats rêveraient d’un entraînement aussi « dur » ! Garcin devrait revoir le Full metal jacket de Kubrick.
Réalisé par Frédéric Tellier
Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 24 août 2014
Sorti en France le 7 janvier 2015
Le SK1 du titre signifie serial killer n° 1. Cela commence en 1991, au 36 quai des Orfèvres, siège de la police judiciaire, dans le même bloc que le Palais de Justice de Paris, lorsque Franck Magne, un inspecteur de police débutant, est accueilli par ses nouveaux et futurs collègues. Première surprise : tout le monde doit avoir un surnom, et il sera Charlie ! De plus, on doit venir travailler en costume-cravate, au contraire de ce que montre constamment le cinéma. Et c’est Charlie qui apportera le premier ordinateur dans son équipe : jusque là, toute la technique se bornait à consulter un Minitel !
La première enquête va concerner l’assassinat d’une jeune fille, mais nous ne connaîtrons le nom de l’assassin que par les cartons de fin, un Allemand déjà condamné dans son pays pour viols et meurtres. Néanmoins, l’essentiel du film sera l’enquête sur le célèbre tueur en série Guy Georges, qui avoue avoir été un violeur mais nie les sept meurtres dont on l’accuse. Il finira par tout avouer durant l’audience – séquence réalisée dans les lieux mêmes où se tint le procès. Or cette enquête-là durera huit ans...
Le meilleur du film est la reconstitution d’une enquête, et le fait que, pour une fois, elle est montrée dans sa longueur, ses tâtonnements, ses erreurs, ses doutes, ses recherches patientes et ennuyeuses, alors que, au cinéma et la télévision, le souci de faire du spectacle impose des scènes ultra-rapides et violentes, qui sont très loin de la réalité.
Le moins bon du film est précisément lié à cela : on a tout filmé comme s’il s’agissait d’un reportage sur une action rapide et cahoteuse, entièrement à la caméra portée, style qui ne convient pas du tout à la signification du film et à ce qu’il veut dire. Mais les réalisateurs d’aujourd’hui semblent croire qu’il n’est plus possible de poser la caméra sur un support et de filmer calmement, sans gigoter.
Un détail qui saute immédiatement aux yeux : on a conservé la cage de verre où est enfermé actuellement l’accusé durant les audiences. Or elle n’existait pas à l’époque des évènements réels. J’avoue avoir tiqué : pourquoi ne pas l’avoir démontée durant le tournage ?
Les cinq acteurs principaux, eux, sont parfaits.
Réalisé par Cyprien Vial
Sorti en Belgique (Festival de Namur) le 6 octobre 2014
Sorti en France le 14 janvier 2015
À 15 ans, Many, venu du Pendjab et ne parlant pas le français, débarque en France : il espère travailler pour envoyer de l’argent à sa famille, mais la loi française ne le lui permet pas encore. On le place dans une bonne famille d’accueil, et on l’envoie au lycée, où il fait des progrès rapides. Deux ans plus tard, il gagne un peu d’argent avec de petits boulots, et gagne la confiance, par son sérieux, d’un employeur de travaux publics, qui le paie bien.
Jusque là, c’est quasiment idyllique, mais on se doute bien que les choses vont se gâter, sinon il n’y aurait pas de film.
En effet, ledit employeur est en équilibre entre les travaux légaux et les trafics louches, et il finit par confier à Many une tâche bien payée mais illégale : aller accueillir à l’aéroport deux garçons à introduire clandestinement en France, et les planquer avant de les livrer à un autre truand. Many en « livre » un et cache l’autre, par compassion, car il compte l’aider comme on l’a aidé.
Mais Many, repéré par la police et qui vient d’avoir dix-huit ans, se voit proposer un marché : il ne sera pas expulsé de France s’il collabore avec la police en livrant son employeur et le garçon qu’il dissimule. Coincé, Many doit en passer par là et les dénonce à la police.
Le film, très fauché, fondé sur un scénario politiquement correct mais un peu sommaire, bénéficie heureusement d’un interprète attrayant, Harmandeep Palminder, un Indien né en France. Hélas, il souffre d’une réalisation qui réunit tous les tics du moment : abus de gros plans, et tournage en caméra portée, qui gigote stérilement pour singer le style des reportages télévisés. C’est le premier long métrage d’un réalisateur qui n’en avait fait que quatre courts, et auquel on ne prédit pas une longue carrière.
Réalisé par J. C. Chandor
Sorti aux États-Unis (AFI Fest) le 6 novembre 2014
Sorti en France le 31 décembre 2014
Cette année « la plus violente » est 1981, où New York a connu des records de délinquance, paraît-il. Cette année-là, Abel Morales, immigré espagnol, fait dans le commerce du carburant, qu’il importe et revend, grâce à une flotte de camions qu’il possède. Mais ses concurrents lui font la vie dure, par exemple en attaquant et malmenant ses chauffeurs. Morales projette de simplifier au moins l’importation de son carburant en achetant un site bien équipé au bord du fleuve, propriété d’une famille juive qui veut s’en débarrasser. Il signe donc un contrat et verse 40 % du prix d’achat, mais il devra verser les 60 % restant dans les trente jours, faute de quoi la vente est annulée, et le vendeur... garde l’acompte !
Hélas, il a quelques ennuis avec la justice, et sa banque, méfiante, renonce au prêt qu’elle lui consentait. Il ne pourra donc régler sa dette et perdra tout.
Tout cela s’arrangera grâce à une acrobatie de scénario un peu lourde : la femme de Morales lui révèle que, depuis le début de leur mariage, elle détournait une partie de l’argent de leur affaire et le versait sur un compte, en prévision de difficultés à venir. Après avoir beaucoup râlé, Morales accepte l’argent détourné, qui après tout lui appartient, et conclut son achat. Mais cette fin optimiste est endeuillée par le suicide d’un de ses chauffeurs, qu’il avait congédié parce que le jeune homme, auparavant agressé, avait acquis une arme à feu et s’en était servi. En outre, le policier qui enquêtait sur lui, faisant mine de se réjouir que Morales soit à présent devenu un homme influent, lui laisse entendre que lui-même aurait bien besoin d’un appui politique.
À vrai dire, on s’intéresse moins à cette histoire qu’à celle de Margin call, du même auteur, et qui avait une portée plus universelle ; en dépit d’une certaine similitude des thèmes : une crise survenue à la suite d’une défaillance de nature financière. L’intérêt vient plutôt de deux faits : d’abord, que la réalisation n’obscurcit jamais la compréhension du récit, car elle est irréprochable ; ensuite, parce que la caractérisation des personnages se fait avec une grande sobriété, chacun étant rapidement identifié avec le minimum de détails. Morales, notamment, est à la fois un homme honnête possédant une morale (comme le suggère son patronyme), et un capitaliste que les scrupules n’étouffent pas et qui désire mener la grande vie.
Réalisé par David Oelhoffen
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 31 août 2014
Sorti en France le 14 janvier 2015
Daru est le descendant d’immigrés espagnols installés en Algérie. Vétéran de la campagne d’Italie, démobilisé avec le grade de commandant, il est devenu instituteur dans l’Atlas algérien. Traité comme un Espagnol par les Français, il est à présent vu comme un Français par les Arabes ! Mais il s’accommode parfaitement de son humble travail, et ses élèves, tous algériens, semblent l’aimer beaucoup.
Mais nous sommes en novembre 1954, et les premiers assassinats de Français par les rebelles algériens viennent de commencer. Rappelons que la guerre d’Algérie a pour origine les massacres d’Arabes survenus le 8 mai 1945, commis par les forces de l’ordre françaises – les prétextes ne manquaient d’ailleurs pas –, et ordonnés par le gouvernement de l’époque, présidé par De Gaulle...
Or les autorités campagnardes ont dû arrêter un certain Mohammed, un paysan qui vient de tuer son cousin, lequel lui avait volé du grain ; rien à voir, donc, avec les revendications des rebelles. Mais lesdites autorités, débordées, ne peuvent assurer l’escorte du criminel jusqu’à la ville voisine où il devrait être jugé. Ce que les autorités ne savent pas et que Mohammed va expliquer à Daru, c’est qu’il a fait exprès de se faire arrêter ; sans cela, il aurait subi la vendetta, et un frère du cousin mort l’aurait à son tour assassiné, ce qui aurait contraint son jeune frère à continuer cette hécatombe. Il préfère donc être guillotiné par les Français pour que ne s’amorce pas ce cycle infernal et absurde (et voir la critique d’Avril brisé).
Contre son gré, Daru doit donc escorter Mohammed jusqu’à la petite ville voisine, Tinghir, nom qui se prononce « tinnerire » (les sous-titres, bêtement, écrivent « Tinguir » ; en outre, elle n’existe pas en Algérie, il y a seulement une Tinghir au Maroc). En chemin, les deux hommes deviennent amis, mais ils rencontrent un peloton de rebelles, dont le chef et un autre homme ont été sous les ordres de Daru pendant la guerre, et aucun mal ne leur est fait. Mais un commando français tombe sur le groupe, et tue tous les rebelles, alors qu’ils avaient accepté de se rendre.
Laissés seuls, les deux hommes arrivent en vue de Tinghir, et Daru conseille à Mohammed de ne pas se livrer aux gendarmes : qu’il prenne plutôt l’autre route, il trouvera des nomades qui l’accueilleront. Mohammed suit le conseil, Daru retourne dans son village, et annonce à ses élèves qu’il quitte l’école et le village : il a été écœuré par l’exécution des rebelles qui avaient accepté de cesser le combat.
Cette histoire vient d’une nouvelle d’Albert Camus, L’hôte, très remaniée, puisque le personnage central n’est plus un Français d’Algérie mais un Espagnol immigré. Il est parfaitement interprété par Viggo Mortensen, dont le père était... danois, et qui a gommé son accent canadien. Il a d’ailleurs appris aussi quelques mots d’arabe, en supplément, et c’est très crédible. Lui et Reda Kateb sont parfaits.
Ce deuxième long métrage du metteur en scène repose sur une réalisation classique tout à fait adaptée à l’histoire, et la musique évite tout folklore.
Réalisé par Damián Szifron
Titre original : Relatos salvajes
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2014
Sorti en France le 14 janvier 2015
On se demande pourquoi le distributeur français de ce film argentin tient, dans son titre, à présenter ces récits comme nouveaux, alors que ce ne sont que les composants d’un film à sketches – un genre assez ancien et quelque peu délaissé –, tous inspirés par la vengeance, soit immédiate, soit à retardement comme dans le premier, qui est aussi le plus court et le meilleur par sa concision. C’est d’ailleurs le principal défaut du film que cette accumulation d’histoires, piquantes mais de moins en moins intéressantes, la dernière étant franchement ratée.
Ainsi le film s’ouvre sur ce voyage en avion, la totalité des passagers ayant reçu ou gagné un billet envoyé par un anonyme, sans aucune possibilité de modifier la date du trajet. Or, par des conversations entre les passagers, on apprend que tous ont eu naguère affaire à un certain Gabriel Pasternak, un minable, disent-ils, qu’ils ont traité assez mal. Puis ils découvrent que le commandant de bord s’est enfermé dans la cabine de pilotage, et qu’il s’appelle Gabriel Pasternak. Immédiatement après, un plan général montre un avion de ligne qui s’approche, et finit par s’écraser sur la caméra !
Tous les récits sont assez cyniques et se terminent mal, sauf le dernier, où les deux personnages principaux, deux nouveaux mariés, se déchirent puis se réconcilient, ce qui déçoit forcément, et néanmoins n’annonce pas une vie conjugale très idyllique des deux tourtereaux.
Le plaisir du spectateur, qui a vite compris le principe, réside dans le fait qu’il tente d’anticiper ce qui va se passer, comme dans la série Destination finale, et qu’évidemment il se trompe chaque fois !
Réalisé par Louis-Julien Petit
Sorti en France (Festival du Film Francophone d’Angoulême) le 22 août 2014
Sorti en France le 21 janvier 2015
On sait que ces grands magasins – grands par la taille – que sont les super- et hyper-marchés sont dirigés par des humanistes qui, pour mieux protéger leurs employés contre la tentation de s’adonner au vol ou à la fainéantise, chronomètrent leurs passages aux toilettes, leur interdisent les vestes avec poches ainsi que les téléphones mobiles, et veillent sur la santé de leurs clients en détruisant les aliments qu’ils vendent, lorsque la date limite de vente est dépassée mais qu’ils restent consommables (je parle des aliments, là). On pourrait certes leur suggérer d’en faire don à des associations charitables, mais non, les ventes proprement dites s’en ressentiraient, et mieux vaut arroser la marchandise avec de l’eau de Javel.
On se souvient aussi de ce père de famille, en Algérie (tous des sauvages, dans ce pays), qui, le 9 septembre 2010, avait été arrêté au marché des Trois horloges, à Bab El Oued, pour avoir rempli son couffin de poisson, de tomates et de quelques pots de yaourt qu’évidemment il n’avait pas payés, et qui, pour ce crime abominable digne de Jean Valjean, avait été condamné à un an de prison ferme. Ou encore, de cette mère de famille, toujours à Alger, qui avait volé une petite chemise pour habiller son jeune fils, car elle n’avait pas d’argent (mais cette scélérate a obtenu le sursis, comme quoi les juges sont trop indulgents).
C’est sur cette base, et sur la rencontre avec une ancienne caissière qui avait été accusée de vol pour avoir récupéré un ticket de promotion abandonné par un client, que le réalisateur de Discount a construit l’idée du scénario, écrit par Samuel Doux pour en faire une comédie satirique, qui néanmoins vire au drame à la fin, puisque les employés, ayant récupéré les marchandises sciemment polluées par leur direction pour les rendre invendables, ont créé un magasin parallèle et clandestin, destiné aux plus pauvres de leur région, et leur permettant de mettre un peu de beurre dans leurs propres épinards. Naturellement, ils se font prendre à la fin, et seront remplacés, partout où c’est possible, par des caisses automatiques, qui ne déroberont rien ni ne se mettront en grève. Le progrès social est évident.
Le film, plutôt bien fait mais dont les scènes sont visiblement très peu écrites, possède un impact qui lui assure un public acquis d’avance. Et c’est tant mieux. À l’exception de Zabou Breitman, qui a un rôle secondaire, les acteurs viennent surtout de la télévision, et leurs noms sont en général inconnus.
Réalisé par Ulrika Bengts
Sorti au Canada (Festival de Montréal) le 27 août 2013
Sorti en Finlande (Festival d’Heksinki) le 22 septembre 2013
Sorti en France (Festival d’Arras) le 13 novembre 2013
Ce film, jamais sorti dans les salles françaises quoique projeté au Festival d’Arras, est finlandais, mais on y parle suédois, et le titre signifie dans cette langue « Le disciple ».
Hasselbond est gardien de phare sur une petite île. Il y vit avec sa femme Dorrit, son fils de 13 ans, Gustav, et sa petite fille, Emma, qui aime énormément sa petite chienne Sally. Le fils aîné s’est suicidé parce que son père voulait l’obliger à devenir marin et même capitaine, alors qu’il ne songeait qu’à la musique ; mais le père fait croire que son fils est mort héroïquement en voulant sauver des passagers. En fait, c’est Gustav qui désire ardemment naviguer, or son père le tient pour un bon à rien parce qu’un peu faible en mathématiques.
Hasselbond doit bientôt prendre sa retraite et former un apprenti pour le remplacer, mais on lui envoie... un garçon de 14 ans, Karl, venu d’un orphelinat où on le battait. D’abord méfiant, Hasselbond se rend vite compte que le garçon est sérieux, compétent, et en admiration devant lui. Il accepte donc de lui apprendre tout ce qu’il sait, lui attribue la chambre de son fils mort, et annonce qu’il veut l’adopter. Mais ce gardien de phare est une brute qui bat son fils Gustav, et veut l’obliger à noyer les petits que la chienne Sally vient de mettre au monde. Gustav se rebelle, refuse, et Karl noie les pauvres bêtes. Mais le père va plus loin et incendie le piano de sa femme, vexé qu’elle ait su distraire les inspecteurs venus visiter le phare.
Dorrit finit par l’enfermer dans le phare et y mettre le feu avec l’aide de Karl, qui a compris que son idole était un tortionnaire fou. Mais Gustav parvient à sauver son père, qui est hospitalisé, et refusera désormais de voir quiconque de sa famille.
À l’épilogue, on envoie un nouveau gardien de phare, que Karl secondera, tandis que Gustav est enfin engagé sur un bateau.
Joué par des acteurs inconnus chez nous, ce mélodrame est beau – parfois à la limite du vraisemblable, néanmoins –, bien filmé, et il est court, puisque réduit à l’essentiel. En France, nous ne voyons quasiment jamais de films finlandais, c’est peut-être dommage. L’affiche, mal composée, est hélas un peu ridicule : elle représente Karl sur fond de phare, et on le croirait affublé d’un grotesque chapeau de sorcière.
Réalisé par Damien Chazelle
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 16 janvier 2014
Sorti en France le 24 décembre 2014
Ce long-métrage très autobiographique est la reprise d’un court-métrage du même réalisateur, sorti l’année précédente, avec le même acteur, J.K. Simmons, dans le rôle du chef d’orchestre et professeur sadique. Il montre l’affrontement entre deux musiciens passionnés, un jeune homme de dix-neuf ans, Andrew, fou de batterie pour quoi il est très doué, et un chef d’orchestre, Fletcher, qui dirige d’une main de fer une classe de musiciens au Conservatoire de Manhattan, à New York. Or, si Andrew est très capable, le professeur est aussi méprisant que le sergent de Full metal jacket, et il soumet cet élève à une concurrence acharnée, qu’il suscite en l’opposant à un autre batteur de sa classe, puis en recrutant un troisième batteur en dehors de l’école. Et il va ainsi les opposer, en les interrompant sans cesse, dans un « match » de près de trois heures, après avoir congédié tous les autres musiciens. Fou de rage, Andrew finit par se jeter sur lui, puis il quitte l’école.
Mais, quelques mois plus tard, les deux hommes se retrouvent par hasard, et Fletcher, qui a été renvoyé de l’école sur une plainte d’un élève, et pensant qu’Andrew est son dénonciateur, fait mine de l’inviter à participer à un concert qu’il doit donner dans une grande salle, devant un public et des critiques exigeants. Or c’était un piège pour le ridiculiser, et Fletcher change la partition sans l’avoir prévenu. Perdu, ne pouvant plus suivre, Andrew, honteux, quitte la scène, mais... y revient quelques instants plus tard, se réinstalle à la batterie, lance à ses camarades qu’ils joueront le célèbre Caravan de Duke Ellington que tous connaissent, et l’orchestre joue sans tenir compte du chef, ridiculisé à son tour. Mais Andrew se lance dans un solo si long et si talentueux que même Fletcher s’incline et l’encourage. Triomphe de la persévérance et de l’acharnement.
Il faut être un excellent réalisateur pour passionner un public en filmant de la musique, et un interprète hors pair pour jouer si bien de la batterie ; car, contrairement aux trucages classiques qu’on peut opérer avec de la musique pour piano, il est impossible de truquer un solo de batterie, cela se verrait instantanément, sauf lorsqu’on fait un plan rapproché sur les mains seules. La batterie est un instrument difficile, et en jouer bien est un art, à moins de faire partie d’un groupe de reggae ou de rap, auquel cas une boîte à rythme ou un synthétiseur programmable suffisent !
Ce film n’a pas entraîné l’adhésion de tous les critiques. Certains médiocres y ont vu une absence de progression dramatique, attendu que tout le récit est basé sur un seul affrontement entre deux personnalités. Ces niais n’ont pas vu la progression de la tension dramatique, qui apparente le film à une histoire de sport violent, voire de guerre, ni l’intelligent renouvellement des situations. Ils ne doivent pas aimer la musique !
Tout de même, j’ai relevé deux erreurs, l’un de montage, l’autre de scénario.
L’erreur de montage se situe au moment où, ridiculisé par la duperie de Fletcher, le jeune batteur quitte la scène. On le voit ouvrir une porte et sortir dans le hall. Mais, au plan suivant, il traverse la scène devant ses camarades musiciens !
L’erreur de scénario consiste en ce que l’orchestre vient jouer au concours JVC avec un nouveau batteur, sans avoir répété une seule fois. Dans la vie réelle, cela ne se produirait jamais.
Et puis, un peu de sémantique : le mot anglais whiplash peut avoir deux sens, « coup de fouet », ou « coup du lapin ». Je ne vois aucun coup du lapin dans cette histoire. En revanche, la lutte entre deux individus peut très bien s’assimiler à une bagarre à coups de fouet.
Réalisé par Alex Ross Perry
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2014
Sorti en France le 21 janvier 2015
Les deux personnages principaux sont écrivains, l’un d’une trentaine d’années, qui vient de publier son deuxième livre, et que tout ennuie, l’autre, sexagénaire et devenu un fruit sec. Et, comme dans TOUS les films sur des écrivains, on ne les voit jamais écrire ! Mais on les entend parler, car cela ne cesse que pour laisser la place à un commentaire en off, qui nous explique tout ce que font, pensent et ressentent ces personnages, si antipathiques, surtout le premier, qu’on paierait volontiers pour ne jamais les rencontrer. Le tout veut sans doute ressembler à du Woody Allen, mais il y manque l’esprit et le savoir-faire.
Avec cela, une totale absence de mise en scène : tout est pris en gros plan par une caméra portée gesticulante et produisant des images mal éclairées, souvent floues. Le réalisateur est un acteur, producteur et caméraman, qui s’est inspiré, dit-on, de la vie de Philip Roth, auteur qui a eu son heure de gloire mais a cessé d’écrire en 2012. Lui devrait cesser de filmer.
Réalisé par James Marsh
Titre original : The theory of everything
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2014
Sorti en France le 21 janvier 2015
D’abord, pourquoi ce titre français ridicule, mal démarqué de celui du livre écrit par Stephen Hawking A brief history of time, alors que le projet du savant était bien cette « théorie de tout » après laquelle il courait – si l’on peut dire d’un homme aussi gravement handicapé ? En tout cas, en une semaine, deux films anglais consacrés à deux génies qui ont connu une vie de chien, Hawking puis Turing dès demain, ce ne doit pas être un hasard, puisque Dieu lui-même ne joue pas aux dés.
On est d’ailleurs un peu déçu, car il n’y a pas trace de science dans cette biographie, où l’on traite surtout de la vie sentimentale et conjugale du savant. Marié avec Jane Wilde, étudiante en poésie espagnole, qui a tenu à épouser le garçon qu’elle aimait en dépit du terrible handicap qui l’avait frappé, son corps se dégrade peu à peu. Ils auront trois enfants, puis se sépareront à l’amiable, et Jane se liera avec Jonathan, un musicien très généreux qui est tombé amoureux d’elle. C’est d’ailleurs le livre biographique de Jane qui a servi de base au scénario.
L’interprète de Stephen Hawking est Eddie Redmayne, l’un des rares acteurs pour lesquels je me dérange. On ne peut pas dire qu’il est très beau, mais son talent est incontestable, et son interprétation du savant sauve le film de la banalité, malgré un scénario qui passe à côté du vrai sujet.
Réalisé par David Koepp
Titre original : The theory of everything
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2014
Sorti en France le 21 janvier 2015
Avec sa série sur les pirates des Caraïbes et le dernier opus de Tim Burton, totalement raté, on avait compris qu’il ne fallait plus compter sur Johnny Depp : devenu un notable, il se fait désormais fabriquer des films sur mesure, et surtout à la mesure de son cabotinage. La vérité est que son dernier bon film, Sweeney Todd, date de 2007, et qu’on ne se remet pas d’une telle chute. Rien que l’affiche de son film annonce le ridicule du personnage qu’il incarne, et qui est démarqué du Tom Ripley de Patricia Highsmith, un personnage de riche amateur d’art, qui est en même temps un aigrefin sans scrupules – la différence étant que Ripley, lui, tue des gens, alors que Mortdecai a pour principale caractéristique... sa moustache.
L’histoire repose sur la recherche d’un tableau de Goya, au dos duquel Hermann Göring aurait inscrit le numéro de son compte bancaire en Suisse, où dort un argent dont Mortdecai et son épouse auraient bien besoin, car ils sont au bord de la ruine. S’ensuit un récit de poursuites et de coups fourrés très britannique, mais truffé de plaisanteries grasses qui nous rappellent que les Anglais sont le peuple le plus grossier de la Terre, même s’ils noient cette vulgarité dans un humour pas toujours aussi fin qu’on le prétend.
Il est dommage qu’un scénario aussi médiocre soit soutenu par une mise en scène précise et méticuleuse, où l’invention ne manque pas. Et puis, caser une poursuite de voitures en Rolls-Royce, cela n’arrive pas tous les jours !
Réalisé par James Bai
Sorti aux États-Unis (Festival de Tribeca, à New York) le 21 avril 2005
Ce film, tourné à Brooklyn et qui relève de la science-fiction et du fantastique, n’est jamais sorti en France. Il passera peut-être à la télévision...
Walter est un docteur Frankenstein moderne, qui a construit et animé un être « vivant », Puzzlehead, en lui attribuant son psychisme, puisque, pour cela, il a scanné son propre cerveau. Mais on se doute bien que cette expérience va tourner mal, sinon il n’y aurait pas de film.
Puzzlehead, qui acquiert peu à peu la conscience que les sentiments existent, finit par tomber amoureux de la petite amie enceinte de Walter, et supporte de plus en plus mal de n’avoir que le psychisme de ce dernier. Il en vient à l’éliminer, et, quand Julia accouche, il envisage de scanner le cerveau du bébé pour se fabriquer des pensées, des souvenirs et des intentions différentes.
Le film est à la fois bien fait et un peu déprimant. En outre, même si l’idée de faire jouer le robot et son créateur par le même interprète n’est pas mauvaise en soi, on a du mal, dans la dernière partie, à distinguer les deux personnages, d’autant plus qu’ils sont vêtus de la même façon !
Réalisé par Christian Petzold
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 5 septembre 2014
Sorti en France le 28 janvier 2015
De Christian Petzold, je n’avais vu que Barbara, que j’avais apprécié, quoique avec quelques réticences. Ici, c’est presque pareil : le scénario est bon, mais il faut accepter un postulat que beaucoup de spectateurs rejettent, celui de ce mari qui ne reconnaît pas sa femme parce qu’elle a subi une opération de chirurgie esthétique. Mais c’est un détail...
L’histoire se passe juste après la fin de la Deuxième guerre mondiale, et Nelly, libérée d’un camp de concentration mais plutôt amochée, a subi une intervention chirurgicale qui lui a modifié le visage. Si elle est quasiment certaine de récupérer au moins une partie de la fortune familiale confisquée par les nazis, elle se soucie également de retrouver son mari, Johannes, qu’elle aime mais dont elle est sans nouvelles. Elle le retrouve donc, et cet ancien pianiste est devenu homme à tout faire dans une boîte de nuit, le Phoenix – référence un peu lourde à cet oiseau mythique qui renaissait de ses cendres. Johannes, qui se fait appeler Johnny, ne la reconnaît pas, mais lui trouve une vague ressemblance avec sa femme qu’il croit morte en détention. Il la convainc de devenir sa complice et de se faire passer pour la supposée défunte, afin de récupérer la même fortune qu’il convoite aussi. Il va donc la transformer pour la faire ressembler à Nelly !
Mais, dans la dernière partie, Nelly apprend qu’en son absence, il a divorcé d’elle, et que c’est pour cette raison qu’il lui faut une complice afin de la faire passer pour sa femme. Hélas pour le voyou, il la reconnaît, et, confus, disparaît.
J’ignore si beaucoup de critiques ont fait le rapprochement avec Vertigo, où un homme s’efforçait de recréer une femme qu’il avait aimée et qu’il croyait morte, à partir d’une femme bien vivante dont il ignorait que c’était la même. Bien entendu les motifs étaient différents, et l’homme était parfaitement innocent. Or, déjà, le postulat était un peu difficile à accepter. Mais j’ai tendance à croire qu’Hitchcock s’en tirait mieux.
Le film est austère, et les acteurs sont bons. Le scénario, curieusement, vient d’une histoire du grand romancier français Hubert Monteilhet, Le retour des cendres. D’où son aspect un peu tordu.
Réalisé par Cody Calahan
Sorti au Canada (Fantasia film festival de Montréal) le 31 juillet 2013
Sorti en France (Samain du cinéma fantastique, à Nice) le 27 octobre 2013
Ce film canadien qui balance entre le fantastique et l’horreur modérée n’est sorti en France que dans un curieux festival niçois portant un nom obscur et probablement parodique, la Samain du cinéma fantastique [sic, allusion à la main de la créature de Frankenstein, selon l’affiche de cette année], et y a obtenu le prix du public pour le meilleur scénario, ce que je me permets de considérer comme un gag méridional. Cinq copains de faculté ont prévu une petite fête en l’honneur de la nouvelle année, sans savoir qu’une épidémie mondiale vient de se déclarer, ce qu’ils apprennent par la télévision, laquelle invite tout le monde à se barricader chez soi. Ils n’ont donc avec eux rien d’autre que les habituels smartphones et ordinateurs portables, ignorant que l’épidémie s’est justement propagée par là : les créateurs d’un certain site de vidéoconférence baptisé Redroom et qu’ils utilisent sans cesse, ayant rendu leur site trop attrayant [re-sic], ont ainsi provoqué involontairement une prolifération des cellules du cerveau chez ceux qui le fréquentent, forme de virus encore inconnue mais qui va causer des ravages : tous les « infectés » vont dès lors se comporter comme dans La nuit des morts-vivants, ou peu s’en faut. Qu’on se rassure, dans la séquence finale, tout le monde ressuscite !
Le film, joué par de jeunes inconnus qui sans doute ne feront pas carrière, est co-écrit et réalisé avec soin par un acteur et cascadeur qui fait là son premier long-métrage (mais il vient de réaliser une suite, pas encore sortie), tout en intérieurs. L’image est très laide, les filles hurlent beaucoup, et les garçons saignent abondamment.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.