Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : La tête en friche – La peste – Policier, adjectif – Poliţist, adjectiv – 12h08 à l’est de Bucarest – Rabía – Les meilleurs amis du monde – Avoir un bon copain – Les mains en l’air – Nannerl, la sœur de Mozart – L’illusionniste – Les triplettes de Belleville – Eyes of war – Triage – No man’s land – L’enfer (2005) – Les petits ruisseaux – Le caméléon – The chameleon – Belphégor - Le fantôme du Louvre – Arsène Lupin – C.R.A.Z.Y. – À cinq heures de Paris – Hamesh shaot me’ Pariz – Un homme et une femme – La disparition d’Alice Creed – The disappearance of Alice Creed
Personnes citées : Jean Becker – Jean-Loup Dabadie – Albert Camus – Corneliu Porumboiu – Socrate – Alfred Hitchcock – Julien Rambaldi – Marc Lavoine – Romain Goupil – Valeria Bruni-Tedeschi – Nicolas Sarkozy – René Féret – Claude Chabrol – Maria Anna Mozart – Wolfgang Mozart – Louise de France – Louis-Ferdinand de France – Louis XV – Philippe, duc d’Anjou – Clovis Fouin – Sylvain Chomet – Jacques Tati – Jacques Brel – Georges Brassens – Didier Gustin.– J. Blakeson – Martin Compston
Réalisé par Jean Becker
Sorti en France (EuroCine 27) le 9 mai 2010
Sorti en France le 2 juin 2010
Le texte, réussi, est de Jean-Loup Dabadie, mais on peut toujours compter sur Jean Becker pour ajouter des bêtises dans sa mise en scène. Ainsi, tous ces retours en arrière qui jalonnent le récit sont assez inutiles, sans compter les passages censés illustrer les livres que la vieille dame lit à son ami de rencontre (les rats pour La peste de Camus). Et puis, des négligences faciles à éviter : lorsque Germain cherche le mot marguerite dans le dictionnaire, on voit bien qu’il feuillette le tout début du volume, certainement à la lettre A !
Bref, c’est l’histoire assez belle, quoique bien mince, d’un homme fruste qui découvre, grâce à une très vieille dame seule, que les livres valent la peine d’être lu – idée qui ne lui était jamais venue à l’esprit ! Et quand la vieille dame commence à perdre la vue, il va lui rendre la politesse en devenant son liseur, ce qu’on voit venir dès le début.
On évite la fin tragique : Margueritte (avec deux « t ») ne meurt pas, mais elle est enlevée par Germain de sa maison de retraite lugubre. Ils partent ensemble, comme deux amoureux !
Réalisé par Corneliu Porumboiu
Titre original : Poliţist, adjectiv
Sorti en Roumanie en 2009
Sorti en France le 19 mai 2010
Ce film roumain sur la maïeutique (si-si !), on peut, selon son tempérament, le détester ou l’admirer. La maïeutique, rappelons-le à ceux qui n’étaient pas là, c’est cet art d’origine grecque (Socrate est dans le coup) permettant d’amener quelqu’un qui se trompe à changer d’avis, en lui posant des questions, dont les réponses modifieront son point de vue. Ici, il s’agit d’un policier, plutôt jeune, qui refuse de prendre un lycéen en flagrant délit de fourniture de quelques joints à ses camarades. Motif : si je l’arrête, il fera sept ans de prison (la moitié avec la libération conditionnelle), et je brise sa vie, alors que, dans tous les autres pays européens, on fume librement dans la rue sans que la police s’en mêle – vision peut-être un peu optimiste, il n’a pas dû venir à Paris.
Le film est dû à ce réalisateur dont j’avais un peu aimé 12h08 à l’est de Bucarest, en janvier 2007, en dépit de sa construction catastrophique. Ce réalisateur, visiblement, s’intéresse à la recherche de la vérité, et ce n’est pas si courant dans le cinéma ; en tout cas, pas chez nous, où les états d’âme des couples trentenaires tiennent le haut du pavé chez les scénaristes, qui ont rarement le nez dans les dictionnaires, et vous verrez plus loin pourquoi je parle de cela. Mais enfin, là non plus, la perfection n’est pas tout à fait au rendez-vous, car les plans-séquences abondent, et ils ne sont pas tous d’une criante utilité. Le pire de tous dure quatre ou cinq minutes, et l’on y voit notre policier faisant antichambre en attendant d’être reçu par son chef ; or il ne nous est pas fait grâce d’une seule seconde de ces minutes où il ne se passe strictement rien ! Il y a aussi, en moins vide, cette très longue scène au cours de laquelle le héros dîne, pendant que sa femme, dans leur chambre, écoute une chanson idiote, digne de l’Eurovision, où abondent des vers dans le style « Que serait la mer sans le Soleil ? » ou « Que serait un champ sans les fleurs ? ». On se dit que la fille est aussi stupide que la chanson, mais la caméra panoramique enfin vers elle, et elle commence à donner au mari un cours de linguistique sur les symboles contenus dans toutes ces niaiseries (on apprendra beaucoup plus tard qu’elle enseigne au lycée). Bien. Mais auparavant, on aura dû subir l’intégralité de la rengaine, et c’est péniblissime.
En fait, tout le film n’est conçu que pour tendre vers le dernier plan-séquence, le plus long, au cours duquel le commandant de police va pousser le jeune rétif à changer d’avis, en lui faisant chercher dans le dictionnaire le sens des mots conscience, morale (car il a refusé d’obéir au nom de sa « conscience morale »), loi et policier, dont il avait une interprétation très personnelle, que son chef ne partage pas. D’où le titre du film, dont les mots annoncent une définition dans un dictionnaire – à ce détail près qu’il ne s’agit pas d’un film policier, donc d’un adjectif, mais d’un policier, nom commun, autour duquel tourne l’histoire, et de sa conception du métier. L’épilogue montre donc ce personnage ayant changé d’avis et préparant le flagrant délit qui fera tomber les lycéens fumeurs de haschich.
Si j’ai dit en commençant qu’on peut détester ce film, c’est au nom de sa... morale, précisément, en vertu de laquelle la légalité doit primer les valeurs humanistes. Or on sait qu’une loi peut être révisée, voire abrogée, et le jeune policier, somme toute, était dans le vrai. Mais la maïeutique nous amène à lui donner tort, et le film est très pervers, sous cet angle-là. Oui, mais, à l’instar d’Hitchcock qui disait que son amour du cinéma passait avant son respect de la morale, j’admire néanmoins le film, car il est rudement bien conçu, quand bien même il roulerait le spectateur dans la farine !
Réalisé par Sebastián Cordero
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 11 septembre 2009
Sorti en France le 2 juin 2010
La rabía, c’est la rage ; pas la maladie : la colère froide. José María (que sa petite amie appelle curieusement « María ») en est atteint. Ouvrier colombien clandestin, travaillant à Madrid dans le bâtiment, il est honnête, droit, taciturne, mais bagarreur. De sorte qu’un sale jour, il frappe son contremaître et le tue accidentellement. Après cela, il n’a plus qu’à se cacher. Où ? Dans l’immense maison où son amie Rosa, également colombienne, est bonne à tout faire et où elle loge : les patrons laissent à l’abandon l’étage supérieur et les combles, ils ne viendront jamais le déranger.
Ces bourgeois sont compatissants, la patronne surtout, qui veille sur la grossesse de Rosa et l’emmène en vacances sur la côte pendant que la maison est livrée aux dératiseurs, et d’où José María ne peut sortir sans se faire prendre par la police. D’autant moins qu’il a aussi tué, volontairement cette fois, en l’étouffant sous un coussin, le fils bon à rien des patrons, qui a violé Rosa.
L’enfant naîtra, on lui donnera les prénoms de son père, mais celui-ci, malade et seul, tourne à l’homme des bois...
La première moitié du film est intéressante, mais, à mesure qu’on avance, il s’enfonce dans le déprimant et le misérabiliste. Sans compter l’invraisemblable : comment croire que ce personnage caché vit à quelques mètres de son amie mais ne peut lui parler que par téléphone (par chance, la famille possède deux lignes téléphoniques !) ? La nuit, il ne peut pas aller la voir dans sa chambre ? Et cela dure des mois...
Bref, le spectateur se décourage. Comme pour réveiller son intérêt, on termine par un long plan à la steadicam, qui passe du grenier au jardin, pour nous montrer la maison vide, qui, en fait, est la vraie vedette du film, bourgeoise, convenable et bien tenue dans les étages inférieurs, crasseuse et délabrée à mesure qu’on grimpe dans les étages (symbole !) ; or, si on aime bien les plans-séquences, à condition qu’ils servent à quelque chose, celui-ci en revanche ne sert à rien. En réalité, on devine que le réalisateur a voulu faire un film fantastique sans y mêler aucun élément surnaturel, en ne misant que sur le décor et la situation de ce personnage – caché au mépris de toute véracité (jamais la police qui le cherche ne vient interroger son amie). Mais enfin, l’ambition et le côté conceptuel ne suffisent pas.
Réalisé par Julien Rambaldi
Sorti en France le 9 juin 2010
L’avant-fin est si niaise (tout le monde chante Avoir un bon copain, et suivent pleurs et embrassades) qu’on en a honte pour les acteurs, dont seul Marc Lavoine, en beauf prétentieux, émerge un peu.
Réalisé par Romain Goupil
Sorti en France le 9 juin 2010
Au début, on s’intéresse, parce que ces enfants sont plutôt sympathiques, en dépit de leurs petits trafics. Puis, assez vite, on s’ennuie parce que plus rien ne surprend. Le chiendent, avec les films militants comme celui-ci (il traite du sort des enfants de clandestins, qu’on appelle couramment « sans papiers » comme si la question se réduisait à une absence de papiers), c’est qu’ils parlent de sujets sérieux et compliqués en misant tout sur l’apitoiement du spectateur, invitant à prendre parti pour un quatuor d’enfants qu’on a au préalable rendus attrayants, et pour une mère qui les défend, incarnée à dessein par une actrice populaire, Valeria Bruni-Tedeschi – même si elle est la belle-sœur du président actuel. C’est le propre du cinéma français, incapable de voir plus loin que l’objectif de ses caméras. Encore plus maladroit : cette scène où une demi-douzaine de policiers cuisinent un enfant, sans trop de douceur, pour lui faire dire où se cachent ses quatre camarades. C’est outrancier, caricatural, et surtout, caricatural de façon inintelligente. Quant à la réapparition des quatre conjurés, les mains en l’air, c’est l’exemple d’une fausse bonne idée, car la scène, qui se prolonge, est franchement ridicule.
Le film, censé commencer en 2067, ouvre par une phrase puérilement provocatrice : « C’était en France, en 2008-2009, et je ne me rappelle pas qui était alors le président ». Mine de rien, cette blague qui prétend égratigner Sarkozy, en fait, le dédouane : si l’un des personnages principaux de cette histoire ne se souvient pas de ce détail en 2067, cela implique bien sûr que le président de la République actuel n’a aucune responsabilité dans ces affaires d’expulsion. Ce qui est une évidente contre-vérité.
Réalisé par René Féret
Sorti en France le 9 juin 2010
Enfoncé, Claude Chabrol ! Le champion du népotisme dans le cinéma français a trouvé son maître. Non seulement René Féret joue dans le film qu’il a écrit et réalisé, mais il a embauché les membres de sa famille : trois parmi les interprètes, une (sans doute son épouse) comme productrice et monteuse, et l’un des interprètes familiaux comme assistant-réalisateur. Si vous insistez un peu, il viendra sans doute projeter son film lui-même dans votre salle de cinéma...
L’histoire ? Nous sommes en 1767, puisque Wolfie Mozart ne cesse de répéter qu’il a onze ans, et donc sa sœur Maria Anna, dite Nannerl, en a seize. Et le scénariste imagine qu’au cours du premier voyage de la famille Mozart à Paris, elle rencontra le dauphin en lui apportant, costumée en garçon, une lettre de sa sœur Louise, dite Madame Septième, âgée de treize ou quatorze ans – celle qui devint plus tard carmélite –, et qu’un amour naquit entre eux. Pourquoi vêtue en garçon ? Pour la convenance, car le dauphin, veuf – depuis peu, nous dit-on –, devait éviter les femmes. Or tout cela ne correspond en rien à l’Histoire réelle : cette sœur, future religieuse, avait trente ans en 1767, et le dauphin, Louis-Ferdinand, père de trois rois dont Louis XVI, veuf depuis... 1747, était mort en 1765 ! Pas d’équivoque possible, le roi Louis XV n’a pas eu d’autre fils légitime, mis à part Philippe, mort en 1733, à l’âge de trois ans.
Le récit est donc extravagant, mais décoratif, beaux décors, beaux costumes. L’interprète du dauphin, Clovis Fouin a un visage intéressant. Mais enfin, c’est un peu réalisé avec les pieds. Voyez plutôt la scène où Nannerl brûle les partitions qu’elle a composées, parce que nul n’a voulu croire à son talent : ces partitions ne sont pas manuscrites, elles sont imprimées. Oui, mais par quel miracle, si sa musique n’a jamais été éditée ?
Bref, on n’est pas forcé de voir le film.
Les critiques patentés sont des comiques involontaires. On a pu entendre, dans Le masque et la plume sur France Inter, Xavier Leherpeur déclarer que Nannerl avait rencontré « le futur Louis XVI ». Tout à fait, Xavier ! À cette date, le futur Louis XVI, qu’on ne voit jamais dans le film, a... 13 ans ! Sachant qu’il ne s’est marié que trois ans plus tard avec Marie-Antoinette, et n’a consommé cette union que sept ans après le mariage, il ne pouvait donc pas, en 1767, avoir d’enfant, comme le dauphin du film : son premier enfant, Marie-Thérèse, est née en 1778, onze ans après l’époque de cette histoire. Conclusion : Leherpeur étale son inculture en public, et on le paye pour ce ridicule.
Réalisé par Sylvain Chomet
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 16 février 2010
Sorti en France le 16 juin 2010
A le mérite d’utiliser un scénario qu’avait écrit Jacques Tati, et qu’il n’avait pas tourné. Tati, d’ailleurs, sous son aspect de monsieur Hulot, est le principal personnage de l’histoire. Il est d’abord illusionniste – sans grand succès – à Paris, puis à Londres, et enfin en Écosse, où l’a suivi une jeune fille, bonne à tout faire dans son hôtel londonien, qu’il va héberger dans sa chambre (il se contente du canapé), et qui finira par le laisser pour suivre un garçon rencontré sur place.
Cela se passe dans les années soixante, c’est plutôt hors du temps, il y a peu d’action, comme toujours chez Tati, mais beaucoup de petits détails cocasses ou mélancoliques. Il aurait aimé le dessin animé de Sylvain Chomet, déjà connu pour Les triplettes de Belleville. Le style est exactement le même, loin des trucages numériques et des films en relief. Reposant et enchanteur.
Ne pas rater le générique de fin : une chanson est interprétée par sept chanteurs et chanteuses français, dont Brel et Brassens. Bien sûr, c’est un imitateur qui leur prête sa voix, le talentueux Didier Gustin.
Réalisé par Danis Tanovic
Titre original : Triage
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 12 septembre 2009
Sorti en France le 16 juin 2010
Il y avait longtemps qu’on n’avait pas bénéficié d’un Titre À La Con : Eyes of war, ce titre n’a été utilisé qu’en France, et celui d’origine exprime bien mieux le sujet du film, qui est le choix. Sur ce thème, le réalisateur s’était fait connaître avec l’excellent No man’s land, en 2001, avant de s’égarer avec L’enfer, en 2005, film français totalement raté, affublé en outre d’un titre gênant (il a servi trois fois).
David et Mark sont des photographes de presse, partis couvrir la guerre au Kurdistan. Mark est témoin d’un fait atroce : un médecin local achève les blessés qu’il ne peut ni sauver ni soulager de leurs souffrances. Puis David décide de rentrer à Londres pour ne pas rater la naissance de son enfant, mais il disparaît en chemin. Quelques jours après, Mark rentre aussi, blessé, amoché moralement. Sa femme lui fait suivre une analyse par son père psychiatre, qui découvre que Mark n’a raconté qu’une partie de l’histoire : David n’est jamais rentré à Londres, tous les deux ont essayé de quitter le pays, mais David a sauté sur une mine et perdu ses deux jambes ; Mark a tenté de le sauver, mais lorsqu’ils sont tombés dans un torrent, il a dû, pour sauver sa propre vie, lâcher son ami, qui s’est noyé.
Le film commence comme un film de guerre, avant de changer de genre à mi-parcours, lorsque survient le personnage du psychiatre, joué par Christopher Lee. Mais pourquoi en avoir fait un Espagnol, alors qu’il ne parle qu’anglais ? Toujours est-il que ses scènes sont les plus intéressantes et justifient de voir le film.
Au chapitre du divertissement, notons trois blagues sur les Français, dont voici la première et la meilleure : les deux photographes se plaignent de la nourriture locale au Kurdistan. « Il faudrait une guerre en France. Bonne cuisine. Pas loin. Sauf qu’avec les Français, ce serait trop vite fini ». On nous adore dans le monde entier, vous dis-je. Et puis, pour une fois, une sophistication inédite chez nos amis les sous-titreurs : quand le dialogue original parle d’une brief history du passé récent, le sous-titre traduit par anamnèse. De quoi traumatiser les spectateurs, pas habitués !
Réalisé par Pascal Rabaté
Sorti en France (Festival d’Agde) le 17 juin 2010
Sorti en France le 23 juin 2010
Film sympathique sur un vieillard effacé et timide, qui redécouvre l’amour (physique) alors qu’il ne l’espérait plus. Le film est interprété par de bons acteurs, et mis en scène avec beaucoup de compétence et de précision. Évidemment, il faut apprécier le sujet, or tout le monde ne se sent pas concerné.
Réalisé par Jean-Paul Salomé
Titre original : The chameleon
Sorti aux États-Unis (Festival de Tribeca) le 23 avril 2010
Sorti en France (Festival de Cannes ) le 13 mai 2010
Sorti en France le 23 juin 2010
Le thème a pas mal servi : un individu disparaît. Des années plus tard, un inconnu prétend être le disparu et vouloir prendre sa place dans sa famille. Généralement, on apprend à la fin qu’il s’agissait d’un imposteur, et tout le récit tend à nous expliquer pourquoi autant de gens ont cru à son histoire.
Parfois, c’est plus sophistiqué. Soit le garçon ment et sa prétendue mère le sait, mais l’un et l’autre, solitaires, s’attachent et ne veulent pas se séparer, donc ils font semblant. Soit c’est plus compliqué, comme ici : la fausse mère, d’ailleurs alcoolique et droguée, et son fils aîné ont probablement tué le benjamin de douze ans et ont jeté son corps dans le bayou (nous sommes en Louisiane), donc ils ont intérêt à confirmer la fable montée par l’imposteur. Soit dit en passant, que cette histoire très délayée soit inspirée par les tribulations d’un personnage réel n’a aucun intérêt.
Je n’aurais jamais cru vouloir me déplacer pour un film de Jean-Paul Salomé, auquel nous devons, si j’ose dire, les ridicules Belphégor - Le fantôme du Louvre et Arsène Lupin, festivals de trucages numériques débiles et lassants. Ici, il s’intéresse à un drame humain et ne tente pas de nous en mettre plein la vue. Cependant, tout l’intérêt de cette production est d’être interprétée par Marc-André Grondin, jeune acteur québécois de 26 ans, qui a triomphé dans C.R.A.Z.Y., en 2005 ; il possède un visage expressif et mobile, un talent fait de subtilité, et, ce qui ne gâte rien, il est agréable à regarder.
Réalisé par Leon Prudovsky
Titre original : Hamesh shaot me’Pariz
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 12 septembre 2009
Sorti en Israël le 12 novembre 2009
Sorti en France le 23 juin 2010
C’est un peu Un homme et une femme en Israël, et le principal intérêt réside dans la construction des caractères. Lui, Yigal, est chauffeur de taxi, divorcé, un enfant : un garçon d’un treizaine d’années qui traîne les pieds dans ses études, et surtout à la chorale, où il refuse de chanter. Elle, Lina, est justement l’institutrice qui dirige la chorale. Inévitablement, les deux se rencontrent et tombent amoureux, mais elle n’est pas libre, son mari est au Canada pour y préparer leur émigration dans ce pays.
Yigal est simple, gentil et pas agressif du tout. Il le montre bien avec ce client qui cherche à l’arnaquer pour ne pas payer sa course en taxi : au lieu de râler ou de le menacer, il lui donne par anticipation les arguments que l’autre s’apprête à lui sortir : « Vous n’avez pas de shekels ? Vous n’avez que des dollars ? Vous allez demander à votre femme pendant que je vous attends ici ? Surtout, n’oubliez pas votre valise ». Puis il s’en va, sans plus.
Rien d’extraordinaire, et pas un atome de social ou de politique, comme dans les films israéliens que l’on distribue chez nous habituellement. On ne voit d’ailleurs aucun Arabe !
Réalisé par J. Blakeson
Titre original : The disappearance of Alice Creed
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 12 septembre 2009
Sorti en France le 30 juin 2010
C’est une blague, ce film, ou quoi ? Le point de départ de l’histoire est sérieux, une fille enlevée par deux types masqués, qui veulent toucher une rançon de la part de son père. Mais les retournements de situation et les petits faits qui parsèment le récit (ah ! cette douille dont on ne peut pas se débarrasser, jetée dans les toilettes, puis récupérée, puis avalée, puis vomie, puis ravalée) s’avèrent si cocasses que les spectateurs rient souvent... bien que la musique, qui force sur le côté lugubre, semble vouloir contredire cet aspect : accompagnement au violoncelle, comme dans ces films français dont le réalisateur veut montrer qu’il est pétri de culture. Il faut donc craindre que ces réactions n’aient pas été prévues par le réalisateur, sur lequel il faut par conséquent se poser des questions, car ce total inconnu, qui semble très naïf quant à l’écriture d’un scénario, montre au contraire une certaine maîtrise dans la réalisation, certes très fauchée, mais sans faute.
Bref, Alice, fille d’un milliardaire, est enlevée puis enfermée dans une chambre parfaitement isolée de l’extérieur, Dieu sait où, en Angleterre. Processus habituel : prises de photos, enregistrement d’une vidéo où elle doit dire que sa vie dépend du versement de la rançon, et elle restera menottée sur son lit et baillonnée, sauf lorsque les exigences de la nature contraindront ses ravisseurs à la délier provisoirement. Or il s’avère que l’un des malfrats est en fait le petit ami de la fille, qui la convainc, hors la présence de son complice, que le produit de la rançon est pour elle et lui, et leur permettra d’échapper au père trop près de ses sous. Elle accepte donc de continuer la comédie. Puis on découvre qu’en fait, les deux hommes sont amants, et que c’est ensemble qu’ils veulent partir sous d’autres cieux avec l’argent, laissant la fille se débrouiller toute seule. Puis la fille parvient à voler son arme au petit ami, qu’elle a incité à se déshabiller pour s’envoyer en l’air, et c’est son tour d’être menotté au lit, tout nu. Puis il parvient à faire une prise à la fille, qui la laisse groggy, et retour à la case précédente. Mais elle lui a subrepticement volé la clé des menottes, et se libère dès qu’elle est seule. Problème, elle ne peut pas sortir de l’appartement. Et ainsi de suite. La fin, elle, n’est pas très inattendue : les deux hommes sont morts, et la fille s’enfuit avec l’argent.
Cette accumulation de coups de théâtre qui devient vite prévisible est filmée en huis-clos, puisqu’on ne sort presque jamais de l’appartement, et les trois acteurs sont les seuls personnages vus durant toute la durée du film – ce qui n’empêche pas cette bizazrrerie au générique de fin : la présence d’une casting director (pour recruter les trois vedettes du film, elle n’a pas dû risquer l’épuisement). De ces trois acteurs, le plus remarquable est Martin Compston, le petit ami des deux autres, qui avait débuté dans Sweet sixteen, de Ken Loach, et qui est bien parti pour faire une très honorable carrière, car c’est un excellent acteur. La fille, elle, avait un tout petit rôle dans The boat that rocked, ce film sur les ex-radios pirates, bêtement distribué chez nous sous un titre bidon.
Inexplicablement, le film est interdit aux moins de 18 ans au Royaume-Uni, et en Irlande où il n’est d’ailleurs pas sorti ; pourtant, avec les prêtres pédophiles, les Irlandais devraient être blindés.
Je le classe « à voir » parce que c’est une curiosité.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.