Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : La mort aux trousses – North by northwest – Hasta mañana – Sunhi – U ri Sunhi – Playtime – The party – Ana arabia – Alila – Disengagement – L’arche russe – Blue ruin – Murder party – J’arrête quand je veux – Smetto quando voglio – Breaking bad – Will Hunting – Le cercle des poètes disparus – Final cut – The double – La dune – Le beau monde – Le grand homme – Cloclo – L’enfant – La planète des singes : l’affrontement – Dawn of the planet of the apes – Akta människor – Reals humans – Cloverfield – Hello Dolly! – Wall-E – The expendables 3 – Miracle au village – The miracle of Morgan’s Creek – The greatest show on Earth – Sous le plus grand chapiteau du monde – Black storm – Into the storm – Twister – Destination finale 5 – Jurassic Park –Le monde perdu – Gandhi – Chorus line – The mousetrap – Trap street – Shuiyin jie – The servant – Les combattants
Personnes citées : Alfred Hitchcock – Cary Grant – Eva Mary-Saint– Quentin Tarantino – Olivier Vidal – Sébastien Maggiani – Claude Lelouch – Sang-soo Hong – Éric Rohmer – Jacques Tati – Blake Edwards – Amos Gitaï – Aleksandr Sokurov – Pedro Almodóvar – Jeremy Saulnier – François Truffaut – Sydney Sibilia – Robin Williams – Gus Van Sant – Matt Damon – Richard Ayoade – Fiodor Dostoïevsky – Andrew Hewitt – Jesse Eisenberg – Yossi Aviram – Julie Lopes Curval – Bastien Bouillon – Sarah Petit – Jérémie Renier – Matt Reeves – Preston Sturges – Akim Tamiroff – Orson Welles – Brian Donlevy – Betty Hutton – Cecil B. DeMille – Steven Quale – Richard Attenborough – Agatha Christie – Vivian Qu – Joseph Losey – Thomas Cailley
Réalisé par Alfred Hitchcock
Titre original : North by northwest
Sorti aux États-Unis le 17 juillet 1959
Sorti en France le 29 octobre 1959
Ressorti en France le 30 juillet 2014
Le film est si connu qu’il est inutile d’entrer dans les détails, ni d’écrire une fois de plus que ce chef-d’œuvre est à la source de tous les films sur James Bond, qui ne sont apparus que trois ans après. Notons simplement que la presse française, à commencer par le site Allociné qui tente d’être en France l’équivalent en base de données du bien meilleur Internet Movie Database, s’ingénie à écrire que Cary Grant joue le rôle d’un « publiciste ». Ces ânes ignorent leur langue maternelle autant que l’anglais, car le dialogue original, en anglais, fait dire à Cary Grant, dès la quatrième minute, “In the world of advertising, there’s no such thing as a lie” – autrement dit, que dans le monde de la publicité, on ne ment jamais. Et, en effet, dans Internet Movie Database, il est bien précisé que son personnage est un “Madison Avenue advertising man”, c’est-à-dire un publicitaire de Madison Avenue, à New York. Un publiciste et un publicitaire, c’est très différent, puisque le premier est un juriste spécialisé dans le droit public. Rien à voir avec la pub... Et dans les sous-titres français, qu’on aurait pu corriger puisque le numérique le permet, cette bourde revient quatre fois !
Autre confusion ultra-classique, le petit pistolet dont Eva Mary-Saint se sert pour feindre d’abattre Cary Grant est qualifié par deux fois de « revolver ». Mais, de cela, nous avons l’habitude.
Occasions de rire : nombre de spectateurs déposant leurs commentaires sur Allociné pensent qu’Hitchcock n’est pas un si bon réalisateur que ça (alors qu’Orson Welles, qui connaissait un peu la question, a dit publiquement qu’il était le plus grand réalisateur de l’histoire du cinéma) ; qu’il ne connaît rien au suspense ; que la séquence du guet-apens en avion est mal faite et trop longue ; que celle sur le Mont Rushmore est invraisemblable (mais Hitchcock se fichait de la vraisemblance, et son film est de toute évidence une fantaisie) ; que la toute fin est vulgaire parce que l’image du train entrant dans un tunnel est une métaphore de la pénétration sexuelle ; que la fille ne casse pas des briques ; et que Cary Grant joue le rôle d’un idiot. On devrait interdire aux imbéciles d’aller au cinéma, ou les cantonner aux films de Tarantino, qui sont faits pour eux.
Réalisé par Olivier Vidal et Sébastien Maggiani
Sorti en France (Festival de Montpellier) le 28 octobre 2013
Sorti en France le 30 juillet 2014
L’un des deux réalisateurs, Sébastien Maggiani, n’aurait que dix-huit ans, et n’a fait, avant cela, qu’un court métrage, en 2009, donc à... quatorze ans ! Qui nous préservera de ces apprentis qui n’ont pas appris leur (futur ?) métier ?
Léo a douze ans, il est perturbé, assez agressif, et collectionne les séjours en hôpital psychiatrique ; de temps à autre, il revient au foyer pour jeunes où il a grandi, et qui paraît bien luxueux (sa chambre est immense, et tapissée d’affiches de films dont on peut douter qu’il les a vus). Autre preuve qu’il est perturbé, il se passionne pour... Claude Lelouch, et il a écrit une nouvelle, que son copain Nino, qui a fugué, croit-on (en réalité, non, on le révèle à la fin), apporte à Lelouch lui-même – le cinéaste apparaît à la fin, dans les somptueux locaux de sa maison de production, les Films 13, que j’ai reconnus puisque j’y suis allé.
La vérité est que Nino a feint de fuguer avec l’assentiment des dirigeants du foyer (comprenne qui peut), car il a en fait été rendu à sa mère, à Paris – on ne saura pas le pourquoi de cette étrange combine. Et il envoie à Léo une série de lettres où il raconte ses aventures imaginaires sur les routes de France, et n’avoue la vérité que dans la dernière.
Passons sur les diverses péripéties, qui ne sont que remplissage, et notons que l’affiche du film semble assez ancienne, car les interprètes y sont bien plus âgés que dans le film. Où, par conséquent, tout est faux !
Résumons : conte pour enfants, à la fois naïf et sans aucune crédibilité. Dire qu’on trouve de l’argent pour filmer (mal) ce genre de chose...
Réalisé par Sang-soo Hong
Titre original : U ri Sunhi
Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 10 août 2013
Sorti en France le 9 juillet 2014
Le titre original signifie « Notre Sunhi », ce dernier mot étant le prénom du seul personnage féminin et se prononçant « Sounia ».
De toute évidence, il s’agit de montrer comment trois hommes voient la seule femme de l’histoire. Or ces trois visions, au fond, ne sont pas vraiment différentes, elles ne sont que superficielles, donc l’entreprise apparaît assez vaine. La méthode du réalisateur, qui est un excellent technicien classique, et capable de faire son film en une semaine seulement (ce qui est la seule raison de le voir, mais il est vrai que les scènes ne sont pas compliquées, qu’il n’y a aucune musique sauf une chanson sentimentale entendue trois fois dans un juke-box, aucun décor qui n’existe déjà, et quasiment pas de mouvements d’appareils sauf quelques recradrages et quelques zooms), cette méthode consiste à faire du Rohmer : de longues conversations à deux, voire trois personnages, se déroulent en plans fixes dans des cafés, dans une chambre, dans la rue, dans un parc. Le malheur est qu’elles semblent interminables, et que les personnages, qui boivent beaucoup et se répètent abondamment, ne disent rien de très intéressant, au contraire des personnages de Rohmer, qui analysent avec acuité, précision, et dans un langage impeccable, la profondeur et la richesse de leurs sentiments. Ici, on ne peut s’empêcher, bien que ce soient des intellectuels de cinéma, choix qui témoigne du nombrilisme habituel des gens de ce milieu (un professeur, un réalisateur débutant, un autre réalisateur confirmé, et une étudiante qui veut aller étudier la mise en scène aux États-Unis), de constater qu’ils n’ont pas grand-chose à dire.
Pour ne rien arranger, la traduction des dialogues insère douze fois (douze !) le mot truc : les personnages ont un truc à faire, ils pensent à un truc, etc. La misère intellectuelle des traducteurs, également bien connue, s’étale ici, et on en vient à rêver au cinéma muet, où les dialogues étaient remplacés par quelques cartons affichant quelques mots choisis par le réalisateur, et pas par un sous-fifre illettré.
Réalisé par Jacques Tati
Sorti en France le 16 décembre 1967
Ressorti en France le 16 juillet 2014
Pourquoi Tati a-t-il choisi un titre en anglais, alors qu’il n’avait jamais fait cela ? Parce que son film montre un groupe de touristes, principalement des femmes, venues des États-Unis en visite éclair en Europe, à raison d’un jour par capitale, selon les bonnes habitudes des Yankees. Mais, si elles s’extasient volontiers sur tout ce qu’elles voient chez nous, sont-elles seulement conscientes qu’elles ont exactement les mêmes choses chez elles ?
Comme toujours, Tati raille le modernisme, qui donne volontiers dans l’absurde. Et cela culmine dans cette longue séquence du restaurant, évidemment baptisé d’un nom en anglais, le Royal Garden, qui est inauguré le soir même : comme dans The party de Blake Edwards, cela tourne à la catastrophe, mais joyeuse. Au matin, chacun rentre chez soi, et rien ne changera.
Le film est aujourd’hui reconnu comme un chef-d’œuvre, mais il fut un chef-d’œuvre méconnu, très mal accueilli car incompris, et qui ruina ses producteurs et Tati lui-même. C’est que, au contraire d’une comédie classique, il ne repose ni sur les péripéties ni sur les caractères, mais uniquement sur une série d’observations relevant tous les ridicules du milieu observé et de la modernisation qui se trompe de cible. Alors, bien sûr, le rythme est absent. Et puis, les gags visuels et sonores sont si nombreux qu’il est impossible de les percevoir tous à la première vision. C’est que Tati, loin de nous mettre le nez dessus (jamais de gros plans, uniquement des plans larges, pris par une caméra qui ne bouge guère), nous place face à un spectacle minutieusement composé, et nous laisse faire notre choix !
Le film a connu plusieurs versions, de plus en plus courtes, car les distributeurs exigeaient des coupures chaque fois qu’ils le ressortaient ; de sorte qu’il en vint à durer moins de deux heures, alors qu’il durait à l’origine deux heures et trente-cinq minutes. La version actuelle, restaurée pour le Bluray, avec six pistes sonores, dure deux heures et deux minutes. Son et image sont parfaits.
Réalisé par Amos Gitaï
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 2 septembre 2013
Sorti en France le 16 juillet 2014
Non, aucun personnage ne se prénomme Ana ! Ce mot signifie je ou moi en arabe... Le titre pourrait donc se traduire par « Je suis arabe » ou « Moi, un Arabe ». Mais peu importe. Nous avons donc un cinéaste israélien qui donne à son film un titre en arabe. Fort bien, mais c’est le genre de film dans lequel la technique étouffe le propos, d’ailleurs assez mince (une journaliste israélienne cherche des histoires pour écrire un article, elle a donc choisi de visiter une petite communauté de Jaffa où cohabitent des Juifs et des Arabes vivant en paix, et de se faire raconter leurs histoires de famille, pas très gaies). La technique, puisque la presse ne parle que de ça, c’est le fait que le film a été tourné en un seul plan, à la steadicam, le film étant enregistré en numérique et non sur pellicule, étant donné qu’aucune bobine ne peut contenir plus de dix minutes. Le site Allociné prétend que ce procédé est « inhabituel pour le réalisateur », ce qui est tout à fait faux, puisque son film Alila, en 2003, était composé de quelques plans-séquences, de même que son sketch dans ce film sur le 11 septembre 2001, où il filmait en un seul plan d’onze minutes un incident survenu dans une rue de Manhattan ce jour fatidique ; et que deux plans-séquences constituaient le seul passage intéressant de son Disengagement, en 2008.
Mais il y a eu tellement mieux avec L’arche russe, d’Aleksandr Sokurov, sorti en 2002, et qui évoquait le passé historique de la Russie en un seul plan de 93 minutes, pris dans le Musée de l’Ermitage, à Saint-Petersbourg, avec cette difficulté supplémentaire de mobiliser des centaines d’acteurs et de figurants et des dizaines de salles du musée ! Tout cela est abondamment expliqué dans le bonus présent sur le DVD.
Le cadre est pauvre mais paisible, et les histoires de famille banales mais pas inintéressantes. Néanmoins, le film n’est pas un chef-d’œuvre non plus. À la fin, la caméra prend son envol et montre le panorama de la ville entière, en prenant son temps, avant de filmer... le ciel. On a l’impression d’entendre le réalisateur dire « Vous voyez ce que je sais faire ? ». Depuis quelques années, Amos Gitaï a cessé d’être un grand réalisateur. Il suit le parcours d’Almodóvar ?
Réalisé par Jeremy Saulnier
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2013
Sorti en France le 9 juillet 2014
Je ne sais rien du réalisateur, sinon qu’il n’a fait auparavant, avec le même acteur, qu’un long métrage, un film d’horreur dont le titre, Murder party, disait tout (évidemment primé au surestimé festival de Sundance). Mais comme, dans les deux cas, il a aussi écrit le scénario, je vois bien ce qui ne va pas : il ne sait pas concevoir une histoire compréhensible.
Bref, ce film a eu quelques bonnes critiques, mais il ne les mérite pas, car c’est peu dire qu’on ne saisit pas grand-chose à cette histoire de vengeance, par un assassin amateur, visant une famille dont le père aimait la mère d’une autre famille, etc. J’aimerais simplement citer la présentation que François Truffaut faisait du cinéma d’Hitchcock, en prélude à leur interview : « Beaucoup de cinéastes donnent des informations vagues et plus ou moins lisibles, soit que leurs intentions initiales étaient elles-mêmes vagues, soit qu’elles étaient précises mais ont été mal exécutées. [...] Un exemple : “C’est alors que Balachov, comprenant qu’il s’était fait rouler par Carradine, alla trouver Benson pour lui proposer de contacter Tolmachef et de partager le butin entre eux, etc.”. [...] Pendant cette tirade, vous étiez perdu et indifférent, car si les auteurs d’un tel film savent très bien qui sont Balachov, Carradine, Benson, Tolmachef, et quelles têtes mettre sur ces noms, vous, vous ne le savez pas, [...] en vertu de cette loi essentielle du cinéma : tout ce qui est dit au lieu d’être montré est perdu pour le public ».
Or, dans le présent film, on cite sans cesse des personnages que nous ne voyons jamais. Il s’ensuit que l’intrigue ne produit aucun autre effet que de provoquer l’ennui.
Que la réalisation soit classique, fort bien, mais au service de quoi ?
Réalisé par Sydney Sibilia
Titre original : Smetto quando voglio
Sorti en Italie le 6 février 2014
Sorti en France le 6 août 2014
Pietro, chercheur universitaire de haut niveau spécialisé en chimie moléculaire, est dans la dèche : sa thèse a été refusée parce que le professeur qui doit la cosigner n’a rien compris à son contenu, donc il n’a plus de travail, et les étudiants auxquels il donne des cours privés ne le payent pas, sous les prétextes les plus fallacieux. Mais ses anciens camarades d’études ne sont pas mieux lotis : deux sont pompistes pour un Asiatique qui les fait marcher à la baguette, un est plongeur dans un restaurant, un autre, brillant archéologue, supervise les travaux de terrassement à la voirie de Rome, et tout à l’avenant.
Or une issue existe, car, en Italie, pour qu’une drogue soit illégale, il est nécessaire que le ministère de la Santé l’ait inscrite sur une liste noire. Il suffit donc à Pietro de créer une molécule qui ne soit pas recensée : il en existerait deux cent quarante qui circulent dans le pays ! Avec six de ses copains, il forme ainsi une bande qui se met à fabriquer un nouveau produit inédit, qu’ils écoulent dans les boîtes de nuit, et qui leur rapporte immédiatement de grosses sommes.
Au début tout va bien, mais, en dépit des consignes de prudence qu’il a données, ils se mettent tous à gaspiller leurs gains, et attirent ainsi l’attention. La femme de Pietro comprend très vite, aux cadeaux qu’il lui fait, que son mari est devenu vendeur de drogue, et, pour ne rien arranger, ils font concurrence au gros bonnet local de la drogue, qui exige sous la menace qu’on lui remette un énorme stock de leurs fameux cachets. Or lui aussi est un ancien universitaire, que l’Université de Rome a renvoyé...
Via un truc tordu, ils se tireront de ce mauvais pas, mais... ils finissent tous en prison néanmoins. À vrai dire, la nouvelle situation présente un avantage : Pietro, qui donne des cours à des co-détenus, a enfin un salaire régulier. Encore faut-il éviter la libération conditionnelle, donc se trouver impliqué dans un nouveau délit...
Les trois auteurs du film, dont le réalisateur qui en est à son premier long-métrage, ont visiblement pensé à Breaking bad, célèbre feuilleton télévisé, et ont traité le même sujet sur le mode comique. C’est très réussi.
On apprend ce matin que Robin Williams vient de mourir, à 63 ans, sans doute par suicide. Inévitablement, les radios-télés publient sa biographie, et on remarque que, de tous ses films, on cite les pires, car les plus démagogiques : Will Hunting et Le cercle des poètes disparus.
Alors, remettons les pendules à l’heure : Will Hunting, réalisé par le très surfait Gus Van Sant, ne valait que par l’interprétation de Matt Damon, par ailleurs scénariste ; et Le cercle des poètes disparus était un film putassier, caressant dans le sens du poil un public qui n’a jamais remarqué combien cette histoire était à la fois invraisemblable et fabriquée.
En revanche, nulle part on n’a cité le film le plus dramatique et intéressant interprété par l’acteur, Final cut. Il n’a d’ailleurs rencontré aucun succès. J’en ai parlé ICI, et il existe en DVD.
Réalisé par Richard Ayoade
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 7 septembre 2013
Sorti en France le 13 août 2014
Ce film, le deuxième de son réalisateur, tourné à Londres et adapté d’un roman de Dostoïevsky, semble n’avoir rencontré aucun succès dans les pays où il est sorti, et cela s’explique assez bien, car il relève, non pas du thriller comme le prétendent les sites de cinéma, mais du fantastique, oscillant entre Orwell et Kafka. Il faut avouer qu’on ne comprend pas tout, et qu’aucune explication n’est fournie, ce qui vaut toujours mieux dans un tel cas.
Il inspire de la pitié, ce Simon James, tant il est timide, voire timoré. Ainsi, dans la première scène du film, un quidam lui ordonne de lui céder sa place assise dans le métro, et il obtempère, alors que le compartiment est vide ! Il se révèle plus tard que, dans l’entreprise où il travaille depuis sept ans, personne ne le connaît, pas même le portier qui le voit passer tous les jours. Pour ne rien arranger, sa mère le méprise, et, bien entendu, la fille dont il rêve ne fait pas attention à lui.
Mais un évènement inattendu survient : après avoir assisté au suicide d’un homme qui s’est jeté par la fenêtre de l’immeuble en face de chez lui, Simon voit arriver dans son entreprise, où il fait un travail ennuyeux, un nouveau collègue, qui porte son nom et lui ressemble trait pour trait. Or cet homme se fait très vite des amis, attire les femmes, se montre gentil avec lui mais... pour lui faire faire son travail, auquel l’homme ne connaît rien. Et, peu à peu, la vie de Simon devient un enfer. Sous prétexte de l’aider à séduire la collègue dont il est amoureux, le nouveau va jusqu’à la séduire réellement mais pour son propre compte. Si bien que la fille, enceinte, qui fait une fausse couche et tente de se suicider, n’ayant pas compris qu’elle avait affaire à un imposteur, lance à Simon que c’est lui qui devrait se suicider, et qu’elle ne l’en empêchera pas !
L’épilogue est très obscur, puisque Simon va assister au suicide qu’il avait vu au début, celui de son double. Inutile de dire que le public reste perplexe. Seuls quelques spectateurs pensent comprendre que Simon a rêvé tout cela...
Le film, au scénario très riche, est d’une réalisation plutôt sophistiquée, la musique d’Andrew Hewitt l’est encore davantage, et Jesse Eisenberg, excellent acteur qui ne cultive pas le narcissisme puisqu’il reconnaît ne pas voir les films dans lesquels il a joué, est l’une des raisons pour lesquelles on doit aller voir ce film... avant qu’il soit retiré de l’affiche, ce qui ne saurait tarder tant il est hors normes.
Réalisé par Yossi Aviram
Sorti en Israël (Festival d’Haifa) en septembre 2013
Sorti en France le 13 août 2014
En apparence, c’est l’enquête menée par un policier fatigué (comme TOUS les policiers de cinéma), spécialiste des recherches sur les disparus, à propos d’un homme retrouvé sur une plage près de Bordeaux, qui ne parle pas mais joue très bien aux échecs. En réalité, l’enquête porte plutôt sur le policier, dont on découvre peu à peu le passé.
Le film, qui ne parle pas non plus pour ne rien dire, mais en dit beaucoup en dépit de sa longueur ultra-courte, 86 minutes, est réalisé minutieusement, et très bien joué par les trois acteurs principaux. Au scénariste-réalisateur, qui en est à son premier long-métrage, on ne peut guère reprocher que le petit truc qu’il utilise en nous cachant le nom de l’homme disparu. On ne commence à comprendre que lorsque le policier tape ce nom, qu’il a découvert assez vite, sur le site de recherches de la police des frontières. Je ne vous en dis pas davantage, puisque je raconte le film ailleurs – voir en fin d’article.
La fin, très pudique, suggère que tout va s’arranger entre les deux hommes. Le film est le contraire d’un blockbuster tapageur, et mérite le succès qu’il aura – s’il en a.
Le film est donc raconté ICI.
Réalisé par Julie Lopes Curval
Sorti en France le 13 août 2014
Un film sur les différences de condition sociale qui séparent les amoureux : il semble qu’en France, ce thème hante la moitié des réalisateurs, ou qu’il est à ce point à la mode que le public en réclame sans cesse de nouvelles variantes. Cela dit, c’est réussi ou pas, selon l’auteur qui s’y attelle.
Ici, Alice, âgée de vingt ans, s’intéresse à la broderie et fabrique pour son compte des pulls et des écharpes. Elle rencontre Agnès, une grande bourgeoise, qui semble s’intéresser à sa passion (mais c’est peut-être par politesse et gentillesse), et à qui elle offre une écharpe. Touchée, Agnès lui trouve une bonne école à Paris. Or Agnès a un fils très séduisant, et il arrive ce qui devait arriver. Cet Antoine, intelligent et cultivé, joué par le meilleur acteur du film, Bastien Bouillon, « fait » actuellement H.E.C., mais il est assez avisé pour laisser tomber cette fabrique de têtes d’ampoule, et se lance dans la photographie – pour laquelle il est doué et où il réussira quelques années plus tard –, au grand dam de sa mère et de sa sœur aînée, qu’il envoie proprement balader en les priant de se mêler de ce qui les regarde.
Antoine et Alice s’installent ensemble dans l’appartement parisien du garçon, mais Alice, qui se sent inférieure socialement et culturellement, a, pour ne rien arranger, surpris une conversation entre Agnès et sa fille, qui ne l’épargne pas sur ce plan-là. Elle en vient donc à soupçonner que son petit ami pense de même, et lui fait deux ou trois scènes. Or le garçon était sincère.
Finalement, la rupture survient, et chacun fait sa vie de son côté. Ils se revoient trois ans plus tard, mais c’est trop tard. Elle l’aime toujours, lui est passé à autre chose et vit à Berlin, ils ne se remettront pas ensemble.
Cette histoire montre ainsi deux ascensions parallèles, l’une plus lente et plus ardue que l’autre, mais à l’issue desquelles on vérifie que les parallèles ne se rencontrent jamais. Enfin... rarement. Ce n’est peut-être pas ce que la scénariste-réalisatrice avait en tête, mais c’est ce que le spectateur est tenté de voir. Par chance, on n’a pas cru devoir inclure un drame dans le récit, le désenchantement suffit, et c’est la principale qualité de cette histoire.
Réalisé par Sarah Petit
Sorti en France le 13 août 2014
La réalisatrice et co-scénariste se fait aussi appeler Sarah Leonor, restons simples...
Markov et Hamilton sont devenus amis dans la Légion étrangère, et le premier a sauvé la vie du second, blessé en Afghanistan. Malheureusement, s’il a pu ramener son ami, il a dû abandonner leurs armes sur place, et c’est une faute lourde, dans la Légion (dans les autres corps aussi, où l’on préfère perdre un homme qu’un fusil). Il en est donc renvoyé. Pendant qu’Hamilton reste à l’hôpital pour être soigné et rééduqué, car il désire rester légionnaire, Markov, réfugié tchétchène, retrouve à Paris son fils Khadji, dix ans, qu’il n’a pas vu depuis cinq ans et qui a été recueilli par deux voisines et compatriotes, lesquelles vivent sans papiers d’identité, donc se trouvent en passe d’être expulsées. Markov s’installe avec son fils dans un petit appartement et trouve un travail de portier dans un grand hôtel. Hélas, il est victime d’un accident de la circulation, et c’est Hamilton qui doit s’occuper de l’enfant, désormais seul au monde et qui refuse d’aller dans un foyer.
La fin n’est pas très claire : vont-ils rester ensemble, alors que l’homme doit repartir dans l’armée ?
Le film est d’une bonne tenue, et tient sur les trois premiers quarts. Mais cela se gâte lors de la scène où Hamilton annonce à Khadji que son père a eu un accident : avant même d’avoir appris qu’il était mort, l’enfant s’évanouit !
Et puis, pour les amateurs d’erreurs de réalisation, signalons celle-ci : Hamilton, sur sa moto, se promène dans Paris, et un plan subjectif bien superflu le montre passant derrière la statue de la Liberté. C’est impossible, aucun véhicule ne peut accéder à l’île des Cygnes, seuls les piétons peuvent y descendre par un double escalier. La moto n’apparaît pas, on s’est contenté de faire bouger la caméra en contre-plongée derrière la statue.
Les deux principaux acteurs sont très bons, et on a peine à croire que Jérémie Renier, si mâle dans ce rôle de légionnaire, a pu jouer Claude François dans Cloclo, et le jeune crétin qui vendait son bébé dans L’enfant.
Réalisé par Matt Reeves
Titre original : Dawn of the planet of the apes
Sorti aux États-Unis le 26 juin 2014
Sorti en France le 30 juillet 2014
Bien que les critiques en aient bavé d’admiration, notamment sur France Inter, cette suite est beaucoup moins bonne que la première partie – pour ne rien dire de l’original, la version de 1968, dont on commence à savoir qu’elle était insurpassable. Ici, tout est spectaculaire, mais rien n’est beau. Alors que, dans le précédent film, en 2011, on pouvait au moins retenir quelques plans, dont celui où la présence des singes dans les arbres ne se traduisait que par une chute des feuilles. Bref, cette dernière mouture est un festival de la castagne, qui culmine dans la bagarre entre les deux chefs simiesques, à la fin, dans une tour de San Francisco, où le gentil singe, César, se débarrasse enfin de son ennemi, le méchant singe, Koba, en le laissant littéralement tomber (mais du haut de la tour, en écho à l’exécution d’un autre gentil singe, tué au début par Koba parce qu’il avait refusé de tuer un humain).
En somme, c’est l’équivalent de la guerre entre humains et robots, beaucoup mieux racontée dans le feuilleton suédois télévisé Akta människor (en anglais, Reals humans) diffusé sur Arte. Et je ne cacherai pas que je suis plutôt ennuyé. Le réalisateur avait fait le fameux Cloverfield, pas trop mal réalisé mais conçu d’étrange façon, avec ces prises de vue très longues faites au caméscope, dont on se demandait comment la batterie avait pu durer une nuit entière. Or un épisode du présent film use du même procédé, lorsque le singe César visionne une vidéo filmée sur un vieux caméscope à l’époque où il était bébé. J’exige de connaître la marque de la batterie qui ne s’est pas déchargée après plusieurs années !
(À rapprocher de la cassette VHS où était enregistré Hello Dolly!, dans Wall-E, et qui était impeccable après... six cents ans)
Deux sottises à relever. D’une part, on a cru devoir sous-titrer les gestes des singes. Ensuite, dans la fiche du film, on indique que deux langues ont été utilisées : l’anglais et le « langage par signe des singes ». Qui n’a jamais existé !
Réalisé par Patrick Hughes
Sorti au Royaume-Uni le 4 août 2014
Sorti en France le 20 août 2014
Le film, pas déshonorant mais pas un chef-d’œuvre non plus, a été traité ICI.
Réalisé par Preston Sturges
Titre original : The miracle of Morgan’s Creek
Sorti aux États-Unis le 19 janvier 1944
Sorti en France le 28 mai 1947
Ressorti en France le 13 août 2014
Une comédie délirante, où tout repose sur des dialogues extrêmement abondants et frisant l’absurde. Dans une petite ville où l’on arrose le départ des soldats pour l’Europe en guerre, la fille d’un policier, Trudy se réveille au petit matin, enceinte et mariée. Le hic : elle ne se souvient plus avec qui elle s’est mariée !
Au terme d’une cascade de péripéties absurdes et inracontables, le gentil caissier prénommé Norval, qui est amoureux d’elle, est déclaré mari, promu colonel avec une solde rétroactive d’un an, et père de... six garçons. Et comme cela fournira – après un certain délai, toutefois – de nouveaux soldats pour les États-Unis, Mussolini démissionne séance tenante, Hitler réclame qu’on recompte les bébés, et le Canada proteste, car y étaient nés des quintuplés seulement.
Curiosités : Akim Tamiroff, l’un des acteurs préférés d’Orson Welles, joue un petit rôle, ainsi que Brian Donlevy. Le personnage de Trudy est interprété par Betty Hutton, qui fut plus tard la trapéziste dans le grand succès de Cecil B. DeMille The greatest show on Earth (en français, Sous le plus grand chapiteau du monde), où, semble-t-il, elle n’était pas doublée.
Réalisé par Steven Quale
Titre original : Into the storm
Sorti au Canada (Fantasia International Film Festival) le 28 juillet 2014
Sorti en France le 13 août 2014
Le titre original, « Vers la tempête », n’était pas assez clair, il a fallu noircir un peu cet incident climatique ? En tout cas, le réalisateur, avec son nom et l’initiale de son prénom, devrait faire un film sur les requins, il est doué !
Pourquoi gémir comme ces critiques ou ces spectateurs déçus, du fait que le scénario tienne sur un ticket de métro et finisse de façon sentimentale ? On sait d’avance ce qu’on va voir, et on est comblé, car on n’a jamais vu de film aussi spectaculaire – laissant loin derrière le Twister de 1996. Pas une seule seconde d’ennui, et les trucages sont parfaits. Certes, on peut objecter que les indications pseudo-scientifiques qui sont données pour expliquer ceci ou cela ne tiennent pas, mais qu’importe, le spectateur n’est pas venu assister à un cours. On pense beaucoup à Destination finale 5, aussi spectaculaire, et qui était dû au même réalisateur.
Je ne sais si beaucoup de salles à Paris projettent Playtime dans une version digne de ce film, mais je l’ai revu à l’UGC des Halles, et c’est à peine supportable. L’image n’a pas une définition très fameuse, pour une prise de vue en pellicule 70 millimètres. Quant au son, il est à peine en stéréo, au lieu d’être diffusé sur les six pistes que Tati s’était évertué à fabriquer durant des mois. Si bien que tous les effets comiques de cette très haute fidélité sont perdus. Il aurait fallu ressortir le film au Max-Linder, qui est, je crois, la seule salle ayant conservé une installation sonore de haute qualité, voisine du THX (lequel semble avoir partout disparu).
À ce compte, mieux revoir le film chez soi, sur un Bluray, avec une chaîne stéréo permettant un véritable environnement sonore.
Richard Attenborough est mort hier, alors qu’il aurait eu 91 ans cinq jours plus tard. Sans surprise, les médias ne citent de cet acteur que des rôles mineurs au cinéma (La grande évasion, ou encore, comme Internet Movie Database, Jurassic Park – mais pas sa suite, Le monde perdu), ou sa mise en scène de Gandhi, qui n’était PAS un grand film, alors que son meilleur film était Chorus line. Néanmoins, on oublie qu’il a débuté au théâtre, et je suis bien certain que The mousetrap, d’Agatha Christie, il l’a créée à Londres en... 1952.
Elle se joue toujours, et il y tenait le rôle principal, celui du fou assassin, qui se faisait passer pour un policier et y tuait deux personnes avant de tenter d’en assassiner une troisième. La pièce n’est pas extraordinaire, et c’est un des mystères de la notoriété, que son succès reste aussi constant.
Réalisé par Vivian Qu
Titre original : Shuiyin jie
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 4 septembre 2013
Sorti en France le 13 août 2014
Qiuming Li (le prénom se prononce « chiou-mi-ine », Li est son nom de famille) est un jeune stagiaire dans une entreprise de topographie chargée de mettre à jour les plans d’une grande ville qui change sans cesse. Un soir de pluie, il rend service à une jeune femme et la raccompagne chez elle avec la voiture de son entreprise, mais elle y oublie un petit étui contenant deux clés USB. Comme son nom et son numéro de téléphone sont inscrits à l’intérieur, il téléphone à ce numéro pour le lui rendre, mais un homme vient au rendez-vous, se disant l’employeur de la fille. Qiuming, innocent, lui remet l’objet, et laisse l’homme prendre ses propres coordonnées. C’est le début des ennuis, car, en fait, le garçon a découvert que la rue où la fille s’est rendue... n’existe ni sur le plan de la ville, ni sur les GPS ; et un certain Labo 203, dont on ne saura jamais les activités, y a son siège.
Sa mésaventure (il est arrêté, détenu, empêché de manger et de s’asseoir, sommé d’avouer qu’il a lu les clés USB, donc volé des secrets d’État) devient kafkaïenne, alors que, non seulement il n’a rien à se reprocher, mais il ignore tout du passé récent de la Chine communiste, comme la plupart de ses jeunes compatriotes.
Ce début est assez séduisant pour servir de point de départ à une histoire d’espionnage classique, mais il faut convenir que, par la suite, la scénariste-réalisatrice s’emberlificote dans un scénario de moins en moins compréhensible. Témoin la séquence de fin : le garçon retrouve la fille à l’issue d’une trop longue scène d’auto-tamponneuses où il s’est rendu seul, ce qui est absurde, ils vont ensemble à l’hôtel, et il se met à fouiller la chambre et la salle de bains pour y trouver des micros ou des caméras. Et le film s’arrête brusquement là. Message de l’auteur : les persécutions communistes entraînent une psychose chez les simples citoyens. Merci, on s’en doutait.
Il semble que les rues pièges comme celle du film existent, mais en sens inverse : les cartographes les dessinent sur leurs plans alors qu’elles n’ont aucune réalité, afin qu’elles servent de copyright à leur travail, un peu comme les watermarks pour les photos. Le film est bien fait, mais, en dépit d’une atmosphère un peu pesante, il ne passionne pas.
Réalisé par Joseph Losey
Sorti en Italie (Festival de Venise) en septembre 1963
Sorti en France le 10 avril 1964
Ressorti en France le 20 août 2014
Soyons clairs : si je classe ce film parmi ceux à voir, c’est surtout à titre de curiosité, car il représente ce que le cinéma intellectuel pouvait produire il y a cinquante ans. Mais je n’ai jamais considéré Joseph Losey comme un grand réalisateur, et s’il jouit d’une réputation flatteuse, c’est sans doute parce qu’après ses ennuis auprès de la Commission McCarthy, ce communiste notoire a dû quitter son pays, les États-Unis, et faire le reste de sa carrière en Europe, principalement en Grande-Bretagne. Persécuté, donc génial ?
La première moitié du film est assez crédible et réalisée à la perfection par un excellent technicien, qualité que je ne lui conteste pas, car ce sont ses scénarios que je remets en cause : Tony est un jeune homme riche, beau, plutôt gentil, entreprenant, fiancé à Susan, une fille de sa classe sociale et qui est très consciente de sa supériorité. Mais, lorsqu’il engage un valet-cuisinier dévoué et travailleur, Barrett, qui se rend vite indispensable, Susan prend immédiatement ce dernier en grippe et fait tout pour l’humilier. Plus tard, Barrett fait valoir à son patron qu’une femme de chambre est nécessaire, et propose sa sœur Vera, qui se révèle assez délurée. Si bien que celle-ci finit par séduire le patron. Mais, à ce stade, une scène très bien réalisée, là encore, et sans le moindre dialogue, révèle au spectateur que Vera n’est pas la sœur, mais la maîtresse de Barrett, et que celui-ci est au courant de sa liaison avec Tony, l’approuve, et l’a même provoquée. Mais Barrett et sa fausse sœur se font surprendre par Tony et Susan, et sont immédiatement congédiés. Et Susan rompt avec Tony, puisque Vera a révélé en sa présence sa liaison avec Tony. Jusqu’ici, l’histoire est contée avec subtilité et vraisemblance.
Ensuite, tout se gâte.
D’abord, Barett rencontre Tony dans un bar et le supplie de le reprendre : il a un travail impossible et qui l’épuise. Tony se laisse apitoyer et le réengage. Là, brusque ellipse, et la suite montre que, désormais, le maître et son domestique vivent ensemble, sur un pied d’égalité, que Barrett refuse de travailler si Tony ne l’aide pas. Tantôt ils jouent ensemble et tantôt se disputent ou se battent, ils boivent beaucoup, et tout à l’avenant. Puis Vera revient et réclame à Tony de l’argent en se prétendant malade, mais Tony la met à la porte. La dernière séquence montre les deux hommes ayant organisé une fête dans la maison à présent mal tenue, Susan survient, et Barrett l’embrasse de force. Il est suggéré ensuite que tout va continuer sur le même mode.
Bref, la subtilité du début a fait place à la grossièreté, et l’on n’y croit plus. La faute en revient-elle au roman de Robin Maugham dont le scénario est issu, ou au scénario d’Harold Pinter, plus subtil d’ordinaire ? Je n’en sais rien.
Quant au succès du film auprès de la critique, risquons une hypothèse : il flotte sur cette histoire un vague parfum d’homosexualité, mais uniquement suggérée par trois photos d’athlètes en tenue légère que fugitivement on aperçoit punaisées sur le mur d’une chambre, et par cette déclaration abracadabrante de Losey : « Pour moi, [Tony] est l’innocence, et c’est pour cela qu’il est un homosexuel fondamental. Tout homme doit vaincre une partie de lui-même pour aller vers la femme ». Cette forte pensée a évidemment impressionné les gogos. Mais, dans le film, les deux hommes se comportent bel et bien en hétérosexuels. Il est vrai que les critiques apportent souvent aux films ce qu’ils espèrent y trouver !
Les sous-titres n’arrangent rien. Manifestement réécrits de nos jours puisqu’on y trouve le verbe démarrer employé transitivement (une faute qu’on n’aurait jamais commise en 1963 !), ils sont également émaillés de fautes de grammaire, principalement d’accords. Quant à la traduction, elle prend beaucoup de libertés avec le dialogue original. Ainsi, lorsque Susan, sarcastique, traite Tony de bachelor (mot qui signifie célibataire), le sous-titre traduit par « Égoïste ! ». Ah bon, les deux mots ont le même sens ?
Mais qu’est-ce qui autorise les subalternes que sont les traducteurs à modifier les dialogues selon leur fantaisie ?
Réalisé par Thomas Cailley
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2014
Sorti en France le 20 août 2014
Arnaud est un gentil garçon, paisible et normal, qui s’efforce de faire vivre, avec son frère aîné Manuel, l’entreprise de constructions (en bois) que leur père leur a léguée. Mais il est conscient que l’avenir s’annonce sombre, et, cherchant un meilleur débouché, opte pour un stage dans l’armée, où l’on enseigne les techniques de survie. Il y retrouve Madeleine, une fille plutôt rude, agressive, et qui... lui a déjà cassé la figure au cours d’une joute. Mais Madeleine est obsédée par la survie à la dure, car elle croit que la vie sur Terre n’en a plus que pour dix ans ; ensuite, tout sera fini !
Le stage dans l’armée se passe mal, la fille est mal vue parce qu’elle s’oppose sans cesse à la hiérarchie, alors qu’Arnaud est rapidement promu chef de section. Mais ils finissent par quitter le stage tous les deux, sans avertir personne, pour aller vivre dans les bois, et le scénario faiblit visiblement un peu à partir de là. C’est alors qu’un incendie de forêt suivi d’une pluie de cendres envoient Arnaud à l’hôpal. Il s’en tire, mais on ignore ce que sera leur avenir.
L’histoire d’amour, qu’on voit venir une heure à l’avance, reste très discrète et ne va pas loin.
Ce premier film est assez bien conçu et réalisé, mais le réalisateur, qui a pourtant fait lui aussi un stage dans l’armée, s’est mal renseigné : lorsque le lieutenant jette une grenade (factice, car désamorcée) au milieu d’un groupe de jeunes, et leur dit que si c’était une vraie, tout le monde serait mort, c’est complètement faux. Il a utilisé une grenade offensive, qui n’aurait pu causer que des blessures légères – sauf si on est touché par le bouchon central. C’est la grenade défensive qui aurait ratiboisé tout le monde, et dans un rayon beaucoup plus grand !
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.