Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Chemin de croix – Kreuzweg – Heimat – Gone girl – Seven – Fight club – The game – Panic room – Felicidad – El misterio de la felicidad – Vie sauvage – L’avion – Roberto Succo – The November man – Salt – White bird – White bird in a blizzard – Mysterious skin – La mauvaise éducation – Duellistes – Les dix commandements (1956) – Breaking bad – Exodus 2014 – Exodus (1960) – Le temps de quelques jours – Fury – Full metal jacket – Catch 22 – La peau – The big red one – Qui vive – Hippocrate – Marie Heurtin – Miracle en Alabama – L’enfant sauvage – Angels in America – Respire – Love is strange – À la recherche de Vivian Maier – Finding Vivian Maier – Baiser de l’Hôtel de Ville – Vivian Maier: Who took Nanny’s pictures? – Les opportunistes – Il capitale umano – Human capital – La prochaine fois je viserai le cœur – Interstellar – Gravity – Inception – 2001: A space odyssey – Memento – The dark knight
Personnes citées : Dietrich Brüggemann – David Fincher – Daniel Burman – Cédric Kahn – Frédéric Chopin – Roger Donaldson – Pierce Brosnan – Gregg Araki – Pedro Almodóvar – Eva Green – Ridley Scott – Cecil B. DeMille – Christian Bale – Aaron Paul – Sigourney Weaver – Ben Kingsley – John Turturro – María Valverde – Yvonne de Carlo – Hiam Abbass – Golshifteh Farahani – Asghar Farhadi – John Fulton – Nicolas Gayraud – David Ayer – Brad Pitt – Logan Lerman – Mike Nichols – Liliana Cavanni – Samuel Fuller – Marianne Tardieu – Alfred Hitchcock – Reda Kateb – Nicholas Ray – Jean Renoir – Pier Paolo Pasolini – Jean-Pierre Améris – Arthur Penn – François Truffaut – Marie Heurtin – Mike Nichols – Tony Kushner – Meryl Streep – Emma Thomson – Al Pacino – Ira Sachs – Frédéric Chopin – Charlie Siskel – John Maloof – Robert Doisneau – Vivian Maier – Henri-Cartier Bresson – Salvador Dalí – Paolo Virzì – Stephen Amidon – Cédric Anger – Christopher Nolan – Jonathan Nolan – Alfonso Cuarón – Kip Thorne – Steven Spielberg – Michael Caine – Anne Hathaway –Matt Damon – Casey Affleck – Stanley Kubrick – Marion Cotillard – Matthew McConaughey
Réalisé par Dietrich Brüggemann
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 9 février 2014
Sorti en France le 29 octobre 2014
Décidément, les meilleurs films nous sont venus d’Allemagne, cette année. Après Heimat, voici Chemin de croix, pas très bien distribué (seulement neuf salles à Paris, 81 dans toute la France). La forme, sur le schéma du chemin de croix chrétien – quatorze plans-séquences, pris par une caméra immobile, sauf dans les épisodes 9 (la cérémonie de confirmation), 12 (la mort de Maria) et 14 (l’enterrement, également muet) – correspond au fond, très austère : les ravages causés par le fondamentalisme catholique au sein d’une famille, et tout particulièrement sur la jeune fille de la maison, qui n’a que quatorze ans, et veut « mourir pour Dieu », ne demandant en échange que la guérison de son petit frère de quatre ans, qui est muet.
Il faut dire qu’entre sa mère, qui la rabroue et la culpabilise sans cesse, et le curé, obsédé par les méfaits de Satan, tout se conjugue pour lui bourrer le crâne. Elle n’a, pour lui témoigner un peu de sympathie, que la seule jeune fille au pair française, Bernadette, et un gentil camarade de classe, Christian, presque aussi pieux, mais... qui est protestant ! Elle le rembarre, bien sûr, et tombe dans l’anorexie, qui finit par la tuer.
La presse a beaucoup glosé, voire ricané, sur cette contradiction : le film ne ménage pas l’influence de la religion, mais il se conclut sur un « miracle », puisque, au moment où Maria meurt (après avoir pris une hostie !), le petit frère, apparemment guéri, prononce ses premiers mots. Mais on n’est pas obligé de mêler l’idéologie à la critique de cinéma, comme le font presque tous les critiques de profession.
Réalisé par David Fincher
Sorti aux États-Unis le 26 septembre 2014
Sorti en France le 8 octobre 2014
David Fincher passe pour un très bon réalisateur de films, pour avoir tourné Seven et Fight club, mais on oublie les terribles navets qu’ont été The game et Panic room. La vérité est qu’une réalisation correcte, voire ingénieuse (comprenez : tape-à-l’œil) ne peut compenser un scénario raté, et c’est le cas ici, avec ce thème archi-rebattu de la femme perverse, que son mari a trompée, et qui se venge en faisant d’abord croire qu’il l’a assassinée, puis, une fois cette énigme dissipée, en s’imposant à lui quand il ne désirerait que filer le parfait amour avec une autre.
Étirée au-delà du raisonnable et mal jouée, cette histoire, déjà cent fois racontée – en beaucoup mieux – est bourrée d’épisodes superflus, comme le retournement d’opinion du public en faveur du suspect, monté de toutes pièces par un avocat retors, ou cet assassinat d’un ancien amant de la femme par celle-ci, désireuse de faire croire qu’elle a été violée, afin de passer pour une victime. Mais le plus comique est dans ces débats entre critiques sur le thème Moi-j’avais-tout-compris-dès-le-début, opposé au Moi-j’avais-marché, d’autant plus absurde qu’il n’y a aucun mystère : dès le milieu du film, le spectateur sait que la fille n’est pas morte, puisqu’on voit la pseudo-disparue vivre sa vie de son côté et préparer l’assassinat d’un malheureux pigeon !
Réalisé par Daniel Burman
Titre original : El misterio de la felicidad
Sorti en Argentine le 16 janvier 2014
Sorti en France le 29 octobre 2014
Le titre original signifie « Le mystère du bonheur », mais il s’agit d’une pirouette. En Argentine, Santiago et Eugenio sont amis depuis toujours et tiennent en commun un magasin d’électroménager. Travail et loisirs, ils font tout ensemble, et connaissent tout l’un de l’autre. Mais voilà qu’Eugenio disparaît. Mort ? Non, simplement disparu, ce qui est un peu fort de café, sachant qu’il n’a pris aucune disposition légale quant à ses parts dans leur commerce. Santiago se rapproche de l’épouse ainsi abandonnée, et, bien que tous deux ne peuvent pas se sentir, ils font chacun une partie du chemin l’un vers l’autre. Si bien qu’au cours d’un voyage qu’ils effectuent ensemble au Brésil, à la recherche des souvenirs de jeunesse des deux hommes, ils retrouvent Eugenio, en maillot de bain sur une plage, et qui a rejoint la fille dont ils ont jadis été amoureux ensemble, mais qu’ils ont quittée afin de ne pas se brouiller entre eux. Les deux hommes se saluent de loin et ne se parlent pas, puis Santiago part avec la femme d’Eugenio.
Cette fable en forme de comédie sentimentale serait meilleure si elle n’était pas autant alourdie par de la musique un peu sirupeuse, et par une scène de conversation entre Santiago et un autre homme dans un restaurant, où le passé des deux amis est partiellement et longuement raconté. Il eut mieux valu filmer un flash-back et dire tout en quelques plans muets.
Réalisé par Cédric Kahn
Sorti en Espagne (Festival de San Sebastian) le 26 septembre 2014
Sorti en France le 29 octobre 2014
Adaptation d’un livre écrit par un père, hippie attardé, et ses deux fils, tous deux affublés de prénoms bizarres par lui et sa compagne – séparés au bout de quelques années car elle était lasse de la vie rustique imposée par son homme. Hélas, un juge a décidé, comme de coutume, de confier la garde des enfants à la mère, et le père, qui n’a qu’un droit de visite, enlève les deux qui sont de lui et qui ont sept et huit ans. Il va se réfugier dans la nature et les garder dix ans. Malheureusement pour lui, la même nature reprend ses droits, les deux garçons grandissent et finissent par aspirer à autre chose qu’une vie sauvage sous la coupe d’un père de plus en plus intransigeant. L’aîné, qui atteint ses dix-huit ans et qui est en conflit perpétuel avec son géniteur, va donner son adresse à la police, qui l’arrête et fait venir la mère.
Mais la perspective de voir leur père condamné à cinq ans de prison pour non présentation d’enfants incite les deux garçons à exiger que leur mère retire sa plainte. Après avoir beaucoup protesté, elle finit par accepter.
Dans la réalité, le père a tout de même été condamné en 2009 à deux ans de prison, mais... avec vingt-deux mois de sursis. Après tout, ses intentions n’étaient pas si mauvaises, et il avait été victime d’une loi idiote qui privilégie les mères sans tenir compte du désir des enfants.
Le film n’a pas la mièvrerie que certains lui reprochent, et les quatre garçons ne jouent pas mal du tout. Je n’avais vu, de Cedric Kahn, que L’avion et Roberto Succo, et celui-ci est plutôt bon. Original, en tout cas, ce qui est rare dans le cinéma français.
NB : dans les critiques de spectateurs, l’un d’eux a jugé que la musique du film était sirupeuse. Encore un grand intellectuel ! La musique qui accompagne le film est un Concerto de Frédéric Chopin. Sirupeux, Chopin ? On ne l’avait jamais faite, celle-là...
Réalisé par Roger Donaldson
Sorti au Canada, en Allemagne et aux États-Unis le 27 août 2014
Sorti en France le 29 octobre 2014
Film bien fait mais très traditionnel, avec beaucoup de bagarres, d’explosions, de collisions de voitures et, bien entendu, de coups de feu. Produit et joué par Pierce Brosnan qui joue un agent retraité de CIA, il raconte que le candidat à la présidence de la Russie a, naguère et pour mettre la main sur le pétrole de la Tchétchénie, provoqué une guerre entre ce petit pays et la Russie, en faisant sauter une maison où se trouvaient des Russes. Cela rappelle assez ce film idiot, Salt, où les services secrets russes montaient un attentat contre leur propre président, en visite à New York, afin de provoquer une vague de haine mondiale contre les États-Unis. Comme si c’était possible, de haïr les États-Unis !...
Cette histoire est agrémentée, si l’on peut dire, par la rancune que Devereaux, le personnage de Brosnan, a suscitée jadis chez un candidat au recrutement à la CIA qu’il a recalé ; désormais, celui-ci lui en veut et tente de le tuer. Mais, rassurez-vous, ils se réconcilient à la fin.
Tout cela vient d’une vieille série de romans d’espionnage, que je suis au désespoir de ne pas avoir lue. Mais enfin, ce vieux routier qu’est Roger Donaldson connaît son métier, même s’il lui est arrivé de faire mieux, et on ne s’ennuie pas. Une suite est prévue.
Réalisé par Gregg Araki
Titre original : White bird in a blizzard
Sorti aux tats-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2014
Sorti en France le 15 octobre 2014
Araki, qui a dix ans de moins qu’Almodóvar, a suivi à peu près le même parcours : débuts avec des films inventifs et foutraques, suivis par une chute dans l’embourgeoisement dès que la notoriété est arrivée. Aujourd’hui, l’un et l’autre filment sagement des sujets plus ou moins audacieux (pas toujours). Chez Araki, le tournant se place après 2004 et son Mysterious skin, où il traitait de façon non conformiste une histoire de pédophilie – sujet qu’Almodóvar avait effleuré mais complètement raté dans La mauvaise éducation.
Le sujet tient sur une feuille de papier à cigarettes : Katrina, 17 ans mais plus vierge (son petit ami est un jeune idiot, Phil, « le garçon d’à côté », fils d’une mère aveugle dont la cécité ne joue aucun rôle dans l’histoire), constate que sa mère Eve méprise son père Brock, lequel n’a de succès qu’en dehors de chez lui. Mais la mère disparaît. Est-elle partie ? Non, car elle n’a rien emporté avec elle. Deux ans passent, le père se trouve une autre compagne, tandis que Phil et le policier qui enquête sur la disparition pensent que Brock a tué sa femme, mais il n’existe aucune preuve. Puis, un jour que Brock s’est enivré, il avoue avoir tué Eve, est arrêté, révèle où il a caché le corps, puis se pend dans sa cellule. Le motif de l’assassinat ne sera pas révélé aux personnages, mais il le sera aux spectateurs, montrant Eve qui a surpris son mari au lit avec Phil. Le petit ami du père et de la fille ayant pris la fuite, elle se moque longuement de Brock, qui, pour l’obliger à se taire, l’étrangle. Fin du film.
Techniquement, le récit est encombré par des rêves sans le moindre intérêt (d’où le titre), et fait la part belle à Eva Green, qui incarne fort bien la mère sans en avoir l’âge. L’actrice qui joue la fille, en revanche, ne présente absolument aucun intérêt, non plus que les autres acteurs.
C’est vrai, même si personne n’ose le dire : Ridley Scott n’a mis en scène que des navets, à l’exception de son premier film, Duellistes, en 1977, après douze ans de carrière à la télévision. Et le prochain est un remake du chef d’œuvre de Cecil B. DeMille Les dix commandements, version de 1956. Cette fois, Scott a employé les grands moyens et engagé des vedettes rentables : Christian Bale pour jouer Moïse ; Aaron Paul (co-vedette de Breaking bad) pour incarner Josué ; Sigourney Weaver pour être Tuya (je ne sais pas qui est ce personnage) ; Ben Kingsley pour jouer Nun (même remarque) ; John Turturro pour jouer le pharaon Seti, père de Ramsès ; María Valverde, qui ne fera pas oublier Yvonne de Carlo, pour le rôle de Séphora, la femme de Moïse ; Hiam Abbass pour jouer Bithia, sœur de Séti et mère adoptive de Moïse ; et Golshifteh Farahani, célèbre interprète d’Asghar Farhadi, pour le rôle de Néfertari. Rien que du beau linge. Le film, qui dure 142 minutes, s’appellera Exodus (rien à voir avec le célèbre film de 1960, dû à Otto Preminger, sur le bateau du même nom qui avait servi à transporter les immigrants juifs de Chypre vers Israel), il sortira en Corée du Sud le 3 décembre prochain, et en France le 24 décembre. Curieusement, il n’est encore prévu aucune sortie, ni aux États-Unis, ni en Angleterre !
Naturellement, à en croire la bande annonce qui passe en ce moment sur les écrans, il y aura surtout un déluge de trucages numériques, et le passage de la Mer Rouge ne manquera pas d’être crédible – alors que cet épisode n’a jamais eu lieu, mais c’est un détail, puisque toute l’histoire de l’esclavage des Hébreux en Égypte est fortement mise en doute par les historiens.
Les effets spéciaux (maquillage, maquettes, armes, etc.) ont nécessité les services de quarante-deux spécialistes, et les trucages numériques (effets visuels), 481 techniciens !
Cette fabrication d’un remake inutile reste un mystère, pour moi. Les bricolages de John Fulton pour le film de DeMille sont infiniment poétiques, et restent en mémoire depuis 1956, puisque le film repasse parfois sur les écrans, et qu’il en existe de multiples versions en vidéo : VHS, puis DVD, puis Bluray, et ce n’est sans doute pas fini. Le film de Ridley Scott tiendra deux mois au maximum sur les écrans, puis disparaîtra pour toujours, comme c’est le sort pour la presque totalité des blockbusters, autrement dit, les films popcorn, sitôt vus, sitôt oubliés !
Réalisé par Nicolas Gayraud
Sorti en France le 1er octobre 2014
De films sur la religion, on a eu un, magnifique, ce mois de novembre, avec Chemin de croix. Mais ici, on tombe de très haut.
Les critiques favorables qui ont accueilli ce film semblaient viser plutôt le projet que le résultat. En un mot, jamais l’Abbaye de Bonneval, dans l’Aveyron, n’avait reçu la visite d’un cinéaste. C’est que l’ordre cistercien « de la Stricte Observance » (sic) n’est pas très ouvert, sauf aux hôtes payants, puisque le lieu a tout de même trente chambres louées aux touristes de passage ! Hormis cette activité, les religieuses vendent le chocolat qu’elles font fabriquer par un chocolatier professionnel travaillant sur place. Qui sera l’un des rares personnages du lieu, avec une petite demi-douzaine de religieuses, à paraître devant la caméra. Mais cet homme, qui avoue n’être pas religieux, avoir une famille et rentrer chez lui le soir, on ne le verra pas au travail, et on n’apercevra ce qu’il produit que de loin. Quant aux propos qu’il développe longuement, ils sont un peu fumeux et ne nous apprennent rien sur celles qui l’emploient.
Les religieuses ? Parlons-en. Comme ces trappistes appartiennent à un ordre contemplatif, on se doute bien qu’elles doivent beaucoup prier et assister à des offices religieux, mais... on ne verra non plus aucune de ces activités, et jamais les noms de Dieu ou de Jésus n’est entendu dans les quelques entretiens qu’elles consentent à la caméra. De leurs occupations journalières, on ne saura pas davantage, et c’est par la bande, d’après une vue d’une ancienne horloge réglant leur emploi du temps, qu’on apprendra qu’elles se lèvent à quatre heures et demie du matin et se couchent à huit heures du soir.
La supérieure du couvent, qui a donné son accord au cinéaste pour qu’il puisse filmer dans son abbaye et y interviewer les religieuses qui accepteront de parler, est l’une des rares qui communique – puisque c’était le but recherché des deux côtés –, et qui se montre assez prolixe, mais ce qu’elle dit est du niveau de La philosophie pour les nuls : ce qui compte, nous révèle-t-elle, c’est ce qu’il y a à l’intérieur de l’être humain... Restent les interviews de deux religieuses, plutôt jeunes et vives, surtout la première, qui a 31 ans, était ingénieur dans le civil (elle fabriquait des smartphones et des webcams), et qui a décidé d’entrer au couvent après un séjour d’initiation. Choc pour sa famille et ses amis, qui n’ont pas compris mais se sont fait une religion, si j’ose dire. Elle remarque néanmoins qu’elle « a envie de tout », les beaux vêtements, la bonne nourriture, les distractions... Rien sur les garçons, mais on devine. C’est la seule séquence qui justifie – un peu – de voir ce film, pourtant raté, car il ne nous apprend rigoureusement rien.
Le cinéaste, qui fait là son premier film (c’est une commande du département où il est né), n’est pas très adroit. Ses images en caméra portée sont tremblotantes, montrent obstinément une machine dont on ne dira jamais à quoi elle sert, et il s’offre sans raison un très long plan fixe et entièrement flou... d’un couloir vide. Le dernier plan est imité d’un film de Raymond Depardon : un interminable travelling arrière pris depuis sa voiture quittant le couvent. Séduit par cette référence, Depardon a beaucoup aimé le film, nous dit-on.
Réalisé par David Ayer
Sorti en Jamaïque le 15 octobre 2014
Sorti en France le 22 octobre 2014
C’est l’histoire de quatre soldats aguerris, sous l’uniforme des États-Unis, qui, ayant participé à toute la Seconde guerre mondiale, sont en train de la terminer en Allemagne même, à bord de leur tank surnommé Fury (on insiste un peu trop sur la mention de ce nom, peint sur le canon qui pointe de la tourelle). Leur chef, le sergent Don Collier (c’est Brad Pitt, également producteur), est surnommé Wardaddy ; Boyd Swan est appelé Bible, pour une raison qu’on devine ; Trini Garcia est surnommé Gordo (le Gros, en espagnol) ; et Grady Travis a hérité du surnom de Coon-Ass (Cul de raton-laveur), on ne sait trop pourquoi. Mais voilà qu’ils héritent d’un compagnon supplémentaire, Noman Ellison, incorporé depuis seulement huit semaines et qui était simple dactylo (joué par Logan Lerman, épatant dans le rôle du bleu refusant de tuer, comme Joker dans Full metal jacket, mais qui, comme lui, va y prendre goût, contraint et forcé par le sergent, lequel lui a déclaré d’emblée « Ne t’attache à personne »). Et, en effet, ce garçon, qui va incarner au profit du spectateur le rôle de témoin, après avoir été accepté, non sans quelques lourdes plaisanteries, par ses camarades vétérans, sera le seul survivant.
Ce film, probablement l’un des meilleurs sur le thème de la guerre, très bien réalisé si on passe sur la musique, excellente mais trop copieuse (certaines scènes de violence n’en auraient nul besoin), est extrêmement brutal, sans néanmoins jamais tomber dans le gore comme Mike Nichols dans Catch 22 ou Liliana Cavanni dans La peau. Il ne joue pas du violon, ne recèle aucune trace de patriotisme balourd, et on ne s’y attendrit jamais, ce qui, tout proportions gardées, le met presque à la hauteur de Full metal jacket déjà cité ou de The big red one, de Samuel Fuller.
Réalisé par Marianne Tardieu
Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2014
Sorti en France le 12 novembre 2014
Pour reprendre le mot d’Hitchcock, c’est davantage une tranche de vie qu’une tranche de gâteau...
Reda Kateb, qui était médecin dans Hippocrate, n’a pas faire ici ses études de médecine : Chérif n’a pas assez d’argent et n’est sans doute pas assez doué. Il s’y reprend à quatre fois pour être accepté dans un cours destiné aux futurs infirmiers. En attendant, il gagne sa vie comme vigile dans un supermarché, où il est pris comme tête de Turc par les petits voyous du quartier. Il demande de l’aide à un copain qui magouille dans des combines louches, et ce dernier accepte, mais au prix d’un renvoi d’ascenseur : que Chérif lui donne des tuyaux sur de prochaines livraisons de marchandises, ce qui va permettre de piller un camion. Cela se passe mal, un des garçons qui le brimaient est tué, et Chérif est interrogé par la police, puis obligé de participer à une reconstitution. Et là, le film... s’arrête sans qu’on daigne nous raconter la suite !
La réalisatrice et co-scénariste, qui a débuté à la caméra et à la photographie, est une novice dans la mise en scène, et cela se voit, car elle se sait pas où elle va. Naturellement, dans sa présentation du film, et comme tous le font dans la profession, elle se fait mousser en donnant une foule de références l’ayant prétendument inspirée : Nicholas Ray, Renoir, Pasolini. Mieux vaut en rire. Seul l’interprète principal, vedette pour la première fois et qui est de toutes les scènes, vaut qu’on se dérange pour voir le film, avant qu’il soit retiré de l’affiche, sans doute très vite.
Réalisé par Jean-Pierre Améris
Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 10 août 2014
Sorti en France le 12 novembre 2014
Comme toute la presse l’a signalé, ce film reprend, à partir d’une histoire vraie, le thème de deux films célèbres : Miracle en Alabama, d’Arthur Penn, et L’enfant sauvage, de François Truffaut. Le déroulement est strictement identique (on imagine mal comment il pourrait en être autrement), la seule différence consistant en ce que l’éducatrice est une religieuse, Marguerite, qui travaillait dans une institution où l’où tentait d’éduquer de jeunes sourdes-muettes. Son élève, Marie Heurtin (1885-1921), alors âgée de quatorze ans, est aveugle, de surcroît.
Naturellement, le traitement très long, réussit – car, dans le cas contraire, il n’y aurait pas de film –, mais la religieuse, malade dès le début, meurt à la fin.
Le film est honorable, mais on a eu la mauvaise idée de le diffuser dans une version pour sourds, de sorte que tout est sous-titré : les répliques des personnages apparents, en blanc ; celles des personnages hors-champ, en jaune ; les signes, en vert ; les bruitages, en rouge ; la musique, en rose ; etc. C’est assez pénible, et il faut plusieurs minutes avant de s’y habituer.
On annonce aujourd’hui que Mike Nichols vient de mourir, à l’âge de 83 ans. Sans surprise, les journaux ne citent que ses films les plus connus. Alors, pour varier un peu, je dirai que ce qu’il a fait de mieux, c’est un téléfilm en six parties d’une heure, Angels in America, d’après la pièce de Tony Kushner. J’en ai d’ailleurs fait la critique ICI. Bien que cette production, sortie il y a dix ans, ait été faite pour la télévision (en France, elle a été diffusée par Canal Plus), on y voyait des vedettes comme Meryl Streep, Emma Thomson et Al Pacino. Je recommande d’acheter le coffret de DVD, on ne trouve pas beaucoup de réussites pareilles.
Réalisé par Mélanie Laurent
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2014
Sorti en France le 12 novembre 2014
Mélanie Laurent est une petite actrice dont le plus grand titre de gloire est d’avoir tenu un petit rôle mineur dans un film de Tarantino... dont je ne conserve aucun souvenir. Hélas, elle s’est mis en tête que sa vocation était d’être réalisatrice. Comme on peut se tromper !
S’étant entichée d’un roman qui, dit-elle, lui a rappelé les souffrances de sa jeunesse, elle a désiré le porter à l’écran. Or, si elle se montre capable de diriger ses acteurs, elle échoue complètement à faire une vraie mise en scène, et, au-delà des images fort médiocres, tout est plat. En outre, elle sombre dans le tic à la mode de tout filmer en caméra portée, ce qui nous vaut des plans tremblotants, y compris dans les scènes où rien ne bouge.
On a beaucoup dit dans la presse, car cette dame « a la carte », qu’elle avait filmé l’influence délétère d’une manipulatrice qui tente de briser l’existence de sa prétendue meilleure amie, mais je n’ai rien vu de tel. Tout au plus, chez deux lycéennes en terminale, une succession de scènes amicales et de disputes sans cause, dont la raison profonde nous est fournie lourdement : la mère de la tourmenteuse est seule et alcoolique. Donc...
On ne comprend pas bien le dénouement : furieuse, Charlie frappe Sarah, qui tombe et se cogne à la table de nuit. Puis elle ne bouge plus. S’est-elle tuée ? On ne prend pas la peine de nous le dire. Encore la manière snob d’impliquer le spectateur pour qu’il termine l’histoire tout seul.
Le film n’est à voir que pour les actrices, et surtout Isabelle Carré.
Réalisé par Ira Sachs
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 18 janvier 2014
Sorti en France le 12 novembre 2014
Bien que le réalisateur et ses deux personnages principaux soient homosexuels, l’homosexualité n’est pas le sujet de film, et n’en constitue que le déclic : parce que George et Ben, septuagénaires vivant à Manhattan, se sont mariés, George, qui donne des cours de musique dans une institution catholique, est renvoyé. Sa foi catholique ne lui sert à rien, il a outrepassé une des clauses de son contrat, lui oppose-t-on hypocritement ! Cette perte d’une partie de leurs ressources communes oblige les deux hommes à revendre leur appartement et à se loger où ils peuvent, l’un chez un ami, l’autre dans sa famille, où rapidement on le trouve un peu encombrant, quoique nul n’ose le lui dire. Évidemment, ils sont désormais séparés, et chacun en souffre.
Du même réalisateur et sur un thème voisin, je n’avais guère apprécié Keep the lights on, en raison de sa banalité. Ici, c’est beaucoup mieux, parce que les sentiments des personnages – tous les personnages – se devinent sans que le dialogue insiste, soit par la situation, soit par les regards. C’est infiniment pudique, plein de tact et de retenue. Et le récit n’insiste guère, si bien que tout n’est pas raconté, en particulier à l’épilogue, lorsqu’on apprend que Ben est mort et que George s’est installé dans un bel appartement.
Le film est musiqué par une demi-douzaine d’œuvres au piano de Frédéric Chopin, dont l’une, au générique de fin, est reprise dans une version orchestrée. Quiconque aime Chopin ne peut pas être tout à fait mauvais. Quant à l’épisode du renvoi de George, il est basé sur un évènement qui a réellement eu lieu en Pennsylvanie, et en dit long sur l’Église catholique et son intolérance bien connue. Pas seulement l’Église, puisque la Motion Picture Association of America, association interprofessionnelle qui défend les intérêts des six plus grands studios hollywoodiens, a classé le film comme devant être interdit aux moins de 17 ans ! On murmure que c’est parce que le dialogue fait entendre, une seule fois, le mot motherfucker... La civilisation est en marche.
Réalisé par Charlie Siskel et John Maloof
Titre original : Finding Vivian Maier
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2013
Sorti en France le 2 juillet 2014
Les photographes de rue sont des photographes qui prennent leurs photos dans la rue, vous l’auriez deviné. Le résultat est plus ou moins intéressant, et on sait bien que certains d’entre eux bidonnent un peu, comme Robert Doisneau avec son Baiser de l’Hôtel de Ville, pas du tout pris sur le vif comme on l’a longtemps cru, mais qui était posé, sur les instructions du photographe !
Ce film co-réalisé par John Maloof, qui se montre plus qu’abondamment, raconte comment lui-même, en 2007, a mis la main sur un stock de négatifs – plus de cent mille – pris par une photographe non professionnelle d’origine française, Vivian Maier, et a œuvré pour faire connaître les tirages qu’il en a fait ou fait faire. C’est parfois assez beau, souvent quelconque, car cette femme photographiait absolument tout ce qu’elle voyait – or le spectacle de la rue, ne faisons pas d’angélisme, n’est pas constamment exceptionnel.
Le plus étonnant est l’existence même de mademoiselle Maier. Née en France, dans un village des Alpes, elle émigre aux États-Unis, ne se marie jamais, n’a aucune vie sociale, et gagne son pain en exerçant le métier de gardienne d’enfants. Métier qu’elle exerce fort mal, car on nous révèle peu à peu qu’elle battait les enfants, les forçait à manger (l’une de ses victimes est devenue obèse), ou les abandonnait quand elle était censée les promener, quand elle ne les entraînait pas dans des quartiers risqués. Si bien que plusieurs de ses victimes rapportent sa méchanceté, et qu’une des mères de famille raconte comment elle a dû la licencier. Sans travail, elle a fini dans la misère.
L’autre aspect curieux est que, si le public a fait un succès aux photos prises par cette femme, aucun musée important ne semble les avoir acceptées. Explication avancée, et pas tout à fait honnête : les musées préfèreraient les artistes devenus célèbres de leur vivant, un artiste mort inconnu ne les intéresserait pas...
Mais enfin, ce film-ci reste inférieur à un documentaire de la BBC, Vivian Maier: Who took Nanny’s pictures?, sorti auparavant, et qui révèle que Maloof fait surtout du business, entend garder le monopole sur les fameuses photos (puisqu’ils les a achetées), et que ce placement est financièrement très lucratif pour lui. D’ailleurs, dans son film, il ne montre aucune photo que le documentaire en question n’ait pas déjà montrée ! Il n’explique pas non plus quelles influences ont pu s’exercer sur Vivian Maier, comme celle d’Henri-Cartier Bresson, des surréalistes, ou de Salvador Dalí, qu’elle a croisé. Et si la première partie de son film fait l’éloge de Vivian Maier, la seconde partie est une démolition en règle, attribuant tous les défauts possibles, sur le plan privé, à la même femme. On en vient à soupçonner que l’auteur du film vise un but personnel : sachant que la photographe n’avait aucune famille, aucun héritier, et que Maloof, acheteur de sa production, est le seul qui puisse bénéficier des retombées financières de sa soudaine célébrité, il a en effet intérêt à ce qu’aucun musée ne profite de l’aubaine.
Réalisé par Paolo Virzì
Titre original : Il capitale umano
Sorti en Italie (Journée professionnelle du cinéma, à Sorrente) le 3 décembre 2013
Sorti en France le 19 novembre 2014
Un scénario très fouillé, tiré du roman Human capital de Stephen Amidon. Cette expression vise la méthode d’expertise qui fixe l’indemnité versée aux victimes. Ici, la victime est un cycliste, renversé et tué par un automobiliste dont l’identité reste inconnue jusque peu avant la fin du récit. Naturellement, on soupçonne quelqu’un d’autre, un fils de famille d’ailleurs assez antipathique. Mais ce n’est pas un film policier, plutôt un tableau sévère de la classe aisée italienne.
Divisé en quatre actes, le récit est composé de nombreux retours en arrière, permettant de reconstituer l’histoire et de dissiper les nombreuses interrogations qui se posent de manière inévitable. C’est constamment passionnant, et réalisé de manière aussi efficace que classique. Ce n’est pas tout à fait un film « choral », comme on l’a prétendu, car les personnages ne sont pas si nombreux, et ils sont tous présents à tout moment, mais peu importe. Ce qui importe, c’est la diversité des thèmes traités : ambition, obsession de la réussite à tout prix, désir de lucre, domination de l’homme sur la femme, dédain du petit peuple, snobisme, relégation de la culture au second plan, autant de sujets qui devraient intéresser chacun.
Réalisé par Cédric Anger
Sorti en France (Festival du Film Francophone d’Angoulême) le 23 août 2014
Sorti en France le 12 novembre 2014
Aucun suspense, aucun mystère, dès le début on voit l’assassin à l’œuvre, et dès le début on comprend qu’il s’agit d’un malade mental : il prend des bains d’eau glacée (et suce les glaçons), se flagelle, voire enroule autour de son bras du fil de fer barbelé. Or cet homme, qui est... gendarme, tue des jeunes filles au hasard, avant de participer à l’enquête recherchant l’assassin. Encore une fois, ce thème archi-rebattu du policier (ou du gendarme) coupable du crime, on se demande s’il existe un film dans lequel cette fabuleuse trouvaille n’est pas utilisée...
Des cartons nous apprennent, comme presque toujours désormais au cinéma, que cette histoire relate des faits réels. On rêve d’une histoire totalement inventée par un scénariste de talent. Ici, la seule qualité du film, très répétitif, réside dans le personnage de la fille, qui est amoureuse du gendarme, mais lui ment : elle est déjà mariée à un jeune syphilique, et craint que son Roméo à képi la croit contaminée. Quant au personnage du tueur, impassible sur la presque totalité du récit, il n’a pas dû demander beaucoup d’efforts à Guillaume Canet.
Le dialogue est plutôt bon, les images plutôt laides, et le film un peu trop long. Comme on le jugeait cinglé, l’assassin a été envoyé immédiatement en hôpital psychiatrique. Que faire d’autre ? Il paraît qu’il y est toujours, depuis les années 70. En tout cas, le film n’attire pas les foules.
Réalisé par Christopher Nolan
Sorti aux États-Unis le 26 octobre 2014
Sorti en France le 5 novembre 2014
La critique est ICI.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.