JPM - Films vus - Notules -  Novembre 2012

Notules - Novembre 2012

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Paranormal activity 4Lincoln – Cheval de guerre – Munich – Angels in AmericaTeam of rivals: The political genius of Abraham LincolnKeep the lights on – Une famille respectable – Yek Khanévadéh-e Mohtaram – PaperboyLooper – Source code – The time machine – L’étrange créature du lac noirThe creature from the Black Lagoon – King Kong – Les dents de la mer – L’homme qui rétrécit – House of boys – Othello – La chasseJagten – Festen – Submarino – Les risques du métier – Les mondes de RalphWreck-it RalphL’air de rien – La môme – Cloclo – Nino (une adolescence imaginaire de Nino Ferrer) – To hell and back – L’enfer des hommes – Like someone in love – Ten – SkyfallBoum ! – Taken 2 – Le parfum – RengaineLittle birdKauwboy – Kes – Astérix et Obélix au service de Sa Majesté – Le petit Nicolas – AugustineAmour – Le ruban blanc – End of watchLa princesse de ClèvesTwilight - Chapitre 5 : Révélation 2e partieBreaking dawn – The boat that rocked – Go west ! – Chercheurs d’or

Personnes citées : Henry Joost – Ariel Schulman – Cesar Romero – Steven Spielberg – Tony Kushner – Doris Kearns Goodwin – Daniel Day-Lewis – Sally Field – Joseph Gordon-Levitt – James Spader – Tommy Lee Jones – John Wilkes Booth – Abraham Lincoln – Ira Sachs – Massoud Bakhshi – Lee Daniels – Rian Johnson – George Pal – H.G. Wells – Bruce Willis – Joseph Gordon-Levitt – Paul Dano – Jack Arnold – Steven Spielberg – Ed Wood – Ray Harryhausen – Jean-Claude Schlim – Orson Welles – Steven Webb – Georges Burou – Thomas Vinterberg – André Cayatte – Jacques Brel – Rich Moore – John Lasseter – Grégory Magne – Stéphane Viard – Édith Piaf – Claude François – Nino Ferrer – Michel Delpech – Audie Murphy – Marcel Aymé – Abbas Kiarostami – Juliette Binoche – Sam Mendes – Charles Trénet – Judi Dench – Line Renaud – Luc Besson – Daniel Craig – Vladimir Poutine – Michel Ciment – Javier Bardem – Ben Whishaw – Rachid Djaïdani – Jean-François Copé – Boudewijn Koole – Laurent Tirard – Alice Winocour – Jean-Martin Charcot – Vincent Lindon – Benoît Poelvoorde – Michael Haneke – David Ayer – Bill Condon – Harpo Marx

Paranormal activity 4

Vendredi 2 novembre 2012

Réalisé par Henry Joost et Ariel Schulman

Sorti aux États-Unis le 27 septembre 2012

Sorti en France et en Belgique le 31 octobre 2012

On ne pourra pas dire que je suis de parti pris, puisque j’avais beaucoup aimé les trois premiers épisodes, notamment pour l’honnêteté de la réalisation (tout était montré par le biais de la caméra installée par les protagonistes), et dont les numéros 2 et 3 avaient su renouveler l’histoire. Ici, rien, le scénario ne recèle aucune invention, et la réalisation s’avère aussi bâclée que manquant d’imagination. Pourtant, les deux réalisateurs avaient réussi le n° 3...

L’histoire ? Dans le n° 1, Katie, possédée par le démon, tuait son compagnon Micah, puis disparaissait. Dans le 2, Hunter, le bébé de sa sœur Kristi, disparaissait aussi, après le meurtre de Kristi et de son mari Daniel. Et dans ce n° 4, qui se passe en douze jours de novembre 2011, Hunter a été adopté, sous le prénom de Wyatt, par une famille aisée, qui a déjà une fille de quinze ans, Alex, jolie, intelligente, et courtisée par un camarade de son âge, Ben... qu’elle envoie gentiment bouler. Or une femme seule et son petit garçon Robbie viennent de s’installer dans la maison d’en face, mais, comme la mère doit faire un séjour à l’hôpital, la famille héberge Robbie, qui s’avère assez étrange mais devient néanmoins le camarade de jeu de Wyatt. On a compris que la voisine est Katie, qui veut récupérer Hunter ! Naturellement, elle va tuer tout le monde, les bonnes habitudes ne se perdent pas...

Pourquoi la réalisation est-elle décevante ? Non seulement parce que les nouveautés visuelles sont absentes (on se souvient de la caméra montée sur un ventilateur dans le numéro précédent) et que la bande sonore est farcie de ces tristement célèbres chocs censés vous faire sursauter – que je me permets de trouver complètement démodés depuis que des armées de tâcherons ont utilisé le procédé –, mais aussi parce que le principe fondateur de la série, qui était de ne montrer que des images filmées logiquement, est ici détourné : sans cesse, les personnages sont épiés par le spectateur, parce qu’ils se trouvent devant un ordinateur, au besoin porté sans raison dans tous leurs déplacements par lesdits personnages ! Où a-t-on vu que, lorsque vous regardez un film sur votre MacBook (toujours, au cinéma, cette envahissante pub pour Apple !), ou lorsque vous « tchattez » avec quelqu’un, l’ordinateur filme tout ce qui est devant son écran et permet de revoir les séquences ? Et cela, jour et nuit, sans que jamais la batterie se vide ou que le disque dur soit saturé ?

L’épilogue aussi est ridicule, où l’on voit déferler une bande de zombies tout droit sortis d’un film de Romero, et que rien n’annonçait jusque là.

Si l’on met en chantier un n° 5, ce qui est plus que probable puisque ce film-ci est dépourvu de tout épilogue et que l’entreprise s’est avérée rentable, il serait bon de changer de réalisateur, et peut-être de scénariste.

NB : seuls les distributeurs de France et de Belgique ont cru finaud de sortir le film pour Halloween, pseudo-fête qui a pourtant fait un bide en Europe quand le commerce a tenté de la lancer !

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

Sur Lincoln

Dimanche 4 novembre 2012

Le prochain film de Spielberg est déjà sorti le 8 octobre aux États-Unis et le lendemain au Canada. Il s’intitule Lincoln, et sortira en France le 30 janvier prochain. Il a coûté 50 millions de dollars, et a été filmé à Chicago et en Virginie, très vite, en deux mois, entre le 17 octobre et le 19 décembre de l’année dernière (à cette date, le précédent film de Spielberg, Cheval de guerre, n’était pas encore sorti).

Le scénariste très connu, et qui a déjà travaillé pour Spielberg (avec Munich), c’est Tony Kushner, l’auteur de la célèbre pièce sur le sida Angels in America, dont Mike Nichols avait tiré un téléfilm en six parties portant le même titre – et qui est ce qu’il a fait de mieux, soit dit en passant. Le scénario de Kushner est adapté partiellement d’un livre de Doris Kearns Goodwin, Team of rivals: The political genius of Abraham Lincoln. Donc, à partir d’un titre pareil, ce ne doit pas trop critique. Mais on sait que Spielberg est un patriote, même si, démocrate, il filme la vie du premier président issu du parti républicain !

Les acteurs – j’en ai compté cent quarante-quatre, pourquoi lésiner ? – ne sont pas les pires : Daniel Day-Lewis, Sally Field, Joseph Gordon-Levitt, James Spader, Tommy Lee Jones. Étrangement, le personnage de John Wilkes Booth, l’assassin de Lincoln, qui l’a flingué dans un théâtre, ne figure pas au nombre des personnages. Lincoln survit, chez tonton Steven ?

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Keep the lights on

Lundi 5 novembre 2012

Réalisé par Ira Sachs

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2012

Sorti en France le 22 août 2012

Rions un peu aux dépens de ceux qui rédigent les résumés des films pour Internet. L’un de ces tâcherons écrit ceci : « Erik est réalisateur de documentaire. Paul est avocat. Tous deux sont homosexuels, l’un assumant, l’autre pas ». On ne sait où l’auteur de ce texte a vu que Paul n’assumait pas ; son principal problème est qu’il se drogue au crack, et qu’il disparaît des nuits entières sans vouloir dire à son amant où il va et ce qu’il fait. Le film n’est qu’une suite de ruptures et de réconciliations, et si les deux tourtereaux semblent se rabibocher à la fin, on a néanmoins quelques doutes.

D’après les articles lus çà et là, le film semble assez coté. Je regrette donc de dire qu’assez vite, on se lasse de ces allées et venues sentimentalo-sexuelles et qui s’éternisent. Ce n’est pas franchement mauvais, mais pas indispensable non plus, car déjà vu mille fois au cinéma, où on a connu beaucoup mieux. Naturellement, le réalisateur y raconte sa vie. C’est fou le nombre d’artistes – ou se croyant tels –, qui pensent avoir une existence suffisamment passionnante pour la relater au monde entier, en la prétendant « universelle » (sic). Mille regrets, ce n’est pas toujours le cas !

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Une famille respectable

Mardi 6 novembre 2012

Réalisé par Massoud Bakhshi

Titre original : Yek Khanévadéh-e Mohtaram

Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2012

Sorti en France et en Belgique le 31 octobre 2012

Ce film iranien sort complètement de l’ordinaire, puisque, pour décrire une société dictatoriale et corrompue, il utilise, pour la première fois à ma connaissance en Iran, le biais du film, non plus social, mais criminel. Néanmoins, on ne découvre la nature de l’histoire que graduellement, et je pense que mieux vaut voir ce film au moins deux fois, car le début est assez obscur.

Pourquoi, en effet, cet homme qui monte dans un taxi afin de se faire conduire à l’aéroport de Téhéran est-il agressé par deux hommes que le chauffeur l’a prié d’accepter à bord de la voiture – pour rendre service à un collègue, a-t-il prétendu ? Pourquoi se retrouve-t-il ensuite, après un tabassage, jeté dans un cul de basse fosse ? Qui sont ses agresseurs, et, encore une fois, pourquoi ?

Le reste du récit est un flashback permettant de reconstituer toute l’histoire, lui-même farci d’autres retours en arrière nous ramenant à l’enfance du personnage principal : Arash a quitté l’Iran à quinze ans pour aller étudier en Occident, et n’y est pas revenu pendant vingt-deux ans. Devenu professeur d’université, il est un jour invité à revenir dans son pays pour donner six mois de cours à l’université de Chiraz. Mais il ignore que cette invitation a, en réalité, été suscitée par son frère et son neveu Hamed, deux canailles de Téhéran, qui veulent tout simplement faire signer, à lui et sa mère qui s’est retirée à Chiraz, des documents qui officialisent leur renonciation à l’héritage du père en train d’agoniser à l’hôpital. On reconstitue dès lors l’histoire de cette famille, que le titre qualifie de « respectable » par antiphrase : le vieillard agonisant a bâti sa fortune en misant sur la réputation que lui a valu la mort de son fils, devenu martyr officiel en perdant la vie pendant la guerre Iran-Irak, épisode dont Arash a presque tout ignoré ; et sa femme, écœurée, s’est retirée, ne voulant dès lors accepter aucun argent de son mari ni de son fils aîné.

Finalement, Arash mis à part, tous les hommes de cette histoire sont des ordures – et qui triomphent à la fin –, y compris, et surtout, le neveu qu’on a cru si gentil et serviable pendant les neuf-dixièmes du récit, alors qu’il est la tête pensante et le bras armé du complot. À l’opposé, toutes les femmes de cette histoire incarnent le Bien, mais... on ne les écoute pas et on les rembarre !

Très dense, le film ne dure qu’une heure et demie. Une raison supplémentaire de ne pas le rater.

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Paperboy

Mercredi 7 novembre 2012

Réalisé par Lee Daniels

Sorti en France (Festival de Cannes) le 24 mai 2012

Sorti en France et en Belgique le 17 octobre 2012

En 1969, un petit journal fait en famille, le « Miami Times », accepte d’enquêter sur l’assassinat d’un shérif brutal et corrompu (nous sommes en Floride, n’est-ce pas ?), par un certain Hillary Van Wetter, condamné à mort sans trop de preuves pour ce crime, enquête demandée par Charlotte, la femme qui correspond avec lui. Mais, en fin de compte, le condamné, qui a été libéré on ne saura pas pourquoi, est bel et bien un assassin, qui va tuer la fille et l’un des deux journalistes qui enquêtait.

Le personnage central, en fait, est le chauffeur du journal, Jack, témoin de tout cela, et dont on comprend vite, puisqu’il se balade tout le temps en slip, que le réalisateur du film, ouvertement gay, est fasciné par son interprète Zac Efron. Pour ce qui est de la conduite du récit, elle se distingue surtout par son parti-pris de ne montrer que des choses sordides. Ainsi, une scène d’amour brutal est entrecoupée par des plans montrant un cochon, un crocodile et le dépeçage d’un animal, autant d’inserts indispensables, en effet.

Ce film a été sélectionné pour la compétition officielle du dernier festival de Cannes, et en est reparti sous les sarcasmes – indice du manque de flair des sélectionneurs. On comprend ça. Il paraît qu’Almodóvar avait été séduit par le roman, mais a renoncé à en tirer un film. Ce qui s’appelle avoir du nez !

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Looper

Vendredi 9 novembre 2012

Réalisé par Rian Johnson

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 6 septembre 2012

Sorti en France et en Belgique le 31 octobre 2012

Curieux de fantastique, n’attendez rien de ce film, ce n’est pas encore aujourd’hui qu’un scénariste se tirera haut la main du paradoxe temporel sous-jacent au thème du voyage dans le temps, et tout particulièrement de l’écueil qui le guette : que faire si un « voyageur » retourné dans le passé y accomplit un acte qui doit modifier son propre avenir ? À ma connaissance, seul Source code, en fournissant une explication scientifique quoique bidon, évitait le désastre, mais c’était de justesse, et l’on fermait les yeux par la vertu d’un scénario très bien écrit et d’une réalisation éblouissante. En résumé, il est beaucoup moins risqué d’imaginer un homme de notre temps se projetant dans l’avenir, comme dans le génial The time machine, de George Pal, où ce paradoxe ne tient aucune place – H.G. Wells n’était pas fou.

Ici, c’est une autre paire de manches, et seule la scène où Bruce Willis cherche à tuer un enfant vous tirera de votre torpeur, si les multiples coups de feu qui s’échangent tout au long du récit ne vous ont pas empêché de sommeiller. Il est vrai que cet enfant, par ailleurs doué pour la kinesthésie (il peut faire flotter dans l’air des objets, des personnes, et même un champ entier !), deviendra, en 2074, le chef d’une redoutable mafia basée à Shanghai, et qui a envoyé dans le passé, soit en 2044, l’un de ses hommes de main, chargé de... se tuer lui-même, ou plutôt l’homme qu’il a été à cette époque ! Ce truc de scénario est extravagant, et ne peut pas fonctionner, aussi noie-t-on ce postulat dans une série de retournements annexes, qui ne font qu’embrouiller la situation. Notez que, par conformisme hollywoodien, l’enfant cité plus haut n’est pas tué, et c’est fort dommage, car il deviendra bel et bien le chef de la mafia de Shanghai. On est trop timoré, chez les scénaristes !

Bref, c’est un échec, où l’on regrette de voir s’égarer l’excellent Joseph Gordon-Levitt, et ce pauvre Paul Dano dans un tout petit rôle indigne de son talent.

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L’étrange créature du lac noir

Lundi 12 novembre 2012

Réalisé par Jack Arnold

Titre original : The creature from the Black Lagoon

Sorti aux États-Unis le 5 mars 1954

Sorti en France le 15 avril 1955

Ressorti en France le 7 novembre 2012

La presse (et surtout la publicité rédactionnelle) nous ont bourré le crâne avec la ressortie de ce presque navet, qui serait, nous a-t-on assuré, une sorte de chef-d’œuvre. La vérité est qu’il s’agit d’une minuscule série B dont le scénario tiendrait au dos d’un ticket de bus : en Amazonie, un paléontologue découvre un fossile, celui d’une main appartenant à une espèce inconnue. On a compris d’avance qu’un exemplaire encore vivant de cette espèce, une sorte de triton humain, va être retrouvé, que les choses vont mal se passer, et que la créature qui se révèle hostile sera tuée à la fin. Au passage, on plagie un peu King Kong, puisque le monstre tombe amoureux de la fille de l’histoire.

On a aussi tenté de nous faire avaler que Spielberg s’était inspiré de ce film pour concevoir celui qui l’a rendu célèbre, Les dents de la mer. La bonne blague ! Le film de Jack Arnold ne fait pas peur une seule seconde, il inspire plutôt le rire et rappelle les nanards d’Ed Wood. Il faut dire que la défroque et le maquillage dont on a affublé les deux malheureux acteurs (l’un jouant dans l’eau en Floride, l’autre sur la terre ferme en Californie) qui incarnent la « créature », et dont on ne ne voit donc jamais le visage, feraient pitié à un gosse de douze ans qui rêverait d’être le nouveau Ray Harryhausen.

Notons aussi l’escroquerie qui accompagne cette ressortie : le film est en noir et blanc, mais en relief, selon le procédé utilisant des verres bicolores (rouge et vert) montés à l’époque de la sortie sur des armatures légères en carton, dont on vous faisait cadeau à la caisse des salles de cinéma, et qui ne gênaient pas les porteurs de lunettes. Mais, entre-temps, on a ressuscité la fameuse 3D, logeant dans l’armature des nouvelles lunettes un zinzin électronique permettant de séparer les deux images nécessaires au relief. Il s’ensuit : 1. que ces lunettes pèsent des tonnes ; 2. qu’elles ne tiennent pas en équilibre sur vos lunettes, si vous en portez, et que vous devez par conséquent le remonter sur votre nez toutes les vingt secondes ; et 3. qu’elles coûtent cher, et donc qu’on vous taxe de deux ou trois euros à la caisse... sans oublier de vous les reprendre à la sortie (les lunettes, mais le distributeur garde les euros !). Ce pour quoi ce procédé de charlatan est de plus en plus rejeté par les spectateurs.

Par chance, le film trouve quelques salles pour le projeter en version « plate ». Mais il n’en est pas meilleur, et reste très inférieur aux autres productions de Jack Arnold, dont L’homme qui rétrécit reste le chef-d’œuvre inégalé. Notons toutefois que la musique, très soignée, accompagne vraiment les images, loin d’être une soupe indigeste sur un thème unique, comme cela se fait généralement, y compris dans les films plus coûteux. C’est la raison pour laquelle je place ce film dans la catégorie « À voir à la rigueur ». Mais de justesse.

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House of boys

Mardi 13 novembre 2012

Réalisé par Jean-Claude Schlim

Sorti au Luxembourg le 20 novembre 2009

Sorti en France (Festival gay et lesbien) le 19 novembre 2010

Sorti en France (en salles) le 7 novembre 2012

Une grande histoire d’amour, ou l’histoire d’un grand amour ? Au choix. Le film se présente comme un drame en trois actes, avec un prologue et un épilogue, tourne autour du thème des débuts du sida, et il est largement autobiographique, ce qui, pour une fois, ne gêne pas.

À dix-huit ans, Frank, ouvertement gay, ne supporte plus les remarques de son père et les provocations des crétins de son lycée. Il quitte la maison et se trouve un travail dans un club d’Amsterdam, House of Boys, que tient un vieux travesti surnommé « Madame ». Tous les danseurs qui y travaillent sont évidemment gays, sauf Jake, amoureux d’une fille qui attend un enfant de lui. Mais quelques flashbacks révèlent que Jake, qui vient des États-Unis, s’est aussi enfui, enfant, parce que son père le battait et le violait, et que lui-même vend ses charmes à des hommes, mais sans le moindre plaisir, juste pour l’argent. Certes, mais la fille va voler l’argent de Jake pour avorter, Frank console Jake, et ils finissent par s’aimer et former un couple uni à jamais. Si seulement le sida n’arrivait pas à ce moment... Atteint, Jake meurt après une longue agonie, et Frank va disperser ses cendres dans l’océan, au Maroc, à Essaouira (ex-Mogador, petite ville devenue à la mode, où Orson Welles a tourné son Othello).

On est un peu agacé, au début, à cause de l’accumulation des clichés sur la vie homosexuelle et les clubs de danseurs un peu prostitués, mais le drame qui survient efface cette impression, et le beau Frank, qui est vraiment aimant et adorable, est très émouvant par sa fidélité : Jake agonisant, couvert de plaques purulentes, hérissé de tuyaux, il est encore capable de lui dire « Tu es beau », et qu’il l’aime.

Le réalisateur fait ici son premier film, et, très classique dans sa mise en scène presque toute en studio, ne le rate pas. Quant à l’acteur anglais Steven Webb, qui joue un garçon devenu fille après une opération à Singapour (pourquoi n’a-t-il pas fait cela à Casablanca ? À l’époque du récit, le docteur Georges Burou vivait encore, c’était une spécialité de la ville, et c’était plus près !), il est aussi plausible dans les deux versants du personnage, et j’ai vraiment cru que l’interprète était une fille.

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La chasse

Mercredi 14 novembre 2012

Réalisé par Thomas Vinterberg

Titre original : Jagten

Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2012

Sorti en France (en salles) le 14 novembre 2012

Après Festen en 1998, on n’avait plus beaucoup parlé de Vintenberg, et le seul film, à ma connaissance, qu’on ait vu chez nous, Submarino, est sorti confidentiellement. Or, ici, il reprend le thème qui avait fait son succès, une accusation de pédophilie, mais fallacieuse cette fois.

Lucas, divorcé et quadragénaire, travaille dans un jardin d’enfants. Une petite fille de six ans, Karla, dont le père est un de ses amis, s’entiche de lui, lui fait un petit cadeau, qu’il refuse, et l’embrasse sur la bouche, mais il lui conseille de réserver ses baisers à ses parents. Résultat, elle s’en va dire à la directrice, Grethe, qu’elle n’aime pas Lucas parce qu’il est moche, et qu’il lui a « montré son zizi, qui est gros comme une trique ». En fait, ce vocabulaire et l’objet qui le qualifie, elle les a attrapés au vol, via les copains de son frère aîné, qui ont consulté un site porno sur Internet. Il s’ensuit que Grethe, dont le credo est « Les enfants ne mentent jamais » (!), gobe le bobard, alerte les collègues, interdit à Lucas de se présenter sur son lieu de travail, et on interroge la petite fille, qui ne comprend pas ce qu’on lui veut et répond à toutes les questions en hochant la tête, ce qui est interprété comme un acquiescement à toutes les suppositions (c’est la scène la plus faible du film, montée à coups de champs-contrechamps pour éviter de faire dire de telles horreurs à la petite interprète, scène qu’il faut avaler aussi, sans quoi le film s’effondre). Ces braves gens n’ont visiblement pas entendu parler de l’affaire d’Outreau, et n’ont pas vu Les risques du métier, le premier film (d’André Cayatte, en 1967) interprété par Jacques Brel...

La suite se devine : Lucas est licencié, sa petite amie le soupçonne d’être coupable et il la vire, le supermarché du coin refuse de le servir et même de servir son fils Marcus, tous deux sont tabassés, on brise ses vitres et on tue son chien. Puis la police l’arrête, mais il est relâché le lendemain, faute de preuves. Mieux, lorsque Karla, interrogée par ses parents, avoue qu’elle a « dit des bêtises » et que « Lucas n’a rien fait », on ne la croit pas : de toute évidence, elle a oublié cet évènement traumatisant, argüe sa mère. Manipulation scénaristique dont vous penserez ce que vous voulez.

Tout s’arrangera après une scène à l’église, où Lucas prend à partie le père de la gosse, lequel comprend que les habitants du village sont allés trop loin, et retire sa plainte. Oui, mais, un an plus tard, alors que la réconciliation semble générale, quelqu’un tire au fusil sur Lucas. Le soupçon est toujours présent...

Le film frappe fort, mais il suscite un certain malaise, car on a l’impression que toutes ces péripéties s’accumulent pour les besoins de la cause, et que cette affaire aurait pu se régler plus vite et sans dégâts, si les protagonistes n’avaient autant d’idées préconçues. Bref, plus qu’une tranche de vie, c’est davantage une démonstration qui pèse des tonnes, à laquelle on ne peut pas adhérer : comment expliquer que les villageois s’en prennent, non seulement à l’homme, mais aussi à son fils de quinze ans, qui ne vit pas sur place puisque, ses parents divorcés, il habite ailleurs, chez sa mère ? Comment, aussi, expliquer le revirement du père de la petite fille, lequel, honteux, se met à regretter ses accusations sans qu’aucun fait nouveau soit survenu ? Sinon parce que le récit avait assez duré et qu’il était temps de passer à la conclusion ?

Le film est sans doute bien intentionné, mais il est maladroit, voire malhonnête, et n’est guère qu’un objet de curiosité.

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Les mondes de Ralph

Vu le mercredi 14 novembre 2012 - Sortie prévue le 5 décembre 2012

Réalisé par Rich Moore

Titre original : Wreck-it Ralph

Sorti en Hongrie, en Russie, au Koweit et aux Philippines le 1er novembre 2012

Sortira en France le 5 décembre 2012

Une production des studios Disney et, bien que John Lasseter, le grand créateur et pilier de Pixar, soit producteur exécutif, les studios Pixar ne sont pas nommés. En tout cas, le scénario est bien du niveau de Disney, c’est-à-dire bon pour les enfants, mais pas davantage.

Tout se passe dans le monde des jeux vidéos, mais plutôt anciens, autour de 1980, au temps de Pacman et de Super Mario. Ici, pas de ces jeux violents où l’essentiel de l’action est de tuer tout le monde. Il y a bien un « méchant », le Ralph du titre, mais il meurt d’envie qu’on l’aime, ce qui arrivera en effet, on s’en doute. Bref, morale gnan-gnan. À l’opposé, une héroïne d’un monde de sucreries, dont la principale caractéristique est... d’être boguée par suite d’une erreur de programmation.

Le film est très agité, et, assez vite, on renonce à suivre des péripéties qui n’existent pas : c’est très bien fait, très bien pensé, ça remue énormément, mais c’est tout.

À noter : le film est précédé par un court métrage de cinq minutes en noir et blanc (sauf une marque de baiser, en rouge). Ce petit film est muet, et infiniment poétique. J’ignore s’il sera projeté en salles en dehors des avant-premières. En général, les directeurs de salles sont des marchands de soupe, qui préfèrent vous infliger une demi-heure de pub plutôt qu’un bon court-métrage (oui, une demi-heure et plus, c’est actuellement la norme dans les cinémas MK2, à boycotter !).

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L’air de rien

Vendredi 16 novembre 2012

Réalisé par Grégory Magne et Stéphane Viard

Sorti en France (Festival des Champs-Élysées) le 10 juin 2012

Sorti en France le 7 novembre 2012

Premier film des deux réalisateurs, qui ont aussi conçu le scénario.

Les films sur les chanteurs du passé ne manquent pas. On a eu La môme, sur Édith Piaf, pas très fameux ; Cloclo, que je me suis abstenu de voir, sur Claude François ; et cette année, le meilleur de tous mais passé inaperçu, Nino (une adolescence imaginaire de Nino Ferrer), sur Nino Ferrer évidemment. Cette fois, c’est Michel Delpech, qui présente cet avantage d’être toujours en vie et de jouer son propre personnage. Ce type de situation est très rare, et je ne vois guère qu’Audie Murphy qui ait, en 1955, à l’âge de trente ans, joué dans l’adaptation de sa propre autobiographie, To hell and back (en français, L’enfer des hommes : il avait été le soldat le plus décoré de la Deuxième guerre mondiale).

Le personnage central est un jeune huissier, Grégory, fils d’huissier, et qui partage un cabinet avec un collègue plus âgé et très strict – comprenez : avec autant de cœur que l’huissier de Marcel Aymé avant que, sur le point de mourir, il crie « À bas la justice ! ». Or Grégory doit saisir une partie des biens du chanteur Michel Delpech, qui ne chante plus et a des dettes. Et comme son père était un admirateur de Delpech, il s’intéresse au chanteur, au point de devenir son conseiller pour lui éviter la perte totale de ses biens, dont sa maison. Il finit par devenir une sorte de manager et lui trouver des engagements, certes peu glorieux, mais qui le dépannent un peu. Hélas, il a commis une double imprudence : prendre de plus en plus de congés pour s’occuper de son poulain, et le faire passer dans des salles dont le propriétaire est poursuivi par lui et son collègue ! Si bien que ce dernier le dénonce, et qu’il perd son travail.

L’histoire ne va pas plus loin. On ne saura ni ce qu’il deviendra ensuite, ni si le chanteur va se tirer de sa montagne de dettes.

Ce court film est sympathique, fondé sur la nostalgie, et n’a que le défaut d’être réalisé un peu comme un reportage. Mais c’est un défaut mineur, même s’il ne fera pas date dans l’histoire du cinéma. Précisons que, dans la réalité, Delpech n’est pas au chômage : il n’a que soixante-six ans et chante toujours !

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Like someone in love

Lundi 19 novembre 2012

Réalisé par Abbas Kiarostami

Sorti en France (Festival des Champs-Élysées) le 10 juin 2012

Sorti en France le 10 octobre 2012

Présenté au dernier festival de Cannes, nommé pour... huit prix, mais n’en ayant remporté aucun, refusé par Arte (!), ce film semble marquer la fin d’un cinéaste qu’on avait beaucoup aimé quand il filmait dans son pays, l’Iran ; mais qui, devenu célèbre et donc tenté de travailler à l’étranger, s’est misérablement planté deux fois de suite, la fois précédente étant avec ce film presque incompréhensible qui a valu à Juliette Binoche un prix d’interprétation, et à tout le monde un fou-rire devant le discours ridicule que la belle enfant a cru devoir prononcer en remerciant tout le monde de la manière la plus saugrenue possible.

Bref, après avoir sévi en Italie, Kiarostami, sans aucune raison valable, a voulu faire un film à Tôkyô. On nous assure qu’il connaît très bien le Japon, mais cela n’apparaît guère dans sa manière de le montrer, car nous pourrions aussi bien être à Munich ou à Montréal, et, sur ce pays, il ne nous apprend rien, pas plus que sur ses habitants ! Son histoire, mal fichue, n’a pas de fin, et de ses trois personnages, seul un présente un peu d’intérêt. L’essentiel se passe en conversations, principalement dans une voiture, procédé que le cinéaste avait déjà utilisé, mais avec quel talent ! dans Ten.

Le film commence par une séquence de plus d’un quart d’heure dans un bar, censée servir de scène d’exposition, et qui n’est qu’ennuyeuse et obscure, car les trois personnages qui se succèdent, deux par deux, en champs et contrechamps, devant deux caméras vissées au plancher, parlent de gens qu’on ne connaît pas, qu’on ne voit pas (on en verra un seul, bien plus tard), et contrevenant à ce principe qu’on ne devrait jamais enfreindre : tout ce qui dit sans être montré est perdu pour le spectateur !

Bref, une étudiante en sociologie travaille, semble-t-il, comme entraîneuse dans un bar, et son patron l’incite fortement à se prostituer auprès d’un vieux client, un professeur à la retraite. Au matin, ce client très prévenant la raccompagne en voiture à la faculté, assiste à une dispute de la fille avec un garçon, qui, l’ayant vue arriver avec cet homme qu’il prend pour son grand-père (!), vient s’épancher auprès du vieillard : il aime la fille et veut l’épouser. Le garçon, montré assez brutal au début, se révèle gentil et serviable, mais peu avant la fin du film, lorsqu’il a découvert la vérité, il redevient violent et vient faire une scène devant la porte du professeur, scène qui culmine lorsqu’il lance un projectile dans la fenêtre, brisant la vitre en mille éclats. Et le film... s’arrête là !

Résumons : un cadre qui nous reste étranger ; trois personnages dont un seul, le garçon irascible, est défini et intéressant ; et une histoire qui ne sait pas comment se terminer, laissant le public le bec dans l’eau. Bilan : un cinéaste de plus à oublier...

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Skyfall

Mardi 20 novembre 2012

Réalisé par Sam Mendes

Sorti au Royaume-Uni le 23 octobre 2012

Sorti en France et dans 30 autres pays le 26 octobre 2012

Je n’aurais jamais cru, dans un James Bond, entendre Charles Trénet chanter Boum ! Pas plus que je ne pensais voir M, la dame proche de la retraite qui commande les services secrets britanniques, mourir dans les bras de 007, peu avant la fin... Au fait, c’est Judi Dench qui jouait le personnage, et c’est fou ce qu’elle ressemble à Line Renaud. Une nouvelle carrière pour Line ?

Au début, on est un peu agacé de retomber sur un cliché qui commence à se répandre : une poursuite de voitures (et de motos) dans les rues d’Istanbul. Récemment, c’était déjà le cas dans ce navet que Luc Besson a écrit, Taken 2, où se voyait déjà une cavalcade sur les toits du bazar, qui ont cette particularité de comporter une allée fort étroite qui les relie. C’est en effet très photogénique, tout comme sont photogéniques ces dizaines d’oranges roulant sur la chaussée quand un véhicule renverse un étalage de fruits et légumes – plan qu’on a vu dix mille fois dans d’autres films d’action.

Bien que Daniel Craig ait l’air aussi britannique que Vladimir Poutine (merci à Michel Ciment pour cette remarque... que j’avais faite avant lui), le film est bien meilleur que les deux précédents, car le réalisateur s’est intéressé à un thème qui hante peu les précédentes réalisations : celui du vieillissement. Et le méchant, Silva, joué par un Javier Bardem aux cheveux décolorés (les cons disent « péroxydés », histoire de faire original), a davantage de consistance que ses prédécesseurs, même si on ne sait pas trop pourquoi il en veut tant à Bond, alors que sa grande ennemie, c’est M – qui a livré à l’ennemi cet ancien agent secret de ses propres services, en échange de six de ses agents capturés, et d’une transition « en douceur » lors de la rétrocession de Hong Kong à la Chine.

Le récit ne trahit pas les espérances du public et ménage de nombreuses scènes spectaculaires, ainsi qu’un curieux décor, celui de la « tanière » de Silva, une île japonaise très étonnante, Hashima Island, couverte de ruines, et qui mesure moins de cinq cents mètres de long. Voir ICI également.

Notez aussi que le personnage de Q, le chef des services qui fabriquent les gadgets de Bond, est joué cette fois par un jeune homme, Ben Whishaw, qui était Jean-Baptiste Grenouille (sic) dans Le parfum, film hélas un peu raté ; que l’Aston-Martin des débuts réapparaît, toujours équipée de gadgets meurtriers, mais qui est réduite à l’état de ferraille dans l’explosion finale ; que Bond détruit lui-même Skyfall, le château écossais où il a été élevé ; et qu’enfin, nous apprenons que son père se prénommait Andrew et que sa mère, sans doute française, s’appelait Monique Delacroix.

Je n’avais guère apprécié les deux précédents films de Sam Mendes, mais il n’a pas loupé celui-là.

Voilà, vous êtes parés.

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Rengaine

Mercredi 21 novembre 2012

Réalisé par Rachid Djaïdani

Sorti en France (Festival de Cannes) le 12 mai 2012

Sorti en France le 14 novembre 2012

Je trouve ce film puant. Idéologiquement, il est condamnable. Cinématographiquement, il est nullissime. Expliquons, et d’abord, un résumé du scénario et de ce qu’il semble vouloir impliquer.

Paris, de nos jours. Sabrina, jeune femme moderne, d’origine algérienne, est affligée d’une famille de... quarante frères, ce qui est proprement une absurdité sur laquelle on peut s’interroger : cela n’existe que chez certains dictateurs d’Afrique noire, mais aucune famille modeste n’a autant d’enfants. Or ces quarante frères (aucune sœur, vraiment ? Par quel miracle ? À moins que les filles soient comptées pour zéro, comme les sœurs de Jésus dans les évangiles), ces mâles, donc, sont très traditionalistes, selon le cliché de cinéma sur ces arabo-musulmans qui justifieraient tout par la religion quand il s’agit de cloîtrer « leurs » femmes (sœurs et mère), mais pas lorsqu’on va au café boire de la bière pendant le Ramadan. Je connais suffisamment d’arabo-musulmans à Paris pour écrire que cette situation n’a aucun fondement. Le pire de tous est Slimane, qui s’est autoproclamé chef de la famille parce qu’aîné – alors que le véritable aîné, qui est homosexuel, en a été exclu. Or Sabrina veut épouser l’homme qu’elle aime, Dorcy, un jeune Noir qui fait l’acteur sans grand succès. Il s’ensuit que les frères de la fille tout autant que la mère du garçon s’opposent à ce mariage (paradoxe : Slimane fréquente une jeune Juive et veut devenir « le père de [s]es enfants », alors même que le judaïsme prescrit que la judaïté se transmet par la mère, donc il aura des enfants juifs !).

Le dialogue prévoit donc de nombreuses scènes où ces désaccords sont débattus et ressassés, sans qu’aucune des parties consente à écouter l’autre. On assiste par conséquent à une série de diatribes contre l’autre camp, venues des deux côtés : la mère noire ne veut pas d’une « Blanche » pour belle-fille, et signifie à son fils qu’elle ne le verra plus, tandis que Slimane, le frère prétendu responsable de la famille, tente d’obtenir d’un autre de ses frères, qui est policier, qu’il enquête sur Dorcy, ce qui est naturellement illégal et impossible. À ces débordements s’ajoute une scène inexplicable : Dorcy est enlevé puis engouffré dans une camionnette par des agresseurs qu’on n’identifie pas. Mais on le voit ensuite torturé à l’électricité... or cette scène, factice, sert aux besoins d’un film que tourne une femme qui l’a engagé, et qui dirige une équipe d’incapables (ils ont oublié de mettre une cassette dans la caméra numérique). Fausse piste, par conséquent, mais gratuite.

Ce qui importe, c’est que ce scénario qu’on croirait conçu par Jean-François Copé s’avère intrinsèquement malhonnête et tendancieux, car il entend prouver sans autre preuve que l’antagonisme, ou plutôt la haine, entre Noirs et Arabes, n’est pas près de s’estomper. Hypothèse moralement plus que douteuse, mais qui semble avoir séduit la critique des bobos, allez savoir pourquoi. À la fin, Dorcy rencontre Slimane par hasard, dans la rue, et... il s’excuse ! 

Quant à la réalisation, elle est absolument calamiteuse, ce que ne justifie pas le manque d’argent, puisque le son du film, lui, est correctement capté et post-synchronisé. Précisons que l’auteur a écrit le scénario, filmé les images, fait la prise de son et le montage, et que le tout l’a occupé pendant des années. Or le résultat ressemble à ce qu’obtiendrait un garçon de treize ans qui étrennerait son premier caméscope ! Uniquement des gros plans tremblotants de visages en général maussades, montage haché, succession frénétique de zooms avant/zooms arrière, à mettre le spectateur au bord du vomissement, c’est ça, le style ? Je ne dis rien de la prétention incroyable de son auteur et de son absence de jugement politique.

Décourageant. Peu me chaut que le film ait recueilli quinze minutes d’applaudissements au festival de Cannes, on sait ce que vaut le jugement de ce festival.

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Little bird

Jeudi 22 novembre 2012

Réalisé par Boudewijn Koole

Titre original : Kauwboy

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 11 février 2012

Sorti en France le 21 novembre 2012

Il y a trois raisons de ne pas se déranger pour ce film surfait, par ailleurs affligé d’un de ces titres à la con faussement anglais qui sévissent partout (au moins, le titre original recèle un jeu de mot, puisque l’oiseau s’appelle Kauw).

La première est qu’il s’agit d’un film pour enfants, qui hélas ne dépasse jamais ce stade. Les adultes s’ennuieront, à moins d’être particulièrement puérils, car il n’a même pas une once de poésie pour compenser un peu cette mièvrerie.

La deuxième est qu’on a tout compris dès les premières minutes : que la mère absente est morte et que le garçon fait semblant de lui téléphoner ; que ce père peu subtil va se rapprocher de son fils à temps pour l’épilogue ; que l’oiseau tombé du nid et que l’enfant a ramassé avant de s’y attacher va mourir à la fin (le film plagie honteusement le chef-d’œuvre de Ken Loach, Kes, sans jamais effleurer son sens de l’analyse sociale).

La troisième est que ce film néerlandais, malgré les annonces de la presse, est présenté en version doublée. C’est inadmissible.

Le garçon, qui a été couvert d’éloges par les journaux, est insipide et ne joue pas si bien qu’on l’a dit. Et puis, la mise en scène n’est pas bonne. Ne prenons qu’un exemple : Jojo, l’enfant, a voulu faire la lessive pour être agréable à son père ; il enfourne tous les vêtements sales, qui sont de couleurs différentes, dans la machine à laver, et règle la température de l’eau à... 95°. Lorsque le père découvre le résultat, il est furieux et fait une scène, mais le réalisateur oublie de montrer que les tissus ont déteint et que le tout doit être à présent d’une couleur uniforme et innommable. Seules les personnes ayant commis cette bévue dans leur enfance (j’en fais partie) peuvent comprendre, mais combien d’enfants l’auront commise – et comprise –, dans le public ?

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Astérix et Obélix au service de Sa Majesté

Vendredi 23 novembre 2012

Réalisé par Laurent Tirard

Sorti en France (Festival de Dinard) le 6 octobre 2012

Sorti en France et en Belgique le 17 octobre 2012

Laurent Tirard n’avait guère réussi Le petit Nicolas, mais il fait mieux cette fois-ci, grâce à un scénario ingénieux directement adapté de deux bandes dessinées, et un dialogue plutôt drôle. Les acteurs ne se prennent pas au sérieux et font leur numéro, c’est ce qu’il fallait. Le film est très plaisant.

On retiendra la définition que donne d’Astérix et Obélix le jeune Goudurix : « Deux types qui vivent ensemble avec un petit chien ». Ils vont bientôt pouvoir se marier !

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Augustine

Lundi 26 novembre 2012

Réalisé par Alice Winocour

Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2012

Sorti en France le 7 novembre 2012

Augustine, âgée de dix-neuf ans et illettrée, sert à Paris comme domestique dans une famille riche. Un soir de 1885 – mais l’histoire date en fait de 1873 –, en servant à table, elle s’effondre et a une crise d’hystérie. Symptôme le plus visible : elle ne peut plus ouvrir son œil droit, qui pourtant ne souffre d’aucune lésion. À l’hôpital de la Salpêtrière, le professeur Charcot s’intéresse à elle, essaie plusieurs traitements, et... en fait une sorte d’objet qu’il exhibe devant ses confrères. Au bout de quelque temps, la paralysie quitte l’œil droit et « émigre » un peu partout, mais du côté gauche : ouïe, odorat, et crispation du bras gauche.

Mais, après une chute dans un escalier, Augustine est totalement guérie, ce qui tombe mal, si l’on peut dire, puisque Charcot doit justement faire une exhibition de plus devant tous ses collègues. Alors, elle simule, non sans lui lancer en douce des regards ironiques, qu’il comprend assez pour entraîner sa patiente dans son cabinet et coucher avec elle – façon de parler, puisque l’accouplement a lieu debout, contre un mur, assez bestialement. Là-dessus, le film s’arrête.

Quelques remarques : d’abord, le traitement réel a duré douze ans avant qu’Augustine s’évade de l’hôpital, mais rien n’indique ce passage du temps dans le film, où tout ne semble durer que quelques mois. En outre, Vincent Lindon a été couvert de fleurs pour son interprétation, or il ne fait quasiment rien, ni par la voix, ni par les expressions de son visage. C’est que Lindon est parvenu à un stade de sa carrière où, comme chez tous les comédiens, public et critiques acceptent tout, quoi que fasse l’acteur. Rien d’étonnant, c’est ainsi avec la totalité des acteurs ayant tenu assez longtemps. La réalisatrice, qui fait là son premier film, a aussi son lot de louanges, or son film pêche tout de même gravement par le fait qu’on ne sait rien des traitements que Charcot applique à sa patiente, qu’on n’apprend strictement rien sur la maladie dont il est question, et qu’on ignore d’où provient la guérison. C’était donc des détails négligeables ?

Cela n’a pas empêché la réalisatrice, comme tous les gens de ce métier, de se répandre dans les médias pour y dire des bêtises. Échantillon : Charcot « lui-même est hystérique, il réfrène son désir pour Augustine », détail purement imaginaire. Ou encore : « Lindon, qui est très sexuel [sic], était idéal pour le rôle ». Mais alors, pourquoi voulait-elle engager Benoît Poelvoorde ? Ou mieux : « Entre Charcot et Augustine, c’est quasi SM. Quand il lui donne de la soupe, c’est comme une fellation ». Pensez-y à votre prochain potage.

Le film n’a eu qu’un peu plus de cent mille entrées. Avec ce succès d’estime, dû davantage à ce qu’il veut raconter qu’à ce qu’il montre en réalité, il a fini au bout de deux semaines dans un placard à balais.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Amour

Mardi 27 novembre 2012

Réalisé par Michael Haneke

Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2012

Sorti en France le 24 octobre 2012

Tous les films d’Haneke sont des tragédies comportant au moins une mort violente. Jamais un seul instant où vous auriez le loisir de rire, ou même de sourire : l’atmosphère ne se détend à aucun moment. Je crois que cela serait considéré comme une erreur, sur le plan du récit, par la plupart des grands cinéastes, qui savent tous ménager quelques moments où le public peut souffler un peu. Je ne prétends pas que Le ruban blanc, par exemple, n’est pas une grande œuvre, néanmoins je comprends que beaucoup de spectateurs rejettent ce film où les assassins sont des enfants !...

Ici, au contraire, le meurtrier est un octogénaire, mais il l’est pour la bonne cause : son épouse agonise sur toute la durée du film, et il l’étouffe sous un oreiller pour abréger ses souffrances. Or c’est ce qu’elle souhaitait.

Scénario insatisfaisant sur un point : tout commence lorsque les pompiers entrent dans l’appartement en enfonçant la porte, et trouvent le cadavre déjà momifié d’Anne. Apparemment, puisque les interstices de la porte ont été obturés et que les sauveteurs s’empressent d’ouvrir les fenêtres, Georges s’est aussi suicidé au gaz, mais on n’en voit rien, et le flashback constituant tout le film démarre ensuite.

On comprend les motifs du malheureux époux, mais j’ai le regret de dire que ce film parfaitement réalisé ne recèle pas une seconde de véritable émotion : on admire, mais on ne participe en rien. Même le fait d’avoir connu cela, voire pis, dans sa propre famille, peut très bien vous laisser de marbre.

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End of watch

Mercredi 28 novembre 2012

Réalisé par David Ayer

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 8 septembre 2012

Sorti en France le 14 novembre 2012

En Russie, le film s’intitule « Patrouille », ce qui correspond tout à fait à ce que montre l’écran : deux policiers, coéquipiers, et qui patrouillent, à bord de leur voiture, dans le secteur de Los Angeles qui leur a été attribué pour la journée. Naturellement, cela se passe mal, sinon il n’y aurait pas de film. Et comme ils ont trouvé une cache pleine d’argent sale et d’armes à feu appartenant à un gang, il y aura des représailles : l’un des deux policiers est blessé, l’autre tué.

Le meilleur du film est dans les rapports des deux policiers entre eux, leurs plaisanteries (grasses) et les récits qu’ils font de leurs relations avec leurs compagnes respectives ; le pire est dans les scènes d’action, en montage haché, filmées via une caméra gigotante pour sacrifier à la mode actuelle. Dialogue à la hauteur de ce style visuel, et au bout de deux ou trois cents fuck et fucking, le spectateur demande grâce et rentre chez lui pour relire La princesse de Clèves.

Mais pourquoi fait-on autant de films à la gloire de la police ?

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Twilight - Chapitre 5 : Révélation 2e partie

Jeudi 29 novembre 2012

Réalisé par Bill Condon

Titre original : Breaking dawn

Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 8 septembre 2012

Sorti en France, Belgique, Italie, Suède, Suisse Romande et aux Pays-Bas le 14 novembre 2012

Chaque fois qu’un titre original contient un jeu de mots, vous pouvez être certain que le distributeur français le gommera pour le remplacer par une platitude. La dernière fois, c’était avec Kauwboy (voir un peu plus haut), mais il y avait eu, deux ans plus tôt, le sabotage de l’excellent titre The boat that rocked...

Avec ce chapitre 5, dont on espère bien qu’il sera le dernier, on croit avoir compris que les familles Cullen et Volturi ne peuvent pas se piffer. On assiste donc, peu avant la fin du film, à une bataille générale dans la neige : et que je t’arrache la tête, et que je te balance à cent mètres d’un seul coup de poing, et que je te fais dévorer par les chiens, etc. Puis, subitement, tout se dissipe : tout cela n’était qu’un fantasme, une anticipation, et les deux clans sont à deux doigts de faire la paix. Le plus surprenant est que Taylor Lautner ne participe pas à la bagarre, alors que, champion de karaté depuis l’enfance, il était sans doute le plus apte.

Pour le reste, le film commence et s’achève par une séquence de tendresse entre les deux époux, photographiée comme pour les pages d’un hebdomadaire féminin, au son d’une musique douceâtre qui n’arrange rien. Les trois vedettes sont un peu en retrait, mais quelques visages connus et vus ailleurs apparaissent de temps à autre pour distraire le pauvre spectateur de sa torpeur.

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Les cheveux de Harpo Marx

Vendredi 30 novembre 2012

Devinette : quelle était la couleur des cheveux de Harpo Marx ? Je sais qu’ayant vu tous les films des Marx Brothers, vous allez répondre qu’il avait les cheveux blonds. Perdu !

Quand les frères Marx ont débuté sur scène, Harpo, ainsi surnommé parce qu’il jouait de la harpe, portait une perruque... rouge. D’ailleurs, dans Go west ! (en français, Chercheurs d’or), une femme le qualifie d’« homme aux cheveux rouges »). Puis les frères ont commencé à faire du cinéma, et comme leurs films étaient en noir et blanc, la perruque apparaissait noire. Si bien que Harpo choisit alors de porter une perruque blonde !

 

Harpo Marx

 

Il existe une preuve de ce détail capital, preuve que vous pouvez visionner ICI, où il joue un Newton qui se fâche contre les pommes. La scène, qui dure deux minutes et sept secondes, a été filmée en 1957.

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Sites associés :    Yves-André Samère a son bloc-notes 122 films racontés

Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2020.