Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : L’attentat – The attack – Mud – Mud - Sur les rives du Mississippi – The tree of live – Vanishing waves – Inception – Avatar – Oh boy – Les quatre cents coups – La grande bellezza – Roma – Only God forgives – Nicolas Winding Refn – Un chien andalou – Nemesis – Downton Abbey – Pusher – Bronson – Le guerrier silencieux, Valhalla Rising – Drive – Un mariage de rêve – Crime d’amour – Titus Andronicus – Titus – Blackbird – Le procès – Le désert des Tartares – Il deserto dei Tartari – Shokuzai - Celles qui voulaient se souvenir – Shokuzai – La poupée française – French doll – Réunion des parents d’élèves – PTA rinji soukai – The cure – Kaïro – Tôkyô sonata – Shokuzai - Celles qui voulaient oublier – Shokuzai 2 – Frère ours, sœur ours – Kuma no kyoudai – Deux mois deujx jours – To tsuki to oka – Rédemption – Tsugunai – Une place au soleil – A place in the sun – Match point – L’homme des vallées perdues – Géant – Une tragédie américaine – Room 237 – Le fils unique – Hitori musuko – Bonjour – Struck – Struck by lightning – Glee – The bay – Paranormal activity – Blair witch project – [REC] – Cloverfield – Kick-ass 2 – Orange mécanique – Before midnight – Les beaux jours
Personnes citées : Ziad Doueiri – Yves Boisset – Mehdi Ben Barka – Jeff Nichols – Tye Dheridan – Sam Shepard – Reese Witherspoon – Arturo Brachetti – Kristina Buozyte – Michelangelo Antonioni – Jan Ole Gerster – Woody Allen – François Truffaut – Paolo Sorrentino – Anna Magnani – Federico Fellini – Fanny Ardant – Luis Buñuel – Agatha Christie – Dan Stevens – Ryan Gosling – Kristin Scott Thomas – William Shakespeare – Anthony Hopkins – Jason Buxton – Nicolas Sarkozy – Rachida Dati – Franz Kafka – Connor Jessup – Jacques Perrin – Leonardo DiCaprio – Valerio Zurlini – Dino Buzzati – Kiyoshi Kurosawa – Akira Kurosawa – George Stevens – Woody Allen – Stan Laurel – Oliver Hardy – James Dean – Elizabeth Taylor – Montgomery Clift – Theodore Dreiser – Josef von Sternberg – Yasujirô Ozu – Brian Dannelly – Chris Colfer – Barry Levinson – Oren Peli – Jim Carrey – Mark Millar – Jackie Chan – Stanley Kubrick – Richard Linklater – Marion Vernoux – Fanny Chesnel – Laurent Laffitte
Réalisé par Ziad Doueiri
Titre original : Paradies: Hoffnung
Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 1er septembre 2012
Sorti en France et en Belgique le 29 mai 2013
Rien à voir avec le film qu’Yves Boisset avait réalisé en 1972, sur l’affaire Ben Barka. Ici, tout se passe en Israël.
Ce film, issu du roman d’un écrivain arabe de langue française, est à ce point construit pour démontrer quelque chose, qu’il pourrait servir de support à une émission télévisée : un chirurgien palestinien, Amin Jaafari, vit et travaille à Tel-Aviv, et, totalement dépolitisé tout autant que laïque, ne s’intéressant qu’à son travail, il bénéficie d’une solide réputation, recevant même une récompense officielle au début de l’histoire. Mais sa femme, chrétienne, a été traumatisée par un attentat sanglant, qui l’a conduite à prendre parti, quoique sans en avertir son époux, pour la méthode du terrorisme armé. Elle opte alors pour un attentat suicide dans un restaurant, qui cause dix-sept morts. Et son mari va tenter de comprendre. Son enquête sera cahotique et mal vue par tout le monde. Cependant, à la fin de ce film un peu trop long et guère palpitant, on ne comprend pas vraiment les motivations profondes de cette femme.
Le plus surprenant est sans doute que le réalisateur, qui est libanais, a pu tourner en Israël (grâce, il faut le dire, à son passeport états-unien) cette histoire qui n’est pas franchement tendre pour le pays où elle se déroule. Mais enfin, les réalisateurs israéliens eux-mêmes sont accoutumés à taper sur leur gouvernement, qui, en dépit des nombreux extrémistes que compte le pays, n’exerce aucune censure politique. On aimerait voir la même chose dans les pays arabes ou en Chine.
Réalisé par Jeff Nichols
Titre original : Mud
Sorti en France (Festival de Cannes) le 26 mai 2012
Sorti en France le 1er mai 2013
Pas du tout le chef-d’œuvre annoncé par les cris d’admiration de la critique, et je persiste à penser que le cinéaste n’est pas du tout le nouveau maître du cinéma qu’on attend en vain depuis la mort des VRAIS grands anciens. Son précédent film jouait sur un vieux truc de scénariste, le thème du personnage qui est obsédé par quelque chose, dont tout le monde croit qu’il est fou, mais on apprenait à la fin qu’il avait raison !... Ici, c’est un personnage de voyou qui a commis un crime, que l’on recherche pour lui faire la peau, et qui, s’étant réfugié sur une île du Mississippi, est aidé par deux jeunes garçons que ses manières fascinent, et auxquels il a d’ailleurs menti sans vergogne. À la fin, fusillade générale, scène qui n’est pas du tout dans le ton du film, l’homme est tué, et les garçons, surtout celui qu’on a suivi, Ellis, joué par Tye Dheridan (il jouait aussi dans ce navet, The tree of live), et qui est le plus intéressant, « deviennent adultes ». Un poncif très récalcitrant.
Le réalisateur, qui a en effet un soupçon de savoir-faire – voir plus loin mes restrictions –, multiplie les détails qui tendent à nous persuader que nous sommes dans un milieu très spécial quoique déjà beaucoup vu, celui des pauvres gens de la région du Mississippi, et laisse cabotiner sa vedette, alors que les deux jeunes acteurs sont bien plus efficaces. Mais je lui accorde une énorme vertu : il a déclaré qu’il avait utilisé la steadicam, une invention géniale en matière de caméra, parce qu’il « déteste la caméra à l’épaule, l’image qui bouge dans tous les sens ». Cela tombe bien, beaucoup de spectateurs détestent aussi !
Résumons : un scénario mal construit, qui démarre trop lentement, des dialogues pauvres, des personnages qui ne sont que des clichés ambulants, des vedettes sous-employées (Sam Shepard et Reese Witherspoon), une lenteur pénible, jamais la moindre émotion ni le moindre suspense, même quand le garçon est mordu par un serpent venimeux, une fusillade d’avant-fin totalement ridicule, et un épilogue d’une rare platitude : le garçon et sa mère ont déménagé pour s’installer en ville, et le jeune Ellis découvre qu’heureusement il y a de jolies filles dans le coin pour remplacer celle qui ne l’aime pas ! Overdose d’humanisme de pacotille.
Heureusement, il y a le rire salvateur des faux raccords, qui compense l’ennui. Un faux raccord, c’est une incohérence entre deux plans ou deux scènes successifs, et j’en ai relevé au moins deux.
Premier faux raccord : Ellis a frappé le garçon qui flirtait avec celle dont il souhaitait qu’elle devienne sa petite amie. Le garçon lui rend un marron. Plan sur Ellis, il a simplement une ecchymose sur le mention. Court plan sur la fille, puis retour sur Ellis, qui a maintenant au menton une plaie qui saigne et trois éraflures sur la joue droite. Sur la scène suivante, qui se déroule immédiatement après, son visage est intact, toutes les plaies ont disparu !
Second faux raccord : Ellis a été mordu par un serpent, et Mud, torse nu, attrape sa chemise au passage et court afin de le secourir, cela sur un terrain accidenté. Plan suivant, deux secondes plus tard : sa chemise est complètement boutonnée. Si Arturo Brachetti tombe malade, il pourra se proposer pour le remplacer.
Réalisé par Kristina Buozyte
Titre original : Aurora
Sorti en Tchéquie (Karlovy Vary International Film Festival) le 29 juin 2012
Sorti en France le 29 mai 2013
Un beau ratage, par excès de prétention et d’obscurité sans doute voulue. Le film évoque Inception, pour cette idée de prétendre naviguer dans un esprit étranger, ou encore Avatar, mais sans les images splendides de ce dernier film. Certes, la réalisation est soignée, les mouvements de caméra sont souples, les décors parfois sophistiqués (comme cette étrange maison où tout se passe), la musique n’est pas la soupe habituelle, et le projet n’est pas médiocre, puisqu’il s’agit d’une expérience en neurologie consistant à communiquer avec l’esprit d’une femme plongée dans le coma. Le sujet-acteur est un scientifique, Lukas, qui, connecté au cerveau de la femme, a la mission de faire un rapport sur ce qu’il aura vu en songe pendant que ses collègues enregistrent les données émises par les neurones de l’une et de l’autre. Or, dans son exploration imaginaire, il va « rencontrer » une femme inconnue, qu’il baptise Aurora, et, à son réveil, il ment à ses collègues et leur cache cette vision. Naturellement, cela tourne mal, et la fin montre que l’expérience a raté : la femme dans le coma meurt.
Tout cela serait bel et bon, mais la réalisatrice n’a pas l’esprit simple, elle force la note sur l’esthétisme et l’intellectualisme, multiplie les visions incompréhensibles – voire repoussantes comme cette scène de repas –, insère beaucoup de plans de nus, et inflige au public deux plans-séquences excessivement longs et vides, qui sapent tout intérêt de la part du spectateur. Il est vrai qu’elle a subi l’influence d’Antonioni, cinéaste très coté qui cultivait les mêmes travers !
Ce n’est pas le tout d’être original, encore faudrait-il savoir ne pas ennuyer.
Réalisé par Jan Ole Gerster
Sorti en Tchéquie (Karlovy Vary International Film Festival) le 3 juillet 2012
Sorti en France le 5 juin 2013
Un premier film allemand, en noir et blanc, accompagné par de bonnes musiques de jazz qui rappellent celles dont se sert Woody Allen. En fait, c’est davantage une tranche de vie qu’une tranche de gâteau : Niko, Berlinois qui va sur ses trente ans, est un glandeur, et a laissé tomber ses études, si bien que son père lui coupe les vivres. Il va vivre une journée et une nuit d’errance, souvent en compagnie d’un copain, retrouver une fille connue à l’école primaire et qui, ancienne obèse, a bien maigri et cette fois lui plaît, mais qui ne se laisse pas faire, et enfin, rencontrer un sexagénaire inconnu dans un bar, qui après lui avoir conté ses souvenirs du temps des nazis, s’écroule sur le trottoir. On le conduit à l’hôpital, où il meurt.
On a comparé Oh boy au film de Truffaut Les quatre cents coups, ce qui n’est pas entièrement faux pour le style et le rythme, mais les âges des personnages sont très différents, et ce film allemand n’est pas un film d’initiation à la vie. Tel quel, avec son petit côté Nouvelle Vague, il est plaisant, surtout dans le vide actuel du cinéma international.
Un détail : on a beaucoup mentionné le gag récurrent du café que Niko ne parvient pas à se faire servir, à quatre reprises. Or il relève de la catégorie très spéciale du gag qui ne fait pas rire. En fait, c’est plutôt le symbole de l’insatisfaction procurée par un mode de vie urbain, où tout se déglingue.
Réalisé par Paolo Sorrentino
Sorti en France (Festival de Cannes) et en Italie le 21 mai 2013
Sorti en France le 22 mai 2013
Jamais à court de baratin creux, la publicité rapporte la première scène du film, où l’on voit un touriste japonais s’évanouir en contemplant le panorama de Rome : on nous dit qu’il a été terrassé par la beauté du spectacle... et il s’est trouvé des spectateurs pour gober ce bobard ! Or rien, dans ce qu’on voit et qui ne dure pas plus de cinq secondes, n’explique sa syncope, ni par cette raison ni par une autre.
Donc, cette grande beauté, c’est celle de Rome, la plus belle ville du monde, effectivement. Mais le film, qui ne raconte rien, suit les pérégrinations d’un ancien écrivain, lequel, après un roman à succès, n’écrit plus depuis quarante ans, proclame platement que la vie n’a pas de sens (quelle trouvaille !), et passe sa vie dans des soirées mondaines, où il ne rencontre évidemment que des snobs et des imposteurs, dont le plus beau fleuron est ce clone d’une pseudo-sainte que Jean-Paul II avait voulu canoniser : la caricature montre une religieuse édentée, qui ne mange que des racines, « soigne les pauvres en Afrique vingt-deux heures par jour » (sic !) et dort par terre, sur des cartons. Pour couronner le tout, histoire de se mortifier, elle monte les escaliers à genoux... Il y a aussi cette petite fille « qui gagne des millions » en projetant des pots de peinture sur une immense toile vierge et gratte furieusement sa cible pour parachever son œuvre, le tout sous les yeux d’une cinquantaine d’admirateurs béats.
On rirait nerveusement, et on se contenterait d’être épaté par cette scène où des flamants roses se sont regroupés sur une terrasse ayant vue sur le Colisée avant de reprendre leur envol, si tout cela n’était à ce point ennuyeux, et si on ne devinait pas, dès le début, que Sorrentino veut faire son Fellini, mais sans posséder le génie délirant de son modèle. Il n’est pas jusqu’à la célèbre scène, dans Roma, où Anna Magnani apostrophait Fellini (« Va dormir, Federico ! »), avec cette fois Fanny Ardant qui ne fait que passer et souhaiter bonne nuit au narrateur, qui n’attire notre attention sur la maladresse du plagiat. J’ajoute que Rome est assez mal filmée, et c’est un comble. Woody Allen a tout de même fait mieux.
Et puis, le film est bourré de publicités clandestines, ce qu’on appelle hypocritement « placement de produits » (la liste au générique de fin est longue comme la rue de Vaugirard), au premier plan desquelles ce panneau lumineux géant pour Martini, qui revient avec insistance tout au long du récit. On n’a donc aucune vergogne ? À quand des pubs pour Kalachnikoff ?
Bien qu’ayant le vide en horreur, je ne mentionne pas « Inutile de se déranger » ; à cause de Rome, pas à cause du réalisateur ni du scénariste !
Réalisé par Nicolas Winding Refn
Sorti en France (Festival de Cannes) le 22 mai 2013
Sorti en France le 22 mai 2013
Je ne suis pas souvent d’accord avec Ségolène Royal, mais, pour une fois, elle n’a pas tort : l’interdiction de ce film aux moins de douze ans ne suffisait pas, il fallait l’interdire au moins de seize ans, car on ne peut pas infliger certaines visions d’horreur aux enfants. Il est vrai qu’en France, et surtout dans les multisalles, il n’y a AUCUN contrôle à l’entrée des cinémas... Le pire n’est pas tant que les scènes de mutilations et de massacres sont abondantes, il est dans la complaisance du réalisateur à montrer ce que le cinéma, autrefois, cachait derrière des ellipses un peu plus finaudes qu’un gros plan sur un stylet crevant un œil ! Et ne me jetez pas à la figure l’image célèbre du rasoir tranchant un œil (de bœuf, acheté dans une boucherie) dans Un chien andalou, de Luis Buñuel : ce plan, qui était une grosse blague, n’avait rien d’horrifique.
J’ai consulté la filmographie de Nicolas Winding Refn. Surprise : en 2007, pour la télévision britannique, il a réalisé un épisode sur Miss Marple, le personnage d’Agatha Christie, intitulé Nemesis, pas violent le moins du monde (j’ai lu le livre), et dont la vedette masculine était le très convenable Dan Stevens, qui était le non moins convenable héritier de la famille Grantham, dans Downton Abbey, autre succès de la même télévision ! À part cela, en effet, les autres films de ce réalisateur un peu surestimé sont orientés vers les personnages violents, voire criminels : les trois épisodes de Pusher sur des trafiquants de drogue, un curieux film sur un criminel célèbre, Bronson, un autre sur les Vikings, Le guerrier silencieux, Valhalla Rising, que je n’ai pas vu, et le célèbre Drive, déjà avec le beau mais très inexpressif Ryan Gosling. Je précise qu’il n’est inexpressif que chez ce réalisateur, car il peut être un excellent acteur ailleurs.
La nouveauté, ici, c’est que le scénario est squelettique, et pas toujours très clair : tout se passe à Bangkok, où Gosling dirige un club de boxe thaïlandaise, alors que, selon sa propre mère, il n’est pas un bon lutteur. Cette mère a eu deux fils, lui et Billy, l’aîné qu’elle préfère parce qu’il est « beaucoup mieux membré » – critère en effet déterminant pour susciter l’amour maternel. Pour ne pas changer, cette mère, qui vit aux États-Unis, ainsi que ses deux fils, trafiquent de la drogue, et elle débarque en Thaïlande avec la bagatelle de cinq kilos d’héroïne à écouler. Or Billy vient de se faire tuer, meurtre accompli par le père d’une fille de seize ans qu’il a violée puis tuée. S’ensuit une telle série de vengeances qu’on se croirait en Corse, mais en beaucoup plus impitoyable et sadique : mains coupées, yeux crevés, égorgements, etc. Bref, le réalisateur montre son vrai visage, celui d’un obsédé, d’un malade.
Alors, bien sûr, il y a des amateurs, parce que sa mise en scène est éblouissante : couleurs, décors, mouvements d’appareil, bruitages, musique, tout cela frise la perfection. Mais mis au service d’une histoire si bête que c’en est du gaspillage.
Gosling, mis à part une scène de boxe thaï dans laquelle il ne parvient pas à porter le moindre coup à son adversaire et se fait ratatiner (il est loin, le héros invincible de Drive !), ne dit pas trois mots et affiche la même expression tout au long du récit. On a aussi beaucoup écrit et dit que Kristin Scott Thomas était stupéfiante dans ce rôle de mère glacée et impitoyable, mais je regrette de noter que son personnage est si caricatural qu’il en est presque risible. Mieux vaut la voir dans Un mariage de rêve ou Crime d’amour, où elle se montre presque aussi dure, mais sans la caricature.
Et puis, signalons aux amateurs d’atrocités qu’on a fait beaucoup mieux : Shakespeare soi-même, dans Titus Andronicus, en avait accumulé bien davantage, mais le film Titus qu’on en a tiré, avec Anthony Hopkins, ne tombait pas dans le gore primaire. Je soupçonne le grand Will de s’être bien amusé, mais en douce.
Réalisé par Jason Buxton
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2012
Sorti en France le 12 juin 2013
De ce film important et réalisé par un débutant n’ayant fait auparavant que trois courts-métrages, film qui malheureusement porte le même titre qu’un autre sorti la même année, « Le Canard enchaîné » paru ce jour écrit faussement (sans doute parce qu’il reproduit le laïus inscrit dans le dossier de presse, donc sur le site Allociné), qu’il traite des ravages causés par le principe de précaution dans le système judiciaire. Or le principe de précaution, que la France a fait aussi l’erreur d’adopter, ne vise que des innovations industrielles et commerciales, il ne vise pas les personnes. En fait, ce qui est ici en cause, c’est cette tare du système judiciaire américain – tant aux États-Unis qu’au Canada, puisque cette histoire se passe dans ce dernier pays – et qu’on a failli inclure aussi chez nous dans nos lois : le système du « plaider coupable », qui avait la faveur de Sarkozy et de sa postiche Garde des Sceaux, Rachida Dati. En gros, dans les pays qui le pratiquent, si on vous accuse de quelque chose, vous avez le choix : ou bien vous prétendez être innocent, et il faudra affronter un procès, dans un délai forcément éloigné, avec tous les frais afférents (dont une fortune pour payer votre avocat... et la caution, si vous désirez patienter en liberté provisoire) ; ou bien vous évitez le procès en vous reconnaissant coupable, et le parquet, immédiatement, négocie avec vous une peine réduite, vous ne passerez pas devant un tribunal, mais votre innocence éventuelle ne sera JAMAIS prouvée ni reconnue.
L’histoire ici est assez simple : Sean Randall, seize ans, est le seul « gothique » de son lycée. Blouson clouté, ongles vernis de noir, un anneau dans l’arcade sourcillière, goût pour un certain type de musique. Intelligent (il est le seul personnage qui lit, notamment Le procès de Kafka) et plutôt beau garçon, il plaît à une camarade, Deanna, mais elle est la petite amie officielle de Cory, un membre de l’équipe de hockey. Cory interdit à Sean d’approcher Deanna, et Sean se venge bêtement en écrivant une histoire, vite mise en ligne sur Internet, où il imagine qu’il flingue tous les joueurs de hockey du patelin, et en envoyant un message à Deanna, dans le style « Si Cory s’approche de moi, je le tue ».
Or la petite ville est peuplée de familles bien-pensantes, qui s’effarouchent et portent plainte, et la police découvre chez le père de Sean, un passionné de chasse, une demi-douzaine de fusils hélas chargés. Sean est aussitôt arrêté et accusé d’avoir voulu rééditer la tuerie du lycée de Columbine en massacrant... vingt-sept personnes !
Se sachant innocent, Sean refuse de plaider coupable, et, en attendant son procès, il est envoyé dans une prison pour mineurs, peuplée d’authentiques délinquants, qui ne tardent pas à le brimer. Pour leur échapper, il s’arrange pour être mis au cachot, mais c’est pire, l’administration l’empêche sciemment de dormir en laissant la lumière constamment allumée et en diffusant dans sa cellule un sifflement permanent. Sean renonce alors et accepte de plaider coupable, on le relâche, mais il lui est interdit d’approcher aucune des personnes qu’il a « menacées », dont évidemment Deanna ; et, en prime, de retourner au lycée ! Or Deanna l’aime, lui donne un rendez-vous devant chez elle, il s’y rend, se fait surprendre et repasse devant le juge pour rupture des conditions de sa libération conditionnelle. Cette fois, il se défend, avance qu’il a toujours été innocent, qu’il n’avait avoué sa culpabilité qu’en mentant sur le conseil de son avocat... et se voit alors accusé de parjure ! Retour en prison. Tout cela parce que, semble-t-il, la loi canadienne « protégeant » l’identité des mineurs soupçonnés leur interdit aussi de présenter publiquement leur défense ! On lui colle donc trois mois de prison ferme.
La fin est optimiste, il finit par sortir, Deanna quitte sa famille, et sans doute referont-ils leur vie ailleurs. Mais le parcours aura été long et douloureux.
Le film est impeccablement conduit, sans rien de trop, et j’ai beaucoup aimé l’évolution des rapports entre Sean et Trevor, son principal ennemi en prison, qui finissent presque par devenir amis, grâce à la générosité et la solidarité naturelles de Sean. Son interprète, Connor Jessup, a l’âge du rôle (c’est rarissime, car on choisit en général des acteurs plus âgés mais d’aspect juvénile, voyez naguère Jacques Perrin ou Leonardo DiCaprio), et rallie les suffrages du public, qui n’a aucun mal à s’identifier à lui. Réalisation classique, sans esbrouffe, mais une sortie un peu sacrifiée : sept salles seulement à Paris. Or c’est probablement le meilleur film du moment.
En juillet 2008, le Centre National du Cinéma s’est intéressé au prix des places de cinéma. Non, sans blague, il n’y avait pas pensé avant ? En tout cas, il a découvert que 21,4 % des tickets vendus en France entre 2005 et 2008 coûtaient entre 6 euros et 6,99 euros, que 20,5 % coûtaient entre 5,04 euros et 5,99 euros, et que 18,2 % coûtaient entre 4 euros et 5,02 euros (ne me demandez pas pourquoi ces limites sont si étranges). Quant aux prix les plus élevés, supérieurs à 8 euros, ils ne concernaient que 15 % des billets, où sont inclus ceux achetés avec les cartes d’abonnement comme la carte UGC Illimité.
Il n’en reste pas moins que, jadis, le cinéma était un divertissement de pauvre, et que tout cela a changé. En mal, puisque, en même temps, les films sont devenus moins bons. Fini, le temps où sortaient chaque mois un ou deux chefs-d’œuvre !
Réalisé par Valerio Zurlini
Titre original : Il deserto dei Tartari
Sorti en Italie le 29 octobre 1976
Sorti en France le 12 janvier 1977
Ressorti en France le 12 juin 2013
D’après un roman célèbre de Dino Buzzati, l’illustration de l’absurdité qui caractérise (parfois) la vie militaire de garnison. Le lieutenant Drogo, pour sa première affectation, est envoyé dans la forteresse de Bastiano, qui surveille théoriquement la frontière nord d’un pays indéterminé, vaguement italo-prussien, en bordure d’un désert que jadis, selon la légende, les Tartares auraient parcouru. L’objectif de cette garnison pléthorique est de veiller au salut de l’Empire, et de le défendre contre un « ennemi » invisible et dont on ne saura jamais rien. Mais, avec les années, le commandement décide de dégarnir les effectifs, et c’est alors que ledit ennemi semble se décider à lancer une attaque, qu’on ne verra pas non plus.
De nombreux acteurs très connus et venus de divers pays garnissent la distribution, certains ne faisant guère que passer dans de petits rôles, tous représentant les diverses formes de la vie militaire, et tous désenchantés. Morale de l’histoire : tant d’années passées, tant d’existences gâchées, dans l’attente d’un évènement qui ne se produit jamais – car l’assaut final est aussi très peu probable : pourquoi attaquer une forteresse vide ?
Les extérieurs du film ont été pris en Iran, à Arg-e Bam, haut-lieu touristique aujourd’hui mais qui n’était pas encore à la mode lors du tournage, le reste étant filmé en Italie. Et, bien qu’il dure deux heures vingt et qu’il ne s’y passe pas grand-chose, il ne semble pas trop long. Preuve que la durée mathématique d’un film ne coïncide pas forcément avec l’impression qu’on en retire. Bonne idée d’avoir restauré cette œuvre un peu oubliée, et qui relevait du véritable cinéma.
Réalisé par Kiyoshi Kurosawa
Titre original : Shokuzai
Sorti à la télévision japonaise à partir du 8 janvier 2012
Sorti en France le 29 mai 2013
En fait, il s’agit d’une mini-série télévisée en cinq épisodes, diffusés au rythme d’un par semaine, d’après un roman célèbre au Japon, qui est distribuée chez nous sous la forme une peu raccourcie de deux films, et dont celui-ci est le premier. Les Japonais se mettrait-ils à faire de bonne télévision, comme les Britanniques et certaines chaînes états-uniennes ?
C’est l’histoire d’un drame concernant cinq écolières, et de ses conséquences quinze ans plus tard. Dans le prologue, Emili a été assassinée dans son école, ses quatre petites camarades ont toutes vu l’assassin avant le meurtre, mais demeurent incapables de dire à quoi il ressemblait. Madame Asako Adachi, la mère de la victime, les invective, dit qu’elle les tient pour responsables et qu’elles lui doivent une réparation.
Suivent dans ce film, qui a une suite, les histoires de deux des petites filles, devenues des femmes : Sae Kikuchi, dans l’épisode La poupée française (en anglais, French doll), puis Maki Shinohara, dans l’épisode Réunion des parents d’élèves (en japonais, PTA rinji soukai).
Sae n’a aucune vie sexuelle, et ses règles ne sont jamais apparues. Elle accepte d’épouser un garçon riche, mais tout aussi détraqué, car seules les poupées l’excitent. Il n’aura donc jamais de relations intimes avec sa femme, mais, très autoritaire, il la contraindra, au moment d’aller dormir, à se vêtir en poupée avant d’attendre qu’il s’endorme. Sae est malheureuse, mais ne peut rien dire, car elle a accepté le marché. Cependant, le jour où ses règles apparaissent, elle a une dispute avec son mari, et le tue.
Maki est devenue une institutrice compétente mais très rigoriste, au point que les parents de ses élèves se plaignent. Mais, un jour qu’avec deux collègues masculins elle surveille les activités en piscine, un fou s’introduit dans le lieu, armé d’un couteau, et blesse l’un des professeurs masculins, pendant que l’autre s’enfuit. Maki s’empare d’un bâton, et, comme elle pratique les arts martiaux, elle combat l’agresseur, l’envoie dans le coma, et il en mourra. Elle est d’abord vue par ses collègues, sa hiérarchie et les parents d’élèves, comme une héroïne, mais on ne tarde pas à estimer qu’elle fait peur aux élèves. On exige d’elle qu’elle se justifie, et, avant de démissionner de l’enseignement, elle explique que, n’ayant pas pu empêcher, quinze ans plus tôt, le meurtre d’Emili, elle tente depuis de compenser cette « faute » par sa violence envers ceux qui font le mal.
Kiyoshi Kurosawa, qui n’a rien à voir avec le grand Akira Kurosawa, est un réalisateur de télévision et de cinéma très prolifique, et qui, à 58 ans, a réalisé trente-huit films et téléfilms, pas tous sortis en France, et dont je n’ai vu que The cure, en 1997, Kaïro, en 2001, et Tôkyô sonata, en 2009, aucun ne m’ayant réellement séduit. Pourtant, ici, son travail est très convaincant, et le prologue, notamment, est un modèle du genre.
Je verrai la deuxième partie le lundi 17. Soit dit en passant, les deux titres adoptés en français ne veulent pas dire grand-chose, et la série s’intitule simplement Shokuzai, ce qui signifie « pénitence ».
Réalisé par Kiyoshi Kurosawa
Titre original : Shokuzai 2
Sorti à la télévision japonaise à partir du 8 janvier 2012
Sorti en France le 5 juin 2013
Cette deuxième partie, qui dure deux heures et vingt minutes, déçoit, mais on est obligé de la voir pour connaître le fin mot de l’histoire. Cette fois, ce sont trois épisodes qui se succèdent, Frère ours, sœur ours (en japonais, Kuma no kyoudai), Deux mois deux jours (en japonais, To tsuki to oka), et Rédemption (en japonais, Tsugunai), qui constitue l’épilogue et fournit l’explication tant attendue.
Le premier épisode est relativement court : Akiko Takano, l’une des petites filles témoins du meurtre initial, est devenue une jeune fille se souciant peu de sa personne, c’est-à-dire qu’elle s’habille mal et ne regarde pas les garçons. Mais son frère aîné, qui vivait à Tôkyô, revient s’installer auprès de sa famille, avec la femme très citadine qu’il a épousée, et la fille de celle-ci. Akiko est priée de s’occuper de la petite fille pendant les absences de son frère, qui cherche à monter une affaire sur Internet, et l’ayant prise en affection, se méprend : elle croit que son frère cherche à abuser de l’enfant, et... elle l’étrangle avec sa corde à sauter.
Le deuxième épisode montre Yuka Ogawa, la dernière des filles témoins, qui est devenu employée dans un commerce de fleurs. Du genre volage, elle cherche surtout un mari riche, tout en accordant ses faveurs à son patron et au mari de sa sœur. Ayant entendu dans une émission de télévision la voix d’un homme qu’elle reconnaît comme celle de l’assassin d’Emili, elle va proposer un marché à madame Adachi, la mère de celle-ci : je vous fournis le renseignement que vous cherchez depuis quinze ans, et vous me donnez votre riche mari !Asako Adachi l’envoie sur les roses. Or le beau-frère a mis sa maîtresse enceinte. Comme il refuse lui aussi de divorcer pour l’épouser puisqu’il ne l’aime pas, elle le pousse dans un escalier, il dévale les marches et se tue.
Ainsi, à ce stade, les quatre filles témoins ont toutes tué quelqu’un.
Dans l’épilogue, madame Adachi a changé d’avis et obtient, non pas l’identité du meurtrier de sa fille, mais l’endroit où il travaille, une école qu’il a fondée. Elle s’y rend, et... reconnaît son ancien amant, connu lors de leurs études vingt-cinq ans auparavant, et dont elle a laissé la compagne se suicider. Elle comprend aussi qu’il était le père d’Emili, qu’il a tuée sans savoir qui elle était, cela, parce qu’ayant appris les détails du suicide, il voulait se venger. Naturellement, Asako veut le tuer à son tour, mais il lui vole sa vengeance en se plaçant volontairement sur le trajet d’un train. Bouleversée, Asako s’accuse de l’avoir poussé sous le train, mais le conducteur a tout vu et la disculpe. Il n’y aura donc pas de rédemption.
Je regrette de dire que les accumulations de hasards ayant conduit au meurtre du début sont à ce point tirées par les cheveux qu’on ne croit plus beaucoup à cette histoire un peu trop systématique. Ainsi, une fois de plus, une réalisation parfaite est mise au service d’un scénario insuffisamment crédible... et trop littéraire.
Réalisé par George Stevens
Titre original : A place in the sun
Sorti aux États-Unis le 14 août 1951
Sorti en France le 11 octobre 1951
Ressorti en France le 1er mai 2013
Woody Allen s’est-il inspiré de ce film pour son Match point ? En tout cas, pour la première moitié, les deux films se ressemblent beaucoup : un jeune homme pauvre est en passe de se marier avec une héritière, mais il a encore une maîtresse enceinte qui s’accroche. Or elle meurt par accident, en sa présence. La suite diffère, puisque, chez Woody, le garçon a tué la fille et ne se fait pas prendre, alors que, chez Stevens, il est innocent mais, cru coupable, est condamné à mort.
George Stevens est un peu oublié, sans doute à tort, car il a signé quelques films qui ont marqué l’histoire du cinéma. Parmi eux, plusieurs films comme directeur de la photo avec Laurel et Hardy, L’homme des vallées perdues, dont j’ai parlé récemment, et Géant, le dernier film avec James Dean. Mais Une place au soleil est surtout la première rencontre entre Elizabeth Taylor et Montgomery Clift, qui feront encore deux films ensemble. Elizabeth fut le seul grand amour féminin de Clift, qui était par ailleurs homosexuel, et elle interprète ici un rôle totalement sympathique, ce qui n’a pas toujours été le cas dans sa carrière.
Le film est adapté d’un roman de Theodore Dreiser, Une tragédie américaine, déjà écranisé en 1931 par Josef von Sternberg. En fait, ce n’est pas vraiment un grand film, bien qu’il ait obtenu six Oscars. Il est certainement plus populaire aux États-Unis que dans les autres pays. Il faut dire que c’est un mélodrame assez banal, avec des personnages plutôt conventionnels. À voir, mais uniquement par curiosité.
Réalisé par Rodney Ascher
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 23 janvier 2012
Sorti en France le 17 mai 2013
Film vu et déjà traité ici. « Le Canard enchaîné » de ce jour affirme ce que j’avais dit : que le film est intéressant, mais pédale dans la choucroute dès qu’il s’agit du pseudo-tournage de l’alunissage d’Apollo XIII, où Kubrick n’a eu aucune part. Mais certains naïfs croient encore à ce bobard, et le film en fournit la preuve.
Réalisé par Yasujirô Ozu
Titre original : Hitori musuko
Sorti au Japon le 15 septembre 1936
Sorti en France le 19 juin 2013
Cela commence par le mensonge d’un garçon d’une douzaine d’années, Ryosuke : doué pour les études, il a dit à son instituteur que sa mère acceptait de l’envoyer au lycée, à Tôkyô. Or cette veuve, pauvre ouvrière qui travaille en province dans une usine textile, n’en a pas les moyens. Mais lorsque l’instituteur vient la voir pour la féliciter de sa décision, elle est coincée et se résigne, après avoir giflé son fils, à tout sacrifier, y compris sa maison, pour l’envoyer étudier à la capitale. Nous sommes alors en 1923. Apparemment, mère et fils ne se revoient pas, jusqu’en 1936, où elle se décide à faire le voyage vers Tôkyô afin de revoir son rejeton, dont elle croit qu’il a brillamment réussi, puisque c’était son but.
Or, non seulement le fils s’est marié et a eu un enfant dont il ne lui a jamais dit un mot, mais il n’a qu’un travail médiocre de professeur dans un cours du soir, et il habite avec sa famille dans un quartier déshérité, près d’une usine dont le bruit incessant empêche le voisinage de dormir. Et, pour recevoir sa mère, il est obligé d’emprunter, car il n’a pas les moyens. Outre cela, il a jeté l’éponge et déclare qu’il n’a aucun avenir. La mère, qui vit encore plus pauvrement que lui, exprime son mépris pour cette façon de penser, mais, à l’occasion d’un sacrifice que son fils a su faire pour secourir une voisine dont le fils a été accidenté, elle lui rend son estime et repart dans son village, heureuse une dernière fois.
Tout est très simplement dialogué et filmé. On sait qu’Ozu n’était pas un maniaque de la caméra virevoltante, puisqu’il ne la déplaçait jamais. Les plans ne durent pas, mais sont fixes et classiquement composés : pas de plongées, ni de contreplongées, pas de panoramiques, et bien sûr, pas de zoom, puisque ce procédé n’était pas encore inventé. On rapporte que, dans certains films, la caméra était immuablement placée à 90 centimètres du sol (c’est vrai dans ce film admirable qu’était Bonjour, en tout cas).
Ce film est le premier parlant de Yasujirô Ozu, et il faut avouer que la copie sortie en France, bien que restaurée, n’a qu’une image et un son médiocres, bien qu’elle ne soit affligée d’aucune coupure. Mais Ozu était un artiste à part, et tout ce qu’il fait est digne d’intérêt.
Rions avec nos amis critiques à la radio ou à la télévision. Bien qu’Ozu ait dirigé 54 films entre 1927 et 1962, (il est mort l’année suivante), aucun n’a pris la peine de se renseigner sur la façon de prononcer son nom. Et je ris chaque fois que j’entends dire « ozou » (presque autant que pour « kamikaz’ »). Le japonais est la langue la plus facile à prononcer de toute l’Asie – syllabique, sans diphtongues et sans accent tonique –, les sources d’information sont multiples et pas du tout confidentielles (ambassade du Japon, centre culturel japonais, et... Google), et ce nom se prononce « ozeu ». Oui, comme l’omelette.
Réalisé par Brian Dannelly
Titre original : Struck by lightning
Sorti aux États-Unis (Festival de Tribeca) le 21 avril 2012
Sorti en France le 19 juin 2013
Un court métrage portant le même titre est sorti le 13 mai aux États-Unis. Est-ce pour cela que le présent long métrage sort chez nous, réduit à un seul mot ? Ou parce que le distributeur a estimé que le titre complet n’étant pas composé des seuls mots magiques que connaissent les Français (good, bad, cop, trip, day, night, boy, girl, house, people), il en deviendrait incompréhensible ?
Carson, fils d’une pocharde divorcée, est le rédacteur en chef du journal de son lycée, mais le problème de ce garçon cynique et guère tourmenté par les scrupules (ce qui prouve bien qu’il est doué pour être journaliste) est double : nul ne lit cette feuille de chou, et personne, sauf lui, ne veut rédiger ou n’est même capable d’écrire le moindre article ! Or il ambitionne d’être engagé plus tard dans un VRAI journal, il lui faut donc décrocher un diplôme d’une université prestigieuse – rien à voir avec le lycée de Clover... Et sa candidature ne sera acceptée que s’il peut présenter un curriculum vitae un peu plus reluisant. Il faut donc créer un club littéraire dans cette ville de ploucs, où les lycéens ne connaissent que le foot et les beuveries du samedi soir.
Pour y parvenir, il va utiliser... le chantage, fondé sur les points faibles de ses camarades. Cela finit par fonctionner plus ou moins bien, mais, au moment où le nouveau journal littéraire du lycée est quasiment au point, il foudroyé par un orage – d’où le titre original du film.
Le scénario, qui n’est pas très original, est dû à un acteur de vingt-deux ans, Chris Colfer, qui s’est fait une notoriété en jouant, dans la série très surfaite Glee, le personnage d’un lycéen homosexuel très efféminé, et qui paraît au cinéma pour la première fois. Il est d’ailleurs venu présenter ce film à l’UGC des Halles la semaine dernière. Pas certain que le film tiendra longtemps l’affiche.
Réalisé par Barry Levinson
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 13 septembre 2012
Sorti en France le 19 juin 2013
Un film dans la lignée de ceux qui se font depuis quelques années pour nous prédire des catastrophes. Mais les catastrophes, si elles n’épargnent pas le cerveau des scénaristes et des réalisateurs, ne s’abattent pas sur les studios qui ont trouvé ce filon.
Donc, ici, Claridge, une petite ville côtière du Maryland, est victime d’une épidémie soudaine le 4 juillet 2009, jour de la fête nationale. Apparemment, un élevage industriel de poulets, en déversant les fientes de ces animaux dans la baie, a empoisonné la mer au point que des bactéries et des larves de crustacés, tous mutants, ont attaqué les poissons et achevé de polluer l’eau, si bien que les humains sont atteints d’un mal foudroyant : leur corps est dévoré de l’intérieur, à commencer par la langue (!), et ils meurent très vite. À la fin de la journée, même le CDC (Center for Disease Control and Prevention, sis dans la ville d’Atlanta) en perd son latin, et conseille aux médecins locaux de... prendre la poudre d’escampette en abandonnant leurs malades, qui meurent de toute façon, faute de parade. À la fin, remède de cheval, on déverse dans la mer une grande quantité de chlore, qui tue tous les parasites. Je pense que l’idée venait d’un directeur de piscine, qu’il faudrait vite nommer ministre de l’Intérieur ou de la Santé...
Co-produit par Oren Peli, le réalisateur du premier Paranormal activity (film le plus rentable de l’histoire, et parfaitement réalisé), ce film-ci utilise le même procédé, mais étendu, puisqu’il se compose de prises de vues présentées comme ayant été faites au moment du drame (voir Blair witch project, ou [REC], sa suite et son remake, ou Cloverfield) par diverses personnes, dont une journaliste débutante, et par quelques victimes pourvues de caméscopes. Par conséquent, toutes les images, dont on nous dit que le gouvernement les a censurées pour ne pas provoquer une panique, sont volontairement de mauvaise qualité, mais le pire n’est pas là.
Le pire est dans la très mauvaise idée d’avoir collé sur tout cela une bande sonore de film d’horreur, telle qu’en font composer les pires producteurs et metteurs en scène. Il y a, d’une part, les cris stridents accompagnant toute vision horrifique de corps mutilés ou en décomposition, et surtout une musique à base de percussion, et soulignant lourdement tout ce qui ne devrait pas l’être. Rappelons que Paranormal activity, au moins, était dépourvu de toute musique, et n’en était que plus fort.
De sorte qu’un film qui aurait pu être passable, bien que tourné en seulement dix-huit jours comme le dit la publicité, en devient totalement indigeste. En général, le public estime que cette histoire est idiote, mais, apparemment, personne n’a relevé ce dont je viens de parler. Les spectateurs sont sourds ?
On apprend que Jim Carrey, acteur, a tourné dans Kick-ass 2, et qu’il refuse de faire la promotion de ce film. Prétexte invoqué : il trouve le film trop violent.
Je veux bien le croire, puisque j’avais détesté le premier épisode, et pour une raison de cohérence. En effet, dans ce film bâti comme une comédie, on sectionnait le doigt d’un personnage avec un sécateur ! Je m’étais demandé comment on pouvait trouver ça drôle. Dire que Jerry Lewis et Billy Wilder, ces amateurs, n’y ont jamais pensé...
Jim, avant de tourner dans un navet, renseigne-toi sur le scénario ! C’est utile, parfois. Ce que justement fait remarquer Mark Millar, producteur exécutif du film et auteur des bandes dessinées qui ont inspiré cette bouse, en observant que « Tout ce qui a été tourné était déjà dans le scénario il y a 18 mois ». Mais existe-t-il beaucoup d’acteurs qui sachent lire ?
Rappelons tout de même que Jackie Chan, spécialiste des comédies fondées sur les arts martiaux, a reconnu, il y a déjà plusieurs années, qu’il hésitait désormais à faire des films trop violents, argüant qu’en tant que père de famille, il se sentait une responsabilité à l’égard du public jeune.
C’est pourquoi je ne gobe pas les contre-arguments des partisans de la violence au cinéma, comme ceux qui ont A-DO-RÉ Only God forgives, et selon lesquels ce n’est pas la violence au cinéma qui génère les mauvais instincts. Mais tout de même un peu, non ? Kubrick, qui était plus intelligent que toute cette clique de commerçants, avait interdit la projection d’Orange mécanique sur les écrans de Grande-Bretagne, ainsi que l’édition de son film en vidéo. Seule sa mort en 1999 a libéré le film.
Réalisé par Richard Linklater
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2013
Sorti en France le 26 juin 2013
Si on n’a pas vu les deux précédents épisodes, dus aux mêmes acteurs et réalisateur, mieux vaut être prévenu : on ne verra que des scènes de conversation tournant sur les divers thèmes des relations amoureuses, soit entre amants, soit entre gens mariés. C’est toujours aussi inventif et, on peut le dire, quasiment exhaustif, même s’il m’a semblé que la dispute dans la chambre d’hôtel, peu avant la réconciliation finale, était un tantinet forcée. Il faut dire que, si l’homme est simple et accommodant, la femme cumule, emmerdante, emmerdeuse et emmerderesse.
En tout cas, rendons hommage au cadreur qui a porté la steadicam ; les très longs plans de conversation entre deux personnages arpentant les rues, et filmées le plus souvent à reculons, constituent un bel exploit sportif ! Néanmoins, la scène que j’ai préférée a été la première, dans l’aéroport, entre Jesse et son fils de quatorze ans, Henry, qui part rejoindre sa mère aux États-Unis : on sent que ce père attentionné mais trop inquiet est un peu pesant, et que le garçon, qui ne veut pas le dire, n’a qu’une envie, qu’on lui lâche un peu les baskets. C’est le sort de tous les garçons !
Bref, un film très juste et bien écrit.
Réalisé par Marion Vernoux
Sorti en France (Festival de Cabourg) le 12 juin 2013
Sorti en France et en Belgique le 19 juin 2013
À soixante ans, Caroline, dentiste à la retraite, s’ennuie. Ses deux filles lui offrent un « forfait découverte » (sic) dans un club de retraités où l’on a des occupations aussi distrayantes qu’un atelier de poterie et un autre de théâtre. L’horreur... Tentée de prendre la fuite, Caroline est retenue parce qu’un jeune factotum de la maison la drague ouvertement. Une liaison commence. Mais Caroline est très connue dans sa petite ville du Pas-de-Calais, et comme tout se sait, son mari ne tarde pas à l’apprendre.
Pas de drame, Caroline savait d’avance que Julien se lasserait un jour, mais « Tu le sauras avant moi », lui avait-il prédit. Alors, elle saisit une occasion pour lui rendre sa liberté.
Le film est intelligemment et délicatement imaginé, d’après un roman de Fanny Chesnel, qui a collaboré au scénario. Les interprètes sont parfaits. Mais pourquoi, au générique, se croit-on obligé de mentionner « Laurent Laffitte, de la Comédie-Française » ? Il n’est pas sociétaire, seulement pensionnaire. Et le jour où, forcément, il quittera la maison (tous finissent par la quitter), cette mention apparaîtra ridicule. Comme dans ces films où, lorsqu’on faisait jouer un enfant, on inscrivait au générique « Le petit Untel » !
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.