Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : L’ennemi naturel – Lincoln – Eyes wide shut – Flight – Seul au monde – Robinson Crusoe – The master – Django unchained – Syngué sabour - Pierre de patience – Syngué sabour – À propos d’Elly – Flight – Le chat du rabbin – Tintin au Congo – Orange mécanique – Retour vers le futur – Qui veut la peau de Roger Rabbit ? – Sublimes créatures – Beautiful creatures – Twilight – Abattoir 5 – To kill a mockingbird – L’attrape-cœur – Cirque du Soleil 3D : le voyage imaginaire – Cirque du Soleil : worlds away – Avatar – Shrek – Le monde de Narnia – Lore – Vingt ans d’écart – Möbius – Drive – La mort aux trousses – La compagnie – Le goût des autres – Astérix et Obélix au service de Sa Majesté – Mensonges et trahisons et plus si affinités – Molière (2007) – Le petit Nicolas – No – Queen of Montreuil – Back soon – Elefante blanco – Warm bodies – Le terminal – Cloud atlas – Sous le figuier – Amour – Les amants passagers – Los amantes pasajeros – La mauvaise éducation
Personnes citées : Pierre-Erwan Guillaume – Atiq Rahimi – Jean-Claude Carrière – Atiq Rahimi – Golshifteh Farahani – Robert Zemeckis – Stanley Kubrick – Xavier Leherpeur – Richard LaGravenese – Charles Bukovski – Emma Thompson – Leonardo DiCaprio – Andrew Adamson – James Cameron – Cate Shortland – David Moreau – Éric Rochant – Vladimir Poutine – Jean Dujardin – Cécile de France – Alfred Hitchcock – Robert Litell – Agnès Jaoui – Jean-Pierre Bacri – Laurent Tirard – Woody Allen – David Lynch – Martin Scorsese – Jean-Luc Godard – Ethan Coen – Joel Coen – Jean-Jacques Sempé – Pablo Larraín – Augusto Pinochet – Salvador Allende – Jacques Séguéla – Solveig Anspach – Didda Jónsdóttir – Úlfur Ægisson – Pablo Trapero – Ricardo Darín – Jérémie Renier – Martina Gusman – Jonathan Levine – Nicolas Hoult – George A. Romero – Steven Spielberg – Andy Wachowski – Lana Wachowski – Tom Tykwer – Jean-Louis Borloo – Luc Besson – Claude Lelouch – Christopher Nolan – Anne-Marie Étienne – Gisèle Casadesus – Michael Haneke – Pedro Almodóvar – Antonio Banderas – Penélope Cruz
Je ne dois pas être trop mauvais prophète. Relisant tout à fait par hasard une notule que j’avais rédigée le lundi 3 janvier 2005, à propos d’un film idiot, L’ennemi naturel, je tombe en fin d’article sur cette phrase couperet : « Aussi vais-je prendre le risque de pasticher ce critique ayant cru autrefois expédier un Lelouch débutant, et réutiliser (avec sans doute plus de pertinence) sa formule qui a eu tant de succès : Pierre-Erwan Guillaume, retenez ce nom, vous ne l’entendrez plus jamais ». Pierre-Erwan Guillaume, vous l’avez compris, c’était l’auteur et le réalisateur de cette bouse.
Comme je suis au fond un type honnête et que je ne voulais pas taper sur un travailleur qui aurait pu faire ensuite des progrès, j’ai eu l’idée de rechercher ce qu’avait fait Pierre-Erwan Guillaume après ce triomphe artistique, puisque son film remonte à plus de huit ans.
Eh bien, c’est simple, en huit ans, à titre de réalisateur, il n’a rien fait ! En 2011, il a été « consultant » sur un scénario, et il a écrit un autre scénario pour un téléfilm qui sortira de 11 de ce mois. Comme metteur en scène, il est grillé, et je comprends ça.
Cette petite anecdote devrait faire réfléchir le ministre de la Culture, et l’encourager à supprimer l’avance sur recettes consentie à des débutants par le Centre National du Cinéma. La plupart des films ainsi subventionnés font des bides noirs et ne dépassent pas une semaine ou deux d’exclusivité. Ensuite, on ne les repasse même pas à la télé. Donc l’avance sur recettes presque n’est jamais remboursée !
Cet argent pourrait être mieux utilisé. Par exemple, pour recruter des inspecteurs, qui vérifieraient si la loi est bien respectée dans les salles, car elle ne l’est en aucun cas. Je pense à ce règlement qui oblige les exploitants à passer des courts métrages avant le film – ou, au moins, à faire semblant, en affichant dans le hall le titre du court métrage qu’on a prévu de passer... mais sans aucune obligation de le projeter effectivement ! On n’est pas plus faux cul : vous voyez souvent des courts métrages, dans les salles ? J’avais écrit pour cela au CNC, on m’a répondu que ce centre n’avait pas les moyens de s’offrir des inspecteurs, et que, par conséquent, on se contentait d’inciter les exploitants à respecter la loi !
Inciter, la bonne blague... On pourrait aussi inciter les voleurs à ne pas cambrioler, les violeurs à penser à la Sainte Vierge, les terroristes à cultiver la non-violence, et autres procédés aussi efficaces.
Réalisé par Atiq Rahimi
Titre original : Syngué sabour
Sorti au Royaume-Uni (Festival de Londres) le 11 octobre 2012
Sorti en France le 20 février 2013
Seule la publicité nous informe que cette histoire, écrite par Jean-Claude Carrière et le réalisateur d’après le roman de ce dernier (Prix Goncourt en 2008), se passe à Kaboul, car ni l’époque, ni le lieu ni les personnages ne sont nommés. Là, dans une maison pauvre sise dans un quartier en ruines, survit l’héroïne du film, jouée par Golshifteh Farahani, belle et talentueuse actrice iranienne qu’on avait vue dans À propos d’Elly, et qui veille auprès de son mari inconscient : il a reçu une balle dans la nuque seize jours plus tôt, le reste des adultes de la famille a fui, et elle demeure seule avec ses deux petites filles. Sans argent, sans soutien, pour fuir les combats qui ont lieu dans son quartier, elle se réfugie d’abord chez sa tante, ancienne prostituée qui tient toujours une maison close, mais revient chez elle dès qu’elle le peut, et, n’ayant personne à qui parler, raconte son histoire au mari qui n’entend rien et ne réagit pas. Plus tard, un jeune soldat bègue s’introduit chez elle, croyant que c’est une prostituée, et la viole, avant d’avouer qu’il était vierge. Il la paye et revient quelques jours plus tard. Mais, alors qu’elle continue de raconter sa vie en pensant n’être pas entendue, le mari sort de son coma et, furieux, tente de l’étrangler. Elle le poignarde alors.
Le récit, à de rares exceptions près, est un huis-clos, mais on n’étouffe jamais, tant l’actrice incarne à la fois son personnage et toutes les femmes opprimées du monde musulman. Ajoutons que, visiblement, elle savent se défendre, et rappeler que « Seuls ceux qui ne savent pas faire l’amour font la guerre ». Sage maxime. Les hommes en prennent plein la tronche, et c’est justifié. Tout au plus, et parce que la situation très statique, peut-on estimer que le film est un peu trop long, mais à peine.
Réalisé par Robert Zemeckis
Sorti aux États-Unis (Festival de New York) le 14 octobre 2012
Sorti en France le 13 février 2013
Whitaker, alcoolique, habitué de la marijuana et de la cocaïne, n’en est pas moins un excellent pilote de ligne. Or, quoique sous l’influence de ces diverses substances, il parvient à surmonter un grave incident mécanique survenu à son avion, grâce à une manœuvre des plus acrobatiques : le faire voler sur le dos le temps que sa chute se stabilise. Il parvient à le poser en plein champ, non sans dommages, puisque quatre passagers et deux membres de l’équipage sont tués. Mais, sans son génie du pilotage, il y aurait eu cent deux morts, dont lui-même !
Après cet accident, il jette tout son stock d’alcool et de drogues, mais retombera très vite dans ses dépendances. De plus, un procès l’attend, car on le soupçonne d’avoir été ivre et drogué pendant le trajet. Et, bien que l’expertise ait révélé qu’une pièce défectueuse de l’appareil aurait dû être remplacée depuis 1200 heures et qu’elle est donc bien la cause première de l’accident, il ne peut empêcher d’être mis en cause : qui donc a bu le contenu des deux petites fioles de vodka qu’on a retrouvées dans les toilettes, lui, ou l’hôtesse tuée dans l’accident ?
Honteux de ne pouvoir s’en tirer sans incriminer la malheureuse, il avoue : j’avais bu ce jour-là, ainsi que les trois jours précédents, et, en ce moment même, devant vous, je suis ivre ! Il est envoyé en prison pour plusieurs années.
Cet acte de rédemption final de la part d’un homme présenté comme un mécréant et un athée a fait hurler certains critiques, dont l’ineffable Xavier Leherpeur, qui sévit dans Le masque et la plume sur France Inter, celui-là même qui s’en était pris à Tintin, lors de la critique sur Le chat du rabbin, sous le prétexte qu’une scène de ce film « nous [vengeait] d’abord de tout “Tintin”, et de tout ce colonialisme qu’on essaye encore de nous vanter comme une valeur absolue et positive » ; et cela, parce qu’Hergé avait inclus, dans son album Tintin au Congo, qui date de 1930 (!), deux images d’inspiration paternaliste. On voit que la bêtise est la chose au monde la mieux partagée.
En fait, ce genre de grief repose sur un contresens que les professionnels qui se respectent feraient bien d’éviter : on ne doit pas critiquer le fond d’un film, surtout s’il vise à distraire. Ce qui doit faire l’objet de la critique, c’est l’adéquation de la forme au fond. Critiquer le comportement d’un personnage sous le prétexte qu’à sa place, on n’aurait pas agi comme lui, c’est le dernier degré de la stupidité. Mais l’erreur est courante, et je connais fort bien quelqu’un, pourtant intelligent, qui déteste Orange mécanique parce qu’on y voit Alex et ses drougs tabasser un clochard sous un pont – comme si Kubrick avait mis dans cette séquence un exemple à suivre !
Le film est extrêmement bien réalisé, par un Robert Zemeckis qui a connu une période creuse entre 2000 et aujourd’hui, mais auquel on doit tout de même les trois épisodes de Retour vers le futur, ainsi que le délicieux Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Ce Flight est distrayant et, contrairement à ce qu’on a prétendu, l’intérêt ne tombe pas en chute libre comme l’avion ! En fait, bien accueilli aux États-Unis, il n’a eu d’ennuis qu’avec... Budweiser, la marque de bière, qui n’a pas aimé être montrée faisant les délices d’un alcoolique !
Réalisé par Richard LaGravenese
Titre original : Beautiful creatures
Sorti en Irlande, Pologne, Suède et aux États-Unis le 13 février 2013
Sorti en France le 27 février 2013
De toute évidence, on a voulu prendre ici le contrepied de la série Twilight : c’est une fille venue du monde des « Enchanteurs » qui s’éprend d’un lycéen ordinaire. Et cela commence plutôt bien, avec le commentaire de son aventure par le garçon, Ethan, qui entre en terminale et ne rêve que de quitter son bled, Gatlin, où l’on trouve « dix-huit églises et une seule bibliothèque », et où sont mal vus les écrivains et les livres qu’il aime et qu’on dévore à son âge : Bukovski, Abattoir 5, To kill a mockingbird (le réalisateur-scénariste, davantage scénariste que réalisateur d’ailleurs, a oublié L’attrape-cœur !).
Hélas, on a trop fait, le film est affreusement long pour en arriver à la conclusion très peu inattendue (l’amour triomphe de tout), et le récit accumule les conversations interminables que le spectateur a du mal à suivre, parce que, justement, il n’appartient pas à ce monde fictif et que, très vite, il n’a plus du tout envie de comprendre, tant c’est alambiqué. Fâcheux...
Le film est adapté d’une saga due à deux auteurs, et qui donne dans le fantastique, on l’aura compris. Ce n’est pas aussi primaire que Twilight, et les personnages sont un peu plus intéressants, surtout celui qu’interprète Emma Thompson dans un rôle à transformations. On remarque surtout les décors, très travaillés. Mais enfin, une fois de plus, c’est le scénario qu’il faudrait travailler avant tout, en visant la clarté.
L’humour manque, aussi, et on ne sourit que deux fois, à propos des titres de films que le cinéma local ne sait pas afficher sans y commettre une erreur : « Interception » [sic], avec Leonardo DiCaprio, et « Final destination 6 » [re-sic], qui n’existe pas. Mais ces images sont à ce point fugitives que je doute qu’elles soient vues par le public ! Le réalisateur doit aimer les private jokes...
Réalisé par Andrew Adamson
Titre original : Cirque du Soleil : worlds away
Sorti au Japon le 20 octobre 2012
Sortira en France le 21 mars 2013
Le film, réalisé à Montréal et à Las Vegas en utilisant les caméras 3D – une Arri Alexa et une PACE Fusion 3-D, si cela vous intéresse – utilisées pour Avatar (James Cameron est l’un des trois producteurs exécutifs), sera donc projeté chez nous en 3D dans deux semaines, mais je l’ai vu en version normale. Quant au réalisateur, aussi producteur, il a dirigé les deux premiers Shrek et les deux premiers Monde de Narnia.
C’est magnifique à voir, et on n’est pas importuné par les commentaires, puisque le film est pour ainsi dire muet, à l’exception de quelques paroles en fond sonore, au début. Il faut se souvenir que le Cirque du Soleil est une grosse entreprise de spectacles basée au Québec, qui se produit en permanence dans le monde entier, et qui montre, sur une échelle énorme, ce que James Thiérrée fait plus modestement, avec seulement trois ou quatre partenaires et des moyens infiniment plus modestes, mais lui aussi sur le plan international.
Il est évident que ce que montre le film n’a pas été tourné dans un cirque, car les décors sont parfois gigantesques, et probablement fabriqués en numérique. Mais c’est toujours, visuellement, l’esprit du spectacle de cirque, avec les meilleurs artistes : acrobates, nageurs, gymnastes, contorsionnistes, trapézistes, danseurs, clowns. Les artifices mécaniques, les pièces d’eau, les feux d’artifices, tout a été porté à un degré de perfection qui traduit une exigence constante et un perfectionnisme rarement vu. Je ne citerai que ce fameux plan incliné qui peu à peu se dresse à la verticale, ce qui n’empêche pas les danseurs-acrobates de se déplacer dessus sans le soutien du moindre filin, prenant seulement appui sur quelques chevilles insérées ça et là. C’est prodigieux d’adresse et de beauté.
Ne chercher aucun scénario. Un fil conducteur très léger – une fille et un garçon, « The Aerialist », qui se cherchent, finissent par se trouver et par danser ensemble... en l’air – permet de passer d’un numéro à l’autre, mais il n’est ni indispensable ni constamment présent.
Réalisé par Cate Shortland
Sorti en Australie (Festival de Sydney) le 9 juin 2012
Sorti en France le 20 février 2013
Ce film, le deuxième d’une réalisatrice australienne, et qui n’a remporté aucun succès – deux salles seulement le passent à Paris, deux semaines après sa sortie –, je suis allé le voir sur la seule lecture de son résumé : en 1945, deux époux allemands, dignitaires compromis avec le nazisme, sont arrêtés puis envoyés dans un camp, et leurs enfants, deux filles, deux garçons jumeaux et un bébé, doivent se débrouiller seuls pour aller se réfugier chez la grand-mère, qui vit à Hambourg, très loin de chez eux. Épisodiquement, un jeune homme se prétendant juif (c’est utile aux yeux des soldats venus des États-Unis) les aidera, malgré la répugnance de Lore, l’aînée, méfiante à l’égard des Juifs comme on le lui a enseigné, à trouver de la nourriture et à passer l’une des frontières que l’occupation du pays a fait naître. Mais la grand-mère s’avère très rigoriste, et Lore se venge en lui cassant tous ses bibelots ! Fin du film.
Je sais, le concept était : comment peut-on encore aimer ses parents lorsqu’on sait qu’ils se sont rendus complices des pires horreurs ? Mais le thème n’est pas traité, on l’oublie au profit de l’anecdote d’un road movie de plus, et tout est laid et lugubre, dans ce film. Certes, la situation s’y prête, mais la réalisation en rajoute sans nécessité. De plus, c’est très mal filmé, tout en gros plans, et naturellement par une caméra portée, incapable de se fixer sur quoi que ce soit. On ne le dira jamais assez, la caméra ne devrait se déplacer que si un jeu de scène le nécessite, et le gros plan (ou l’insert, qui est le gros plan sur un objet) ne doit pas être gaspillé. Chacun sait qu’un gros plan sert à observer le visage des acteurs lorsqu’il est nécessaire de montrer un sentiment ou une émotion. Le bon sens exige donc qu’on « économise » ce procédé. Voyez les grands maîtres du cinéma : ils font très peu de gros plans.
Enfin, paradoxalement alors qu’on ne voit aucune ville et qu’on reste dans la nature, cela s’avère étouffant car il n’y a aucun moment de détente : la réalisatrice ignore visiblement qu’il faut laisser au public le loisir de respirer un peu, de temps à autre. Si bien que le film a vite fait de décourager le spectateur, même bien disposé. Ajoutons que la musique, piano et violoncelle, n’est à elle seule qu’un cliché permanent.
Réalisé par David Moreau
Sorti en Australie (Festival de Sydney) le 9 juin 2012
Sorti en France et en Belgique le 6 mars 2013
Un film bien dans l’air du temps : Alice, presque quadragénaire, est cadre dans un journal de mode très branché, « Rebelle ». Mais elle ne l’est pas du tout, rebelle, sa tenue et son style de vie sont très sages. Aussi, ses collaborateurs plus jeunes sont goguenards. Comme elle voudrait bien devenir rédactrice en chef et que son style de vie pourrait ne pas emballer la grande patronne du groupe, elle se décide à suivre le conseil d’un de ses plus proches collègues : feindre d’avoir une aventure avec un très jeune homme, puisque c’est le thème actuellement en vogue.
Je ne suis pas absolument emballé par le scénario, qui recèle pas mal de clichés, dont le pire concerne le personnage de Charles Berling : il joue un père désireux d’apparaître comme le meilleur « copain » de son fils, au grand agacement de ce dernier, et passe son temps à boire, faire la fête, et, bien entendu, à s’envoyer des filles ayant la moitié de son âge. On a vu cela cent fois au théâtre et au cinéma, et ce poncif commence à devenir fatigant.
Virginie Efira est très bien, mais la vedette du film est Pierre Niney, qui aura vingt-quatre ans demain, qu’on a vu dans quelques films, et qui, pensionnaire de la Comédie-Françaie, est bien parti pour devenir bientôt une étoile du cinéma. Il n’est pas beau, son personnage n’est pas difficile à jouer puisque c’est la copie de ce qu’il est dans la vie, mais il inspire une sympathie qu’on n’a pas vu depuis très longtemps. Si bien qu’on ne voit que lui.
Une scène tout à fait ratée : celle où, peu avant la fin, dans l’amphithéâtre de la faculté où son jeune et charmant amant apprend l’architecture, Alice vient lui avouer son amour devant tous ses camarades, que cet aveu enthousiasme. C’est plutôt ridicule, et on n’y croit pas. À part cela, la réalisation de ce film très bonne, car le metteur en scène sait caractériser ses personnages en un seul plan très court, et la concision, qui est une précieuse qualité alors que la tendance est plutôt d’en faire trop (et de faire trop long), est devenue rare.
Réalisé par Éric Rochant
Sorti en France (à Lyon) le 17 février 2013
Je me suis intéressé au ruban de Möbius quand j’avais dix ou douze ans, et vous aurez une idée de ce qu’est cet objet relevant de la topologie (branche des mathématiques étudiant les déformations spatiales) en regardant l’image ci-dessous, si vous l’ignoriez :
Cet objet a deux propriétés curieuses, et la démonstration de la première est faite dans le film : si vous suivez sa ligne médiane sans lever votre doigt ou votre stylo, vous passez sur « l’autre » face, pour la bonne raison qu’il n’y a qu’une seule face ! La deuxième propriété, non mentionnée dans le film, est encore plus spectaculaire : si vous tentez de découper le ruban en suivant avec vos ciseaux la même ligne médiane, vous n’y parvenez pas. Vous obtiendrez, non pas DEUX rubans, mais un seul deux fois plus grand !
Quel rapport avec le film ? C’est parce que le personnage de Lioubov, l’homme de confiance d’un ponte du FSB (le KGB reconverti au service de Poutine), et que joue Jean Dujardin, va être « retourné » par Alice, une belle espionne doublée d’un trader de génie, jouée par Cécile de France, et se mettre à son insu au service de la CIA. Message de l’auteur : de l’est ou de l’ouest, les services secrets sont strictement identiques. Non, c’est vrai ?
Comme la plupart des films d’espionnage, celui-ci remplit son contrat en étant absolument incompréhensible, et fait uniquement de scènes avec des gens qui parlent ; et quel dialogue ! Appréciez ce « J’aime tes bras, ils sont concrets ». La seule scène d’action est un meurtre dans un ascenseur, mais on préfèrera l’équivalent dans Drive...
Certains ont voulu faire la comparaison avec La mort aux trousses, bien à tort, car Hitchcock, lui au moins, savait filmer des scènes à grand spectacle, comme celle du guet-apens avec un avion, ou la poursuite finale sur les têtes géantes des présidents au Mont-Rushmore. Rien de tout cela ici. La seule ressemblance est que les deux personnages principaux tombent amoureux, ce qui est le contraire d’une péripétie originale, et nous vaut, une fois de plus, une longue scène de lit totalement inutile mais conçue pour les voyeurs, comme toujours. On nous dit que le réalisateur s’est inspiré du livre de Robert Littell, La compagnie, consacré à la CIA. J’ai lu ce livre, et il est beaucoup plus palpitant que le film de Rochant !
À la fin, la belle espionne de la CIA est punie par les Russes, qui l’empoisonnent. Elle devient un légume, et Dujardin est bien triste.
On a fait beaucoup de tapage au sujet des acteurs français les mieux payés. Mais on n’a pas soufflé mot des réalisateurs. Or certains touchent aussi des salaires mirobolants. Non, je ne vais pas reparler du couple Jaoui-Bacri, ces profiteurs au talent assez mince, et qui, depuis des années, vivent moins de leur travail que de leur réputation fondée sur un film assez ancien, le meilleur qu’ils ont produit, Le goût des autres – mais cela remonte... au 1er mars 2000 ! Treize ans. Depuis, plus rien de bon.
Vous êtes-vous déjà demandé comment un réalisateur qui fait un film tous les cinq ans – moyenne constatée –, arrive à vivre, et à vivre bien, en travaillant si peu ? Car enfin, pendant la préparation de son film, il ne perçoit évidemment pas les bénéfices éventuels qu’il en attend. C’est assez simple : ou bien il fait de la pub ; ou bien il a été si royalement payé lors de son film précédent qu’il n’a pas besoin de travailler ; ou encore, il a été rétribué par anticipation.
Pour en revenir à mon sujet, je parie que vous ignorez quel réalisateur français a été le mieux payé en 2012. N’avancez aucun nom, vous tomberiez à côté. C’est Laurent Tirard. Il est en tête des onze réalisateurs français ayant perçu plus de 500 000 euros (je dis bien « cinq cent mille », sans faute de frappe). Et qu’a-t-il fait de si mirobolant, Laurent Tirard ? En 2012, il n’a sorti qu’Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté, film qui a connu un insuccès assez remarquable. Mais, comme souvent, Tirard a été payé d’avance ! Son cachet s’est élevé, pour ce seul film, à 1 500 000 euros, soit un milliard d’anciens francs si vous en êtes resté à cette monnaie – information divulguée par « Écran total », hebdomadaire des professionnels du cinéma qui existe depuis vingt ans, et qui ne raconte pas n’importe quoi.
Tirard a commencé comme journaliste, et j’ai lu de lui un livre d’interviews faites auprès de réalisateurs actuels. Mais comme le seul qui aurait pu m’intéresser était Woody Allen (je me fiche bien de David Lynch, de Martin Scorsese, de Jean-Luc Godard ou des frères Coen), j’ai tout oublié de son livre. Après cela, il est passé lui-même à la réalisation, et n’a fait que quatre longs métrages, dont le seul bon était Mensonges et trahisons et plus si affinités, dont j’ai parlé succinctement. Les autres, Molière (pas vu), puis Le petit Nicolas qui démontrait que le réalisateur n’avait rien compris à l’univers de Goscinny et Sempé (il s’évertuait à insérer des gags dans son scénario), et enfin Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté, ne sont pas convaincants.
Mais enfin, cet exemple illustre l’une des tares du cinéma français : réalisateurs et acteurs sont rétribués au moment de la signature de leur contrat, sauf exception, et, que leur film marche ou pas, ils s’en fichent, ils ont été payés d’avance. Leur film finira à la télévision. Ou pas !
Réalisé par Pablo Larraín
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2012
Sorti au Chili le 9 août 2012
Sorti en France le 6 mars 2013
En 1988, le dictateur-général Augusto Pinochet, qui avait pris le pouvoir quinze ans plus tôt en Chili en renversant (et probablement en faisant assassiner) le président de gauche élu Salvador Allende, dut céder à la pression internationale et faire organiser un référendum. Si le « oui » l’emportait, il comptait rester au pouvoir, bien entendu, mais c’est le « non » qui triompha, et d’assez loin.
Ce film raconte que la campagne électorale, la première enfin libre depuis le début de la dictature, fut dirigée par... un jeune publicitaire, René Saavedra, pas plus politisé que cela, tout à fait intégré dans le système de libéralisme économique instauré par Pinochet, et qui entendait vendre le « Non » comme il promouvait un simple feuilleton télévisé – ce à quoi il retourna, une fois le référendum terminé. Une sorte de Séguéla, en somme, mais qui réussirait. Inévitablement, il se heurta à pas mal de tentatives d’obstructions de la part du gouvernement en place, qui d’ailleurs menait une campagne maladroite, et même à quelques menaces sur lui et sa famille. Classique.
La mauvaise idée du réalisateur a été de vouloir donner à son film le style des prises de vues de l’époque, et d’en faire trop : utilisant quatre caméras des années 80 à seule fin d’obtenir que les images qu’il tournait ne tranchent pas sur celles des archives qu’il a récupérées, il fabrique un film semblant réalisé avec une caméra super-8 de 1950 ! Les images sont floues, les couleurs bavent, et aucun plan n’est stable.
Le film peut être vu, mais il dure un peu trop, et c’est loin d’être le chef-d’œuvre qu’on a vanté.
Réalisé par Solveig Anspach
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2012
Sorti au Chili le 9 août 2012
Sorti en France le 20 mars 2013
N’est-ce pas piquant que le meilleur film français vu en ce moment soit l’œuvre d’une Islandaise ? Il est vrai que Solveig Anspach a la double culture – et elle vit en effet à Montreuil, dit-on. Son Back soon, on l’avait beaucoup aimé, or elle en reprend l’actrice principale, la poétesse Didda Jónsdóttir, toujours partenaire de son fils, le beau Úlfur Ægisson, et dans des rôles identiques. Mais le décor a changé, la froide Islande a fait place à la banlieue parisienne, où vit Agathe, qui rapporte chez elles les cendres de son mari, mort d’un accident au Vietnam. À l’aéroport, elle a rencontré cette Islandaise, Anna, et son grand fils Úlfur, revenus de la Jamaïque, où ils ont dû laisser, on ne sait trop pourquoi, le plus jeune fils d’Anna, Krummi. Comme ils sont ouverts et curieux, elle accepte de les héberger. Dès lors, une cascade de péripéties saugrenues va déferler : Anna obtient du travail comme conductrice d’une grue, Úlfur trouve un phoque oublié dans le démanagement d’un zoo, Agathe découvre que son mari la trompait, etc.
On est en pleine fantaisie : une Islandaise qui fume de la marujuana et trouve de l’embauche sur un chantier de construction après avoir été pistonnée par un grutier amoureux du panorama de Montreuil (ville fort laide, soit dit en passant), et squattant le canapé d’une réalisatrice en deuil de son mari mort et dont elle promène partout les cendres, qu’elle finira par jeter, puis récupérer dans la poubelle –, Islandaise pourvue d’un fils qui découvre un phoque abandonné lors du déménagement d’un zoo (en fait, je pense que c’est une otarie, mais on feint de croire que c’est un phoque pour conserver l’assonance avec ce mot qui constitue le fond du vocabulaire anglo-saxon, lequel, les choses ayant bien changé depuis Figaro, n’est plus goddam), phoque qu’à la dernière scène, sur une plage, tous les personnages restituent à son élément liquide d’origine, et j’en oublie les trois-quarts... toute cette fantaisie est maîtrisée, l’absurde assumé annihilant toute critique qui porterait sur la vraisemblance des péripéties, où tous les personnages sont sympathiques, où le mal et la morale terre-à-terre n’ont pas leur place dans ce film peu coûteux mais euphorisant. À une époque où tout va mal, il rend le public heureux.
Vous savez comme j’aime les critiques possédant l’estampille officielle, et qui, le plus souvent, pillent pour leurs articles le dossier de presse qu’on leur a remis gracieusement lors de la présentation du film aux professionnels. Et c’est ainsi que la plupart des articles que j’ai lus sur ce film se ressemblent : ils font la liste des détails pittoresques accumulés par la réalisatrice, et dont je vous ai donné un avant-goût ci-dessus. En revanche, seul « Le Figaro » a remarqué que le prétendu phoque du film est une otarie. Et aucun ne s’est aperçu que, dans la scène où le grutier présente l’agglomération parisienne à l’Islandaise en balayant du geste le panorama (qu’on ne voit pas à l’écran), les directions qu’il assigne aux divers monuments cités sont absurdes, compte tenu de l’endroit où se trouvent les deux personnages. Bref, cette blague-là est tombée à plat !
Réalisé par Pablo Trapero
Sorti en Argentine le 17 mai 2012
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2012
Sorti en France le 20 février 2013
Allez donc savoir pourquoi Le masque et la plume et ses critiques déficients ont trouvé ce film moins bon que No, alors qu’il est meilleur, plus profond, plus ambitieux, et mieux réalisé. Le drame domine de bout en bout, et Nicolas, prêtre catholique belge, voit la population de son village en Argentine massacrée par d’affreux bandits et le village incendié. Il a eu peur, s’est caché, n’a rien pu faire, et il traîne le remords de sa prétendue lâcheté. Nommé ensuite dans un bidonville de Buenos-Aires, il assiste un prêtre du cru, Julían, chaleureux, expérimenté, mais conscient que le peu qu’ils peuvent faire est annihilé par la délinquance dans laquelle, drogue aidant et ses trafics avec, ses propres paroissiens ne peuvent s’empêcher de tomber.
L’éléphant blanc du titre est un énorme hôpital dont la construction, faute d’argent, s’est arrêtée – un peu comme l’hôpital central d’Abidjan ou la mairie de Bouaké, en Côte d’Ivoire, autre pays où la délinquance est galopante –, et qui sert de refuge à un peu tout, délinquants ou mal logés. L’effet ne se fait pas attendre, Nicolas perd peu à peu la foi et se console avec une jeune femme qui devient sa maîtresse et se dévouait comme lui pour les habitants du coin, pas toujours conscients que ces braves gens ont sacrifié leur existence pour eux.
On en retire, entre autres, le sentiment qu’un pape argentin ne sauvera pas plus les Argentins laissés pour compte que le dernier de ses curés.
Les deux acteurs principaux, Ricardo Darín, qu’on a vu souvent, et Jérémie Renier, qui fait l’effort de parler espagnol, sont parfaits, ainsi que Martina Gusman, l’actrice qui incarne Luciana, la petite amie athée de Nicolas.
Réalisé par Jonathan Levine
Sorti en Italie le 16 janvier 2013
Sorti en France le 20 mars 2013
Dans un avenir pas si lointain, une épidémie virale a provoqué une scission de la population en trois catégories : les Vivants, qui se sont retranchés au centre-ville derrière un mur aussi haut qu’épais ; les Cadavres, dont le corps est froid, qui ne saignent pas, et se comportent un peu comme les morts-vivants de Romero (n’ayant aucune mémoire, ils dévorent le cerveau des Vivants pour en assimiler leurs souvenirs – quand on est un Cadavre, faut bien vivre) ; et les horribles Osseux, réduits à l’état de squelettes et qui tuent tout le monde.
Le président des Vivants est le colonel Grigio, qui estime qu’un bon Cadavre est un Cadavre mort (!). Hélas, sa fille Julie a été sauvée des Osseux par un gentil Cadavre nommé R, qui se trouve être aussi beau que Nicolas Hoult, et qui est le narrateur de cette histoire. Or l’influence de Julie semble avoir transformé R au point que, non seulement il va mieux, mais que l’état des autres Cadavres aussi s’améliore, sorte d’épidémie de bonne santé, et qu’ils en viennent à vouloir « aider » les Vivants, ce que le colonel Grigio ne veut pas admettre. Mais lorsqu’il constate que sa fille est encore sauvée par le beau R et qu’elle en est très amoureuse, qu’en outre tous les autres Cadavres lui donnent un coup de main pour massacrer les Osseux, que vouliez-vous qu’il fît ?
À la fin, tous les Osseux ayant été occis, on abat le mur comme celui de Berlin, et les deux amoureux vont connaître le Bonheur dans un monde redevenu radieux.
On devine à ce récit que le film est catalogué comme comédie, quoique certaines scènes frôlant le gore incitent à douter un peu de cette étiquette. Mais enfin, on ne boude pas son plaisir, même si la production insiste lourdement pour nous faire avaler que le film est une adaptation (très libre) de Shakespeare, R étant évidemment Roméo, et Julie, vous l’avez deviné, Juliette !
Principale originalité, en fait : le récit est vu et raconté par un mort-vivant, ce à quoi cet étourdi de Romero n’avait pas pensé...
Quant au décor de l’aéroport du début, c’est celui de Mirabel, près de Montréal, et que Spielberg avait utilisé pour Le terminal. Décidément, depuis qu’il est désaffecté, il n’a jamais autant servi !
Réalisé par Andy Wachowski, Lana Wachowski et Tom Tykwer
Sorti en Italie le 16 janvier 2013
Sorti en France le 13 mars 2013
Ce modeste petit film de deux heures quarante-cinq à cent millions de dollars (on a tenu à ce que ça se voit) est en réalité un fatras épouvantable, aussi confus que l’esprit de Jean-Louis Borloo en fin de banquet. Les vedettes tiennent jusqu’à six rôles chacune, dont un du sexe opposé – sans doute une idée qui plaisait à l’un des réalisateurs, devenu une réalisatrice, l’un des ex-frères Wachowski !
Plutôt que de tenter l’impossible, c’est-à-dire de donner un résumé du film, mieux vaut l’expédier en notant qu’on a relevé trois influences probables : pour la science-fiction-anticipation, vous croirez voir du Luc Besson ; pour la philosophie de comptoir, c’est du Claude Lelouch ; et pour la prétention du propos, aucune hésitation, le Christopher Nolan d’Inception a laissé un lourd héritage.
La musique ne sauve pas l’ensemble, elle est d’une grande banalité. Mais les maquilleurs et les costumiers s’en sont donné à cœur joie.
Le film Cirque du Soleil : worlds away dont j’annonçais la sortie en France pour le 21 mars est resté en carafe. Il n’a pas été vu dans le circuit public, mais on le joue aujourd’hui – sur réservation – à 11 heures au Club de l’Étoile, qui est une salle (luxueuse) réservée aux présentations à la presse. Ce sera peut-être pour le samedi 30, mais rien n’est sûr.
Explication ? Aucune.
Les spectateurs frustrés n’ont qu’à le télécharger. Le piratage n’est pas fait pour les chiens...
Réalisé par Anne-Marie Étienne
Sorti en France (Festival de Cabourg) le 13 juin 2012
Sorti en France le 20 mars 2013
Comme tout le monde n’a dit que du bien de ce film, on est terriblement gêné de devoir écrire qu’il est plat et sans la moindre surprise : dès le départ, on est averti que la vieille dame, Selma, va mourir à la fin. Ce n’est pas là que le bât blesse, mais dans le fait que le scénario est construit sans la moindre originalité, et sans souci de la vraisemblance : Nathalie a démissionné de son travail (elle était chef dans un restaurant et n’a pas supporté de devoir moderniser ses conceptions culinaires), Christophe a perdu son travail, Joëlle éprouve le besoin de souffler car le sien est moralement pesant (elle s’occupe de vieillards dans une maison de retraite). Ils vont donc, en compagnie de Selma, qui n’a plus que quelques semaines à vivre, faire une pause dans une maison de campagne ravissante, pas dans le Midi comme souvent, mais dans la Moselle luxembourgeoise, avec des enfants, et pour aider Selma à mourir dans la sérénité. Mais elle en possède bien plus que les trois réunis, et cela finit par être un peu agaçant, tant de « philosophie de la vie »...
Les acteurs sont très bien, mais on ne va voir le film que pour Gisèle Casadesus, la doyenne des actrices françaises, qui aura 99 ans le 14 juin, et qui tourne beaucoup, en ce moment. L’enjeu était bien sûr d’éviter la tristesse, mais on se doute bien que si la réalisatrice avait pris le parti inverse, nul ne serait allé voir son film, surtout après Amour, de Michael Haneke, qui a vacciné la totalité du public contre l’envie de voir des agonisants. De sorte que Selma n’agonise pas, elle « s’éteint », et sans souffrance apparente !
Réalisé par Pedro Almodóvar
Titre original : Los amantes estraneros
Sorti en Espagne le 8 mars 2013
Sorti en France le 27 mars 2013
Après un court prologue sur le tarmac de l’aéroport de Barajas (Madrid), où Antonio Banderas et Penélope Cruz tiennent un rôle minuscule avant de disparaître, on ne quitte plus guère l’avion de la Península, vol 2549 à destination de Mexico, où il ne parviendra pas. C’est qu’il va connaître une avarie : un train d’atterrissage, sur les quatre, reste bloqué. Il faut rester en Espagne et trouver une piste libre pour un atterrissage en catastrophe.
Alors, un avatar de Flight ? Non, une comédie poussive, entièrement orientée sur les obsessions sexuelles de l’équipage (tous les hommes sont homosexuels), et accessoirement, de quelques passagers. C’est lourdingue et ennuyeux. Un échantillon ? Un stewart voit la trace d’un liquide blanchâtre au-dessus de la lèvre d’un collègue. Il y passe le doigt, goûte et se scandalise : « Mais c’est du sperme ! ». À part cela, on se borne à filmer des gens qui parlent...
Almodóvar laisse dire que son film est une métaphore sur la situation économique de son pays, tout comme il avait laissé dire que La mauvaise éducation était une histoire sur la pédophilie. Imposture ! Le seul trait permettant de supposer qu’il ne s’est pas totalement embourgeoisé, outre cette prétention à masquer son véritable but derrière un prétexte sérieux, c’est ce détail montrant que le roi Juan Carlos a perdu beaucoup du respect qu’on lui portait jadis : l’une des passagères, qui a une agence d’escort girls, se vante d’avoir des vidéos érotiques mettant en scène les six cents hommes les plus puissants d’Espagne, à commencer par le roi. On saura plus tard que cette vantardise, sans aucun fondement si j’ose dire, suffisait à lui assurer bien des protections.
On ne sort de l’avion que pour une scène : à Madrid, une femme suicidaire s’apprête à sauter d’un pont, quand son téléphone mobile sonne. Elle le tire de son sac mais le laisse tomber involontairement dans la rue. Je regrette, mais quand on possède un Samsung Galaxy III, le meilleur téléphone du monde à ce jour, on fait attention, madame !
Techniquement, ce film, où le réalisateur utilise pour la première fois une caméra numérique, est imparfait : les aplats de couleur unie sont pollués par un fourmillement traduisant une mauvaise compression. Cela ne peut pas se produire quand on se sert de pellicule.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.