Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Les aventures de Tintin – Portrait d’une enfant déchue – Puzzle of a downfall child – Panique à Needle Park – L’épouvantail – Identité secrète – Abduction – Twilight – De l’eau pour les éléphants – Dream house – De bon matin – Ressources humaines – Toast – La grande bouffe – Les hommes libres – Beur sur la ville – Beauty – Skoonheid – Plan B – Drive – Pusher – Le Skylab – Melancholia – Les petits mouchoirs – Two days in Paris – La comtesse – Paranormal activity 3 – The tree of life – Le discours d’un roi – La guerre est déclarée – Johnny English, le retour – Johnny English reborn – Batman begins – Les aventuriers de l’arche perdue – Retreat – Dynasty – Heroes – Batman – Un heureux évènement – Le premier jour du reste de ta vie – The artist – Singin’ in the rain – Sunset boulevard – Silent Movie – Suite Vertigo – Vertigo – Tintin et le mystère de la Toison d’or – Tintin et les oranges bleues – L’exercice de l’État – Versailles – L’enfer de Matignon – Le voleur – Le souffle au cœur – Les amants – Lacombe Lucien
Personnes citées : Steven Spielberg – Peter Jackson – Nicolas Sarkozy – Charles De Gaulle – Hergé – Andy Serkis – Jerry Schatzberg – Faye Dunaway – John Singleton – Taylor Lautner – Michel Denisot – Robert Pattinson – Jim Sheridan – Jacques Chirac – Jean-Marc Moutout – Laurent Cantet – Jean-Pierre Darroussin – Xavier Beauvois – Yannick Renier – S.J. Clarkson – Heroes – Ugly Betty – Doctor House – Dexter – Ismael Ferroukhi – Tahar Rahim – Michel Lonsdale – Djamel Bensalah – Oliver Hermanus – Marco Berger – Nicolas Winding Refn – Hossein Amini – Lars von Trier – Julie Delpy – Henry Joost – Ariel Schulman – Oren Peli – Oliver Parker – Christopher Nolan – Rowan Atkinson – Elisabeth II – Carl Tibbetts – Jack Coleman – Jamie Bell – Cillian Murphy – Christopher Nolan – Rémi Bezançon – Michel Hazanavicius – Mel Brooks – Marcel Marceau – Fred Astaire – Ginger Rogers – Alfred Hitchcock – Jean-Pierre Talbot – Chantal Rivière – Jacques van Melkebeke – Pierre Schoeller – Raphaëlle Bacqué – Louis Malle – Alain Resnais – Jeanne Moreau – Georges Darien – Jean-Paul Belmondo
La pub étant ce qu’elle est (et ne devrait pas être), Steven Spielberg et Peter Jackson ont donné conjointement, dans les studios appartenant au second en Nouvelle-Zélande, une conférence de presse destinée à exciter l’intérêt du monde entier – au minimum – pour leur film sur Tintin, qui sort le 26 de ce mois. On a ainsi pu entendre Spielberg déclarer qu’il s’était intéressé au héros belge parce qu’on lui avait dit qu’il ressemblait (Tintin, pas Spielberg) à Indiana Jones. Tout à fait, Steven ! À peu près autant que Sarkozy ressemble à De Gaulle.
Spielberg ajoute alors qu’il s’est procuré un album d’Hergé, et que, bien que ne comprenant pas le français, il avait tout compris de l’intrigue rien qu’en regardant les images. Il est fort, Spielberg, j’aurais aimé être capable d’un tel exploit. Fort, mais pas très futé, attendu que les albums en question sont traduits dans près de soixante langues, dont évidemment l’anglais, et que si le réalisateur a pu se procurer un album en français, a fortiori, dans n’importe quelle librairie de son pays, il aurait pu trouver la version anglaise ! Le mensonge est donc flagrant, et assez stupide, mais bon pour l’image de marque du cinéaste, sous réserve qu’on croit à son bobard. Après tout, il en a sorti bien d’autres ; par exemple, qu’il écrivait lui-même ses scénarios.
Pour la petite histoire, le choix de tourner en performance capture (ou motion capture), procédé consistant à filmer seulement le mouvement des acteurs puis à les affecter ensuite à des personnages dessinés par ordinateur, a été déterminé par un bout d’essai sur le personnage de Milou, qui, évidemment, ne pouvait pas être incarné par un véritable acteur ; or, dans cet essai, on lui avait donné un partenaire humain, le capitaine Haddock, incarné par Jackson. Et Jackson a été si convaincant que, dans le film, Haddock est interprété... par un autre, le fameux Andy Serkis qui a passé sa vie professionnelle à jouer des animaux. Mais Jackson a de quoi se consoler : il va réaliser un autre film sur Tintin, d’après l’album Le temple du Soleil. On y verra peut-être enfin Tournesol, cette fois ?
Notons encore que, parmi les multiples images extraites du film qui ont filtré dans la presse, on peut voir celle où Tintin tient un exemplaire du journal où il est censé travailler, « Le Petit Vingtième » – journal qui a existé réellement, puisque c’est là qu’Hergé a débuté. Or, si le titre du journal est bien en français, tous les articles de la première page sont en anglais. Ces salauds de Belges sont passés à l’ennemi ?
Un peu à l’avance, je l’avais bien écrit dans mon Entracte 21 : la 3D ne satisfait pas grand-monde ! Entre le 15 juin et le 8 juillet, le site Allociné a fait une enquête en interrogeant 11 867 personnes âgées de 15 à 64 ans, et le résultat est cruel. À la question « Êtes-vous d’accord avec l’affirmation suivante : “la 3D représent[e] un réel intérêt” ? », 7 % seulement des interrogés ont répondu qu’ils étaient tout à fait d’accord ; 20 % étaient plutôt d’accord ; 27 %, plutôt pas d’accord ; et 46 %, pas d’accord du tout. Et plus des deux tiers estiment que le relief était « trop faible », j’ai d’ailleurs expliqué pourquoi dans le texte cité plus haut.
On rigole aussi en constatant que 83 % des spectateurs pensent que le prix des lunettes est injustifié. Ben tiens... Surtout si on vous les confisque à la sortie sans vous rendre l’argent !
Réalisé par Jerry Schatzberg
Titre original : Puzzle of a downfall child
Sorti aux États-Unis le 16 décembre 1970
Sorti en France le 30 janvier 1972
Une « enfant », il faut le dire vite : au moment du tournage, Faye Dunaway avait trente ans, mais elle en paraît bien davantage dans la plupart des séquences du film. Elle joue le rôle d’un mannequin, de celles qu’on n’appelait pas encore « top model » – alors qu’aujourd’hui, on décerne ce titre abusif à n’importe quelle débutante. Complètement névrosée, elle a dû quitter le métier et a pris sa retraite dans une maison isolée, sur le littoral. C’est là que son ancien ami de travail Aaron, qui est photographe mais dit vouloir faire un documentaire, vient l’interviewer et remuer quelques souvenirs.
Tout le film est donc une suite de retours en arrière, qu’il est permis de ne pas trouver d’un intérêt brûlant, parce que le personnage central, hormis justement son instabilité, n’a rien qui puisse retenir l’attention du spectateur. Mais c’est ainsi, Schatzberg, dont c’est ici le premier film et qui n’a réalisé en trente ans que onze longs métrages, un court métrage et un documentaire, avait attiré l’attention après ce début avec les deux succès qui suivirent, Panique à Needle Park et L’épouvantail, et a conservé sa cote alors que la suite de sa carrière n’aligne que des œuvres restées confidentielles. Son Portrait d’une enfant déchue a donc été porté aux nues par la critique à l’occasion de cette ressortie, mais il n’en est pas meilleur pour autant. Techniquement, c’est irréprochable, mais le sujet a été mille fois traité, en beaucoup mieux.
Réalisé par John Singleton
Titre original : Abduction
Sorti en Argentine, Grèce, Hongrie, Israël, Russie, au Pérou, aux Philippines et à Singapour le 22 septembre 2011
Sorti en France le 28 septembre 2011
La publicité ne peut pas tout. La présence du beau Taylor Lautner, la semaine dernière, dans l’émission de Michel Denisot sur Canal Plus, n’y a pas fait grand-chose, le film ne marche pas bien, et nous étions seulement six spectateurs ce matin dans une salle de cinq cents places.
Certes, le jeune Lautner possède les qualités physiques nécessaires pour jouer dans ce genre de film (il a été champion de karaté dès l’enfance), et son jeu n’est pas ridicule, mais il ferait bien de ne pas renouveler trop souvent ce type de choix, car il risquerait de faire la carrière de Jean-Claude Vandamme et de devoir attendre ses cinquante ans pour trouver un rôle intéressant. Son partenaire de Twilight, Robert Pattinson, moins brillant physiquement, a su choisir un film romanesque, De l’eau pour les éléphants, qui s’est révélé un peu plus riche.
Ici, Taylor Lautner joue un lycéen qui découvre que ceux qu’il croyait ses parents ne l’étaient pas. Ils sont assassinés, et les services secrets le poursuivent, parce qu’il détient bien malgré lui une liste de vingt-cinq agents qui... que, etc. On assiste donc à un film-poursuite tout à fait banal, aux péripéties cent fois vues, et qui ne peut plaire qu’aux amateurs de popcorn. Mais enfin, c’est distrayant et bien fait.
Réalisé par Jim Sheridan
Sorti en Israël et au Portugal le 29 septembre 2011
Sorti en France le 5 octobre 2011
Dès le début, on se doute, puisque c’est un schéma ultra-classique, que cette famille (parents aisés, deux petites filles), qui vient de s’installer dans une maison d’une petite localité, va avoir des ennuis. Cela ne tarde pas : la maison a été le théâtre d’un triple crime, le père ayant tué sa femme et ses deux filles. Tiens, deux filles aussi ? Oui, ô surprise, le père va découvrir peu à peu que l’assassin présumé était... lui-même ! Reconnu déséquilibré mentalement, il a échappé à la prison et a tout oublié de son crime – un clone de Jacques Chirac ? –, mais les voisins, eux, n’ont pas oublié.
Cette histoire commence donc de façon séduisante, puis la suite s’enlise, car le véritable assassin n’est pas celui qu’on croyait, et, bien entendu, il revient ! Dès lors, la situation s’embrouille de plus en plus, et l’intérêt qu’on y porte s’amenuise d’autant. Tout finit par un incendie, quoique les spectateurs, eux, ne s’embrasent pas. Mise en scène classique, sans trop d’effets pour film d’horreur, mais, là encore (voir ci-dessus), le scénario ne vaut pas un cornet de popcorn.
La mort, cette nuit, de Steve Jobs, le fondateur de la marque Apple, donne l’occasion au site eco.rue86.com de se poser la question qui me sert de titre. Question judicieuse, puisque Apple apparaît chaque année dans une vingtaine de gros films hollywoodiens – plus d’une centaine depuis dix ans –, et qu’un lecteur m’avait posée. Les réponses sont diverses et fondées : c’est d’abord le résultat d’une stratégie délibérée (Apple a été l’une des premières marques à recruter un spécialiste du « placement de produits » au cinéma et à la télé) ; les scénaristes et les réalisateurs préfèrent souvent que leurs héros utilisent un Mac... parce qu’ils s’en servent eux-mêmes ; et un ordinateur Apple, ça vous pose un personnage, puisque seuls les ploucs sont censés utiliser un PC !
Il faut dire que la vision que le cinéma a des ordinateurs est toujours rudimentaire, en dépit des années qui passent. Ainsi, les personnages qui font du dialogue en direct sur leur ordinateur ne font jamais de fautes d’orthographe (!), n’utilisent jamais la souris (?), et toute frappe d’une touche produit un bruit qui n’existe pas dans la réalité. Pour ne rien dire des ordinateurs qui vous répondent en parlant !
En somme, l’ordinateur au cinéma reste un objet magique. Et le vôtre, il vous fait cet effet ?
Réalisé par Jean-Marc Moutout
Sorti en France (Paris Cinéma) le 7 juillet 2011
Sorti en France le 5 octobre 2011
Le réalisateur et scénariste ne s’est vraiment pas fait une entorse au cervelet ! On a l’impression d’avoir vu ce film vingt fois déjà : un cadre d’une banque, que ses supérieurs mettent peu à peu au placard, et on ne saura pas pourquoi, débarque un matin au bureau, muni d’un pistolet (la presse, toujours bien renseignée, mentionne « un revolver » !), et abat deux de ses supérieurs, puis il se tire une balle dans la bouche. Tout le film est donc en flashback, mais cela n’explique pas grand-chose.
Ce pamphlet au dialogue faiblard sur la tyrannie de l’économie et de la finance reste très inférieur au chef-d’œuvre de Laurent Cantet, Ressources humaines. Ici, on ne s’intéresse guère qu’aux deux acteurs principaux, Jean-Pierre Darroussin et Xavier Beauvois, avec en prime Yannick Renier dans un rôle minuscule.
Poncif noté dans la scène finale : l’homme se tire donc une balle dans la bouche, et le choc le fait littéralement décoller de son siège. Tant pis pour les lois de la physique ! Tirez à balle sur une bouteille posée à la verticale, et vous verrez bien qu’elle n’oscille pas d’un millimètre : la vitesse de la balle entraîne une perforation, qui n’ébranle pas la cible, laquelle possède une inertie très supérieure. Mais le cinéma tient à ses clichés, surtout quand ils ne reposent sur rien, et, conformément à la tradition du cinéma français, le réalisateur ne s’est pas documenté.
Réalisé par S.J. Clarkson
Sorti au Royaume-Uni le 30 décembre 2010
Sorti en France le 5 octobre 2011
Premier film d’un réalisateur de télévision, qui a tourné notamment quelques épisodes de Heroes, Ugly Betty, House M.D. et Dexter.
Révélation : certains Anglais savent faire la cuisine ! Nigel Slater est l’un d’eux. Le film est basé sur les mémoires de ce célèbre cuisinier, et raconte son enfance et ses débuts, avant son engagement au Savoy de Londres. Affligé de deux parents sans goût et qui mangent n’importe quoi, surtout en conserves, il développe par contrecoup, et sous l’influence d’un jeune et beau jardinier qui prône le plaisir, un goût très vif pour la cuisine, qu’il accentuera quand, sa mère morte, son père se met en ménage avec une femme du peuple, vulgaire mais admirable cuisinière. Dès lors, entre elle et lui, c’est la compétition permanente. Puis le père, gavé par sa nouvelle épouse, meurt à son tour, et Nigel, âgé de 17 ans, quitte la maison et parvient à se faire engager à l’Hôtel Savoy de Londres (le personnage qui l’engage est joué par le vrai Nigel Slater).
Le film est très léger, davantage que les innombrables pâtisseries qui agrémentent les scènes, et qui le rendent impropre aux diabétiques ! Ce n’est pas La grande bouffe, néanmoins, et l’on n’est pas écœuré.
Réalisé par Ismael Ferroukhi
Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2011
Sorti en France le 28 septembre 2011
Mais que cherche à dire ce film un peu terne ? En 1942, Younès est un petit trafiquant minable qui vit du marché noir, mais une perquisition l’amène devant un policier qui, en échange d’une honnête rétribution et de l’impunité, l’oblige à jouer les espions à la Grande Mosquée de Paris. De fil en aiguille, et parce qu’il y a connu un jeune chanteur spécialisé dans la musique arabo-andalouse, dont il s’avèrera qu’en fait il est juif (et homosexuel, mais le détail est très fugitif), il va passer peu à peu du côté des résistants au nazisme. Or le film fait intervenir le recteur de la Mosquée (le dialogue dit bêtement « le directeur » !), et le présente comme protégeant les Juifs persécutés par les nazis et les collabos, en leur faisant délivrer, par exemple, des certificats d’appartenance à l’islam. Or une enquête a prouvé que ledit recteur n’avait jamais eu ce comportement et s’en était tenu à son rôle de gestionnaire religieux.
Tahar Rahim joue Younès de façon très convaincante. Le recteur musulman est interprété, paradoxalement, par un acteur connu pour son catholicisme militant, Michel Lonsdale, mais son rôle dans le récit est un peu secondaire. Les Allemands ont un comportement très caricatural, comme d’habitude au cinéma.
Note : les scènes à l’intérieur de la Mosquée de Paris n’ont pas été réalisées sur place, on s’en serait douté. Elles ont été tournées au Maroc.
Demain sort un film de Djamel Bensalah, que je verrai peut-être – quoique je ne meure pas d’impatience –, Beur sur la ville. Or la sortie de cette pellicule a été précédée durant de trop longues semaines par une bande annonce dont les responsables, dont on sait à quel point ils sont géniaux, feraient bien de s’aviser qu’elle est dissuasive, ce qui ne serait certes pas la première fois. On y voit en effet trois policiers appartenant, comme on dit, à « la diversité » [sic], et qui interpellent le spectateur de la salle avec des propos d’une stupidité qui dépassent la moyenne admise. On y entend notamment : « Eh, toi, au premier rang, où tu te crois ? Enlève tes pieds du siège ! » – allusion à ces ploucs sans gêne qui logent leurs pieds sur les accoudoirs du fauteuil placé devant eux.
Le premier qui m’explique comment, au premier rang, on peut mettre ses pieds sur le siège de devant gagne une Cadillac en or massif.
Réalisé par Oliver Hermanus
Titre original : Skoonheid
Sorti en France (Festival de Cannes) 17 mai 2011
Sorti en France le 12 octobre 2011
D’abord, le titre « français » est, de la part du distributeur, du pur snobisme anglomanique, puisqu’il n’apparaît jamais sur l’écran. Le véritable titre est la traduction de beauté en afrikaans.
Le réalisateur est un cinéaste gay qui vit au Cap, en Afrique du Sud, pays encore peu tolérant vis-à-vis de l’homosexualité, ce que son film traduit très bien, via le récit d’une crise traversée par un quadragénaire, homo honteux, qui se cache et ne pratique sa préférence que clandestinement, avec des hommes comme lui, un petit groupe qui ne tolère « ni folles ni métis ». Mais il tombe amoureux d’un proche (peut-être son neveu, ce n’est pas très clair), un étudiant en droit plutôt beau garçon dans le genre viril, mais qui n’est pas du tout gay.
La mise en scène est très classique : la caméra ne bouge quasiment pas, hormis quelques panoramiques qui figurent le regard d’un personnage quand il en suit un autre. On est loin de ces pellicules où la caméra est portée par un cadreur atteint de la maladie de Parkinson, manie dont les réalisateurs ringards croient encore qu’elle est un signe de modernité. La photographie est excellente, la musique, presque absente, les acteurs sont inconnus mais très bons. Le sujet n’est pas vraiment l’homosexualité, bien qu’on y pense sans cesse, mais la honte de ressentir (et de pratiquer occasionnellement) ce que la majorité ne ressent pas, et par conséquent condamne.
Le sommet du film est atteint lors de la tentative de viol, qui donc n’aboutit pas, et dont la victime, presque indemne, disparaît dès lors de l’écran et ne semble pas s’être plainte à la police. Le violeur potentiel retourne à sa vie, demande à sa fille des nouvelles du garçon qui ne lui a pas cédé, et lorgne les beaux garçons dans les cafés, c’est tout.
Le film est presque intellectuel, et le spectateur n’est pas invité à s’identifier aux personnages. Très peu, voire pas du tout d’émotion, et rien d’excitant. On doit espérer que ce réalisateur débutant va continuer, car il se révèle très talentueux. Il faut lui souhaiter de ne pas retomber brutalement, comme c’est arrivé à Marco Berger après son Plan B.
Réalisé par Nicolas Winding Refn
Sorti en France (Festival de Cannes) 20 mai 2011
Sorti en France le 5 octobre 2011
Public et critiques se sont extasiés sur la vedette du film, qui est très bien, en effet, mais on a un peu oublié de dire que c’est le réalisateur et son scénariste Hossein Amini (travaillant d’après un roman) qui méritent les éloges les plus vifs. Et, bien que le fond de l’histoire repose sur le thème banal de l’homme qui s’est mis à dos la mafia, la manière dont tout est raconté révèle une maîtrise qu’on voit rarement.
Cette histoire d’un cascadeur, spécialiste des voitures mais qui la nuit se met au service de la pègre, montre un homme qui se sert de la voiture pour échapper à la police et envoyer ses ennemis dans un monde meilleur, ce qui donne les meilleures scènes du film, d’ailleurs très courtes : on ne s’attarde pas complaisamment, et, même si tout est très violent et plutôt sanglant, la réalisation montre ces actes très rapidement et d’assez loin, de sorte qu’on échappe au sadisme, autre forme de pornographie, dans lequel un tâcheron serait tombé. Le réalisateur, qui est danois et a commencé ses études à la Danish film school (comme Lars von Trier !), les a laissées tomber avant la fin. Le cinéma l’a échappé belle. J’avoue néanmoins que je n’avais pas été séduit par le premier volet de sa trilogie Pusher, qui l’a rendu célèbre, et m’étais abstenu de voir les épisodes suivants. Ici, c’est beaucoup mieux.
Réalisé par Julie Delpy
Sorti en Espagne (Festival de Donostia-San Sebastián) le 20 mai 2011
Sorti en France le 5 octobre 2011
Cent treize minutes de remplissage ! Venus d’un peu partout, les membres d’une famille se réunissent pour l’anniversaire de la grand-mère, qui vit dans une grande maison de campagne près de Saint-Malo. Or ils sont près de cinquante ! C’est dire que le film relève de ce redoutable genre, le film choral. La difficulté pour la réalisatrice est donc de donner quelque chose à faire à chacun, et de diriger ses personnages dans des scènes collectives qui ne sont que des prétextes visant ce but.
L’ennui est que les adultes n’échangent que des lieux communs, et que les enfants, jouant aux adultes, sont invités à chanter des obscénités ou à mimer des actes qui ne sont pas de leur âge.
Séduits au début, les spectateurs s’ennuient au bout d’une demi-heure, et rien ne vient corser l’action, pas même le gadget donnant son titre au film : le satellite Skylab (nous sommes en 1979) est annoncé comme devant tomber dans la nuit sur la Bretagne. Évidemment, il tombera... aux antipodes. C’est à la fois le Melancholia du pauvre et Les petits mouchoirs sans le drame.
Julie Delpy semble suivre une courbe descendante : elle était très bonne dans Two days in Paris, elle a partiellement échoué avec La comtesse, et elle touche le fond avec Le Skylab.
Réalisé par Henry Joost et Ariel Schulman
Sorti au Brésil (Festival de Rio de Janeiro) le 14 octobre 2011
Sorti en France le 19 octobre 2011
Nous échappons à la mode casse-pieds de la 3D, bien qu’une version en relief existe, mais elle n’a été projetée que dans... un seul cinéma en France, à Dorlisheim, en Alsace. Pauvres Alsaciens, la chkoumoune les poursuit.
C’est le type de films que la critique dédaigne, or celui-ci est beaucoup plus intéressant que les blockbusters couronnés par les festivals, tels Melancholia ou The tree of life – pour ne rien dire des immenses succès populaires comme Le discours d’un roi ou La guerre est déclarée, nettement surfaits.
Ce numéro 3 commence donc avant le 2, et sa plus grande partie est un flashback se déroulant encore plus en arrière dans le temps – une prequel, le contraire d’une suite, rendue impossible par le fait que le premier de la série se concluait par la mort du personnage masculin, Micah, tué par sa compagne Katie, laquelle disparaissait dans la nature – ou dans le surnaturel, si on préfère. Nous assistons donc à l’aventure des deux sœurs Kristi et Katie lorsqu’elles étaient enfants, aventure filmée durant la première quinzaine de septembre 1988 par Dennis, leur beau-père (on ne saura rien du père, absent de l’histoire), un fondu de la vidéo. Le tout nous est révélé par les multiples cassettes VHS qu’il enregistrait en continu, avec les trois caméras fixes installées dans sa grande maison, et par une petite caméra portative qui le quittait rarement.
Comme je l’avais noté dès le début, la réalisation est remarquable de cohérence et d’honnêteté, puisque jamais nous ne verrons autre chose que ce qui a été filmé par ce personnage ou son camarade de travail Randy, évènements qui sont évidemment générateurs d’angoisse. La montée du mystère est soigneusement organisée, et les incidents mystérieux sont beaucoup plus nombreux que dans les deux premiers films de la série. Bien entendu, la bande sonore, qui ne comporte pas de musique – sinon les chansons écoutées ou chantées par les personnages –, est truffée de petits détails qui contribuent à l’atmosphère, et débouchant sur une fin ouverte laissant prévoir un numéro 4 ! Pour une fois, on ne s’en plaindra pas.
Le film, de toute évidence, a coûté bien plus cher que le premier, tourné en une semaine et en noir et blanc dans la propre maison du réalisateur Oren Peli (qui est ici producteur), et a occupé une équipe nombreuse. Les trucages, en particulier, sont spectaculaires, surtout celui de la cuisine, peu avant la fin. À retenir cette bonne idée de scénario et de mise en scène : une des caméras fixes a été installée sur le support... d’un ventilateur, et fait ainsi d’incessants panoramiques, gauche-droite, gauche-droite, donnant lieu à une scène originale d’apparition-disparition qui est un des clous du film.
L’intelligentsia méprise, mais elle a tort.
Réalisé par Oliver Parker
Titre original : Johnny English reborn
Sorti en Australie, Hongrie, Malaisie, Slovénie, Thaïlande, Ukraine, aux Philippines et à Singapour le 15 septembre 2011
Sorti en France le 19 octobre 2011
Cela commence au Tibet, comme le Batman begins de Christopher Nolan, mais sur le mode loufoque, puis continue comme une parodie de tous les films avec James Bond – sauf les deux derniers, qui se prennent au sérieux. La plupart des gags imaginés par Rowan Atkinson fonctionnent bien, et j’ai surtout retenu cette poursuite, peu après le début : l’agent secret Johnny English essaie de rattraper à la course un jeune Asiatique qui a tenté de le tuer ; comme ce garçon est athlétique, il accumule les exploits, mais, quand il escalade une grille, English se contente d’en pousser la porte ; et quand il descend le long de la façade d’un gratte-ciel par l’échafaudage (en bambou, nous sommes à Hong-Kong), l’Anglais prend tout simplement l’ascenseur et arrive en même temps. On pense à Indiana Jones dans Les aventuriers de l’arche perdue, quand un guerrier arabe, faisant force simagrées, le menace avec un sabre, et qu’Indiana, placide, dégaine son revolver et le descend froidement !
On rit souvent, car c’est parfois énorme. Ainsi, la dernière gaffe de l’agent secret est d’estourbir la reine d’Angleterre qui venait le faire chevalier : il l’a prise pour la tueuse du camp adverse qui le traque depuis le début. Ces Britanniques ne respectent rien.
Réalisé par Carl Tibbetts
Sorti en Allemagne le 11 février 2011
Sorti en France (Festival de Cannes) le 12 mai 2011
Pas sorti en salles en France
Un huis-clos sur une île déserte à l’ouest de l’Écosse, où Martin, architecte, et Kate, journaliste, pour se remettre de la perte de leur enfant, prennent dix jours de repos dans une grande maison louée. Mais un type débarque, blessé, et qui s’appelle curieusement Jack Coleman (ce nom est celui d’un acteur qui a joué dans Dynasty et dans Heroes). Il déclare être un militaire, membre d’une unité chargée de sécuriser la région, parce qu’une maladie contagieuse et mortelle se propage par l’atmosphère. Il faut par conséquent calfeutrer toutes les issues de la maison et ne plus mettre les pieds dehors ! Ment-il ? On le saura à la dernière image du film, qui se termine très mal...
L’interprétation est impeccable, dominée par Jamie Bell, qui confirme ses qualités de grand acteur. Et Cillian Murphy change d’emploi, après avoir été deux fois le Scarecrow des deux Batman de Christopher Nolan. La réalisation ne laisse aucun temps mort, et ce film britannique est relativement court : une heure et demie. C’est la première réalisation de Carl Tibbets, également co-scénariste. Il n’y a que cinq acteurs, dont l’un, une femme, joue... un cadavre.
Réalisé par Rémi Bezançon
Sorti en France (Festival d’Angoulème) le 27 août 2011
Sorti en France le 28 septembre 2011
Le titre est là par antiphrase, car les deux personnages étaient heureux avant la naissance de leur fille... et beaucoup moins après, puisque cet évènement a révélé tout ce que la maternité a d’insupportable pour une femme.
La première partie, avant la naissance, est drôle, car les dialogues sont assez rosses (Josiane Balasko en mère cynique et désabusée incarne l’esprit du film). Ensuite, quand cela tourne mal parce que le père s’implique relativement peu et que la mère a perdu toute liberté, le récit est plus pesant. De toute façon, le film est trop long, et contient trop de scènes d’amour. Certes, elles sont là pour montrer que, presque invariablement, l’amour est troublé par un élément perturbateur, mais enfin, c’est un tel cliché...
Rémi Bezançon ne retrouve pas le bonheur de son film précédent, Le premier jour du reste de ta vie, plus réussi et pourtant plus tragique, puisqu’il se terminait par la mort du père.
Réalisé par Michel Hazanavicius
Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2011
Sorti en France le 12 octobre 2011
Les deux génériques sont en anglais, pourtant le film est français. Il s’agit, non pas d’une parodie, mais d’un témoignage d’amour pour le cinéma muet, qui se réfère à deux classiques, Singin’ in the rain et Sunset boulevard : le premier, pour le passage, difficile pour les acteurs, du muet au parlant, le second, pour les conséquences tragiques de cette mutation, à laquelle beaucoup ne se sont pas adaptés. Passons sur les allusions à Chaplin, avec le petit chien omniprésent...
L’histoire est à la fois simple, voire simpliste, et prévisible : George Valentin est une vedette du cinéma muet. Il aide une petite figurante, Peppy Miller, à débuter dans le métier, mais, alors que peu à peu elle devient une vedette, de son côté il sombre parce qu’il a refusé de faire un des nouveaux films parlants. Pour comble, le film qu’il a essayé de réaliser fait un bide, et la crise de 1929 le ruine. Lorsqu’il est blessé dans un incendie qu’il a provoqué sans le vouloir, Penny le recueille chez elle pour le soigner, mais il découvre qu’elle a racheté tout ce qu’il a été obligé de vendre pour survivre. Humilié, il envisage de se suicider. Penny le recueille à nouveau et l’impose dans son prochain film.
Le film se heurte à une difficulté : comment, dans un film sans dialogues ni bruitage, montrer en quoi le parlant ne peut que gagner la partie ? Le réalisateur est alors forcé de faire une concession, et il introduit une courte séquence sonore, où son héros prend conscience que sa carrière est finie. D’ailleurs, la scène de fin est entièrement parlante, et George Valentin y prononce son unique mot de dialogue, « Yes ! » – qui nous rappelle le gag de Silent movie, film de Mel Brooks, dans lequel le seul mot, « No ! » (vous voyez la référence), était prononcé par... Marcel Marceau, le mime français ! Lequel, évidemment, ne parlait jamais en scène.
On suit ce film avec plaisir, surtout lors de la séquence du duo de claquettes, hélas trop courte, car les deux interprètes ne sont ni Fred Astaire ni Ginger Rogers. Mais ils n’en ont que davantage de mérite. À noter l’insertion, dans la bande sonore, du poème symphonique de Bernard Herrmann, la Suite Vertigo, d’après le film d’Hitchcock, sur laquelle une séquence entière a été construite : le découpage suit la musique, qui préexiste évidemment, au lieu d’être accompagné par elle.
Cela dit, le scénario ne casse pas des briques, il ne réserve aucune surprise.
C’est faussement que France Inter, toujours aussi mal renseignée, a prétendu ce matin que la sortie officielle du film de Spielberg (on a évidemment, comme d’habitude et par deux fois en une minute, écorché son nom en « Chpilbergue », ça ne rate jamais !) coïncidait avec le soixante-huitième anniversaire de Jean-Pierre Talbot. Or celui-ci est né le 12 août 1943. À deux mois et demi près, l’information était exacte...
Jean-Pierre Talbot, fils d’un homme d’affaires de Spa, en Belgique, était un beau garçon de 17 ans quand il a été découvert sur la plage d’Ostende le 15 août 1960, par Chantal Rivière, fille de Jacques van Melkebeke, un ancien ami et collaborateur d’Hergé. Très sportif, le garçon était moniteur d’un camp de vacances, le Groupe des Dauphins, connaissait très bien l’univers de Tintin, mais n’avait jamais songé à faire du cinéma. Il fut engagé pour tenir le rôle du petit reporter dans les deux seuls films sur Tintin joué par des acteurs, tous les autres films ayant été réalisés en dessins animés.
Après une formation qui a duré un an, il joua dans Tintin et le mystère de la Toison d’or, sorti en 1961, qui fit 3,6 millions d’entrées, de sorte qu’on fit un autre épisode sorti en 1964, Tintin et les oranges bleues, qui eut moins de succès.
Jean-Pierre Talbot n’est pas resté acteur, il est devenu instituteur, puis directeur d’école. Bien sûr, en Belgique, c’est une gloire locale, même s’il n’en a jamais profité. Un sage.
Réalisé par Pierre Schoeller
Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2011
Sorti en France le 26 octobre 2011
Le réalisateur s’était distingué en faisant Versailles, film au scénario totalement absurde mais qui comptait sur les bons sentiments pour se rallier les faveurs du public.
Bernard et Gilles étaient amis. Le premier devient ministre des Transports, et prend le second comme directeur de cabinet, c’est-à-dire chargé de toutes les affaires politiques du ministère – le poste le plus important après celui du ministre. Or le gouvernement envisage de privatiser un certain nombre de gares de la SNCF. Bernard et Gilles y sont opposés, mais le ministre se laisse peu à peu convaincre qu’il doit mettre le projet sur les rails, c’est le cas de le dire. Gilles, qui refuse cette éventualité, est prêt à démissionner. Mais un accident de la route, où Bernard est blessé, donne à ce ministre une soudaine popularité qui pousse le président de la République à lui attribuer un autre poste, de sorte que la divergence de vues entre les deux hommes n’a plus lieu d’être et que Gilles peut rester son directeur de cabinet. Hélas, le président « suggère » que son ministre prenne dans son entourage d’autres hommes, dont il lui fournit la liste, et par conséquent, Gilles – dont on sait qu’il a été opposé à un projet gouvernemental – doit être exclu. Bertrand obéit, et Gilles s’en va.
C’est presque un documentaire, très dramatisé néanmoins, sur l’exercice du Pouvoir (et non « de l’État », comme dit sottement le titre, puisqu’on n’exerce pas l’État !) et la vie de folie des membres du gouvernement, où l’on ne s’appartient plus. On sent que son auteur a lu L’enfer de Matignon, livre d’interviews réalisées par Raphaëlle Bacqué, et qu’il en a utilisé le maximum. Le film est parfaitement conçu et réalisé, à deux détails près. Le premier est que le réalisateur se croit obligé de faire deux plans horrifiques sur les suites de l’accident de la route, insistant lourdement sur la jambe arrachée de la seule victime, le chauffeur du ministre ; c’est à la fois inutile et de très mauvais goût. Le second est l’invraisemblance de montrer le Premier ministre assistant aux obsèques du chauffeur de son ministre, qui était un simple stagiaire en poste pour un mois seulement. Où a-t-on vu une telle compassion, au demeurant inutile chez ces intoxiqués de la communication que sont les hommes politiques ?
Réalisé par Louis Malle
Sorti en France le 22 février 1967
Louis Malle « avait la carte », tout comme Alain Resnais, par exemple, aussi n’a-t-on jamais lu sur lui la moindre critique défavorable. Pour ma part, je n’ai vraiment apprécié aucun de ses films, qui, bien que réalisés soigneusement et avec classicisme, m’ont généralement ennuyé, qu’ils soient tournés en France, en Angleterre ou aux États-Unis. Le public, lui, ne connaît guère que Le souffle au cœur, qui avait fait un peu scandale parce que l’histoire se concluait par l’inceste d’un garçon de quatorze ans avec sa mère, Les amants, pseudo-érotique assez grotesque où Jeanne Moreau se ridiculisait, et Lacombe Lucien, dans lequel nazis et collaborateurs étaient vus par un jeune collabo de vingt ans.
Ici, on adapte un roman de Georges Darien portant le même titre, et tout est raconté en flashbacks, avec un commentaire en voix off dit par Jean-Paul Belmondo, qui joue également le premier rôle, celui de Georges Randal, cambrioleur parisien vers 1900, devenu voleur parce que son oncle l’a déshérité (il espérait épouser sa cousine, la fille de cet oncle, lequel voulait plutôt lui faire épouser une riche héritière). Le film est donc une suite de cambriolages, teinté d’idéologie fondée sur la haine de la bourgeoisie.
Il faut convenir que le résultat, trop long (cela dure deux heures), est assez ennuyeux. On se rattrape en admirant les beaux décors et le jeu des nombreux acteurs de prestige qui composent la distribution.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.