Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Adieu Berthe - L’enterrement de Mémé – Adieu Berthe – Panique à l’hôtel – Room service – Bancs publics (Versailles rive droite) – L’ombre du mal – The raven – V comme vendetta – Double crime dans la rue Morgue – Le mystère de Marie Roget – Buried – Summertime – The dynamiter – La petite Venise – Io sono Li – La part des anges – The angels’ share – L’étau – Topaz – Torn curtain – Le rideau déchiré – Les enfants de Belle Ville – Shah-re ziba – Une séparation – Vertigo – L’âge de glace 4 - La dérive des continents – Ice Age: Continental drift – Chroniques de Tchernobyl – Chernobyl diaries – Paranormal activity – The Blair witch project – Full metal jacket – To Rome with love – The raid – Berandal – Les sœurs fâchées – La ronde – The amazing Spider-Man – Kill list – Mains armées – Avé – Ave – A little closer – Jane Eyre – Sin nombre – Barry Lyndon
Personnes citées : Bruno Podalydès – James McTeigue – Edgar Allan Poe – Matthew Gordon – Andrea Segre – Ken Loach – Hubert Monteilhet – Stéphane Bou – Jean-Baptiste Thoret – Alfred Hitchcock – Bernard Herrmann – Marcel Pagnol – John Addison – Asghar Fahradi – James Stewart – Kim Novak – Steve Martino – Mike Thurmeier – Bradley Parker – Oren Peli – Stanley Kubrick – Woody Allen – Penélope Cruz – Jesse Eisenberg – Gareth Evans – Jackie Chan – Iko Uwais – Isabelle Huppert – Gérard Philipe – Max Ophüls – Marc Webb – Andrew Garfield – Rhys Ifans – Robert DeNiro – Ben Wheatley – Pierre Jolivet – Adrien Jolivet – Konstantin Bojanov – Matthew Petock – Martin Scorsese – Cary Joji Fukunaga – Charlotte Brontë – Joe Smith – Judi Dench – Jamie Bell – Michael Fassbender – Daphne Du Maurier – Alfred Hitchcock – David O. Selznick – Stanley Kubrick
Réalisé par Bruno Podalydès
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2012
Sorti en France et en Belgique le 20 juin 2012
Rien à voir avec la comédie également titrée Adieu Berthe que Francis Blanche avait tirée d’un film des Marx Brothers, Panique à l’hôtel (en 1938, titre original : Room service). Ici, c’est la grand-mère d’un pharmacien, amateur de prestidigitation et pris entre deux femmes, qui décède dans l’asile de vieillards où tout le monde l’avait oubliée. Il va s’avérer que cette grand-mère, prénommée Berthe, avait connu un grand amour déçu, avec un magicien qui, peut-être, pourrait bien être le grand-père de notre pharmacien, mais cette possibilité est à peine effleurée.
En réalité, faire rire autant avec une histoire d’obsèques est un petit exploit, et les spectateurs rient beaucoup au dialogue truffé de coqs-à-l’âne et de notations saugrenues. Gros succès, en particulier, du torrent d’injures grossières déversées par Valérie Lemercier sur son amant... dans un cimetière.
Le film devient émouvant sur la fin, et n’est jamais vulgaire, en dépit de toutes les plaisanteries sur la mort et les pompes funèbres, pas toutes du meilleur goût. Après un échec artistique et public il y a trois ans avec Bancs publics (Versailles rive droite), Podalydès retrouve le succès, et c’est mérité.
Réalisé par James McTeigue
Titre original : The raven
Sorti en Irlande et au Royaume-Uni le 9 mars 2012
Sorti en France et en Belgique le 20 juin 2012
Rions : entre 1912 et aujourd’hui, le titre original, qui signifie « le corbeau », a servi... seize fois ! Le réalisateur, lui, n’a connu un relatif succès qu’avec V comme vendetta, en 2005 (le masque de V a été adopté par les Anonymous).
Le scénario imagine que le typographe qui compose pour l’impression le texte des œuvres écrites par Edgar Allan Poe, et qui est son admirateur secret, est aussi un fou qui tente de recréer les crimes imaginés par l’écrivain dans ses nouvelles d’horreur, comme Double crime dans la rue Morgue ou Le mystère de Marie Roget. Pour ne rien arranger, l’individu enlève la femme aimée de Poe et l’enferme dans un cercueil, comme dans Buried ! Ne reste plus à l’écrivain qu’à rechercher la belle Emily, avec l’aide de la police. Il la retrouve, mais meurt à la fin, tandis que le policier, blessé, exécute l’assassin, qui s’est enfui à Paris.
La réalisation est soignée, et le point de départ assez original. Mais on a vu cent fois ce type de film.
Réalisé par Matthew Gordon
Titre original : The dynamiter
Sorti en France (Festival de Deauville) le 6 septembre 2011
Sorti en France le 4 juillet 2012
Pour une fois, le titre (bidon) attribué à la version distribuée en France a davantage de sens que l’original, car, s’il est bien question des vacances d’été, on ne voit pas l’ombre d’un dynamiteur dans cette histoire.
Robbie va sur ses quinze ans, et il vit avec son jeune demi-frère Fess, un peu attardé, sa grand-mère qui ne dit jamais le moindre mot, et son chien. La mère, qui doit être du genre à s’envoyer en l’air avec le premier venu, est partie vivre sa vie, et on ne la verra jamais. Il y a aussi le frère aîné, Lucas, un vaurien, qui revient de temps en temps, mais ne fait rien, dort toute la journée, court les filles et fait semblant de chercher du travail. Il vole aussi un peu, et Robbie finit par le dénoncer à la police pour ne plus le voir. On emprisonne Lucas, mais Robbie a attiré l’attention sur cette famille déshéritée, qui est embarquée par les services sociaux.
Après avoir volé l’argent de ses co-pensionnaires, Robbie s’évade et quitte la région, avec ses deux jeunes voisins noirs, qui ont résolu de fuir eux aussi pour échapper à leur père.
Le film est un tableau sévère mais juste de cette partie des États-Unis où tout le monde est pauvre, débile, obèse et violent. Il a été tourné avec des amateurs, dans l’État du Mississippi, par un réalisateur de documentaire qui fait là sa première fiction. Il a aussi cette vertu de ne durer que 73 minutes. Tout y est crédible.
Réalisé par Andrea Segre
Titre original : Io sono Li
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 5 septembre 2011
Sorti en France le 13 juin 2012
Shun Li est une ouvrière chinoise émigrée en Italie, où elle travaille dans une fabrique de confection de vêtements. Elle doit rembourser les employeurs qui lui ont fourni ce travail, et elle espère aussi faire venir de Chine son fils de huit ans. Mais ses patrons l’envoient faire un remplacement comme serveuse dans un café de Chioggia, une ville au sud de la lagune de Venise. Là, elle se lie plus ou moins avec un autre émigré, un ancien Yougoslave, poète, pêcheur et installé depuis trente ans en Italie. Mais Italiens et Chinois voient d’un mauvais œil ce lien pourtant très innocent, et ses patrons, après l’avoir menacée, la ramènent à la fabrique de vêtements.
Pourtant voilà que son fils débarque, sans qu’on sache qui a payé : le poète, qui est parti entre-temps mourir chez son fils ? Sa colocataire, qui a disparu mais a laissé de l’argent ? On ne le saura pas.
Ce film est très estimé dans les festivals, mais je dois avouer que je trouve son intrigue très artificielle, tout autant que la bagarre sans aucun fondement qui, peu avant la fin, oppose le Yougoslave à une brute italienne, obèse et raciste. Que le récit soit noyé dans un brouillard poétique ne parvient pas à masquer ce défaut. Les Français ne sont pas les seuls à écrire des scénarios bancals.
Réalisé par Ken Loach
Titre original : The angels’ share
Sorti en France (Festival de Cannes) le 22 mai 2012
Sorti en France le 27 juin 2012
Ce titre n’a rien à voir avec le roman policier d’Hubert Monteilhet, qui avait situé son intrigue à Cognac. La part des anges, tout le monde le sait, représente cette fraction d’alcool qui s’évapore pendant la distillation d’un spiritueux. Or, ici, du whisky va « s’évaporer », mais d’une autre façon !
Robbie, par son comportement violent, a failli retourner en prison, mais écope à la place de trois cents heures de travaux d’intérêt général. Il a la chance de tomber sur un éducateur qui, non seulement lui fait confiance, mais l’initie à... la dégustation du whisky ! Robbie, qui vient d’être père, a promis de ne plus faire de mal à quiconque, mais il n’a pas promis d’être honnête. Il monte un coup, consistant, avec trois complices, à voler quatre litres de whisky hors de prix dans la meilleure distillerie d’Écosse, afin de revendre son larcin à un aigrefin qui prospecte pour un distillateur russe grand amateur de cette boisson. Le coup réussit, bien que l’un des quatre charlots ait cassé deux bouteilles, et l’une des deux qui restent est revendue pour cent mille livres sterling (le tonneau où le divin nectar a été prélevé s’est vendu aux enchères pour 1 120 000 livres). Mais Robbie en a gardé une pour son éducateur et la lui offre en remerciement.
Le récit est émouvant au début, puis tourne plutôt à la farce, quand c’est le contraire, d’ordinaire, au cinéma. Le film est une bulle de savon, mais aussi agréable qu’un bon verre de whisky. Cependant, la transition est brutale entre le Robbie du début, accablé par ses propres actions commises sous l’empire de la drogue, et le Robbie amendé, devenu un personnage inventif, joyeux et sympathique. On ne marche pas vraiment à cette invraisemblance...
Stéphane Bou et Jean-Baptiste Thoret font, chaque jour ouvrable entre 11 heures et midi sur France Inter, une bonne émission sur le cinéma, dont le titre est celui que vous pouvez lire ci-dessus. Aujourd’hui, l’épisode s’intitulait « Y a-t-il un meilleur film d’Hitchcock ? » (j’ai corrigé une faute dans leur titre !).
Naturellement, j’ai tendu l’oreille, et décelé une belle contre-vérité : qu’Hitchcock se serait brouillé avec Bernard Herrmann parce que le génial compositeur « n’avait pas voulu composer une musique pop pour L’étau ».
Je regrette, c’est séduisant, mais faux. L’étau, dont le titre original est Topaz (on ne l’a pas conservé pour que le public français n’aille pas croire que Pagnol y avait contribué !), date de 1969. Or Herrmann n’a jamais été pressenti pour faire la musique de ce film, car lui et Hitchcock s’étaient brouillés... trois ans plus tôt, en 1966, à l’occasion de Torn curtain (en français, Le rideau déchiré), dont Herrmann avait bien composé la musique : elle a été enregistrée, j’en possède le disque, et elle est très supérieure à celle de John Addison qui a finalement été utilisée. Mais on avait mal conseillé le réalisateur, qui ne connaissait rien à la musique, et il a refusé cette partition. C’est alors qu’ils se sont brouillés : le choc entre ces deux fortes personnalités avait fait trop d’étincelles. Plus jamais ils ne se sont adressé la parole.
Réalisé par Asghar Fahradi
Titre original : Shah-re ziba
Sorti en France (Festival de Cannes) le 13 mai 2004
Sorti en France le 11 juillet 2012
Rien à voir avec un quartier de Paris, nous sommes en Iran. Quant au titre français, il est inutilement nunuche : le film s’intitule simplement « Belle Ville », d’après le nom du quartier où se trouve le centre de détention des mineurs, qui ne sont pas des enfants.
Ce film, le deuxième d’Asghar Fahradi, est bien sorti au festival de Cannes en 2004, puis au festival Paris Cinéma l’année suivante, mais aucun distributeur ne s’y est intéressé. Seul l’immense succès d’Une séparation a réveillé ces grands connaisseurs du cinéma, qui ont finalement pensé à le sortir des oubliettes. Et ça vous surprend ?
À l’âge de seize ans, Akbar a tué la fille qu’il aimait, parce qu’elle allait en épouser un autre – il avait d’abord pensé se suicider. Condamné à mort, il sera exécuté lorsqu’il aura passé le cap de son dix-huitième anniversaire : Allah soit loué, on est humain, en Iran, on n’exécute pas les mineurs. Le jour où cet anniversaire arrive, son meilleur ami, A’la (photo ci-contre), en prison lui aussi pour vols répétés, obtient de ne pas achever sa propre peine (il lui reste vingt-huit jours, uniquement des punitions récoltées sur place) afin d’aller supplier le père de la victime pour qu’il pardonne. Eh oui, en Iran, c’est la famille des victimes qui décide si l’on doit gracier ou non un assassin...
Après bien des tribulations et une histoire d’amour ébauchée avec la sœur d’Akbar, plus âgée que lui, déjà mère et divorcée d’un drogué, A’la semble avoir obtenu ce qu’il demandait, mais on n’en sera jamais sûr, puisque le récit s’arrête sans rien conclure. Ce type de fin ouverte annonce celle d’Une séparation, où, là aussi, on ne saura jamais avec lequel de ses deux parents, qui se séparent, leur fille choisira de vivre.
Le film n’est pas sans défauts – il y a trop de tout, on ne sait pas où va son auteur –, et comporte des obscurités, comme ce vague projet de mariage entre A’la et la fille handicapée de la seconde épouse du père de la victime ; mais il intéresse pour trois raisons : il comporte de beaux personnages, les deux interprètes, celui d’A’la et celle de Firoozeh, la sœur, sont très attrayants (la seconde a joué dans les films suivants du réalisateur), et aussi, par ce que le film révèle des mœurs étranges de l’Iran. Ainsi, pour obtenir que le meurtrier de sa fille soit exécuté, le père doit payer le « prix du sang », or ce serait deux fois moins cher si on devait exécuter une femme !
Mais ces quelques petits défauts sont compensés par un scénario sophistiqué, mais surtout une réalisation où la technique du futur maître se fait déjà sentir. Ainsi, l’amour qui semble pointer entre le petit voleur généreux et la sœur du meurtrier n’est exprimé que par des images muettes, dont au moins un plan rappellera, dans Vertigo, celui où James Stewart tombe amoureux de Kim Novak avant même de lui avoir parlé (allez lire l’article). Ici, A’la est filmé dans l’encadrement de la porte, et une lumière dorée souligne sa silhouette ; la fille le regarde, et tout est dit.
Pourquoi faut-il que même les réalisateurs estimables répandent des bobards comme celui qu’on a pu lire à propos de ce film ? Farhadi prétend avoir eu énormément de mal à trouver le jeune comédien jouant Akbar – qui a fait quatre autres films ensuite, mais qu’ici qu’on voit à peine, trois minutes et demie en deux scènes au début, et plus du tout ensuite. « J’ai vu environ une centaine de garçons qui s’approchaient de l’âge et du physique de ce que j’avais en tête pour ce rôle, mais aucun ne me satisfaisait ». Puis, lorsqu’il eut réussi à trouver son interprète : « Quand je l’ai vu, j’ai tout de suite compris qu’il correspondait à l’idée que je m’étais faite d’Akbar, y compris le ton de sa voix ». Or tous les gens de cinéma racontent ce genre d’anecdote douteuse, sur le thème dès-que-je-l’ai-vu-j’ai-su-que-c’était-lui, ou dès-que-j’ai-lu-le-scénario-j’ai-pensé-à-Untel-et-je-n’aurais-jamais-fait-le-film-sans-lui. Tout bonus de DVD en est farci, et c’est plus que lassant. C’est drôle, la plupart des réalisateurs célèbres sont de fieffés menteurs : Hitchcock, Fellini, Chabrol, Bergman, Welles... Le baron de Münchhausen aurait dû faire du cinéma.
Et puis, « Le Canard enchaîné », qui n’a rien compris à l’histoire, rapporte que c’est Akbar qui tente de sauver la vie de son copain emprisonné. Le critique n’a même pas lu le résumé du film, qui est imprimé partout ?
Réalisé par Steve Martino et Mike Thurmeier
Titre original : Ice Age: Continental drift
Sorti en France, Belgique, Suède, Suisse et au Costa-Rica le 27 juin 2012
Bien que la compagnie qui a produit le film soit basée aux États-Unis, ce pays attendra demain pour le voir...
Le saviez-vous ? La dérive des continents s’est produite parce qu’un minuscule rongeur nommé Scrat a voulu briser une noisette sur la banquise. Ensuite, on est en plein délire, en compagnie d’une bande d’animaux n’ayant théoriquement rien à faire les uns avec les autres, et où un petit oppossum est amoureux d’une fille de mammouth. Il y a aussi un couple de tigres qui se détestent au début et vont s’aimer à la fin, des pirates, et un tas d’autres, tout droit venus des trois premiers épisodes de la série, que je n’ai malheureusement pas vus.
Les images de synthèse sont très bonnes, les péripéties, acrobatiques, et les dialogues, hilarants. On peut supporter la version française, puisque c’est la seule qu’on peut visionner dans la journée.
Réalisé par Bradley Parker
Titre original : Chernobyl diaries
Sorti aux États-Unis et en Russie le 24 mai 2012
Film conçu selon un canevas répandu, celui du found footage (« images trouvées », bidons évidemment), canevas faussement attribué à Oren Peli parce qu’il a réalisé un très bon film, Paranormal activity, l’ayant rendu célèbre. Or ce modèle existe depuis longtemps, et l’horrifique Cannibal holocaust, film italien qui a lancé la mode, date de... 1980 ! On a également cité à ce propos The Blair witch project, qui fut une assez belle escroquerie, simple travail de fin d’études réalisé par trois étudiants fauchés, ne montrant strictement rien, mais dont la propagande sur Internet fit un de ces redoutables films « cultes ».
Bref, quatre touristes venus des États-Unis font un voyage en Europe. Puis l’un d’eux rejoint son frère, qui vit en Ukraine, et qui leur propose une virée... à Tchernobyl, organisée par un de ses copains du pays. Deux autres touristes les rejoignent, et les voilà partis en camionnette vers Prypiat, ville de 50 000 habitants où vivaient les anciens travailleurs de la centrale nucléaire. Bien entendu, s’étant ainsi mis d’eux-mêmes dans, euh... les difficultés, ils vont connaître le pire dès que la camionnette sera tombée en panne au mauvais endroit. Tous sont tués les uns après les autres, et la dernière survivante, capturée par une équipe de surveillance, est jetée dans une cellule bourrée de survivants de la ville, évidemment contaminés, sans doute devenus enragés, ou l’on ne sait trop quoi.
On se doute que le film n’a pas été tourné sur les lieux, mais à Belgrade et Budapest pour les intérieurs, le reste ayant utilisé une vieille usine de tracteurs et d’anciens bâtiments militaires, tout comme Kubrick l’avait fait pour Full metal jacket (lui avait reconstitué le Vietnam dans une ancienne usine à gaz, à quinze kilomètres seulement de Buckingham Palace !). Et, inévitablement, les habituels casse-pieds et donneurs de leçons de morale, en l’occurrence le Friends of Chernobyl Centers U.S. (sic) ont protesté qu’on ne traitait pas avec respect les victimes de la tragédie de 1986... Or il n’est pas moins exact que cette curieuse forme de tourisme existe dans la région de Tchernobyl. Bali et les Seychelles, c’est d’un commun, ma chère ! Et je ne vous parle pas de Marrakech...
Réalisé par Woody Allen
Sorti en Italie le 20 avril 2012
Sorti en France et en Belgique le 4 juillet 2012
Chaque fois que sort le dernier film de Woody Allen, c’est immuable : tous les critiques affirment que, mmmoui, ce n’est pas mal, mais le précédent « était mieux ». Comme Woody présente chaque année un nouveau film depuis quarante ans, on se demande, à force de dégringoler ainsi, pourquoi ses producteurs financent encore son travail.
Cela dit, cette fois, c’est vrai, Woody ne s’est pas foulé (tout comme le concepteur de l’affiche !). Il juxtapose trois ou quatre histoires sans aucun lien, leur seul point commun étant de se dérouler à Rome, or toutes ne sont pas du plus haut intérêt. Le seul gag qui fasse un peu rire, celui de l’Italien qui ne peut chanter l’opéra que sous la douche, est étiré au-delà du raisonnable.
Penélope Cruz joue une call-girl, ce qui convient à sa vulgarité naturelle, mais c’est Jesse Eisenberg qui recueille toute la sympathie du public. Ce jeune acteur, qui va sur ses vingt-neuf ans, est très charismatique, et fera une grande carrière.
Une dernière remarque : on a entendu, et une fois de plus, que Woody Allen faisait de la carte postale, comme à Paris et à Barcelone. Je me demande ce que les snobs ont contre la carte postale. La carte postale n’est après tout qu’une photo bien cadrée, bien éclairée, représentant sous le meilleur jour un monument ou un paysage agréable à voir, et ne visant pas au génie. Le travail bien fait, par un bon professionnel, c’est mal ? Mieux vaut une photo médiocre et ratée prise par un amateur ?
Réalisé par Gareth Evans
Sorti en Italie le 20 avril 2012
Sorti en France le 20 juin 2012
Un film de pure castagne que je conseille de voir ? Mais c’est que celui-ci, réalisé en Indonésie par... un Gallois, ne cède jamais au gore, au voyeurisme, à la complaisance. La totalité ou presque des personnages se massacrent allègrement, mais le film est si bien conçu, si bien filmé, si bien monté, les combats et les trucages sont si bons, qu’on a ici l’équivalent de ce que fait Jackie Chan sur le mode comique.
L’intrigue ? Elle tient au dos d’un ticket de métro : ce raid, qui n’a rien à voir avec celui qui chez nous a eu la peau de ce salopard de Mohammed Merah, est un groupe de policiers investissant un grand immeuble qui sert de quartier général à des trafiquants de drogue. Or le chef du gang, qui arrose les responsables de la police, sait déjà qu’il va être assiégé, donc s’est préparé à l’assaut. Si bien que ce sont les policiers qui se trouvent piégés. Pour corser un peu cette histoire, l’un des policiers, le plus jeune, le plus beau, le plus courageux (nous sommes en Asie !), joué par Iko Uwais, qui était chauffeur dans une firme de télécommunications, mais aussi champion de silat – l’art martial local –, a son propre frère dans la bande... Les deux s’en sortent, rassurez-vous.
J’aurais aimé pouvoir écrire que ce film dépasse en qualité les prétendues œuvres majeures qui se font primer dans les festivals, mais ce n’est pas le cas, puisque The raid a bel et bien reçu le prix du public au Festival de Toronto en septembre 2011. On va évidemment en faire un remake à la fin de l’année, Berandal, avec le même réalisateur et le même acteur principal cité plus haut. On ne change pas une équipe qui gagne...
Un « cuir », en argot, cela s’appelle aussi une « liaison mal-t-à propos ». Et comme je me suis déjà payé la tête d’acteurs qui ne voient rien à reprocher aux dialogues qu’on leur donne à dire (voyez Isabelle Huppert proférant un « Tu te rappelles DE ça ? Il se rappelle DE ça ! » dans Les sœurs fâchées, film d’une réalisatrice débutante), je dois être juste et me payer aujourd’hui, quoique à retardement, la tête de... Gérard Philipe !
En effet, dans La ronde, film célèbre de Max Ophüls, on l’entend dire « Ceux qui croient z-à l’amour trouvent toujours une femme pour les aimer ». Personne ne s’en est aperçu !
Réalisé par Marc Webb
Sorti au Japon le 13 juin 2012
Sorti en France le 4 juillet 2012
Après trois épisodes sur ce héros, on remet les compteurs à zéro et on reprend tout du début. L’avantage, c’est que le nouvel interprète, Andrew Garfield, a vraiment l’air d’un gentil lycéen qui veut rendre service aux autres, et que le public n’a aucun mal à s’identifier à lui. Quant aux scènes spectaculaires, elles sont passablement ennuyeuses et sans surprise. Bref, tout est dans les rapports des personnages. Soit dit en passant, le film est très chaste, et personne ne dit de grossièretés, pour une fois.
Autre chose : il y a tout juste une semaine, à propos du film d’Asghar Fahradi, j’écrivais que la production de bobards marchait très bien dans les milieux du cinéma. On en a eu un exemple de plus au sujet du présent film, puisque l’acteur Rhys Ifans, qui joue un scientifique manchot, a raconté qu’il s’était habitué pendant plusieurs semaines à ne vivre qu’avec un seul bras ! Selon lui, il aurait fixé son bras droit dans son dos, et se serait entraîné à nouer sa cravate et à préparer ses repas ainsi. Pour la cravate, je demande à voir. Moi, je dis que ce fumiste aurait pu se le faire couper pour de bon, son fichu bras. Je suis certain que Robert DeNiro l’aurait fait.
Réalisé par Ben Wheatley
Sorti aux États-Unis (Festival South by Southwest) le 12 mars 2011
Sorti en France le 11 juillet 2012
Au début, on est dans une famille britannique dont l’épouse tarabuste le mari parce qu’il est au chômage depuis huit mois. Disputes, réconciliations, on est très loin de la vérité, à savoir que Jay et son copain Gal sont des tueurs, qui ont raté le sale boulot qu’on les a envoyé faire à Kiev, et que leurs employeurs (la mafia russe ? On ne saura pas), qui refusent de les laisser reprendre leur liberté, veulent leur faire abattre trois sales types dans le pays même : un prêtre, un type qui fabrique et vend du porno très spécial, et un député.
Mais voir Jay à l’œuvre fait comprendre que ce tueur est totalement dingue, au point que Gal veut se séparer de lui. La dernière séquence voit une sorte de secte, composée de gens nus et d’autres vêtus en épouvantail, assister et applaudir à la pendaison volontaire d’une femme. Puis Jay et Gal, qui ont mitraillé ces zozos, sont capturés dans un souterrain par la secte, Gal est éventré, et Jay, forcé de tuer deux personnes cachées sous un drap, dont il verra ensuite que c’était sa femme et son fils de sept ans.
De toute évidence, ce film est le travail d’un malade, qui a mis en scène ses propres cauchemars. Certains critiques y ont vu de l’humour, d’autres, une mise en scène géniale. Mais demander au public de partager la folie d’un réalisateur, est-ce bien du cinéma ?
Les acteurs sont inconnus, tout est filmé par une caméra portée, la musique est hystérique, le scénario, incompréhensible, et certaines scènes sont répulsives.
Réalisé par Pierre Jolivet
Sorti aux États-Unis (Festival South by Southwest) le 12 mars 2011
Sorti en France le 11 juillet 2012
Le personnage central, Lucas Skali, 46 ans, est commissaire de police (il faut dire « commandant », maintenant, c’est tellement mieux). Il s’occupe de réprimer le trafic d’armes, en provenance principalement de Serbie. Mais, comme toujours dans les films sur la police, il a des ennuis familiaux : jadis, il a eu une fille avec une femme qu’il a quittée. Or, par le plus grand des hasards, cette fille, qu’il a dû voir trois fois dans sa vie, est entrée dans la police et travaille pour ainsi dire sous ses ordres ! Mais où les scénaristes français vont-ils chercher tout ça ?
On devine dès le début que cette histoire va mal se terminer, et, en effet, la fille se fait abattre par un bandit. Il y a aussi, comme dans TOUS les films sur la police, un autre policier complètement pourri, pour faire contraste.
Ce film de Pierre Jolivet a été couvert de fleurs, parce que le cinéaste fait des films de gauche et donc a la carte. Mais c’est aussi son plus mauvais, sinistre de bout en bout, et l’on s’ennuie ferme, quasiment dès le départ. Le seul personnage un peu attachant est le jeune policier qui se fait également tuer, interprété par Adrien Jolivet, fils de son père, et compositeur de la musique.
Réalisé par Konstantin Bojanov
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2011
Sorti en France le 25 avril 2012
Kamen, jeune élève sculpteur, apprend le suicide de son ami Viki, et décide d’aller à son enterrement, à Roussé, dans le nord de la Bulgarie. Faisant de l’auto-stop, il est rejoint par Avé, une jeune fugueuse de 17 ans, qui tente de se rendre à l’hôpital où son frère agonise. Les deux restent ensemble sur une partie du chemin, mais Kamen est tombé sur une enquiquineuse mythomane, qui lui vaut quelques déboires, pas très graves à vrai dire. Ils finissent évidemment par coucher ensemble, une seule fois.
Le pays apparaît plutôt lugubre, les deux acteurs principaux ne sont guère attrayants, mais, paradoxalement, on ne s’ennuie pas, car on se demande sans arrêt ce que la fille va inventer d’autre afin de pourrir la vie de son compagnon de route.
Mais enfin, ce n’est pas le chef-d’œuvre de l’année.
Réalisé par Matthew Petock
Sorti aux Pays-Bas (Festival de Rotterdam) le 28 janvier 2011
Sorti en France le 25 juillet 2012
On comprend que ce petit film fauché, malgré les éloges du pitoyable Scorsese, ne soit sorti en France que dans... quatre salles, deux à Paris, une à Toulouse et une à Tours. Et malgré sa durée minime (72 minutes), assez vite on s’y ennuie ferme. Parce qu’il a été bâclé en douze jours, que tout est filmé en gros plans avec une caméra portée qui fait rarement le point, et que l’histoire se réduit à une tranche de vie aussi fade qu’un plat de nouilles froides ?
La tranche de vie est celle d’une famille monoparentale. La mère prospecte dans les bars pour se trouver des partenaires. Le fils de quinze ans, qui cherche à se débarrasser de sa virginité, y parvient assez facilement en offrant à la fille convoitée une bague qu’il a volée dans la boîte à bijoux de sa mère, puis, la chose faite, il récupère la bague et la remet en place (ce gentleman prétendra sans doute que la fille a égaré le colifichet). Quand au plus jeune frère, il ne sait pas embrasser les filles, et sa seule activité se réduit à cela.
Bref, le film ne vaut ni par son scénario, peu convaincant, ni par sa réalisation, maladroite. Ainsi, on ignore pourquoi la maîtresse d’école, jeune, aimable et jolie, est détestée de ses élèves, et lorsque, pour la brimer, ils écrivent « Négresse » à la peinture sur sa voiture, le réalisateur n’est même pas fichu de montrer le mot, on ne le reconstitue que via les bribes qui ont échappé à la danse de Saint-Guy de son cameraman.
Je prédis à ce navet, qui fait pitoyable figure si on le compare à Summertime, film du même genre, de même longueur et tourné dans des conditions similaires (traité plus haut dans cette page), deux semaines d’exploitation, avant qu’il finisse dans le placard dont il n’aurait jamais dû sortir.
Trop optimiste ou trop généreux, j’avais prédit à ce navet « deux semaines d’exploitation ». En réalité, au bout d’une seule semaine, il a perdu une salle à Paris, et, à Toulouse et à Tours, il ne passe plus qu’une fois par jour. Je m’abstiens de toute prédiction pour la suite, on ne tire pas sur un corbillard.
Réalisé par Cary Joji Fukunaga
Sorti aux États-Unis le 9 mars 2011
Sorti en France le 25 juillet 2012
En comptant les séries télévisées, le roman de Charlotte Brontë a été adapté... 23 fois ! Le petit génie supposé qui réalise celui-ci (il vient d’avoir 35 ans) a-t-il fait mieux ?
Petit génie supposé, parce qu’on avait mis les mêmes espoirs en Joe Smith, qui a sombré après deux excellents films. Or Fukunaga avait fait un triomphe artistique avec son Sin nombre, il y a trois ans. Et rien ne diffère davantage de Sin nombre que Jane Eyre : après les violences flamboyantes de l’immigration et des bandes hors-la-loi mais toutes puissantes en Amérique Centrale, nous voici en Angleterre du dix-neuvième siècle, témoin d’un conflit entre l’amour et les contraintes sociales. Caméra très classique, couleurs où dominent le gris, et... emploi de grandes vedettes européennes : Judi Dench, Jamie Bell et le très à la mode Michael Fassbender, qui ne m’a pas semblé convenir au rôle.
Naturellement, vu les détails de l’intrigue, on pense à Rebecca, d’après Daphne Du Maurier, le très ambigu premier film d’Hitchcock aux États-Unis, qui doit tant à son producteur Selznick. Pour autant, ce serait plutôt Daphne qui a emprunté à Charlotte, car celle-ci vivait au siècle précédent. Cela dit, l’aspiration à l’égalité réclamée par les féministes est la même.
Notons que Fukunaga marche dans les pas de Kubrick, puisque lui aussi a filmé certaines scènes à la seule lumière des bougies ; mais c’est moins voyant, moins systématique et donc moins agaçant que dans Barry Lyndon...
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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.