Œuvres citées (en italique, autres que des films) : Un homme et son chien – Umberto D. – Los bastardos – Elephant – Funny games – Élève libre – Nue propriété – Un enfant dans la foule – Of time and the city – Walkyrie – Valkyrie – House M.D. – Docteur House – Usual suspects – L’étrange histoire de Benjamin Button – The curious case of Benjamin Button – Éden à l’ouest – Z – Nos meilleures années – Gran Torino – Le séminaire – Caméra café – Espace détente – Doute – Angels in America – Le diable s’habille en Prada – Le petit fugitif – Les quatre cents coups – Donne-moi la main – Slumdog millionaire – Ricky – Morse – Twilight – La sagesse des crocodiles – Au diable Staline, vive les mariés ! – Nunta muta – Silent wedding – Bellamy – Boy A – Deux sœurs pour un roi
Personnes citées : Francis Huster – Jean-Paul Belmondo – Joachim Lafosse – François Pirot – Gérard Blain – Albert Camus – Jonas Bloquet – Terence Davies – Les Beatles – Elisabeth II – Philip d’Edimbourg – Adolf Hitler – Bryan Singer – Claus von Stauffenberg – Tom Cruise – David Fincher – Brad Pitt – F. Scott Fitzgerald – Costa-Gavras – Pierre Péan – Riccardo Scamarcio – Clint Eastwood – Charles Nemes – Yvan Le Bolloc’h – Bruno Solo – Meryl Streep – Philip Seymour Hoffman – François Truffaut – Danny Boyle – François Ozon – Claude Chabrol – Georges Brassens – Vahina Giocante – Marie Bunel – Gérard Depardieu – Jacques Gamblin – Odile Barski – Andrew Garfield – Francis Weston
Je n’irai pas voir le film de Francis Huster Un homme et son chien, avec Jean-Paul Belmondo. D’abord, parce que je n’aime pas les hommages posthumes, surtout s’ils sont faits du vivant (!) de la personnalité honorée, fût-elle âgée de 75 ans. Ensuite, parce qu’Huster n’a aucune compétence pour faire un film, encore moins pour fabriquer un remake d’un film classique, en l’occurrence Umberto D., chef d’œuvre de Vittorio De Sica. Enfin, parce que Belmondo a cru faire là une belle opération financière, et que c’est déplaisant.
Pour tourner pendant neuf semaines, Belmondo a touché 450 000 euros, et son contrat prévoyait dix mille euros supplémentaires par jour de tournage au-delà de ce délai. Jusque là, rien d’extraordinaire, puisque tout repose sur sa notoriété. Mais il a obtenu que 9 % des recettes lui soient versées si le film entrait dans ses frais, ce qui est exorbitant. En somme, il a voulu le beurre et l’argent du beurre : son cachet si le film fait un bide, et l’intéressement aux bénéfices dans le cas contraire.
Le film fait un bide.
Réalisé par Amat Escalante
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2008
Sorti en France le 28 janvier 2009
On ne sait pas vraiment qui sont ces « bâtards ». Les Yankees de souche qui accueillent si mal les immigrés clandestins ? Ou ces immigrés eux-mêmes, qui vont jusqu’au meurtre d’une femme sans défense ? Mais comme le scénariste et le réalisateur sont mexicains, on imagine assez bien.
Jesús et Fausto ont passé la frontière clandestinement, et se font embaucher chaque jour, dans la banlieue de Los Angeles, par qui veut bien, au bord de la route. Parfois, ça ne se passe pas au mieux, le patron potentiel paye mal, ou il refuse de les reconduire le soir à l’endroit où il les a ramassés. Et puis, ils se font insulter par les gens du coin, qui les méprisent. Mais ils ont un fusil à canon court dans leur bagage, et sont prêts à tout. Un soir, ils s’introduisent chez une femme divorcée dont le fils, Trevor, est allé passer la nuit chez des copains. Ils la menacent, se font servir à manger, se baignent dans la piscine, et sont à deux doigts de la violer. Puis le plus jeune, Fausto, tue la femme. Lorsque le fils rentre au petit matin, il trouve sa mère morte, et le fusil qui traîne. Il tue Jesús, et Fausto parvient à se sauver. Il va continuer à vivoter seul.
Le film démarre très lentement, ce qui est gênant. Les séquences de recrutement des clandestins sont bonnes. Puis, après une longue scène sans grand intérêt entre une mère seule et son fils crétin qui la dédaigne, le drame s’installe, et finit par éclater de manière très soudaine, rappelant Elephant ou Funny games, au moment où on n’attendait plus rien. Mais au contraire de ce dernier film, Los bastardos est un constat, qui d’ailleurs ne va pas très loin et n’approfondit rien. Il a pourtant le mérite d’être court et de frapper l’esprit du spectateur.
Réalisé par Joachim Lafosse
Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2008
Sorti en Belgique le 21 janvier 2009
Sorti en France le 4 février 2009
Le réalisateur belge Joachim Lafosse en est à son sixième film, et on a parlé favorablement ici de Nue propriété. Si le présent film déçoit en comparaison, c’est que, contrairement au précédent, le scénario est si peu subtil qu’on a tout compris dès les premières minutes, et deviné quelle sera la manipulation en vue, ce qui rend plutôt gênante la succession des épisodes trop peu inattendus. Est-ce une maladresse de la part des deux scénaristes (le réalisateur et François Pirot), ou la volonté néo-hitchcockienne de permettre au spectateur d’anticiper sur ce que le héros de l’histoire, en apparence seulement, ne comprend pas ? Bref, Jonas est-il naïf, ou platement roublard et profiteur ? En tout cas, et personne ailleurs qu’ici ne vous en parlera, le film évoque Un enfant dans la foule, de Gérard Blain, dont je parle à la section Téléciné.
Donc, à seize ans, Jonas est un cancre et va être orienté vers un lycée professionnel. Une école privée ? Ses parents n’ont pas les moyens. Mais un ami de sa mère, Pierre, offre de le prendre en charge, l’héberge, le nourrit, se charge de ses études, l’emmène au théâtre, l’initie à la philosophie d’Albert Camus, lui offre des livres et un ordinateur... et lui donne un tas de conseils pour réussir sa vie sexuelle, secondé par un couple ami, Nathalie et Didier. Jonas accepte tout sans se poser aucune question, alors que le caractère cru de ces multiples conversations sur sa vie intime devrait lui mettre au mieux la puce à l’oreille, et qu’il ne semble pas idiot. Après avoir beaucoup tourné autour de l’essentiel, on en arrive à ce qu’on voyait venir dès le début, Jonas accepte quelques fellations, puis davantage, de la part de son bienfaiteur. Il n’objecte jamais, jusqu’à ce qu’une dispute née d’un autre prétexte le pousse à protester qu’on « abuse » de lui. C’est manifestement injuste, car il a été consentant tout au long du récit, et Pierre met à la porte le jeune ingrat. Mais il va immédiatement le récupérer, puis tout continue. Jonas réussira son examen. L’éducation a porté ses fruits sur toute la ligne.
Beaucoup de spectateurs ont estimé que le film mettait mal à l’aise, ce qui est manifeste et sans doute voulu par ses auteurs. « Le Canard enchaîné », lui, affirme que « ce film oppressant peut révolter ». Mais pourquoi ? Non seulement il n’est pas question de pédophilie (Jonas a seize ans, il a déjà des relations sexuelles avec une petite amie, ce n’est pas un enfant), mais le garçon est tout à fait conscient de ce qu’il fait, voire demandeur, puisqu’il questionne ses trois aînés sur les meilleurs moyens de donner du plaisir à son amie – domaine où ce débutant manque de compétence.
La mise en scène est très sobre, toute de plans-séquences fixes évitant le nu, et sans musique. Le jeune Jonas Bloquet est beau et joue plutôt bien son rôle, même s’il n’est guère compliqué, puisque son personnage reste quasi-impassible tout au long. Ce film intimiste aura un succès limité, car les spectateurs ne sauront comment l’interpréter.
Réalisé par Terence Davies
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2008
Sorti au Royaume-Uni le 31 octobre 2008
Sorti en France le 4 février 2009
Le film, assez court, commence et se termine sur des images d’édifices officiels de Liverpool, constructions d’un intérêt artistique moyen, et images accompagnées d’une musique triomphale. Pas étonnant, il a été commandé par la ville. Hélas pour les édiles, entre les deux, des vues d’archives censées exprimer la nostalgie du passé, celui des années cinquante – d’une enfance dont l’auteur Terence Davies regrette qu’elle se soit enfuie –, mais qui procurent surtout une impression de pauvreté, de saleté, de désolation, montrent la ville comme lugubre, voire sinistre, ce qu’on admet volontiers.
Reste le non-conformisme de l’auteur, qui avoue avoir largué la musique pop après l’apparition du rock and roll (et des Beatles !), et qui traîne la monarchie britannique dans la boue, elle qui ne se maintient que grâce à une tradition artificiellement entretenue, dit-il. Au passage, il rappelle le gaspillage qu’ont occasionné le mariage « de Betty Windsor et de Phil », les dix mille perles cousues à la main sur sa robe de mariée, et le faste du couronnement dont la facture a été payée par le peuple d’un pays pauvre.
Quant à l’architecture de Liverpool, sur laquelle il revient à la fin, il note la propension au maussade qui caractérise les Britanniques. Pas toujours, pas toujours... Quelques notations discrètes, aussi, sur son homosexualité, et plus virulentes sur l’Église catholique, qui l’a incité à devenir athée dès qu’il a eu l’âge de raison.
On se demande surtout pourquoi, en Angleterre, le film a été déconseillé aux moins de 12 ans !
Réalisé par Bryan Singer
Titre original : Valkyrie
Sorti aux États-Unis le 25 décembre 2008
Sorti en France le 28 janvier 2009
Chronique du dernier des quinze attentats allemands contre Hitler, pas plus réussi que les précédents. Bryan Singer, peut-être trop occupé par la série dont il est le producteur exécutif, House M.D. (en français, Docteur House), en fait vraiment le minimum. Ce n’est pas un film d’histoire, car, non seulement on en apprend très peu sur les conjurés, mais on fait l’impasse sur les convictions nazies originelles du héros de l’histoire, Claus von Stauffenberg ; pas un film de suspense, puisque tout est connu d’avance ; pas un film d’acteurs, puisqu’on n’assiste à aucun numéro de comédien ; pas un film de metteur en scène, puisque la seule idée visuelle du film est un « Heil Hitler ! » gueulé par Tom Cruise, le bras tendu au bout duquel il n’y a qu’un moignon – son personnage est manchot.
On ne s’ennuie pas forcément, parce qu’on suit les détails de l’opération, mais on ne se passionne pas non plus. La passion n’est pas davantage présente chez le réalisateur, qui semble uniquement exécuter une commande. Quelle chute, depuis Usual suspects !
Réalisé par David Fincher
Titre original : The curious case of Benjamin Button
Sorti en Australie le 10 décembre 2008
Sorti en France le 4 février 2009
C’est l’anti-Walkyrie. Alors que Bryan Singer en s’était pas foulé pour rendre plus intéressant son récit sur l’attentat contre Hitler, David Fincher a chargé la barque tant qu’il a pu. C’est très maîtrisé, certes, mais cette manie hollywoodienne d’étirer le récit en le nourrissant de péripéties superflues, quel gaspillage de temps, d’argent et d’énergie !...
Prenons un exemple. Vers le milieu du film, Daisy, qui est danseuse, est victime à Paris d’un accident qui va briser sa carrière. Cet épisode change sa vie, mais pas le sens de l’histoire qu’on nous raconte, et on pouvait le figurer par une ellipse, une phrase de dialogue ou quelques plans. Fallait-il, au lieu de cela, transporter le récit (et sans doute le tournage) à Paris, faire un plan aérien de la capitale vue de nuit, tourner sur la scène de l’Opéra, montrer les rues – avec véhicules d’époque –, les devantures de magasins, l’intérieur d’un café, décrire minutieusement les faits qui ont conduit à l’accident, puis en filmer les conséquences dans un hôpital parisien, etc. ? Bien sûr, cette séquence est bien imaginée, c’est un véritable court métrage plutôt intéressant qu’on inclut dans le film, mais à quoi sert-il ? Strictement à rien, sinon à augmenter de six minutes la durée d’un film déjà trop long, deux heures et quarante-quatre minutes ! De plus, le ton employé alors tranche sur le style du reste : on a visiblement une sorte de pièce rapportée.
De même, lorsque Benjamin quitte Daisy parce que son corps est devenu trop jeune et qu’il ne veut pas lui infliger la charge d’élever deux enfants (dont lui), fallait-il aller tourner en Inde pour le montrer faisant de la moto, et autres enjolivements inutiles ? D’autant plus inutiles que là, on a une erreur de scénario, à mon avis : à ce stade de l’action, il a logiquement 62 ans sur un corps de 20 ans ! À cet âge, même si on en est physiquement capable, a-t-on vraiment envie de jouer au routard ?
Le film, contrairement sans doute à ce qu’attendait son auteur, ne génère aucune émotion, sauf au moment où Benjamin revient, avec un visage d’ange (beau maquillage !) et trouve en sa dulcinée une vieille dame. « Je t’ai toujours aimé », lui dit-il. Ils ne se verront plus – et on ne verra plus Brad Pitt, puisqu’on a engagé des enfants pour tourner la suite et la fin.
C’est la beauté des détails qui rend ce film visible. Mais fallait-il vraiment tourner cette histoire ? Son auteur, Scott Fitzgerald, n’en avait fait qu’une nouvelle, dont la lecture peut donner à penser qu’il ne la prenait pas vraiment au sérieux.
Réalisé par Costa-Gavras
Sorti en France le 11 février 2009
Costa-Gavras est un cinéaste plein de bonne volonté, qui fait presque exclusivement des films socio-politiques de gauche... et qui les rate régulièrement. Pourtant, sa cote, sans doute en souvenir de Z, reste assez élevée. Or, pour une fois, il a presque réussi son film. Du moins dans sa première moitié, où il adopte un ton résolument comique pour décrire les tribulations de son immigré clandestin, Elias, dont la nationalité n’est pas précisée, or c’est bien un peu gênant. Cet Elias ne peut être grec, il n’aurait besoin d’aucun visa pour venir en France ; ni albanais, puisque le synopsis précise que son aventure commence en Mer Égée. Turc, alors ? Il ne saurait se prénommer Elias, ce prénom est inusité en Turquie. Reste à penser que cette identité floue est l’indice qu’on est devant une fable, mais le style du film dément la supposition. En tout cas, Costa-Gavras a fait savoir que ce flou était volontaire. Dont acte...
Quoi qu’il en soit, ayant sauté du bateau pour gagner à la nage le rivage, il échoue sur une plage nudiste. Pour passer inaperçu, on devine ce qu’il doit faire alors ! L’avantage de ce type d’endroit, c’est son cosmopolitisme, comme diraient les détracteurs de Pierre Péan : si on constate que vous ne comprenez pas l’anglais, on vous suppose français, et inversement. Elias parvient ainsi à passer entre les mailles du service d’ordre, et même à se trouver une protectrice allemande, mais doit fuir quand elle l’exhibe trop et que la direction du club exige son départ.
Le reste est moins drôle, et assez répétitif, puisque Elias passe son temps à courir pour fuir la police sous tous les cieux. Il finit par atteindre son but, Paris, où l’attend une déception : le magicien qui lui avait dit « Viens me voir si tu passes à Paris » ne se souvient plus de lui. On ne saura pas ce que deviendra Elias, mais il est si beau garçon (c’est Riccardo Scamarcio, qui avait un petit rôle dans le prodigieux Nos meilleures années) qu’on peut espérer pour lui un avenir plus rose.
Sans rapport avec le récit, un court plan malicieux qui j’espère ne vous échappera pas, en fond de décor sur une scène d’auto-stop : une quinzaine de journalistes, avec caméras et micros, entassés sur une minuscule charrette tirée par un tracteur, pour filmer un homme à cheval et qui affecte de les ignorer. Toute ressemblance avec une scène réelle qui s’est naguère déroulée en Camargue doit être une fâcheuse coïncidence.
Réalisé par Clint Eastwood
Sorti aux États-Unis le 12 décembre 2008
Sorti en France le 25 février 2009
Cet excellent film de Clint Eastwood, le dernier qu’il fera comme acteur – c’est lui qui le dit – et le meilleur qu’il ait réalisé depuis très longtemps, fait l’objet d’une critique longue. Sur la guerre, il en dit bien davantage que ses deux films précédents.
Réalisé par Charles Nemes
Sorti en France le 11février 2009
Rien à voir avec les écoles de formation des prêtres, il s’agit d’un de ces attrape-nigauds pour entreprises, un stage de « remotivation » (sic) destiné aux cadres. Les compères Yvan Le Bolloc’h et Bruno Solo ont fait un énorme succès avec leur série télévisée Caméra café, et un petit bide avec Espace détente, film basé sur la série. Celui-ci est un peu meilleur, et correctement réalisé, sans atteindre des sommets. À la fin, les cadres, loin d’être remotivés, reçoivent une mauvaise note et sont tous licenciés ! C’est plutôt satirique – les deux compères sont très à gauche –, et sans doute bien documenté. Au contraire de la plupart des comédies réalisées en France, il arrive que le spectateur trouve matière à rire de temps à autre. Si bien que le film atteint son but.
Réalisé par John Patrick Shanley
Titre original : Doubt
Sorti aux États-Unis (AFI Film Festival) le 30 octobre 2008
Sorti en France le 11 février 2009
Meryl Streep, actrice de composition (voyez-la ci-contre, dans Angels in America), faisait peur à tout le monde dans Le diable s’habille en Prada, avec des gestes mesurés, sans jamais élever la voix. Ici, elle continue, à ce détail près qu’elle ne s’habille plus en Prada, mais en religieuse ! Directrice d’un collège catholique, elle s’est mis en tête que le curé de la paroisse, Flynn, a séduit un élève. Pour obtenir sa démission, elle ment, et ça marche !
Il s’agit d’une pièce de théâtre, filmée par son auteur. On doit reconnaître que l’action avance très lentement. La seule surprise est aux deux-tiers du film, quand la mère de l’enfant révèle que son fils de douze ans est homosexuel, et demande qu’on fiche la paix au seul individu qui s’intéresse à lui.
Philip Seymour Hoffman est très bien, comme toujours.
Réalisé par Morris Engel, Ruth Orkin et Ray Ashley
Titre original : Little fugitive
Sorti aux États-Unis le 6 octobre 1953
Réalisé en 1953 et en noir et blanc par trois photographes, ce film, qui bénéficie d’une incroyable sympathie de la part de la critique française, est plutôt digne d’une séance de patronage des années cinquante. Que Truffaut s’en soit inspiré pour Les quatre cents coups n’ajoute rien à son mince mérite, c’est en fait une sorte de reportage déguisé sur le parc d’attraction de Coney Island, où l’on voit un gosse de sept ans, certes attachant, y passer vingt-quatre heures, essayer toutes les attractions, avaler des tonnes de nourriture et boire des hectolitres de boissons sucrées (le fils de Rockefeller ?). La principale qualité du film, outre son aspect documentaire sur la vie du petit peuple aux États-Unis dans les années cinquante, et sa photo réussie – mais c’est bien le moins –, est de ne durer que 80 minutes. Pour comble, on annonce la version originale, mais on vous passe celle doublée en français !
La chute vaut son pesant de sucreries : pendant que ses deux fils baguenaudaient à la foire, la mère était absente (elle est allée voir une parente malade). Lorsqu’elle rentre, elle trouve les gosses fatigués, et leur promet, pour changer d’air, de les emmener le lendemain... à Coney Island ! Les scénaristes se sont fait une entorse au cerveau.
Réalisé par Pascal-Alex Vincent
Sorti en Italie (Festival du Film de Turin) le 27 novembre 2008
Sorti en France le 18 février 2009
Sans raison apparente, les deux personnages, des jumeaux de 18 ans plutôt rugueux (ils feront la gueule d’un bout à l’autre du film), ouvrent le récit sous forme de dessin animé. Puis ils partent vers l’Espagne, en auto-stop, pour aller y enterrer leur mère qu’ils n’ont jamais vue. De temps en temps, ils se battent, c’est d’ailleurs ainsi que l’histoire commence et se termine.
Le réalisateur semble très intéressé par le physique de ses deux acteurs (amateurs). Le spectateur, pas forcément. Et leurs aventures, notamment amoureuses (hétérosexuelles et homosexuelle), ne valaient pas un film. Pour ne rien arranger, les paysages provinciaux qui nous sont montrés n’ont guère d’attrait, mais, comme d’habitude, la critique va s’extasier sur leur aspect évidemment magnifique, puisque nous sommes « en région », comme on dit.
Rions un peu : « Le Canard enchaîné » se plaint de ce que « le spectateur n’est jamais tout à fait sûr de qui est qui »... alors que les deux frères se distinguent aisément, l’un ayant une cicatrice très visible qui lui barre l’arcade sourcilière !
Les récompenses ne prouvent rien. Pas plus les Oscars que les Césars, ni les diverses palmes décernées dans les festivals. Qu’un film aussi médiocre que Slumdog millionaire ait ramassé huit Oscars, dont celui du meilleur film et celui de la meilleure réalisation (pour Danny Boyle !), le démontre par l’absurde.
Réalisé par François Ozon
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 6 février 2009
Sorti en France le 11 février 2009
François Ozon s’intéressant à des ouvriers ? Oui, mais sans traiter le sujet, puisque cette histoire n’a aucun rapport avec le statut des personnages adultes. Katie, mère célibataire d’une fille de sept ans, et Paco, divorcé, travaillent dans la même usine de produits chimiques ; ils se mettent ensemble sans se marier, et ont un bébé qu’ils appellent Ricky. Mais des hématomes apparaissent dans le dos du bébé. Accusé d’avoir molesté son fils, Paco s’en va. Quelque temps plus tard, les hématomes se transforment... en ailes ! Puis le bébé se met à voler dans un supermarché. La presse est alertée, Paco revient. Et comme le couple a besoin d’argent pour élever un bébé aussi extraordinaire, il négocie avec la presse, et on organise une présentation en bas de leur immeuble. Mais le bébé s’envole et disparaît. Des mois plus tard, il réapparaît à sa mère, grandi, ayant perdu ses vêtements, et capable maintenant de marcher, mais pas de parler. Puis il s’envole de nouveau, et Katie tombe enceinte. Fin du film.
Il y a aussi la scène du début, au cours de laquelle Katie implore une aide de la part des services sociaux, et qui ne se rattache à rien.
Le film semble poser une kyrielle de questions et se garde de répondre à aucune. Si bien qu’on risque trois hypothèses : comme il ne s’agit ni d’une fable, ni d’un conte philosophique, mais d’une histoire fantastique (puisque tout est filmé de manière très réaliste), on est tenté de penser, soit qu’Ozon s’est emberlificoté dans son propre scénario ou en a égaré certaines pages ; soit qu’il a eu si peu d’argent pour faire le film, que le résultat est plein de trous ; soit enfin qu’il n’avait aucune autre intention que d’inciter le public à se poser lesdites questions. En langage vulgaire, il a cherché à faire parler de lui. C’est curieux et sans grand intérêt. On n’est même pas perplexe.
Réalisé par Tomas Alfredson
Titre original : Låt den rätte komma in
Sorti en Suède (Festival International du Film de Göteborg) le 26 janvier 2008
Sorti en France le 4 février 2009
Le titre suédois d’origine signifie « Fais ce qu’il faut ». On ne sait trop ce que vient faire ici le morse, cet alphabet de codage tombé en désuétude, sinon qu’il est montré dans un livre que feuillette l’un des personnages.
Oskar va sur ses treize ans, et il rencontre une fille étrange, Eli, qui a, comme elle dit, « douze ans depuis longtemps ». Elle devient sa petite amie, mais ils ne font rien ensemble, car elle n’en a pas envie. Il faut dire que c’est une vampire et qu’elle ne se nourrit que de sang humain, de sorte qu’elle tue pas mal de monde. Elle sait aussi grimper très vite sur les façades des maisons et sur les arbres. Oskar apprend tout cela, mais ça n’a pas l’air de le troubler beaucoup.
Le récit avance très lentement et ne donne à voir que peu d’évènements. Il faut attendre la fin pour que quelque chose de visuellement intéressant arrive : Oskar, un peu brimé dans son lycée, a blessé un camarade à l’oreille en le cognant avec un bâton. Le frère (ou le copain) dudit veut le punir. Il le coince à la piscine et lui dit que, s’il ne peut pas tenir trois minutes sous l’eau, il lui crèvera un œil. Puis la caméra filme la suite sous l’eau, et montre Oskar perdant peu à peu sa respiration. À ce moment tombent au fond de la piscine la tête, puis un bras de son tourmenteur. Eli est intervenue !
On a dit beaucoup de bien de ce film. C’est un peu exagéré. Même s’il est vrai qu’on échappe aux clichés habituels et que le film évite aussi la sentimentalité qui rendait Twilight pénible. Et les deux jeunes acteurs ne sont guère attrayants. En fait, la plupart des films de vampire sont sommaires, et aucun, ces dernières années, n’a pu approcher l’intelligence et la complexité de La sagesse des crocodiles, qui offrait une intrigue fouillée, des personnages attirants et une beauté plastique dont on est ici très éloigné.
Réalisé par Horatiu Malaele et Vlad Paunescu
Titre original : Nunta muta
Sorti en Roumanie (Transilvania International Film Festival) le 6 juin 2008
Sorti en France le 18 février 2009
Un grand bravo au distributeur français pour la faute d’accord dans le titre ! Quand on est allé à l’école, mais ce ne doit pas être le cas de ces marchands de soupe, on sait qu’il faut écrire « Vivent les mariés ». Mieux aurait valu garder le titre original, éventuellement sous sa forme anglaise, Silent wedding (« Mariage silencieux »), qui traduit parfaitement la séquence majeure du film.
En fait, on n’y arrive que très lentement, et elle n’occupe qu’une durée assez courte : en Roumanie, on doit célébrer un mariage dans un village, mais le camarade Staline est mort la nuit précédente, et les Russes interdisent toute cérémonie pendant une semaine, en signe de deuil. Reporter le mariage équivaudrait à jeter à la poubelle l’imposant repas de mariage qui a été prévu. Alors, les villageois feront cela en silence : les verres sont matelassés pour ne pas faire de bruit en trinquant, les enfants sont baillonnés, l’orchestre fera semblant de jouer, et les couverts sont confisqués, de sorte qu’on mange avec les doigts. C’est truculent et drôle, satirique avec naturel.
Pourquoi a-t-il fallu que les auteurs en rajoutent ? Les Russes tombent quand même sur la noce, et ils tuent le maire et un invité qui s’était déguisé en ange – épilogue tragique qui en dit certes moins que la satire précédant cette scène. Et ce plan onirique montrant l’ange tué qui survole le village ? Cela suffit à diminuer l’efficacité du film. On le sait pourtant bien, que la comédie est supérieure au drame.
Réalisé par Claude Chabrol
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 8 février 2009
Sorti en France le 25 février 2009
C’est un progrès : naguère, Chabrol se payait seulement la tête des journalistes qui avaient la naïveté de croire aux bobards qu’il leur balance à longueur d’interview. Aujourd’hui, il se paie aussi la tête du public. Passons sur les noms de ses personnages, Bellamy, Leullet, Sancho, Bonheur... Mais cet assassin qui se trouve acquitté, aux assises, parce que son avocat, débutant (est-ce qu’un avocat qui vient à peine de décrocher son diplôme plaide vraiment aux assises ?), a remplacé sa plaidoirie par une chanson de Brassens, qui peut gober cela ?
Bref, comme d’habitude, la conclusion du film est bousillée. Rien de neuf, cela fait cinquante ans que Chabrol rate ses dénouements. Volontairement ou pas, il nous le dira peut-être un jour. Dommage, c’est réalisé avec une maîtrise que nul autre ne possède en France.
En résumé, le film est à voir, un peu pour Vahina Giocante, beaucoup pour Marie Bunel, passionnément pour Gérard Depardieu et pas du tout pour Jacques Gamblin et pour la scénariste Odile Barski qui – népotisme pas mort et Chabrol en fait autant – a casé deux de ses enfants dans la distribution.
Réalisé par John Crowley
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 8 septembre 2007
Sorti au Royaune-Uni (à la télévision) le 28 octobre 2007
Sorti en France le 25 février 2009
Titre et affiche font un peu peur, on craint un film de rappeurs. En fait, c’est un bon film britannique sur les meurtres commis par des enfants, dont la Grande-Bretagne a connu plusieurs cas.
Eric et Philip ont une douzaine d’années et deviennent copains parce que tout le monde les brime ou les isole. Le premier, délaissé par son père, voit sa mère mourir à petit feu d’un cancer ; le second se fait fréquemment violer par un pédophile, et il est devenu très violent. Tous deux tuent à coups de cutter une gamine de leur âge (meurtre hors champ, on ne voit pas qui a donné le coup fatal), sont jugés, se rejettent mutuellement la responsabilité, sont condamnés à la peine maximale. Philip, à l’âge de 17 ans, sera exécuté par ses co-détenus – on n’aime guère les meurtriers d’enfants, en prison ; pour les tabasseurs et violeurs de femmes, aucun problème...
Devenu adulte, Eric bénéficie d’une libération conditionnelle, et, avec l’aide de son éducateur Terry, il se refait une vie ailleurs, sous le nom de Jack Burridge : travail, copains, petite amie, une existence normale. Il a même l’occasion de se racheter en sauvant la vie d’une petite fille, prisonnière de sa ceinture de sécurité dans une voiture accidentée : son couteau la libère et compense les coups de cutter du meurtre.
Mais il est dénoncé par le fils de Terry, jaloux de l’attention que le père accorde à son protégé en le délaissant lui-même. Jack-Eric est renvoyé de son travail, sa petite amie disparaît, ses copains le lâchent, il n’a plus qu’à se suicider.
Cette histoire est filmée avec classicisme, sans effets de caméra, mais avec énormément de retours en arrière, et le récit est dominé par l’interprète principal, qui n’est pas anglais, Andrew Garfield, un jeune acteur qu’on avait vu notamment dans Deux sœurs pour un roi, dans le rôle de Francis Weston.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.