Œuvres citées : La nuit nous appartient – We own the night – Les paumes blanches – Fehér tenyér – Full metal jacket – 24 mesures – Tous à l’Ouest : une aventure de Lucky Luke – La caravane – Agent double – Breach – Ce soir, je dors chez toi – Un baiser s’il vous plaît – Changement d’adresse – L’auberge rouge (2007) – I confess – La loi du silence – Cow-boy – Comme des voleurs (à l’est) – Je suis une légende – I am legend – L’homme qui rétrécit – Duel – La maison des damnés– La nuit des morts-vivants – La visite de la fanfare – Bikur Ha-Tizmoret – La clef – Cette femme-là – Gone baby gone – Angels in America – XXY – Da Vinci code
Personnes citées : James Gray – Robert Duvall – Joaquin Phoenix – Szabolcs Hajdu – Zóltan Miklós Hajdu– James Thiérrée – Alain Riou – Emma de Caunes – Benoît Magimel – Sami Bouajila – Claude Villers – Henri Verneuil – Jalil Lespert – Olivier Jean-Marie – René Goscinny – Morris – Dee Dee Bridgewater – Billy Ray – John Le Carré – Ryan Phillippe – Olivier Baroux – Emmanuel Mouret – Alfred Hitchcock – Pierre Carlet de Marivaux – Éric Rohmer – Gérard Krawczyk – Claude Autant-Lara – Montgomery Clift – Laurent Gamelon – Fernandel – Benoît Mariage – Benoît Poelvoorde – Lionel Baier – Francis Lawrence – Richard Matheson – Steven Spielberg – José Bové – Will Smith – Christine Boutin – Eran Kolirin – Guillaume Nicloux – Vanessa Paradis – Marie Gillain – Thierry Lhermitte – Josiane Balasko – Jean Rochefort – Guillaume Canet – Casey Affleck – Ben Affleck – Charles De Gaulle – Mike Nichols – Lucia Puenzo – Guy Carlier – Ron Howard
Réalisé par James Gray
Titre original : We own the night
Sorti en France (Festival de Cannes) le 25 mai 2007
Sorti en France le 28 novembre 2007
Trop souvent, les films de gangsters souffrent d’un récit alambiqué, tarabiscoté, obscur, si bien que le spectateur perd le fil et s’ennuie. La nuit nous appartient échappe à ce travers, et le récit est très clair. En revanche, l’histoire est plutôt tirée par les cheveux.
Robert Grusinsky, fils d’un commandant de la police de New York, a pris ses distances avec sa famille, sous le pseudo « Bobby Green ». Alors que son frère Joseph appartient également à la police, Bobby a préféré devenir gérant d’une boîte de nuit que possède à Brooklyn le vieux Marat Bujayev, qui le traite comme un fils et songe à lui donner une promotion à Manhattan.
Mais la police a repéré un trafic de drogue dans la boîte de nuit, et veut qu’il trahisse son patron et bienfaiteur. Bobby, qui croit à l’innocence du vieillard, refuse. Il faut dire que cet employeur, émigré russe comme lui, est du genre pater familias protecteur et joyeux, de même que sa famille si sympathique, alors que celle de Bobby donne plutôt dans le style puritain sinistre. Lorsque, après bien des péripéties, son frère est gravement blessé puis son père tué, Bobby doit pourtant se rendre à l’évidence : son patron est bel et bien le parrain de la mafia russe locale. Bobby s’engage dans la police (on voit cela tous les jours), le chef mafieux est arrêté, et les deux frères s’avouent mutuellement que, malgré leurs disputes, ils s’aiment. Fin.
L’histoire n’est pas datée, et c’est un brin perturbant : la présence de la mafia russe incite à penser que tout cela se passe aujourd’hui, mais l’environnement nous ramène, au bas mot, à une vingtaine d’années en arrière : personne n’utilise de téléphone portable, les bureaux sont équipés de machines à écrire à ruban, et on voit même un ordinateur fonctionnant avec des disquettes cinq-pouces... Si tout cela est voulu, on se demande vers quoi tendent ces détails.
Robert Duvall n’est pas assez présent, et Joaquin Phoenix, acteur un peu massif, manque terriblement de charisme.
Réalisé par Szabolcs Hajdu
Titre original : Fehér tenyér
Sorti en Hongrie le 23 février 2006
Sorti en France le 21 novembre 2007
Bon film du Hongrois Szabolcs Hajdu, auteur également du scénario, d’après l’histoire vraie de son frère Zóltan Miklós Hajdu, qui joue son propre personnage. Cela commence comme Full metal jacket, à cette différence près que nous sommes en Hongrie, sous le système communiste, dans un gymnase qui forme des athlètes d’État, et que les jeunes recrues sont des enfants. Les parents n’ont pas leur mot à dire, et l’entraîneur, plutôt sadique, a pris le jeune Miklós Dogón comme tête de Turc, si bien que le garçon, après un sévice de trop, s’enfuit et va se faire engager dans un cirque. Mais, parce que le directeur a voulu qu’il exécute le « saut de la mort » au trapèze et sans filet, il est victime d’un grave accident. Bref, il est passé d’un tyran à un autre. Après un trou d’une quinzaine d’années dans sa biographie (c’est la seule faiblesse du scénario), on le retrouve entraîneur au Canada, où lui est confié l’entraînement d’un jeune athlète de 19 ans, doué mais assez rétif, Kyle.
Les débuts sont difficiles, mais la période est franchie sans qu’un mot de dialogue nous en explique les détails, contrairement à ce qui se passerait dans le cinéma traditionnel hollywoodien. Parce que tous deux sont des pointures et que chacun apprécie les capacités de l’autre, tout se passe bien, au point que Kyle devient champion du monde d’athlétisme. Dogón, qui a voulu concourir lui aussi, n’est que troisième, et, s’éclipsant juste après la compétition, il retourne dans un autre cirque, plus prestigieux que le premier, le Cirque du Soleil, qui se produit à Las Vegas (très beau numéro, que ne renierait pas James Thiérrée).
Le grand attrait de ce film peu bavard est d’être joué par de vrais athlètes, et tout ce qu’on voit est authentique. Pas le moindre trucage numérique. C’est reposant. Surprenant aussi, qu’un film sur le sport puisse susciter de l’intérêt chez les spectateurs que le sport ennuierait plutôt. Il faut croire que les qualités humaines comptent également, et qu’on peut faire du bon cinéma avec de bons sentiments.
Quant à la cruauté de ceux qui possèdent une parcelle de pouvoir à l’égard de ceux qui n’en ont aucune, elle est décidément la même dans tous les pays.
Le phénomène commence à se voir : de plus en plus de films sont des premiers films. Et leurs réalisateurs en font rarement un second. Tout se passe comme s’il était, aujourd’hui, relativement facile de débuter dans le cinéma, plus difficile de persévérer. Il est vrai qu’on est souvent surpris par la personnalité de ces nouveaux réalisateurs, qui, lorsqu’ils ne sont pas de parfaits inconnus, se sont fait un nom le plus souvent comme acteurs, mais aussi dans le roman, dans la chanson, et encore plus fréquemment comme amuseurs à la télévision – ainsi que j’ai eu l’honneur de le relever chaque fois que cela s’est produit.
Ce phénomène est assez universel, mais il est fortement accentué en France. Il se double de cette autre caractéristique : la quasi-totalité de ces films sont des échecs ! Ils tiennent l’exclusivité une semaine ou deux, puis sont relégués dans des salles de dixième ordre, avant de disparaître. Souvent, ils ne passent même pas à la télévision. De quoi se poser des questions...
Autrefois, devenir réalisateur de cinéma constituait un parcours de longue haleine, et il était quasi-obligatoire de faire des années d’assistanat auprès de réalisateurs bien installés dans le métier, avant de songer à réaliser soi-même ; et la liste est longue des metteurs en scène connus, que l’on découvre à un poste modeste en revoyant leurs noms au générique de « vieux » films où ils avaient fait leurs premières armes dans l’ombre d’un des maîtres du moment.
Faut-il en conclure que les réalisateurs de cinéma n’ont plus beaucoup d’importance, et que le pouvoir est passé ailleurs ? Va-t-il falloir, comme Alain Riou (qui me fait bien rire, mais qui n’est pas idiot – bien qu’il ait réalisé deux très mauvais films), prétendre que la réalisation pèse très peu dans le poids d’un film, et que ce qui compte avant tout, c’est le scénario ?
Réalisé par Jalil Lespert
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 31 août 2007
Sorti en France le 5 décembre 2007
Ce film illustre bien ma notule d’hier : encore un acteur qui passe à la réalisation... et qui se plante en beauté ! Candidate suivante : Emma de Caunes, laquelle, fille d’un ex-comique de la télé, épouse d’un chanteur, et présentatrice d’une émission musicale, toujours à la télé, est donc toute désignée pour ajouter son nom dans la liste des premiers venus qui croient pouvoir faire du cinéma. Mais ce n’est qu’une prévision, et nous serons peut-être épargnés.
Revenons à 24 mesures. À l’écran, deux garçons, un chauffeur de taxi (Benoît Magimel) et un batteur de jazz (Sami Bouajila, qui n’a aucun mal à dominer la distribution, mais qu’en revanche on ne voit pas jouer de la batterie), et deux filles, une pute et la fille d’une grande bourgeoise de province. Ces deux derniers personnages sont dénués du moindre intérêt, et le spectateur, qui les subit comme des boulets, a plutôt hâte de les voir quitter l’écran, mais on les traînera jusqu’à la dernière image.
En fait, le film est un exemple de cette plaie, le cinéma conceptuel : on part d’une idée de structure, et on tâche de construire une histoire qui illustre ladite structure. Eh oui, comme le dit un jour le réalisateur Henri Verneuil dans une émission de Claude Villers, les réalisateurs français veulent paraître intelligents. Ici, l’idée de structure consiste à bâtir un scénario comme un morceau de jazz, dans lequel les musiciens vedettes jouent, chacun à son tour, un solo ; c’est du moins ce qu’expliquait le réalisateur de 24 mesures, Jalil Lespert, dans une interview fumeuse vue avant la sortie du film, non moins fumeux. Autre travers, vouloir faire un film parce qu’on désire travailler avec ses « potes » : cette motivation ne saurait suffire à intéresser le public. On ne compte plus les mauvais films qui relèvent de ce genre absurde.
Lespert est un acteur honorable, il devrait se contenter de cet état et ne pas vouloir exercer un métier qui n’est pas pour lui. Un réalisateur de cinéma doit être à la fois un visionnaire et un général en chef, et ces deux qualités sont rarement réunies.
Réalisé par Olivier Jean-Marie
Sorti en France et en Belgique le 5 décembre 2007
Jeu de mots bien trouvé pour le titre de ce dessin animé français, adapté de la bande dessinée La caravane, une aventure de Lucky Luke écrite par René Goscinny et dessinée par Morris. Les deux artistes ne sont plus de ce monde, mais leur esprit demeure dans ce film sans prétention et d’autant plus réussi.
Goscinny était un génie de l’humour, qui a eu la chance d’être reconnu tel de son vivant, et qui ne s’est pas démodé comme tant d’autres. Visuellement, le film est à la hauteur. On regrettera néanmoins la voix de Lambert Wilson, qui ne convient pas à Lucky Luke (il est franchement idiot de coller à un personnage de dessin animé la voix reconnaissable d’un acteur trop célèbre, qu’on imagine dès lors à sa place), mais surtout cette chanson de mauvais goût, que le cher humoriste n’eut pas apprécié, lui qui détestait la vulgarité, et qui, chantée par Dee Dee Bridgewater, proclame « Fais du radada sur mes roploplos ». Plus crétin et plus déplacé, difficile à trouver...
Réalisé par Billy Ray
Titre original : Breach
Sorti en Allemagne (European Film Market) le 12 février 2007
Sorti en France le 28 novembre 2007
Titre français un peu plat pour un film traditionnel (le titre original, plus expressif, est Breach, « La brèche », et il a déjà été utilisé en 2004). Apparemment, la critique n’a guère aimé ce film, qui aurait pu être tiré d’un roman de John Le Carré, et qui brille par son austérité, si j’ose dire.
Un ponte du FBI trahit les États-Unis, depuis des décennies, au profit des Soviétiques, puis des Russes, et trois des espions qu’il a dénoncés ont été exécutés par le KGB. Le FBI, qui a fini par avoir des soupçons mais n’a aucune preuve, le fait surveiller par un jeune employé, Eric O’Neill. Il mène à bien sa tâche, le traître est arrêté, mais Eric, qui avait acquis de l’estime et du respect pour sa victime, démissionne.
L’histoire ne compte aucune surprise, aucun retournement de situation ; c’est sans doute cet excès de simplicité qui a déplu, et peut-être aussi le fait que l’affrontement des deux personnages délaisse largement l’aspect politique pour se concentrer sur leur vie privée : tous deux sont catholiques, l’un fanatique, l’autre tiède. Mais l’intérêt du récit est ailleurs : dans sa clarté et sa vraisemblance. Aucune scène d’action, tout est dans le dialogue. On aime ou pas.
Ryan Phillippe, à 33 ans, n’a plus sa beauté ravageuse, il reste cependant un acteur doté d’une forte présence.
Réalisé par Olivier Baroux
Sorti en France et en Belgique le 21 novembre 2007
Alex, écrivain stérile, aime Laetitia, mais il a peur de se mettre en ménage. Pour dissuader la fille de s’installer à demeure, il convainc son éditeur de simuler une dépression pour venir vivre chez lui – avec son jeune fils, ben voyons ! Mais la fille n’est pas dupe et les rejoint. Bref, il ne voulait pas vivre à deux, il va vivre à quatre. Notons que l’appartement parisien de cet auteur sans succès, donc fauché, est un tout petit peu plus grand que le hall de l’aérogare d’Orly. Ce doit être pour faire rêver le spectateur...
En résumé, on est ramené à une histoire de trentenaire qui a des problèmes de couple, comme d’habitude. Pour ne rien arranger, fin heureuse – non justifiée – à New York, pendant la semaine de Noël, comme dans la quasi-totalité des films français.
Pauvre cinéma hexagonal...
Réalisé par Emmanuel Mouret
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 4 septembre 2007
Sorti en France le 12 décembre 2007
Après Changement d’adresse, autre film d’Emmanuel Mouret. C’est délicieux, quoique un peu moins euphorisant que ce film-là, parce que le premier tiers, jubilatoire, est suivi par des épisodes beaucoup plus mélancoliques.
L’auteur est réjouissant comme interprète aussi, dans ses petits pas hésitants vers l’inéluctable. Les personnages ignorent qu’ils vont s’aimer, alors que le spectateur le pressent, et c’est une forme de suspense auquel jamais Hitchcock ne songea. Emmanuel Mouret est tout à fait à part dans le cinéma français, il fait figure de Marivaux des temps modernes, et de successeur de Rohmer. Comme on pouvait s’y attendre, l’intelligentsia le dédaigne et le bombarde de quolibets.
Réalisé par Gérard Krawczyk
Sorti en France et en Russie le 5 décembre 2007
Ce fait divers jamais éclairci a donné lieu à deux films, celui-ci, et celui de Claude Autant-Lara, en 1951, très anticlérical. Thème : le secret de la confession, en vigueur chez les catholiques uniquement, et qui n’a nullement été instauré par Jésus, les textes en témoignent. C’est donc une lubie des autorités du Vatican, et, comme telle, on a parfaitement le droit de la critiquer ou de la tourner en dérision.
Ce thème fut également utilisé par Hitchcock dans I confess (en français, La loi du silence), en 1953. Mais ce film, où le public était incité à s’identifier au prêtre joué par Montgomery Clift, personnage qui finissait par être traîné en justice et accusé du crime dont il n’avait pas voulu dénoncer l’assassin, ne contenait pas la moindre trace de satire, et son réalisateur reconnut plus tard qu’il était « beaucoup trop sérieux ».
Ici, on a le film français actuel typique, une comédie très agitée, bourrée de trucages numériques, mais sans guère de sens. Tout l’anticléricalisme de la première version a disparu, car les exigences du commerce, qui aujourd’hui priment sur tout, exigent de ne déranger personne. Hélas, même la comédie est poussive, et les acteurs ne montrent aucune conviction.
Un seul gag, les chutes à répétition de Laurent Gamelon dans un torrent. C’est bien peu. Notons aussi cette bourde : chez Autant-Lara, le prêtre hypocrite joué par Fernandel contournait le fameux secret en bombardant à coups de boules de neige le bonhomme de Noël qui recelait le dernier cadavre, afin de le faire apparaître sans devoir prononcer un seul mot de dénonciation ; la scène était adroite, grinçante et vive, elle se justifiait pychologiquement, car le personnage feignait ainsi d’organiser un jeu pour égayer le mariage qu’il venait de célébrer. Dans la présente version, le corps est caché dans un épouvantail, qui reçoit un coup de fusil, laborieusement amené ; le cadavre se met alors à saigner d’abondance, trahissant son contenu. Navré, messieurs, cela ne tient pas debout : comme le sang ne circule plus, les cadavres ne saignent pas !
Réalisé par Benoît Mariage
Sorti au Canada (Festival de Montréal) le 27 août 2007
Sorti en Belgique (Festival de Namur) le 28 septembre 2007
Sorti en France et en Belgique le 5 décembre 2007
Daniel, journaliste à la télévision francophone belge, qui présente un magazine sans grand intérêt, se passionne davantage pour un fait divers survenu en 1980 : un bus scolaire avait été pris en otage par trois jeunes gens contestataires de l’ordre bourgeois. Il veut retrouver les protagonistes de l’affaire, l’un des preneurs d’otages, le chauffeur du bus, ainsi que les écoliers, aujourd’hui largement adultes. Il y parvient, mais son reportage est raté, parce que tout le monde se fiche bien de cette vieille affaire, que le preneur d’otages, laissant de côté son idéalisme, est devenu gigolo, et que lui-même est porté sur le bidonnage. Par exemple, pour obtenir des larmes du père de son preneur d’otages, il fait éplucher des oignons, sous son nez, mais hors champ de la caméra !
Benoît Poelvoorde est convaincant lorsqu’il ne tente pas de faire rire, comme ici. Hélas, le film a les défauts de ses qualités : il n’est pas trépidant, mais on pourra estimer qu’il manque de rythme ; il ne fait pas dans la démagogie, mais on pourra penser qu’il manque de matière. Possible que le réalisateur ne soit pas fait pour le cinéma : c’est Benoît Mariage, réalisateur de télévision, excellent lorsqu’il fabrique des sujets de vingt minutes pour le célèbre magazine télévisé Strip-tease, qui en revanche ne semble pas à l’aise dans le long-métrage. Le film, assez court (96 minutes), ne tient pas la distance.
Réalisé par Lionel Baier
Sorti en France (Quinzaine du Cinéma Francophone de Paris) le 7 octobre 2006
Sorti en France le 5 décembre 2007
Film autobiographique, puisque le réalisateur se met lui-même en scène. Jeune écrivain suisse, il se découvre un ancêtre polonais, en devient obsédé et entreprend, accompagné de sa sœur, un voyage dans le pays de cet arrière-grand-père dont il ne sait rien.
On a donc un de ces fameux road movies, dont les péripéties ne cassent vraiment pas la baraque, tout l’intérêt du film se concentrant dans la personnalité du héros, perpétuel insatisfait. Les deux voyageurs ont des tas d’ennuis, puis retrouvent une famille inconnue mais accueillante, et la sœur, qui s’occupait en Suisse de personnes sans papiers avant de se faire voler les siens en Pologne, décide de rester sur place, si bien que le frère rentre seul dans leur pays.
Tout cela est sympathique, et un peu insignifiant. Cela n’a pas empêché le film d’être projeté dans NEUF festivals avant de sortir en salles !
Réalisé par Francis Lawrence
Titre original : I am legend
Sorti au Japon le 5 décembre 2006
Sorti en France le 19 décembre 2007
Richard Matheson, 81 ans, prolifique scénariste et romancier, qui traite de préférence des sujets fantastiques, de science-fiction et d’anticipation, est bien connu des cinéphiles. Cependant, chez lui, le meilleur (L’homme qui rétrécit, le Duel qui a fait connaître Spielberg) cotoie le pire (La maison des damnés), en passant par le passable (Je suis une légende, justement).
Cette histoire, un peu surfaite, proposait surtout une explication « scientifique » au mythe du vampire, via un récit de suspense pas toujours très captivant, malgré sa réputation flatteuse. Mais l’épilogue touchait à la métaphysique, dont l’auteur est féru, tout comme l’épilogue bien meilleur de L’homme qui rétrécit, qui confinait au religieux, par l’intermédiaire d’un personnage qui, plus il rapetissait, plus il se rapprochait de l’acceptation de son triste sort.
Pour ce film, qui est la troisième adaptation du livre au cinéma, nous sommes en 2009, et des scientifiques, à partir du virus de la rougeole, ont modifié génétiquement le « virus du cancer » (sic) pour le rendre inoffensif. Patatras ! Trois ans plus tard, José Bové peut ricaner dans sa moustache, cet OGM est devenu fou et a décimé les habitants de New York, qui se mettent à mourir, puis à revivre pour se repaître de leurs concitoyens encore en vie, comme dans La nuit des morts-vivants. Si bien que le président des États-Unis déclare la ville zone interdite. Pourquoi seulement New York ?, la question ne sera pas posée. Bref, dans la Grosse Pomme, et vu le processus décrit plus haut, en un rien de temps toute la population est morte.
Toute ? Non ! Seul à résister encore et toujours au virus envahisseur, un homme, Robert Neville, savant biologiste, a échappé à la contagion, en compagnie de sa chienne Samantha, et cherche dans son laboratoire personnel un remède à l’épidémie. Le personnage est interprété par Will Smith, qui, nul n’osera dire le contraire, possède toute la crédibilité nécessaire pour incarner un scientifique, un peu comme Christine Boutin pour être meneuse de revue aux Folies-Bergère. Certes, il n’a pas de problèmes de ravitaillement, et il peut « louer » tous les DVD qu’il veut, les magasins dans leur ensemble lui sont ouverts ; il n’a même pas besoin de demander une autorisation pour faire ses courses le dimanche. Toujours est-il que les morts en question sont des vampires, comme dans le livre, et des vampires bondissants, au contraire de Dracula ; donc ils sont vivants, quoique la nuit seulement. Et ils prennent en chasse notre scientifique, histoire de l’inviter à dîner – mais c’est lui qui serait au menu. Naturellement, Bob se défend, ce qui nous permet de constater qu’il manie la grenade et la mitrailleuse encore mieux que le microscope. Nous sommes aux États-Unis, et il faut croire que là-bas, les facs de biologie dispensent également cet enseignement militaire...
Peu avant la fin, et histoire de contrebalancer la mort de sa chienne, il découvre qu’une femme, Anna, qui n’est pas une morte-vivante, a survécu en compagnie de son petit garçon, Ethan. Autre bonne nouvelle, une morte-vivante à l’agonie (ne cherchez pas à comprendre !), qu’il a capturée au début du récit et conservée dans de la glace, est en passe de guérison. Bientôt, les examens le prouvent, il a trouvé l’antidote à la maladie, et le sang de la morte-vivante revenue à la vie (ça va, vous suivez ?) va servir de vaccin. Il prélève en hâte le précieux liquide et le confie à sa camarade Anna, qui n’a donc été introduite dans l’histoire que pour ça, et qui parvient à fuir, regagnant la civilisation toute proche, laquelle sera donc sauvée, mais pas par Bruce Willis cette fois, ce qui est une entorse aux règles hollywoodiennes. Or, débarrassé de ce souci lancinant, il est attaqué à ce moment précis par une armée de vampires qui ont réussi à pénétrer chez lui. Il se résout alors à se suicider tout en tuant ses agresseurs (déjà morts, ne l’oubliez pas) comme dans Le village des damnés, en faisant exploser une grenade qui ratiboise tout le quartier, et lui-même par conséquent. À ce sujet, je me permettrai de faire remarquer, détail technique ayant échappé à l’accessoiriste du film, qu’il s’agit d’une grenade dite « offensive », engin connu, comme son nom l’indique, pour être INoffensif – au contraire de la grenade dite « défensive » –, et bien incapable de produire l’effet dévastateur vu à l’écran.
Le film est ce qu’on en attend, il vise uniquement au spectaculaire et fuit tout ce qui pourrait inciter un tant soit peu à la réflexion ; il est par conséquent plutôt ennuyeux, sitôt passée la première demi-heure, où les prises de vue de New York déserte et envahie par la végétation et les animaux sauvages sont assez étonnantes. Bien entendu, tout l’aspect scientifique du livre a disparu corps et biens. Reste l’arsenal d’accessoires des films d’horreur, soutenant un festival de castagne entre Will Smith et des monstres fabriqués en numérique, pour ne pas changer. Seul point positif, pas de musique envahissante.
Réalisé par Eran Kolirin
Titre original : Bikur Ha-Tizmoret
Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2007
Sorti en France le 19 décembre 2007
La fanfare de la police d’Alexandrie a été invitée à jouer en Israël, dans une ville nommée Petah Ktiva, mais, par suite d’un quiproquo dû à une bévue du plus jeune de la fanfare, le violoniste Khaled (oui, en Égypte, les fanfares comportent des violons !), ils se retrouvent à Beit Haktiva... Et il n’y a plus d’autobus avant le lendemain. Les Égyptiens du coin les hébergent pour la nuit. C’est tout, et c’est merveilleux d’humanité.
Le cinéaste Eran Kolirin, dont c’est le premier film de cinéma après un téléfilm, possède aussi bien le sens du cadrage que celui de l’absurde. Et il réussit une magnifique scène sans paroles, où le jeune Égyptien, un peu dragueur, donne une leçon par gestes à un jeune Israélien timide, qui n’ose pas parler à une fille triste.
Mais comment donc font les cinéastes israéliens, coréens, palestiniens, brésiliens, argentins, taiwanais, scandinaves, suisses, allemands, espagnols, philippins, pour produire des films aussi intéressants, alors que nous échouons lamentablement ? Sans doute parce que leur cinéma n’est pas protégé par des garde-fous financiers, et que, pour survivre, ils doivent faire preuve d’imagination, d’intelligence, d’inventivité. En France, on se contente d’engager des vedettes bankables, horrible concept qui n’enfante que d’horribles productions, dont neuf sur dix, d’ailleurs, finissent au bout de deux semaines dans des placards à balais – comme L’auberge rouge, qui vient de connaître ce sort. Il faudra un jour qu’on reparle de cette monstrueuse connerie que fut l’« exception culturelle française », dont les naïfs croient qu’elle a sauvé le cinéma français, alors qu’en lui évitant tout risque, elle n’a fait que le stériliser.
Réalisé par Guillaume Nicloux
Sorti en France le 19 décembre 2007
Pour les amateurs d’histoires criminelles incompréhensibles, parce qu’éparpillées en mille fragments : au spectateur de recoller les morceaux... s’il peut ! Les vedettes, nombreuses, ne se rencontrent quasiment pas : Vanessa Paradis ne voit pas Marie Gillain, qui rate Thierry Lhermitte, qui ne croise pas le chemin de Josiane Balasko (elle retrouve son rôle de commissaire tenu dans Cette femme-là, du même réalisateur), qui n’a aucune scène avec Jean Rochefort. Seul Guillaume Canet est présent en permanence. Rien à dire : le tout est aussi nul que sinistre.
Réalisé par Ben Affleck
Sorti en France (Festival de Deauville) le 5 septembre 2007
Sorti en France le 26 décembre 2007
Dans un quartier populaire, une petite fille de quatre ans a été enlevée. Sa famille n’est pas reluisante, et la police patauge. On sait qu’un enfant qui n’a pas été retrouvé au bout de vingt-quatre heures, en général, est tué, c’est pourquoi la tante de l’enfant fait appel à un couple de détectives privés, Patrick et Angie, qui sont du quartier et connaissent tout le monde.
C’est le type même de l’histoire embrouillée à plaisir. Un suspect, cru coupable, est abattu froidement d’une balle dans la tête par le détective, avant qu’on découvre que celui qui a monté le coup est un policier chargé de l’enquête (cliché habituel du film policier), d’ailleurs donneur de leçons du genre « Il faut faire justice soi-même », et fabricateur de fausses preuves, comme notre célèbre ex-capitaine Paul Barril, que la Justice vient justement de coffrer avec quelques décennies de retard. Enfin, la gosse est retrouvée chez le chef de la police, qui a voulu, paraît-il, lui éviter une existence merdique dans une famille merdique.
On ne comprend strictement rien à l’histoire, et le récit est très bavard sur les deux premiers tiers du film. La seule originalité est la présence de Casey Affleck (le film est de son frère Ben), qui s’est fait une spécialité des personnages comme tout le monde.
C’est quasi-automatique : lorsque, guère convaincu par un film, vous l’avez un peu étrillé en expliquant pourquoi, si un quidam est éperdu d’admiration devant ce chef-d’œuvre et s’il désire vous signifier son désaccord, c’est rarement avec la courtoisie qu’on doit a priori aux inconnus.
Au contraire, mêlées à toutes sortes de suppositions hasardeuses que De Gaulle aurait attribuées à « la hargne, la rogne et la grogne », reviennent avec régularité les accusations de ne lire que « Voici » (journal pourtant mieux écrit que la plupart des missives qui vous tancent), et de ne regarder que TF1 – plus précisément, Star Academy. D’ailleurs, pour bien faire et marquer la différence entre lui et vous, le correspondant manque rarement, en passant, de préciser qu’il n’a pas la télévision, ce qui lui permet de tout savoir sur ce qu’elle diffuse.
Cela me rappelle une sous-titreuse de séries télévisées que j’avais mentionnée dans un article très général sur les sous-titres, paru ailleurs qu’ici, et sans insister davantage sur sa personne, que je ne connais pas : elle m’avait bombardé de messages furibards, avait fait la même référence à « Voici » – ce journal les obsède –, et avait exigé un droit de réponse... qu’elle attend encore, puisque je ne l’avais pas diffamée.
Moi, spectateur de TF1 ! Chaîne que je traite de « Télé-Poubelle » à longueur de pages... C’est une curieuse tournure d’esprit, lorsque vous critiquez à l’occasion une chaîne de télévision, par exemple Arte, d’en induire que vous êtes fan d’une autre, par exemple TF1. On peut critiquer les deux, quand on dispose de sa liberté intellectuelle. Ce que les êtres primaires ont du mal à comprendre.
Pourquoi diable ne pas admettre qu’autrui peut penser différemment ? Certains de mes amis détestent Angels in America, par exemple, téléfilm de Mike Nichols que j’ai porté aux nues. Pourtant je n’ai pas ressenti l’envie de leur arracher les yeux. Ce n’est pas de la tolérance, c’est être civilisé, tout simplement.
Réalisé par Lucia Puenzo
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2007
Sorti en Argentine le 14 juin 2007
Sorti en France le 26 décembre 2007
Un scénario tel qu’il est interdit de rêver qu’il puisse être accepté par les distributeurs français. Seul l’argent français a permis cette réalisation... argentine !
Fils d’un médecin spécialisé dans la chirurgie réparatrice (en clair, il refait le plus souvent des seins, mais ce n’est pas vraiment sa vocation, car il préfère traiter des infirmités de naissance), Alvaro, dix-sept ans, pas très gâté lui-même par la nature, est un peu du genre renfrogné ; il faut dire que son père, parce qu’il le croit homosexuel, a cessé de s’intéresser à lui, mais une petite conversation entre eux rassure le paternel... bien à tort, comme on va le voir. Car Alvaro et ses parents ont été invités dans une famille qui a un problème dont je vous parle plus loin, père, mère, et une fille de quinze ans, Alex.
Alex voudrait faire l’amour avec Alvaro, qui refuse. Cependant, après quelques péripéties, il consent, mais c’est Alex qui le sodomise ! Hé oui, Alex est hermaphrodite. À sa naissance, ses parents ont choisi d’en faire une fille et lui administrent des médicaments qui la maintiendront dans cet état, mais elle en a par-dessus la tête, et désormais jette en cachette les pilules salvatrices. Les parents finissent par en prendre conscience, et, peu à peu, le père se laisse aller à dire « mon fils » plutôt que « ma fille », d’autant plus qu’il a surpris la scène d’amour et en a parlé à sa femme. Bref, l’opération envisagée, pour laquelle le père d’Alvaro a été invité, est remise aux calendes grecques, et la famille invitée doit repartir...
Entre-temps, Alvaro, qui n’a pas détesté le traitement qu’Alex lui a fait subir, est tombé amoureux d’elle, et volontiers remettrait le couvert. Alex aussi est désormais amoureuse de lui, mais elle veut rompre avec tout, pour oublier son existence passée. Les deux familles se séparent pour toujours.
Cette histoire qui ne manque pas d’audace n’a donc rien de consensuel. Néanmoins, son traitement cinématographique est dénué de la distance qui serait pourtant nécessaire : tout est filmé en gros plans, les scènes sont très lentes, les visages peu attrayants, et le tout donne au récit, qui n’en a pas besoin, un caractère un peu lugubre, qui m’a semblé plomber un peu le film.
Les infortunés internautes que les vents contraires ont poussé jusqu’à ces pages, et qui ont eu l’héroïsme de les parcourir, savent peut-être la considération que j’accorde au festival de Cannes.
Voici une petite anecdote que vous allez pouvoir narrer à vos copains, de préférence dans une soirée où la mélancolie n’est pas de mise, telle que celle qui s’annonce. Bien entendu, elle est absolument authentique, sinon, comme dirait Guy Carlier, ça n’aurait aucun intérêt.
C’est au printemps 2005 que la nouvelle fut annoncée : le film Da Vinci code serait projeté lors de la soirée d’inauguration du festival de Cannes... de l’année suivante ! C’est-à-dire le 17 mai 2006. À la date où cette nouvelle fut rendue publique, le tournage n’avait pas encore commencé, et même son réalisateur Ron Howard aurait été incapable de dire ce que vaudrait son film.
Par conséquent, les naïfs qui pensent qu’au festival de Cannes, les films sont choisis par un comité de sélection composé de professionnels qui les ont consciencieusement visionnés, ces naïfs-là s’enfoncent l’index jusqu’à l’omoplate.
Ou alors, les sélectionneurs sont extra-lucides...
Vous me direz que le film de la soirée inaugurale n’est pas en compétition. Certes. Mais alors, le festival de Cannes ne fait pas l’événement, il a besoin d’un événement – mondain, et surtout publicitaire – pour exister.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.