Œuvres citées : Inside Deep throat – Black/white – Devine qui vient dîner – The world – Shijie – L’été où j’ai grandi – Io non ho paura – Sept ans de séduction – Sept ans de réflexion – Serial noceurs – Wedding crashers – Zim and Co. – H2G2 : le guide du voyageur intergalactique – La guerre des mondes – Shawn of the dead – Star wars – The island – Minority report – Pearl Harbor – The barber – Lost in translation – Match point – La cloche a sonné – Knock – The jacket – Les bienfaits de la colère – The upside of anger
Personnes citées : Fenton Bailey – Randy Barbato – Gerard Damiano – Linda Lovelace – Valéry Giscard d’Estaing – Harry Reems – Richard Nixon – Jimmy Carter – Kevin Rodney Sullivan – Spencer Tracy – Katharine Hepburn – Sydney Poitier – Stanley Kramer – Ashton Kutcher – Bernie Mac – Oliver Hardy – Jia Zhang Ke – Gabriele Salvatores – Jacques Offenbach – Antonio Vivaldi – Nigel Cole – Billy Wilder – Marylin Monroe – David Dobkin – Pierre Jolivet – Marc Jolivet – Garth Jennings – Steven Spielberg – Les Monty Python – John Malkovich – Helen Mirren – Isaac Asimov – Michael Bay – Ewan McGregor – Scarlett Johansson – Woody Allen – François Mitterrand – Mazarine Pingeot – Bruno Herbulot – Georges Feydeau – Louis Jouvet – Fabrice Luchini – François Cluzet – John Maybury – Steven Soderbergh – George Clooney – Adrien Brody – Kris Kristofferson – Keira Knightley – Mike Binder
Réalisé par Fenton Bailey et Randy Barbato
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) en janvier 2005
Sorti en France le 27 juillet 2005
En 1972, Deep throat, film porno de Gerard Damiano, fut un triomphe sans précédent, malgré sa médiocrité : une heure de fellations, exclusivement, pratiquées par une virtuose du genre, Linda Lovelace, jusque là inconnue. Tourné pour la somme dérisoire de 25 000 dollars, le film rapporta 600 millions et fut projeté partout. Ce fut le phénomène le plus apparent de ce qu’on croyait devoir être la « révolution sexuelle ». Trois ans plus tard, ladite révolution gagnait d’ailleurs la France, grâce à la suppression de la censure cinématographique par Giscard... puis fut sévèrement réprimée au bout de quelques mois, mais par la bande, si l’on ose dire, puisque l’État frappa au portefeuille, pour ne pas sembler revenir à la censure gaullo-pompidolienne pure et dure. Et Deep throat, sorti en France le 24 août 1975, fit partie de la première fournée des 161 films frappés du « X » infamant, par un arrêté publié au « Journal Officiel » le 9 janvier 1976. Le nombre de salles de cinéma parisiennes spécialisées tomba ainsi de quarante-quatre en avril 1976 à une, le Beverley, de nos jours ! Il est vrai que le film X, caméscopes aidant, est quasiment devenu une occupation familiale.
Inside “Deep Throat” évoque tout cela, via l’histoire du film et de son exploitation aux États-Unis. Quelques détails surprenants, au nombre desquels ceci : alors que le réalisateur du film et sa vedette féminine s’en tirèrent sans dommage, l’acteur masculin Harry Reems fut le seul poursuivi, bien que n’ayant enfreint aucune loi. Et son cachet de 250 dollars lui coûta... une condamnation à cinq ans de prison. Par chance, peu après, Nixon fut obligé de quitter la Maison-Blanche pour avoir fait espionner le Parti démocrate dans l’immeuble du Watergate, et surtout pour avoir menti publiquement lors de ses tentatives de justification. Jimmy Carter fut élu président, et Reems évita la prison, mais pas la dèche qui s’ensuivit. Il continua dans le porno (sous onze pseudos différents !) avant de se reconvertir comme agent immobilier.
Linda Lovelace, amère d’avoir vu sa réputation ruinée pour les 2500 dollars que lui valurent ses prestations, bifurqua, une fois mariée puis devenue mère de famille, vers la militance anti-pornographique. Elle ne cessa de répéter que les spectateurs du film assistaient à son « viol », ce qui semble un peu excessif. Elle est décédée en 2002 d’un accident de la route. Quant au réalisateur Damiano, qui reconnaît volontiers que son film ne valait pas un clou, il ne s’est pas enrichi. Si bien que le film, fabuleusement rentable, n’a rapporté qu’aux distributeurs, aux exploitants... et aux bandes mafieuses qui « protégeaient » les salles ! La revanche de la morale bourgeoise.
Réalisé par Kevin Rodney Sullivan
Titre original : Guess who
Sorti aux États-Unis le 25 mars 2005
Sorti en France le 3 août 2005
Le film ne s’intitule pas du tout ainsi, donc il est candidat au palmarès des Titres À La Con. Son véritable titre est Guess who (« Devine qui »), rappel évident du célèbre Devine qui vient dîner de 1967, avec Spencer Tracy, Katharine Hepburn et Sydney Poitier : encore la présentation d’un fiancé en puissance à sa future belle-famille, thème inépuisable, riche en scènes agitées sur le conflit des générations ou, comme ici, en péripéties à propos des préjugés sur la couleur de la peau. Il y a trente-cinq ans, on nous montrait le fiancé noir invité chez des Blancs, aujourd’hui, c’est l’inverse. Le dénouement de ce genre d’histoire est invariablement sans surprise, bien-pensant et politiquement correct, mais le spectateur est en droit de se demander ce qui se passerait si le fiancé était moins reluisant, puisque, dans le cas du film de 1967, le garçon noir était quasiment prix Nobel de médecine et vivait en Suisse, où il n’y a que des gens bien propres sur eux, comme on sait... Mais Stanley Kramer était connu pour ses gros sabots. Ici, on a pris soin de faire du postulant un jeune homme assez banal, et le futur mariage n’est jamais remis en question, car la fille a déjà tout décidé, donc le consentement paternel n’est plus de mise.
Ce qui ne change pas, c’est que la mère de famille est encore et toujours un ange de tolérance et de compréhension, comme toutes les mères le sont forcément dans la vie réelle, et le père un gros beauf raciste. Patientons encore un petit demi-siècle avant de voir une mère obtuse et un père aux idées larges, ce qui serait plus conforme à la réalité, surtout aux États-Unis, où le matriarcat exerce ses ravages.
La mère et la fille sont très jolies, le jeune homme, Ashton Kutcher, n’est pas trop mauvais, quant au père, Bernie Mac, il ressemble à Oliver Hardy. Le scénario, lui, ne ressemble pas à grand-chose, et il est bourré d’invraisemblances. Mais cela se laisse regarder. Seules, les peu inattendues scènes d’émotion détonnent un peu. Évidemment, on est aux États-Unis ; donc, pas question d’y couper.
Réalisé par Jia Zhang Ke
Titre original : Shijie
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 4 septembre 2004
Sorti en France le 8 juin 2005
Film produit par la Chine communiste continentale, et qui confirme que Taiwan fait un meilleur cinéma. Les personnages sont choisis dans un milieu très particulier, un parc d’attractions de Pékin où sont reconstitués, en modèle réduit, les monuments les plus célèbres du monde : Big Ben, le Taj Mahal, la Tour Eiffel, Saint-Pierre de Rome et quelques autres. Des « animations » un peu ringardes ont lieu dans ce cadre, et quelques personnages y sont employés – surtout des femmes.
L’action est rare, le déroulement lent, et l’intérêt mince. C’est parfois émouvant, comme cette histoire de l’amitié qui se développe entre deux femmes, une Russe et une Chinoise, qui pourtant ne parlent pas la même langue et ne peuvent se comprendre. On comprend, nous, que les femmes ne sont pas heureuses, que les hommes ne sont pas reluisants, et que la Chine, même sur la voie de la prospérité, est encore un pays oppressif, ce dont nul ne doutait.
Réalisé par Gabriele Salvatores
Titre original : Io non ho paura
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 8 février 2003
Sorti en France le 3 août 2005
Le titre original signifie « Je n’ai pas peur », mais c’est le film qui fait peur, par l’invraisemblance de son scénario, ses lourdes intentions symboliques et sa musique incongrue. Décryptons.
Michele, garçon campagnard de dix ans, découvre un enfant de son âge, Filippo, séquestré dans un puits : il a été enlevé pour obtenir une rançon, et les propres parents de Michele sont dans le coup. Il le délivre, le sort de son trou, les deux gosses vont se balader dans les champs de blé... puis, cela fait, il le ramène dans sa prison, et le captif ne proteste pas ! Certes, si les deux enfants étaient allés trouver les carabiniers, il n’y aurait plus de film ; néanmoins, c’est assez dur à gober.
À la fin, le père de Michele a été désigné par ses complices pour aller tuer le jeune otage, mais Michele l’a aidé à s’évader, pour de bon cette fois, et c’est lui qui reçoit le coup de feu de la part de son propre père, qui a confondu. Il est seulement blessé. Filippo, lui, n’a pas eu le temps d’aller bien loin, le chef des bandits surgit et va pour l’abattre... mais les carabiniers, pour une fois plus prompts que ceux d’Offenbach, débarquent en hélicoptère juste à point pour le happy end.
Tout cela est sonorisé avec une musique, jouée par un orchestre à cordes, imitée de Vivaldi. On ne peut plus appropriée, donc.
Réalisé par Nigel Cole
Titre original : A lot like love
Sorti en Israël le 21 avril 2003
Sorti en France le 10 août 2005
Un seul mot : charmant. Ce film est charmant. Mais surtout à cause du dialogue et des interprètes, Ashton Kutcher en tête ; car le scénario, lui...
La référence du titre français à Sept ans de réflexion, le film de Billy Wilder avec Marilyn Monroe (Seven year itch, en fait, c’est-à-dire « La fièvre des sept ans ») ne se justifie pas, puisque les rapports filmés sont assez peu fiévreux et que la réflexion n’a aucune place dans cette histoire, intitulée en réalité A lot like love, ce qu’on peut traduire en gros par « Cela ressemble beaucoup à l’amour » : Emily et Oliver se rencontrent et, selon la tradition de l’époque, commencent par coucher ensemble – coucher, si l’on peut dire, puisque la chose se passe dans les toilettes d’un avion. Ensuite, et durant sept années, ils se retrouvent de temps en temps, pas toujours par hasard, deviennent amis, refusant d’aller plus loin, de sorte que leurs existences divergent. On pressent néanmoins dès la première minute qu’ils vont s’aimer puis vivre à deux, donc tout l’intérêt consiste à pressentir comment ils vont y être amenés. D’innombrables films et pièces de théâtre ont surexploité ce thème.
Tout cela est très sympathique par le ton adopté, fort décontracté. Dommage que la fin soit un peu gâchée par un truc de scénariste, un quiproquo très peu inattendu : Emily et surtout le public – c’est du moins ce qu’espère le scénariste en question – croient qu’Oliver va se marier avec une autre, Emily débarque sur les lieux de la noce pour lui faire ses adieux et s’éclipse sans qu’il ait pu s’expliquer. Heureusement, il la rattrape et livre le fin mot de l’épilogue, qu’aura deviné tout spectateur un peu au fait des usages du cinéma hollywoodien : ce n’est pas lui qui se marie, c’est sa sœur ! D’ailleurs, cette scène en forme de quiproquo est la seule raison d’être de ladite sœur, introduite au début du récit et qu’on ne revoit plus par la suite... On est toujours aussi plein d’imagination, à Hollywood.
Réalisé par David Dobkin
Titre original : Wedding crashers
Sorti en Allemagne le 13 juillet 2005
Sorti en France le 10 août 2005
Encore un Titre À La Con, ni français ni anglais, puisque le mot noceur n’existe pas dans le vocabulaire anglo-saxon. En fait, John et Jeremy ne sont pas des noceurs, mais de simples dragueurs, qui ont adopté comme terrain de chasse des mariages où ils ne sont pas invités. Comme le puritanisme n’est pas près de disparaître d’Hollywood, on devine dès le début qu’ils vont être « punis » en tombant amoureux de deux filles qu’ils ont choisies pour cibles de leurs ardeurs. Dans leur malheur, ils restent chanceux néanmoins, puisque ce sont deux filles de ministre, tout de même !
Autre exemple du manque d’originalité chronique des scénarios hollywoodiens, cette scène : Jeremy se confie à un prêtre, et il est le seul à parler, puisque le pasteur ne dit pas un mot. Le garçon est à ce point volubile que le spectateur pressent dès les premières phrases qu’à la fin de sa tirade, il va remercier le clergyman de lui avoir donné de si bons conseils ! Et ça ne rate pas. Il paraît que c’est un effet comique.
Réalisé par Pierre Jolivet
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2005
Sorti en France le 17 août 2005
Pierre Jolivet, qui a débuté avec son frère Marc, l’humoriste écolo, est depuis pas mal d’années une sorte de conscience de gauche du cinéma français. Il réalise des films plutôt honorables, dont le plus connu, mais pas le meilleur, est Ma petite entreprise. Il s’attaque ici à la Justice, à la police, à la notion de récidive, au chômage, au racisme, et on en oublie certainement. Qui trop embrasse mal étreint ?
Zim, joué par son fils Adrien, qui ne quitte jamais l’écran, est un jeune con, Victor Zimbietrovski – on a fait dans la simplicité. Vingt ans, sans père, élevé par une mère tout à la fois fofolle et sérieuse, c’est surtout un glandeur qui, comme tout le monde, joue de la guitare dans un orchestre amateur. À la suite d’un banal accident de la circulation, et parce que ce n’était pas le premier incident qui l’opposait à la police, il se trouve en danger de passer devant un juge et d’aller en prison pour récidive. S’il veut y couper, il doit trouver d’urgence un travail officiel, donc une voiture, donc de l’argent et un permis de conduire, et ainsi de suite. Le cercle vicieux. Le film raconte... comment il n’y parviendra pas, mais échappera néanmoins à la taule, pour avoir été sincère une fois, devant le juge, une femme avisée, et lui avoir déballé toute l’histoire et ses rancœurs. Le soutiendront ses deux copains, un Noir et un Arabe (ce panachage fait un peu cliché), et une jeune fille arabe qui lui fait les yeux doux. Le copain arabe est assez pittoresque, le copain noir a un père atypique, sérieux jusqu’au rigorisme, et qui méprise son fils flemmard, jusqu’à lui dire qu’il ne mérite pas d’être français, lui conseillant de retourner en Afrique, où il sera à sa place car « il n’y a là-bas que des feignants ».
La réalisation se défend, mais on est un peu déçu par sa maladresse, parfois. Ainsi, le spectateur croit avoir une bonne surprise lors de la première scène qui dépeint le racisme policier : un jeune Arabe déambule sur un trottoir ; de l’autre côté de la rue passent deux flics. Ils traversent la rue, l’abordent, et un dialogue, qu’on n’entend pas puisque le plan est filmé de loin, s’échange ; le jeune présente ses papiers, et l’on comprend qu’il vient de se faire contrôler parce qu’il est arabe. Plan de coupe, puis on revient sur la scène : le jeune s’éloigne de son côté en maugréant un peu, les policiers s’éloignent de l’autre côté, et l’on se dit que l’on vient d’échapper à la scène classique, c’est-à-dire violente, de l’abus de pouvoir et de la suspicion perpétuelle. Bien. Mais, vers la fin du film, autre scène, avec trois policiers qui réclament les papiers des deux copains de Zim, alors qu’ils viennent précisément de se faire contrôler deux minutes plus tôt. Et là, le film tombe dans le piège évité auparavant, avec dialogue venimeux, injures racistes et menaces de passage à tabac. Cliché. C’est lourdingue. Dommage.
Réalisé par Garth Jennings
Titre original : The hitchhiker’s guide to the Galaxy
Sorti au Royaume-Uni le 20 avril 2005
Sorti en France le 17 août 2005
Saviez-vous qu’en réalité, ce sont les hommes qui servent de cobayes aux souris ? Ou que, si l’on veut chasser un extraterrestre hostile (Spielberg aurait dû y penser pour La guerre des mondes), rien n’est plus efficace que de le fouetter à coups de serviette de bain ? Si vous l’ignoriez, vous pourrez l’apprendre grâce à ce « guide » filmique (titre original : The hitchhiker’s guide to the Galaxy, mais les Français ne connaissent pas les guides du hitchhiker, autrement dit de l’auto-stoppeur, version anglo-saxonne des Guides du Routard). Œuvrette, car ce n’est rien de plus, dont les textes ont été comparés assez justement à ceux des Monty Python. Pour l’image, c’est un peu moins original, et le spectateur a droit, comme de coutume, à un déluge de trucages numériques n’étonnant plus personne.
Ce qui étonne, c’est plutôt le système hollywoodien : voilà un débutant, un jeunot, un inconnu, Garth Jennings, qui n’a sur son C.V. qu’un rôle minuscule dans Shaun of the dead, même pas cité au générique de fin, et la réalisation de trois courts métrages en vidéo sur des groupes musicaux ; et c’est à lui que l’on lui confie des capitaux importants, des possibilités de trucages numériques, et la moitié supérieure de John Malkovich ! Sans compter la grande actrice britannique Helen Mirren pour faire... une voix.
Le film est un peu fourre-tout, mais il a de sympathique son intention évidente de moquer tout ce qu’on a écrit ou tourné sur les aventures spatiales, Star wars inclus, on s’en doute. Jusqu’à une blague sur Asimov – mais que perçoit un spectateur sur dix mille, en France du moins –, lorsqu’il est affirmé dans une fausse pub que le guide électronique de l’auto-stoppeur intergalactique est plus complet que l’Encyclopedia Galactica.
Je retiendrai un gag parmi bien d’autres, lui aussi verbal, d’ailleurs : une sorte de fusil qui force sa cible à être d’accord avec tout ce que pense le tireur ! Une fille traite ainsi un emmerdeur, qui acquiesce désormais à tout ; mais, lorsque, s’emparant de l’arme, il croit pouvoir lui rendre la pareille, elle ricane : « Ça ne fonctionnera pas, je suis une femme ! ».
Réalisé par Michael Bay
Sorti aux États-Unis le 11 juillet 2005
Sorti en France le 17 août 2005
Il en est de ce film comme de Minority report : une bonne idée gâchée par une réalisation tape-à-l’œil, due à Michael Bay (qui avait enchanté nos yeux et nos oreilles avec le prodigieux Pearl Harbor), et sur deux heures seize, s’il vous plaît !
Aux États-Unis après 2015, le clonage des humains est autorisé. Les clones, fabriqués par une société privée, servent de réserve d’organes à leurs commanditaires, donc sosies, fortunés. Bien entendu, eux-mêmes ne sont pas considérés comme des humains, aussi n’a-t-on pas pris la peine de leur implanter, par exemple, un quelconque instinct de sexualité ; mais ils sont conscients, ce qui a l’inconvénient de nécessiter l’instauration d’une certaine discipline. On leur enseigne par conséquent que l’usine dont ils ne sortent jamais les préserve en fait du monde extérieur prétendu contaminé ; en outre, carotte associée au bâton de ladite discipline, on leur fournit un minimum de rêve sous la forme d’une loterie dont le gros lot est un séjour sur une île enchanteresse... qui n’existe pas, car c’est en fait le moyen d’isoler puis de détruire les clones qui se révèlent défectueux !
L’inévitable grain de sable dans cette mécanique de rêve sera, tout comme dans Minority report, la prise de conscience d’un de ces clones, ressort ultra-classique ; ou plutôt, d’un duo de clones, joués par Ewan McGregor et la belle Scarlett Johansson (vue dans The barber et dans Lost in translation, et qu’on verra dans le prochain film de Woody Allen, Match point), qui s’évadent, découvrent le monde réel et partent à la recherche de leur double humain.
Comme il faudra toujours, dans les films hollywoodiens, une touche de comique involontaire, la société de clonage lance à leurs trousses... un Français, membre du GIGN ! Si si, un super-gendarme, issu de cette fameuse troupe de charlots qui s’est si glorieusement illustrée sous Mitterrand dans l’affaire des Irlandais de Vincennes et la protection, au mépris de toutes les lois, de l’envahissante bas-bleu Mazarine Pingeot ! Mais la morale est sauve, car le supergendarme prendra finalement parti pour son gibier. Nous sommes des humanistes, nous autres Français, savez-vous ?
Autre ingrédient nécessaire des films hollywoodiens, la touche – pour ne pas dire la louche – de romanesque : on pressent dès le début que les deux clones, qui n’ont dans leurs gènes aucune possibilité de découvrir l’amour, vont néanmoins tomber amoureux l’un de l’autre. Ce truc tout aussi éculé a été employé des centaines de fois au cinéma et en littérature de science-fiction, cela va sans dire.
Les péripéties sont nombreuses, les retournements de situation pleuvent comme chez Feydeau, et, après une première partie trop longue et très agitée, on n’a droit qu’à dix minutes de calme et d’explications, avant de retomber dans l’ornière des courses-poursuites et festivals de bris de verre. Les bons gagnent à la fin, l’usine est détruite, et tous les clones, enfin libérés, partent vers la mer, sur une musique élégiaque avec chœurs féminins dans une ambiance religieuse, cliché dont il n’est pas interdit d’être un peu las.
Les trucages numériques sont envahissants, la musique, fracassante et rythmée quoique banale, est du niveau de la boîte disco, et tout baigne dans cette couleur bleue métallique en vogue depuis dix ans dans les publicités pour rasoir électrique. D’ailleurs, le film est bourré de pubs insistantes pour Nokia, Reebok, MSN et quelques autres bienfaiteurs de l’humanité.
Réalisé par Bruno Herbulot
Sorti en France le 17 août 2005
Serait à voir, par curiosité, si la fin n’était à ce point ratée. Simon, ancien médecin, a trouvé plus rentable de lâcher son cabinet pour organiser des stages de recherche et approfondissement de la personnalité, réservés aux gogos et aux bobos ; le film devait d’ailleurs s’intituler Travail intensif vers la libération (sic). Tout est bidon dans ces stages, comme on s’en doute, mais le public ne saura jamais si le personnage y croit ou non, pas même lors du dénouement, ce qui fait toute la différence avec le Knock interprété par Louis Jouvet. Ledit Simon est joué par Fabrice Luchini, qui justement fut Knock à la scène – comédien envahissant, horripilant, un vrai cabotin obsédé par le souci de tirer la couverture à lui, et dont le choix s’imposait par conséquent.
La satire est bienvenue, et la plupart des brimades imposées aux stagiaires sont bien celles qui ont cours dans la réalité : nourriture insuffisante mais « bio », silence imposé au début (les francs-maçons utilisent aussi ce gadget mental), prohibition de toute sexualité, lever avant l’aube, exercices physiques débiles, interdiction de fumer, séparation des couples, attouchements, déballages de petits secrets intimes, et surtout, soumission au maître des lieux – qui se révèle aussi un mari odieux et méprisant –, lequel a déclaré tout net que la démocratie n’avait pas cours durant le stage. On n’est pas loin de la secte, à ce détail près qu’on ne retient pas les récalcitrants.
Justement, de récalcitrant, il s’en trouve un sur les six participants, auquel s’identifie naturellement le public : c’est Jean, interprété par l’excellent François Cluzet. Lui n’est là que pour accompagner sa femme, qui l’a exigé, mais il ne semble pas dupe, et le manifeste ouvertement en n’abandonnant ni sa tenue de ville, le costume-cravate, ni ses cigarettes, ni ses paquets de chips, ni surtout sa voiture, qui lui sert souvent de refuge. Les affrontements sont aigres et nombreux, et Jean est rapidement vu comme « négatif », terme qu’emploient de façon obsessionnelle ceux qui ne connaissent pas le mot « lucide », et cela dure depuis Cassandre... Mais Simon ne se démonte jamais, pas même lorsque l’ébauche de révolte entamée par Jean gagne, très timidement, les autres stagiaires.
On est un peu décontenancé par la fin : sans qu’on sache trop pourquoi, c’est Jean qui rentre dans le rang. Il se met à parler aux vaches, troque son costume contre un polo et remercie le gourou à la fin du stage. Le bourrage de crâne serait-il imparable ?
Réalisé par John Maybury
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 23 janvier 2005
Sorti en France le 24 août 2005
Parce que le film est produit par Steven Soderbergh et George Clooney, parce que deux bons acteurs, Adrien Brody et Kris Kristofferson, l’interprètent (avec la belle Keira Knightley), on se dit que le film vaut peut-être le dérangement. L’ennui, c’est que tout cela tourne un peu à vide.
Au début, on croit à une histoire prenante, car le héros ouvre le récit en disant « J’avais 27 ans la première fois que je suis mort ». Ensuite, on est à la fois déçu et dérouté. Dérouté, parce que les déplacements dans le temps, entre 1992 et 2007, ne sont ni très clairs ni suffisamment justifiés ; déçu, parce que la seule justification du film, précisément, semble être de faire perdre pied au spectateur de base, via le procédé, usé jusqu’à la corde, consistant à raconter l’histoire dans le désordre, le but final étant de recoller les morceaux. Certes, mais les morceaux de quoi ?
Et puis, les séquences « de choc » au cours desquelles le voyageur dans le temps revit son passé sont conçues à coup de flashes visuels et sonores de forte intensité, très désagréables à percevoir, et trop nombreux. Pas très fin, d’agresser le spectateur de façon aussi mécanique. C’est du cinéma-coup de poing on ne peut plus primaire.
On se souvient de la guimbarde que le lieutenant Columbo traîne depuis plus de trente ans. Mais qui en a eu l’idée ? Je ne pense pas que quelqu’un se soit déjà intéressé à ce détail essentiel, si l’on peut dire. Alors voici. La Peugeot de Columbo n’apparaît pas dans les deux premiers épisodes de la série, Inculpé de meurtre (1967) et Rançon pour un homme mort (1971). Columbo s’y déplace à pied. En revanche, elle figure, vue en plan général, à la soixantième minute du troisième épisode, Le livre témoin, diffusé sur NBC le 16 septembre 1971. Comme il n’y est pas fait allusion dans le dialogue et que la voiture ne joue aucun rôle dans le récit, on est enclin à penser que le scénariste n’y est pour rien, et c’est une initiative du réalisateur seul, à moins que ce soit une idée du producteur. Et qui était le réalisateur de ce troisième épisode ? Un certain Steven Spielberg, qui avait alors 24 ans !
Ajoutons que les producteurs s’en sont souvenus : dans l’épisode 23 intitulé Au-delà de la folie, l’un des personnages est un jeune garçon d’une onzaine d’années, pensionnaire d’un institut de recherches, qui est qualifié de « petit génie », et que le meurtrier envoie au cinéma pour se débarrasser provisoirement d’un témoin. Eh bien, ils l’ont appelé Steven Spielberg !
C’était ma contribution à l’histoire de la télévision.
Réalisé par Mike Binder
Titre original : The upside of anger
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 23 janvier 2005
Sorti en France le 24 août 2005
Le mari de Terry est parti avec sa secrétaire suédoise, lui laissant sur les bras quatre filles de plus de 15 ans, dont l’aînée veut d’ailleurs se marier. Terry, dont on ne sait de quoi elle vit (elle habite une vaste maison, confortable et somptueusement meublée, sans exercer aucune activité décelable), est en colère et pourrit la vie de ses filles, mais se laisse tenter par les assiduités de son voisin Denny, ex-champion de base-ball reconverti dans la radio, et pochard assidu, tout comme elle. On a toutes les variations possibles – et très peu inattendues – sur la situation ainsi plantée.
Tout à la fin, on apprend que le mari n’était pas parti, mais mort, tombé au fond d’un puits. Sur le plan du récit, c’est ce qu’on appelle une chute.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.