Œuvres citées (en italiques, autres que des films de cinéma) : La bataille de Solférino – Players – Runner runner – La défense Lincoln – Rashômon – Incident at a corner – Simon Werner a disparu – Douze hommes en colère – Le manuscrit trouvé à Saragosse – Boléro de Ravel – Barberousse – Barbe rouge – La faute à Voltaire – L’esquive – La graine et le mulet – Vénus noire – La vie d’Adèle – La tendresse – Rush – Da Vinci code – Anges et démons – Michael Kohlhaas – The reader – Billy Budd, gabier de misaine – Quatre-vingt-treize – 2 guns – Blue Jasmine – Un tramway nommé Désir – Match point – Omar – La graine et le mulet – Les petits mouchoirs – Borat – Au bonheur des ogres – Le garçon aux cheveux verts – The boy with green hair – M – Samson et Dalila – Le père de la mariée – Les sept femmes de Barbe-Rousse – West side story – Drive – Northwest – Nordvest – R – Scarface (1983) – Shérif Jackson – Sweetwater – Gabrielle (2013) – Gabrielle (2005) – L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet – The young and prodigious T.S. Spivet – Le fabuleux destin d’Amélie Poulain – Hugo Cabret – Fonzy – Happy days – Prince of Texas – Prince Avalanche – Á annan veg
Personnes citées : Justine Triet – Abdellâtif Kechiche – Brad Furman – Michael Connelly – Akira Kurosawa – Ryûnosuke Akutagawa – Alfred Hitchcock – Fabrice Gobert – Sidney Lumet – Toshiro Mifune – Henri-Georges Clouzot – Stanley Kubrick – Marion Hänsel – Ron Howard – Claude Lelouch – Dan Brown – Niki Lauda – James Hunt – Arnaud des Pallières – Heinrich von Kleist – Volker Schlöndorff – Mads Mikkelsen – David Kross – Herman Melville – Victor Hugo – Baltasar Kormákur – Woody Allen – Anne Fontaine – Tennessee Williams – Cate Blanchett – Michèle Nahon – Hany Abu-Assad – Éric Neuhoff – Jérôme Garcin – Vincent Van Gogh – Rembrandt Harmenszoon van Rijn – Orson Welles – Michelangelo Antonioni – Walt Disney – Alain Riou – Nicolas Bary – Daniel Pennac – Raphael Personnaez – Daniel Auteuil – Joseph Losey – Bertold Brecht – Fritz Lang – Dean Stockwell – Russ Tamblyn – Michael Noer – Brian De Palma – Noah Miller – Logan Miller – Louise Archambault – Patrice Chéreau – Robert Charlebois – Alexandre Landry – Jean-Pierre Jeunet – Kyle Catlett – Martin Scorsese – Isabelle Doval – José Garcia – Henry Winckler – Ron Howard – David Gordon Green – Hafsteinn Gunnar Sigurðsson
Réalisé par Justine Triet
Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2013
Sorti en France et en Belgique le 18 septembre 2013
Manifestement, la réalisatrice, qui fait là son premier long-métrage, est atteinte du syndrome de Kechiche. Cela consiste à prendre quelques acteurs, à leur donner un thème ou un canevas, à les laisser improviser en recommençant la scène jusqu’à satiété, à tout filmer, et à... tout garder au montage. Ce qui est la négation même de la cinématographie, laquelle consiste, entre autres, à choisir les prises intéressantes et significatives.
L’effet sur le spectateur est imparable, il s’ennuie. S’il reste jusqu’au bout, c’est parce qu’il espère toujours que quelque chose va se passer sur l’écran, autre que des criailleries d’enfants (ici, au début) ou des disputes stériles et interminables (tout le reste du film) ; également, dans le cas présent, parce que la rumeur publique, c’est-à-dire la publicité rédactionnelle déguisée en « indiscrétions », nous a révélé que certaines scènes avaient été filmées rue de Solférino, devant le siège du Parti Socialiste, le jour de la dernière élection présidentielle. C’est donc la curiosité qui l’emporte, mais elle n’est guère satisfaite, puisque ces scènes n’occupent environ qu’un vingtième de la durée du film.
Mais qui pourrait s’intéresser à des personnages aussi vides que cette fille qui fait des reportages pour la télé, et son ex-mari, un barbu très laid qui se prétend artiste et trouve que Chopin fait de la musique « chiante » ? Ceux-là sont de parfaits représentants de ce type d’individus pour lesquels on payerait afin de ne pas les rencontrer.
Réalisé par Brad Furman
Titre original : Runner runner
Sorti en France et en Belgique le 25 septembre 2013
Le film, qui ne sortira aux États-Unis que demain, est affublé d’un Titre À La Con, parce que le distributeur a pensé que le titre original serait incompréhensible. Je suggère « La fuite en avant ».
Richie, brillant étudiant à Princeton, ne peut payer ses études qu’en jouant au poker sur Internet. Il a de qui tenir, son père est un joueur invétéré. Mais Richie pense avoir été roulé par le site sur lequel il joue et pour lequel il touche un petit quelque chose chaque fois qu’il recrute un autre pigeon. Viré de son université où l’on n’admet pas cette façon de gagner sa vie, il part pour le Costa Rica où se trouve le siège du site et son créateur, Ivan Block, afin de... se faire rembourser ! Là, il parvient à rencontrer cet escroc, qui, soufflé par son audace, l’engage à son service.
On comprend vite que Block n’est pas le brave type sous l’image duquel il s’est présenté, que Richie va le trahir, le livrer à la police, lui piquer sa nana et prendre sa place à la tête de ses affaires.
Le fond du film, faussement moralisant à tendance sociologique (ça se fait beaucoup, désormais), est de montrer qu’ajourd’hui « tout va très vite » (sic) et que luxe rapidement acquis et mauvais goût sont devenus le but ultime de la vie des États-Uniens. On ne s’en doutait pas du tout...
Le réalisateur Brad Furman avait tourné précédemment La défense Lincoln, d’après un roman succès de Michael Connelly, et qui n’était pas mauvais. Meilleur, en tout cas, que celui-ci, car il avait quelque chose à dire : exposer l’une des tares de la justice aux États-Unis.
Réalisé par Akira Kurosawa
Sorti au Japon le 25 août 1950
Sorti en France le 18 avril 1952
Ressorti en France le 4 septembre 2013
Rashômon, c’est la porte de Rashô, lequel était un dieu du foklore japonais. Nous sommes à Kyôtô, au onzième siècle, époque de guerres et de famines, et trois hommes s’abritent de la pluie sous ladite porte d’un temple en ruines. Là se trouvent un jeune moine et un vieux bûcheron, qui racontent au troisième, un voyageur, le procès auquel ils viennent d’assister : un bandit célèbre est jugé pour le viol d’une jeune femme et le meurtre de son mari samouraï, non loin de là. Mais, si le viol a été reconnu par l’accusé, reste à déterminer qui a tué le mari : le bandit, sa femme, un bûcheron qui passait, ou est-ce le mari qui se serait suicidé ?
On comprend très bien ce qui, dans ces deux nouvelles de Ryûnosuke Akutagawa, a intéressé Kurosawa : la fragilité du témoignage humain, et la difficulté de parvenir à LA vérité. Ce thème a passionné de nombreux réalisateurs, avec des résultats divers, du meilleur au pire, d’Alfred Hitchcock avec Incident at a corner (en 1960, un accident de la circulation vu sous cinq témoignages différents, en 60 minutes), à Simon Werner a disparu, de Fabrice Gobert (en 2009, un meurtre vu sous quatre témoignages différents, en 87 minutes). Il y a aussi cette variante, les innombrables films de procès dont on est si friand aux États-Unis, et dont le plus bel exemple est Douze hommes en colère, film exemplaire que Sidney Lumet a tiré d’une pièce à succès.
L’ennui, avec Rashômon, qui pourtant dure moins d’une heure et demie, c’est qu’on perd très vite tout intérêt à cette histoire. Pourtant, à lire le synopsis, qui est ICI en anglais, on se dit que le texte d’origine devait être intéressant ; or le résultat à l’écran, malgré la beauté si souvent vantée des images (pourtant, le réalisateur n’y est pas pour grand-chose !), mais bourré de retours en arrière voire de récits dans le récit comme dans Le manuscrit trouvé à Saragosse, procure une impression de confusion et d’incohérence. Par exemple, d’où sort ce bébé qui apparaît à la fin, et que vient-il faire dans cette sombre histoire ? Et puis, désolé, mais les acteurs jouent mal. Et cette musique qui démarque le Boléro de Ravel, c’est un peu saugrenu !
J’ai lu des dizaines de critiques enthousiastes, écrites par des professionnels ou par des spectateurs, et rares sont ceux qui osent avouer qu’ils se sont ennuyés, voire endormis. C’est que Kurosawa est une sommité du cinéma, on ne doit pas y toucher. Or son Barberousse (parfois intitulé Barbe rouge), tourné en 1965 et qui dure plus du double, est clair, passionnant, et ne lasse à aucun moment. Pourtant, la vedette est la même, Toshiro Mifune, qui a fait seize films avec Kurosawa...
Je ne classe pas le film. Il m’ennuie, mais c’est personnel.
Le dernier film d’Abdellâtif Kechiche sort mercredi, et je n’irai pas le voir, pas plus que je n’avais vu le précédent. On a d’ailleurs rallongé son titre depuis le festival de Cannes, et c’est un indice de la manière de ce réalisateur : en rajouter sans cesse !
Comme l’indique en effet la liste suivante, à une exception près, ses cinq longs-métrages sont de plus en plus longs (je ne parle pas de son seul court-métrage, qui sort donc de ce cadre) :
- en 2000, La faute à Voltaire (130 minutes) ;
- en 2003, L’esquive (117 minutes) ;
- en 2007, La graine et le mulet (151 minutes) ;
- en 1010, Vénus noire (162 minutes) ;
- en 2013, La vie d’Adèle (179 minutes)
Je conviens que ce détail serait une raison insuffisante pour boycotter le film de quelque cinéaste que ce soit. Mais justement, Kechiche n’est pas n’importe quel cinéaste, c’est un type dont partout on essaie de nous vendre le génie, afin d’excuser sa tyrannie (il a fait recommencer jusqu’à quarante fois une même scène de sexe à ses deux actrices) et son dédain des règlements (il oblige ses techniciens à faire des heures supplémentaires, mais ne les paye pas, en jouant sur le fait que, pour un technicien, déplaire à son réalisateur, c’est perdre la possibilité de faire toutes les heures dont il a besoin pour bénéficier éventuellement des indemnités de chômage entre les périodes de travail – chantage odieux par conséquent).
J’ai entendu sur le sujet de belles inepties, sur le mode « Un génie a le droit d’être tyrannique, voyez Clouzot, voyez Kubrick ». Sur France Inter, une sotte, qui ne doit rien connaître à la question, a rajouté Hitchcock dans la liste, alors que le maître était le contraire d’un tyran, observait une courtoisie sans failles, et faisait peu de prises, car il avait préparé minutieusement son travail à l’avance et n’en avait pas besoin (il ne regardait même pas dans le viseur de la caméra !). C’est oublier que Kubrick et Clouzot ont fait des chefs-d’œuvre, alors que Kechiche, loin d’être un génie, bénéficie uniquement d’une mode, et qu’on en rira dans quelques années.
Moi, de rire, je commence tout de suite.
Réalisé par Marion Hänsel
Sorti à Hong-Kong (Festival du film français) le 19 mars 2013
Sorti en France le 2 octobre 2013
Beau film, simple, calme et sans aucun conflit, donc pas du tout à la mode – laquelle exige plutôt du violent et du sordide –, La tendresse semble montrer qu’on peut faire du bon cinéma avec de bons sentiments. Un couple belge, séparé mais dont les deux conjoints sont restés amis, doit se rendre dans les Alpes où leur fils, moniteur de ski, est hospitalisé à la suite d’une fracture. Ils en repartent avec leur fils après une seule nuit sur place.
Le film nous épargne les traditionnelles péripéties propres aux redoutables road movies, et le récit n’est saupoudré d’aucune rencontre avec des personnages étranges, le seul ici qui se présente étant un auto-stoppeur, un marin qui se rend en Norvège où un engagement l’attend sur un bateau de pêche. Quant aux deux ex-époux, pas la moindre dispute, encore moins de drame, tout au plus quelques petites piques légères, sur le ton de la plaisanterie, du type « Tiens, tu t’es remis à fumer ? » ou « Le problème, c’est que les femmes conduisent ». Le fils, quoique estimant que son père est un peu agaçant, aime ses parents, qui font bon visage à sa petite amie, laquelle est charmante.
Naturellement, pas de chanson à la mode pour illustrer des images de voiture qui roule interminablement dans des plans où rien ne se passe ; pas de caméra portée qui s’agite dans tous les sens pour ne rien filmer ; pas de personnage antipathique ni même de mauvaise humeur.
On sort heureux de ce film court. Ouf ! Ce n’est pas du Kechiche.
Réalisé par Marion Hänsel
Sorti en Israël et au Royaume-Uni le 2 septembre 2013
Sorti en France le 25 septembre 2013
L’un des sports préférés des grincheux, ce n’est pas la course automobile, c’est de taper sur Ron Howard, comme ils tapent sur Claude Lelouch, voyant en eux des ringards. Or ces deux réalisateurs sont de bons metteurs en scène, très connaisseurs du cinéma, bons directeurs d’acteurs, et qui savent intéresser le public. La différence entre eux réside en ceci : Howard ne vise qu’à produire des films distrayants, alors que Lelouch, parfois, tombe dans le travers de vouloir exposer sa philosophie de la vie, et sombre alors dans le comique involontaire. En fait, à Ron Howard, on ne peut guère reprocher que ses deux films tirés de romans de Dan Brown, Da Vinci code puis Anges et démons, dont le scénario n’était pas sérieux.
Ici, quoique romancée pour les besoins de la dramatisation cinématographique, l’histoire est authentique, c’est celle de deux champions de la course automobile, éternels rivaux mais qui se stimulaient mutuellement, l’Autrichien Niki Lauda et le Britannique James Hunt. Le premier vit toujours, le second est mort en 1993, après s’être retiré de la compétition.
Pour parler du film, il y a deux attitudes possibles, soit écrire honnêtement ce qu’on en pense, soit déclarer d’emblée qu’on ne s’intéresse pas aux courses automobiles et qu’on a ce sport en horreur, pour des raisons d’ailleurs légitimes : pollution, gaspillage, glorification de la compétition, culte du vedettariat. Je me contenterai de la première formule (la formule 1, en quelque sorte !), pour dire que j’ai trouvé ce film remarquable, et passionnant de bout en bout, puisque réalisé avec une efficacité qu’on voit très rarement dans les films de sport : le spectateur est vraiment au volant de ces bolides et participe à la course, même s’il n’y connaît rien et ressent une certaine allergie envers ces champions (pas vraiment sympathiques) et leur mode de vie.
Il faut dire que le scénario ne cache rien de leurs défauts et ne prend pas leur parti. J’ai cru comprendre qu’on voulait nous faire prendre conscience que la rivalité entre deux champions qui se détestent était, en fait, un élément indispensable pour fouetter leur désir de monter toujours plus haut, et qu’au fond, ce n’est pas illégitime – pas non plus réservé au monde du sport. Or ce trait est parfaitement rendu, notamment dans la scène où Hunt casse la figure d’un crétin de journaliste qui a posé à Lauda, défiguré après un horrible accident, une question indiscrète sur ce que ressent son épouse et en quoi cela affecte leurs relations intimes ; la rivalité n’empêche pas la noblesse des comportements.
Le film peut être vu et revu.
Réalisé par Arnaud des Pallières
Sorti en France (Festival de Cannes) le 24 mai 2013
Sorti en France le 18 août 2013
Quatrième adaptation de la nouvelle d’Heinrich von Kleist, les trois premières par des germanophones – dont l’une, en 1969, était l’œuvre de Volker Schlöndorff –, celle-ci est due à un Français, auteur de courts-métrages et de documentaires, mais dont les trois longs-métrages n’ont guère eu de succès. Celui-ci, en revanche, tient l’affiche depuis deux mois, et je dirai que c’est mérité, car il est de grande qualité, et il fallait être aussi débile que les critiques de l’émission Le masque et la plume pour le traîner dans la boue sous le prétexte qu’ils se sont ennuyés (alors qu’ils sont toujours les premiers à prétendre que s’être ennuyé n’est pas une raison valable pour condamner un film), à la grande fureur des auditeurs de France Inter, qui n’ont pas cautionné ces sottises.
Le film comporte une distribution internationale, avec des acteurs renommés, qui tous parlent français (sauf dans une courte scène en allemand, entre Mads Mikkelsen et David Kross, le jeune interprète de The reader).
Le film, principalement tourné en extérieurs dans le Languedoc, raconte une histoire que son auteur avait située au seizième siècle : Michael Kohlhaas, un marchand de chevaux prospère, est spolié par un baron qui lui confisque deux chevaux superbes en garantie d’un droit de péage illégal qu’il a instauré, les amoche dans des travaux harassants, et fait attaquer par ses chiens le domestique qui va tenter de les récupérer. N’ayant pu se faire restituer son bien, et sa femme ayant trouvé la mort à la suite d’une réclamation qu’elle avait apportée au palais de la princesse Marguerite, reine de Navarre et sœur du roi de France, Kohlhaas lève une armée de paysans et ravage la région, multipliant les incendies et les exécutions punitives. Pour tenter d’apaiser la révolte, la princesse lui propose une amnistie et un procès en vue de faire rétablir ses droits, s’il dépose les armes. Kohlhaas accepte, mais un de ses hommes commet une autre exaction après cette trève, et l’amnistie est annulée. Le procès lui est favorable, ses chevaux lui sont restitués, une indemnité en argent lui est versée, le baron est envoyé en prison pour deux ans, mais... Kohlhaas est condamné à mort et illico décapité !
Cet épilogue fait penser au dénouement du Billy Budd d’Herman Melville, et à cet épisode dans Quatre-vingt-treize, de Victor Hugo, où un marin est la fois décoré pour avoir sauvé ses camarades, et pendu pour avoir provoqué la catastrophe qui avait failli causer la perdition de son navire. Bref, c’est un aperçu de la manière dont les grands de ce monde conçoivent la justice.
Le film, entre autres qualités, possède celle-ci : bien qu’il raconte une histoire violente, il ne montre jamais aucune scène de violence, à l’exception de la pendaison d’un pillard : tout est hors champ, et se passe en silence, et on ne voit même pas, au début, la jument mettre bas son poulain, l’essentiel restant en fond d’écran, et loin de la caméra. C’est assez lent, un peu long, mais la progression est passionnante de bout en bout. Et l’interprétation, sans vedettes tapageuses, est parfaite.
Réalisé par Baltasar Kormákur
Sorti aux États-Unis le 30 juillet 2013
Sorti en France le 25 septembre 2013
Bobby et Stig font des « coups » ensemble, comme de fracturer par une seule explosion tous les coffres d’une banque où ils espèrent trouver trois millions de dollars, mais ils y trouvent... quarante-trois millions ! En fait, Bobby travaille pour la répression du trafic de stupéfiants, alors que Stig est militaire, et chacun ignore le métier de l’autre. Ils vont passer le reste du film à lutter contre les trafiquants, contre la mafia, et contre l’armée, puisque le supérieur de Stig est un officier pourri et que tous veulent évidemment leur peau.
À la fin, la vérité dévoilée, ils deviennent amis, non sans que chacun ait tiré sur l’autre, le premier parce qu’il ne le connaissait pas, le deuxième, parce qu’il a appris à le connaître !
On comprend que cette histoire, pas sérieuse du tout, fait du film une pochade, où il s’agit surtout de multiplier les coups de feu, les explosions et les bris de vitre, comme le veulent les goûts du public et donc les canons hollywoodiens. On s’amuse, par exemple de leur devise : ne jamais braquer une banque en face d’un restaurant où l’on trouve les meilleurs beignets. Mais tout cela ne va pas loin. Et le film a fait un bide en France.
Réalisé par Woody Allen
Sorti aux États-Unis le 26 juillet 2013
Sorti en France le 25 septembre 2013
Jusqu’ici, sauf erreur, Woody Allen n’avait jamais adapté l’œuvre d’un autre. Ici, il utilise (mais sans en faire aucune mention au générique de fin, ce qui le met sur un pied d’égalité avec cette plagiaire, Anne Fontaine) une pièce d’un auteur que je n’aime guère, Tennessee Williams : il s’agit d’Un tramway nommé Désir, mais en transposant l’action à San Francisco, avec de nombreux retours en arrière à New York.
Donc, Jasmine (ce n’est pas son vrai prénom, elle trouvait le sien, Jeanette, trop commun), fille adoptée tout comme sa sœur Ginger, a fait, au contraire de celle-ci, un beau mariage : elle a épousé un homme d’affaires, Hal, dont elle ne veut pas voir que c’est un escroc, et qu’il a ruiné un tas de malheureux, y compris le mari de Ginger, via une « bonne affaire » qui a englouti toutes les économies de ce couple, deux cent mille dollars gagnés... au loto ! Mais lorsqu’elle s’aperçoit que son mari la trompe, elle le dénonce au FBI, Hal est arrêté, et se suicide dans sa cellule. Après cela, l’État saisit tous les biens du couple, et Jasmine, qui vivait dans le luxe une existence mondaine et raffinée, se retrouve sans un sou. Il ne lui reste plus qu’à demander l’hospitalité à sa sœur, modeste caissière de supermarché à San Francisco, où elle se rend en avion, mais... en première. Or les hommes de sa sœur ne lui plaisent pas, elle les dénigre, crée une dispute, et, abandonnée par son nouvel amour parce qu’elle lui a caché la vérité, n’a plus qu’à retourner dans la rue, à parler toute seule.
Le film n’est donc pas une comédie, et l’on ne rit absolument jamais. Néanmoins, contrairement à Match point, qui était un chef-d’œuvre, ici, on se contente d’admirer les acteurs, et surtout Cate Blanchett ; la mise en scène aussi, mouvement fluides de la steadicam, décors variés, musique de jazz, organisation des scènes... Mais comme l’on sait d’avance que tout cela va se terminer mal et que Jasmine va retomber dans sa névrose, et qu’en outre elle n’attire pas la sympathie, on ne se passionne pas. Le film est d’ailleurs très froid.
Parce qu’il faut toujours que quelque chose cloche, on relèvera ici que la sous-titreuse du film, une certaine Michèle Nahon, comme la plupart des sous-titreurs de France qui doivent traduire l’anglais vers le français, croit connaître les deux langues mais n’en maîtrise aucune. Ainsi, à cinq reprises, elle traduit le nom perdant par looser, qui n’existe pas ! C’est loser qu’il faudrait... Elle n’a donc pas eu sous les yeux le texte original qu’on remet à tous les traducteurs ?
Réalisé par Hany Abu-Assad
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2013
Sorti en France le 16 octobre 2013
Ce titre d’une navrante platitude – mais il en existe des milliers sur ce modèle – cache un film dont l’histoire est assez tordue. Tourné à Nazareth, en Israël (et ville natale du réalisateur), et à Naplouse, en Cisjordanie, il montre l’histoire de trois amis palestiniens, de la sœur de l’un d’eux, et des services d’espionnage de l’armée israélienne.
Omar, Tarek et Amjad sont décidés à commettre un attentat sur les soldats israéliens, et le chef est Tarek, intransigeant et le plus âgé. Il a une sœur, Nadia qui aime Omar et en est aimée... en secret. Or, au cours d’un simulacre, Amjad, le rigolo des trois, tue un soldat israélien. L’armée capture Omar, et le torture pour lui faire dire qui a tué le soldat. Omar feint d’accepter de trahir ses amis, est relâché, mais joue à cache-cache avec les Israéliens et ne tient pas sa promesse.
Il s’avère alors qu’Amjad raconte à Omar qu’il a mis Nadia enceinte, et que, si elle n’avorte pas, elle et lui seront tués par la famille déshonorée. Dégoûté d’avoir été trahi par celle qu’il aime, Omar convient qu’il lui faut renoncer à Nadia, qu’elle doit épouser Amjad, et tente de convaincre Tarek que ce mariage s’impose. Mais Tarek, furieux, s’en prend au séducteur, ils se battent, et Tarek est tué accidentellement.
Omar, alors, livre le corps aux Israéliens, prétendant qu’il s’agissait de celui du tueur, et on lui verse une grosse prime, qu’il remet à Amjad pour lui permettre de s’établir, tout en lui intimant de ne plus jamais le revoir.
Deux ans, plus tard, Omar visite Nadia, qu’il n’a jamais revue, découvre qu’elle a alors deux enfants, et que le premier est né... un an après son mariage avec Amjad. Conclusion : Amjad a menti, il lui a pris sa fiancée, qui n’était pas enceinte. Il ne lui reste plus qu’à se venger : il téléphone aux Israéliens pour leur livrer, cette fois, le nom du vrai meurtrier, en échange d’un pistolet. Rendez-vous est pris, l’officier israélien, Rami, qui avait obtenu sa promesse initiale de trahison, lui remet un pistolet, lui apprend à s’en servir, et... c’est lui qu’Omar abat ! Fin du film, mais on se doute, puisque cette exécution a eu trois témoins de l’armée, qu’il ne va pas s’en tirer ainsi.
Le film est assez court, très bien réalisé (prises de vue à la steadicam), sans musique, joué par des acteurs qui débutent, et assez prenant pour ne connaître aucune baisse d’intérêt. Admirons aussi ce détail : le gouvernement israélien a permis que le film, œuvre d’un Palestinien, se tourne sur son territoire et montre son armée sous un jour peu flatteur. C’est du reste assez courant. À quand le même comportement du côté adverse ?
Il m’est arrivé d’égratigner un peu Éric Neuhoff, critique au « Figaro », mais c’était véniel, et je lui rends, depuis hier soir, les qualités de clairvoyance et d’esprit que je lui déniais. En effet, Le masque et la plume a traité hier soir du film de Kechiche, et Neuhoff a été le seul (avec les auditeurs qui, par avance, très hostiles, ont écrit à l’émission pour dire tout le mal qu’ils pensaient du film) à ne pas s’enthousiasmer sottement comme tous ses collègues l’ont fait. Sottement, parce que, je le rappelle, lorsque le même réalisateur avait sorti La graine et le mulet, le meneur de jeu de l’émission, Jérôme Garcin, avait déclaré « Nous vous ORDONNONS d’aller voir ce film ! »... J’en avais dit tout le mal que je pensais, et je ne changerais pas une syllabe à ce que j’en écrivais.
Voici donc ce qu’en a dit Neuhoff, qui a trouvé, notamment, le film trop long : « Ben, trois heures ! [...] À Cannes, j’avais trouvé le film trop long, et en retournant le voir à Paris, je l’ai trouvé un peu indigent. Parce que [...] il faut lui offfrir à la fois une montre et une paire de ciseaux, à Kechiche. Déjà, dans La graine et le mulet, on avait droit à la cuisson de la semoule en temps réel, ça n’en finissait pas. Là, la graine, on l’attend un petit peu, là. C’est quand même très-très répétitif, y a de très belles scènes, d’autres qui sont ratées, mais elles sont toutes trop longues, y a un côté Petits mouchoirs à Lille chez les lesbiennes, là-dedans, qui m’a frappé. Si on résume, c’est quand même une bluette entre deux gourdiflottes, une lycéennne un peu enrobée et une artiste – c’est une artiste puisqu’elle a les cheveux bleus, alors en province, quand on a les cheveux, bleus, on est artiste ! Elle découvre la sexualité, la gamine, alors là, on a droit à des séances de baise (pardon d’employer le terme, mais c’est exactement ça) qui n’en finissent pas. On a compris que c’était de la passion, mais au bout d’un moment, ça dure tellement longtemps que ça se met à ressembler à la bagarre entre les deux types à poil dans Borat. Et je pense pas que c’était le but recherché. Et tout est comme ça. Les scènes de repas n’en finissent pas non plus, la lutte des classes, là-bas, ça se résume à « les riches mangent des huîtres et les pauvres bouffent des pâtes, et tout d’un coup, Marx, c’est les Gillardeaux contre les spaghettis, une caricature ».
Et il ajoute : « Il faudrait qu’il y ait un producteur qui soit intraitable aec lui, et lui dise : “On coupe ça, on raccorucit ceci”, et qu’il écoute, au lieu de se prendre pour un génie. Mais évidemment, vous lui dites tous que ce type, c’est Van Gogh, Rembrandt, Orson Welles, Antonioni, Walt Disney, et ça ne va pas ! ».
Si vous m’avez lu avant aujourd’hui, convenez que, tout ça, je l’ai dit avant lui.
Et, pour être juste, Alain Riou a aussi estimé que les scènes étaient deux fois trop longues.
Bref, je ne verrai pas le film, et il ne me manquera pas.
Réalisé par Nicolas Bary
Sorti au Luxembourg le 28 février 2013
Sorti en France le 16 octobre 2013
Adaptation du premier livre de Daniel Pennac sur la famille Malaussène. Il faut dire que l’auteur avait beaucoup tiré sur la ficelle, et que sa saga finissait par lasser.
Ici, avec le premier livre paru, on fait connaissance des personnages, assez fidèlement restitués, dans un film très énergique et remuant, coloré, bourré de trucages numériques (on a utilisé la Samaritaine pour figurer le magasin où Benjamin est employé comme bouc émissaire, afin d’éviter à la direction les plaintes des clients), et le résultat est assez plaisant. Raphael Personnaez est aux antipodes de son Marius filmé par Daniel Auteuil, le récit est assez court, et l’on passe un agréable moment. Il donnerait (presque) envie de relire les six romans... à condition de les avoir oubliés !
Réalisé par Joseph Losey
Titre original : The boy with green hair
Sorti aux États-Unis le 16 novembre 1948
Sorti en France le 10 février 1967
Ressorti en France le 16 septembre 2003
Après cinq courts métrages et pas mal de théâtre (Losey a travaillé avec Bertold Brecht), c’est en 1948 le premier long métrage du réalisateur. Il en fera d’autres aux États-Unis, dont, en 1951, un remake de M, le chef-d’œuvre de Fritz Lang, mais, à partir de 1952, ses ennuis avec la Commission des activités antiaméricaines (sic) l’obligent à s’exiler en Europe, où il poursuivra sa carrière.
Le garçon du titre, c’est Peter, orphelin de guerrre, qui a été confié à Gramp, lequel n’est pas son grand-père mais un vieux chanteur et prestidigitateur, très tolérant et qui le laisse libre de faire ce qu’il veut. Peter s’intègre assez bien à l’école, où son institutrice est aussi intelligente qu’aimable, mais, un beau matin, inexplicablement, les cheveux de l’enfant deviennent verts.
Au début, l’enfant trouve cela très amusant, mais il doit vite déchanter car les persécutions commencent, à l’école évidemment. Mais une hallucination provoquée par une affiche en faveur des orphelins de guerre le pousse à militer contre la guerre. Malgré cela, il est bientôt contraint de se raser le crâne, fugue, est rattrapé, confié à un psychiatre qui le persuade que sa différence est une chance, et la dernière scène montre Peter anxieux de voir ses cheveux repousser... et redevenir verts !
Le film, passablement naïf, mêle deux idées philosophiques n’ayant entre elles que peu de rapports, l’antiracisme et l’opposition à la guerre. Mais il est assez beau, et surtout, il constitue la révélation de Dean Stockwell, le jeune interprète de Peter, qui avait alors douze ans, qui vit et travaille toujours, et a tourné 198 films et téléfilms ! Remarquablement beau et talentueux, il avait débuté trois ans plus tôt, et en était déjà à son treizième film. Il a été le premier acteur à recevoir deux fois à Cannes le prix d’interprétation.
Et puis, personnne ne le remarque (sauf votre très humble serviteur), mais un autre acteur enfant célèbre joue dans ce film : c’est Russ Tamblyn, qui avait deux ans de plus mais qui débutait. Lui aussi a fait une magnifique carrière : Samson et Dalila, Le père de la mariée, Les sept femmes de Barbe-Rousse, et il était Riff dans West side story ! C’était qu’il était davantage qu’un simple acteur : il était aussi danseur et acrobate depuis l’âge de six ans. Il vit toujours et apparaissait dans Drive, parmi ses 90 films.
Réalisé par Michael Noer
Titre original : Nordvest
Sorti en Suède (Festival de Göteborg) le 27 janvier 2013
Sorti en France le 9 octobre 2013
Comme son titre ne l’indique pas puisque le distributeur a cru devoir affubler le film d’un titre anglais, Nordvest est le nom d’un quartier pauvre de Copenhague – ville très jolie et fort agréable, mais dont ne verra rien, strictement rien, puisque tout se passe dans des lieux qu’on trouverait à Sarcelles ou La Courneuve. Là, Casper, dont on nous dit dans le dossier de presse qu’il a dix-huit ans (mais on voit bien qu’il en a beaucoup plus), vit avec sa mère, sa petite sœur et son jeune frère Andy, âgé de dix-sept ans et qu’il entend protéger. Or il va faire le contraire et l’entraîner dans ses trafics, consistant à fourguer à des receleurs le produit de ses cambriolages. Comme prévu, sinon il n’y aurait pas de film, cela va tourner mal.
On a vu dix mille fois ce genre d’histoire, et l’alibi social ne débouche que sur des banalités lassantes. Mais lorsque vous ne pouvez faire qu’un petit film fauché en recrutant vos acteurs sur Facebook, vous y tombez forcément, à moins d’avoir du génie.
Alors, le réalisateur, qui n’a fait qu’un long métrage, R, en 2010 et pas encore sorti en France, a beau multiplier, dans ses interviews, les références à des films comme Scarface (celui de De Palma, en 1983, il ne doit pas connnaître l’original !), et se donner à lui-même l’alibi du « message à véhiculer » (sic), la comparaison produit l’effet inverse et ne fait que souligner plus cruellement ses insuffisances.
La caméra portée par un cadreur anémique et atteint de le tremblotte n’arrange évidemment rien. Cette mode ridicule fera que, bientôt, je n’irai plus au cinéma.
Réalisé par Noah Miller et Logan Miller
Titre original : Sweetwater
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 24 janvier 2013
Sorti en France le 9 octobre 2013
Une pochade à ne pas prendre au sérieux, et qui est plutôt lente à démarrer. Josiah, un fanatique religieux, a établi sa propre congrégation en plein Nouveau-Mexique, un endroit quasiment désert et pas vraiment follichon. Comme de bien entendu, ses fidèles féminines sont ses esclaves sexuels, mais il est aussi raciste, car il déteste les Noirs, les Mexicains et tout ce qui n’est pas blanc et croyant. À l’occasion, il poignarde ou flingue ceux qui ne marchent pas droit, et il a tué ainsi deux vagabonds qui lui avaient volé un mouton parce qu’ils crevaient de faim, ou un fermier mexicain pare qu’il convoite sa femme – une ancienne prostituée qui va le lui faire payer.
La suite expose la vengeance de cette femme et la mission « judiciaire » d’un curieux shérif, qui a lui aussi le revolver facile (les sous-titres, comme toujours, s’obstinent à parler de « pistolet »).
C’est pittoresque, caricatural, un peu longuet vers la fin car on a tout compris d’avance. Et c’est de toute évidence un faux western, car il pourrait se passer dans un tout autre décor.
Sorti il y a une semaine seulement dans la plus grande salle (plus de 500 places) de l’UGC Ciné Cité des Halles, à Paris, le film de Kechiche s’est vite retrouvé dans une salle trois fois plus petite. Apparemment, les spectateurs n’ont pas été convaincu que Kechiche était le génie annoncé à l’extérieur et à grand fracas. Ils n’ont pas, non plus, mordu au gadget ayant consisté à partager la Palme d’or du festival de Cannes avec ses deux actrices, au mépris de toutes les règles.
On aime bien le public, quand il ne mord pas à l’hameçon et qu’il voit que le roi est nu.
Réalisé par Louise Archambault
Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 12 août 2013
Sorti en France le 16 octobre 2013
Film québécois à ne pas confondre avec celui de Patrice Chéreau portant le même titre, sorti en 2005, et qui ressort en ce moment, sans doute pour égarer les spectateurs distraits. Ce serait dommage, car il est bien meilleur que celui de Chéreau !
Gabrielle et Martin s’aiment, mais sont mentalement un peu déficients, Gabrielle davantage que Martin, car elle est atteinte du syndrome de Williams, en plus d’être diabétique. Elle a vingt-deux ans, n’a aucun travail et vit dans un foyer, lui en a vingt, vit chez sa mère et a deux emplois, une dans une animalerie, l’autre dans une ébénisterie. On ne sait de quoi souffre Martin, sinon d’avoir sur le dos une mère rigoriste qui surveille sa vie sentimentale et souhaite qu’il reste vierge, comme Gabrielle.
Lorsqu’ils sont seuls ensemble, c’est à peine si les deux amoureux osent se toucher ou s’embrasser un peu. Or ils se voient souvent, car tous deux font partie d’une chorale, qui répète l’accompagnement qu’elle doit faire lors d’une soirée où Robert Charlebois doit chanter. Un problème plus grave se pose à Gabrielle, qui a un fort désir d’autonomie sans être capable de veiller vraiment sur elle-même : sa sœur veut quitter le pays pour rejoindre son amoureux, éducateur en Inde. Cette difficulté va rester en suspens, après le concert au cours duquel Martin et Gabrielle ont enfin concrétisé leur amour dans les coulisses, avant d’entrer en scène avec Charlebois.
L’interprète de Gabrielle est vraiment atteinte du syndrome dont on parle, alors que Martin est joué par un jeune acteur, d’ailleurs très bon, Alexandre Landry, qui n’avait joué que sur scène, dans un téléfilm... et qui enseigne le taekwondo au Québec !
Le film est très touchant, et les scènes d’amour sont extrêmement pudiques. Ce qui nous change agréablement.
Réalisé par Jean-Pierre Jeunet
Titre original : The young and prodigious T.S. Spivet
Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) le 23 septembre 2013
Sorti en France le 16 octobre 2013
J’ai failli ne pas aller voir cet excellent film, parce que j’étais las des manies de Jean-Pierre Jeunet, qui ne sait pas filmer simplement. Et j’avais tout particulièrement été agacé par l’hystérie collective qui avait salué Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, sa pellicule qui semblait trempée dans la teinture orange, ses cadrages voyants et absurdes, et ses mouvements d’appareil inutiles, dans le style « Voyez ce que je sais faire avec ma caméra ».
Non que le présent film soit d’une sobriété spartiate, mais les fantaisies décoratives qui sont l’apanage de ce réalisateur sont ici pleinement justifiées, puisqu’il s’agit d’illustrer les pensées vagabondes d’un enfant de dix ans, imaginatif, intelligent, et... malheureux.
Bref, Tecumeh Sparrow Spivet, entre un père plutôt rustre et qui vit mentalement au temps de la ruée vers l’Ouest, une mère passant son temps à classifier des insectes qu’elle n’a seulement jamais vus, une sœur ne rêvant que de concours de beauté, et un faux jumeau qui est la copie conforme du père mais va mourir tragiquement, T.S., donc, ne vit que pour la recherche scientifique, en remontre même à son professeur de sciences, et a résolu le problème séculaire de l’impossibilité du mouvement perpétuel. Il a même établi les plans d’une machine fonctionnant avec des aimants, partant du principe qu’un aimant, qui conserve son aimantation durant quatre cents ans, est une source d’énergie inépuisable à l’échelle humaine !
Ses plans, il les a envoyés à Washington, au Smithsonian Institute, qui les a couronnés de son grand prix, et veut les lui remettre au cours d’une cérémonie. Or deux obstacles existent : Washington est à l’autre bout des États-Unis, et le musée ignore qu’il a couronné un enfant de dix ans. T.S., ainsi, va fuguer et gagner la capitale fédérale, où son discours va faire du bruit, mais pas dans le sens qu’on attendait.
Le jeune acteur, Kyle Catlett, est excellent, la mise en scène renouvelle constamment les trouvailles visuelles, et je ne vois guère que la séquence de fin, satire banale de la communication et des émissions de télévision, qui ne soit pas à la hauteur. Mais c’est classique, chaque fois qu’un réalisateur s’attaque à ce sujet, il échoue.
En tout cas, ne faites pas confiance à ces critiques qui ont trouvé le film moins bon que le Hugo Cabret de Scorsese, car c’est tout le contraire ! Soit dit en passant et en dépit des apparences, le film ne doit rien aux États-Unis, car, à l’exception de la Weinstein Company, il a été produit en France et dans dix-neuf autres pays, et tourné, sauf un plan du Smithsonian, entièrement au Canada.
S’il y a un film que je n’irai certes pas voir et qui est sorti ce matin, c’est bien Fonzy, d’Isabelle Doval, la femme de José Garcia. J’ai trois raisons.
Première raison, son titre. Les nostalgiques de Happy days, feuilleton familial qui a duré onze ans, risquent bien de croire qu’il s’agit de faire revivre leur héros, Fonzie le Magnifique, joué par Henry Winckler, aujourd’hui producteur, et qui avait soutenu cette série du premier au dernier épisode, quand beaucoup de ses acteurs, lassés, fichaient le camp pour aller faire autre chose (Ron Howard est devenu réalisateur).
Deuxième raison, on a masqué ce trucage éhonté en faisant croire que « Fonzy » signifiait « Fonce, vas-y ! ». La ficelle est un peu grosse.
Et troisième raison, Isabelle Doval avait réalisé il y a dix ans un film particulièrement mauvais, dont j’ai parlé ici, et qui incite à voir... autre chose ! José Garcia peut être drôle, mais dans les films des autres.
Réalisé par David Gordon Green
Titre original : Prince Avalanche
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 20 janvier 2013
Sorti en France le 30 octobre 2013
Encore un remake, d’un film islandais de 2011, Á annan veg, de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson, pas sorti en France, et c’est dommage, car il devait être meilleur ! Non seulement le distributeur français a modifié le titre car il a peut-être pensé que les spectateurs se demanderaient en quoi une avalanche pourrait concerner le Texas, mais l’auteur du film a plaqué sur son histoire un alibi humaniste, via l’annonce du début nous apprenant que la région où tout cela se passe a été ravagée par des incendies dont on n’a jamais su la cause ; or cette circonstance ne joue quasiment aucun rôle ensuite...
En fait, tout tourne autour de quatre personnages : les deux beaux-frères qui peignent sur une chaussée de campagne la ligne jaune interdisant aux voitures de dépasser, plus un chauffeur de camion et une dame âgée dont la maison a brûlé. Ce petit film fauché, bâclé en seize jours grâce au procédé de la caméra portée, est tourné entièrement sur une route et dans les bois environnants, et l’anecdote est réduite à sa plus simple expression : les deux hommes, de caractères très différents, ont des problèmes de sexe ; l’un a l’obsession de se défouler durant le week-end mais va apprendre qu’il a mis enceinte une femme de 47 ans, et l’autre, plus pondéré, est abandonné par sa femme, lasse de ne jamais le voir puisqu’il est toujours en déplacement pour son travail.
On ne sera pas surpris d’apprendre que ce film au scénario squelettique mais très bavard a été présenté au Festival de Sundance, spécialisé dans les films bien-pensants qui se veulent d’inspiration humaniste (rions). Le film ne dure que 94 minutes, et c’est sa principale qualité.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.