JPM - Films - Notules - Juillet 2006

Notules - Juillet 2006

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autre qu’un film) : SlevinLucky number Slevin – La mort aux trousses – Paris je t’aime – Loin du seizième – Le Marais – Tournage dans un jardin anglaisA cock and bull story – Meurtre dans un jardin anglais – The life and opinions of Tristram Shandy, esquireLes pommes d’AdamAdams æblerLes Berkman se séparentThe squid and the whale – La maman et la putain – Psycho – Superman returns – Batman returns – La raison du plus faible – Un couple épatant – Cavale – Après la vie – Les États-Unis d’AlbertPusher – Le parrain – Changement d’adresse – Kitchen – L’ours

Personnes citées : Paul McGuigan – Josh Hartnett – Alfred Hitchcock – Cary Grant – Walter Salles – Gus Van Sant – Gaspard Ulliel – Peter Greenaway – Laurence Sterne – Anders-Thomas Jensen – Lucas Belvaux – Jean Gabin – André Forcier – Nicolas Winding Refn – Alice Winocour – Jean-Jacques Annaud – Tchéky Karyo – Jack Wallace – André Lacombe

Slevin

Lundi 3 juillet 2006

Réalisé par Paul McGuigan

Titre original : Lucky number Slevin

Sorti au Royaume-Uni le 24 février 2006

Sorti en France le 28 juin 2006

Cela commence comme La mort aux trousses : Slevin est pris pour Nick et enlevé par deux malfrats qui le conduisent devant leur patron, un gangster de haut vol. La référence n’est pas inconsciente, puisque le titre du film d’Hitchcock est cité dans le dialogue. Mais ce n’est qu’un leurre, et la suite parvient à être plus compliquée que le chef-d’œuvre du maître, qui pourtant passait à l’époque pour obscur (Cary Grant, qui en était la vedette, avouait ne rien comprendre à l’histoire !).

En fait, rien n’est vraiment ce que l’on croit, et il faudra patienter jusqu’à la fin pour comprendre ce qu’on a vu. Et notamment ceci : pourquoi, malgré tous les ennuis qui lui tombent sur le dos (trois enlèvements et autant de tabassages), Josh Hartnett conserve en permanence un sourire sarcastique.

Le film, réalisé au Canada, est bien fait, aussi agréable à suivre que Josh Hartnett est agréable à regarder. Mais c’est aussi un bon comédien. Pourquoi n’a-t-on pas l’équivalent chez nous ? Quant au film lui-même, invraisemblable de bout en bout, il est à prendre comme une grosse blague.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Paris je t’aime

Mardi 4 juillet 2006

Réalisé par Olivier Assayas, Frédéric Auburtin, Emmanuel Benbihy, Gurinder Chadha, Sylvain Chomet, Ethan Coen, Joel Coen, Isabel Coixet, Wes Craven, Alfonso Cuarón, Gérard Depardieu, Christopher Doyle, Richard LaGravenese, Vincenzo Natali, Alexander Payne, Bruno Podalydès, Walter Salles, Oliver Schmitz, Nobuhiro Suwa, Daniela Thomas, Tom Tykwer, Gus Van Sant

Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2006

Sorti en France 21 juin 2006

Pas grand-chose à sauver dans ce projet, séduisant au départ, décevant quant au résultat : imaginer vingt histoires, autant que d’arrondissements, se déroulant à Paris. À l’arrivée, il ne reste que dix-huit courts-métrages sans grande unité, souvent sans grand intérêt, voire crispants d’insignifiance.

Je ne garderai que celui de Walter Salles, Loin du seizième, dans lequel une jeune femme qui vit en banlieue laisse son bébé à la crèche le matin, puis prend le métro pour aller s’occuper du bébé d’une autre femme, dans un appartement luxueux du seizième arrondissement. Son employeuse ne répugne d’ailleurs pas à lui demander de rester une heure de plus le soir, quand ça l’arrange. En très peu de temps et quelques plans, tout est dit sans pathos ni trémolos.

Le sketch de Gus Van Sant sur Le Marais, qui montre un jeune homme croyant avoir trouvé l’âme sœur dans une imprimerie en la personne d’un autre jeune homme – alors que celui-ci, étranger, ne comprend pas un mot de ce qu’il lui dit –, est sauvé par le charme de Gaspard Ulliel, mais c’est vraiment tout.

En bref : inutile de se déranger.Haut de la page

Tournage dans un jardin anglais

Jeudi 6 juillet 2006

Réalisé par Michael Winterbottom

Titre original : A cock and bull story

Sorti au Royaume-Uni (Festival de Cambridge) le 17 juillet 2005

Sorti en France le 5 juillet 2006

Ce titre français, très loin de l’original (qui signifie « Une histoire sans queue ni tête »), veut se référer à Meurtre dans un jardin anglais, le film qui a fait connaître Peter Greenaway. Mais, hormis leur production britannique, ils ont peu de rapport entre eux, même si la musique du générique du premier est empruntée à celle du second – entre autres emprunts.

En fait, c’est une histoire classique de tournage laborieux, genre pas très nouveau et qui peut donner le meilleur comme le pire. Ici, l’équipe du film dans le film tente le pari d’adapter un livre illustre, The life and opinions of Tristram Shandy, esquire, réputé inadaptable, et non sans raison. Laurence Sterne avait d’ailleurs sorti son œuvre en feuilleton, puis, en raison de son succès, elle a été publiée en livre quand il s’est avéré que le feuilleton n’aurait jamais de fin. Et, en effet, le récit de la vie du narrateur ne va pas au-delà de ses six ans !

Le film essaie tant bien que mal de traduire l’essentiel : les digressions dans la digression, et même une fantaisie d’imprimerie, la célèbre page noire. Mais comme c’est infaisable, il pimente le récit avec les aventures personnelles de l’équipe de tournage. Pourquoi pas, puisque le film est agréable à suivre ? Cela ne va pas loin, du moins ils auront essayé.

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Les pommes d’Adam

Mardi 12 juillet 2006

Réalisé par Anders-Thomas Jensen

Titre original : Adams æbler

Sorti au Danemark le 15 avril 2005

Sorti en France le 12 juillet 2006

Film dû à un scénariste danois très productif (à trente-quatre ans, il a écrit trente-cinq films !), dont on avait vu Les bouchers verts, réalisé par lui en 2003. Le style est toujours pince-sans-rire, et ce dernier film est bien meilleur que celui que je viens de citer. Il conte l’affrontement entre un néo-nazi, Adam, condamné à rester, le temps de sa peine, comme pensionnaire et homme de corvée dans une église protestante, et le pasteur, Ivan, décidé à ne pas voir le mal, ou plutôt, à ne le considérer que comme des manifestations du diable. Et pourtant ! Atteint d’un cancer, veuf, père d’un enfant handicapé physique et mental, fils d’un homme qui violait ses gosses, il aurait de quoi remettre sa foi en question. Naturellement, tous les autres personnages le tiennent pour un cinglé, ce qu’il est en effet. Oui, mais... n’est-ce pas lui qui a raison, en fin de compte ?

On ne sait plus très bien ce que veut dire l’auteur-réalisateur, et c’est évidemment voulu. S’enchaînent maints épisodes tantôt loufoques, tantôt tragiques, frisant l’invraisemblance – mais nous sommes dans la fable, une fable dont la morale n’est pas très claire, redisons-le ! Donc à ne pas prendre au premier degré.

Le dialogue est assez percutant, et l’esprit, sarcastique. Une rareté.

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Les Berkman se séparent

Jeudi 13 juillet 2006

Réalisé par Noah Baumbach

Titre original : The squid and the whale

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) en janvier 2005

Sorti en France le 12 juillet 2006

Le titre français annonce la situation, archi-convenue, surtout aux États-Unis. Par chance, tout l’intérêt du film réside dans le comportement des deux enfants du couple, deux garçons, âgés de seize et treize ans et passablement zinzins. Walt, l’aîné, très attaché à son écrivain de père et partageant ses goûts artistiques, déplore que sa mère, qui écrit aussi, remporte davantage de succès. Il ne va pas tarder à trouver d’autres griefs, puisque la dame a trompé son époux plusieurs fois, et le partage des visites qui suit la séparation va se révéler orageux. Conclusion : l’amour physique, ce n’est pas très net, et il repousse l’éventualité de coucher avec sa petite amie. Franck, son jeune frère, au langage constamment ordurier, se range du côté de sa mère, et passe son temps à se masturber et à barbouiller de son sperme les livres de la bibliothèque. On les regarde un peu comme des phénomènes, deux animaux un peu étranges, un calmar et une baleine, par exemple (c’est le sens du titre original).

Le film est bourré de références cinématographiques, mais ces références sont parfois inversées : le film français La maman et la putain est représenté par son affiche anglaise, alors que le film hitchcocko-hollywoodien Psycho l’est par son affiche française. Private jokes ?

On s’amuse sans trop y croire.

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Superman returns

Lundi 17 juillet 2006

Réalisé par Bryan Singer

Sorti aux États-Unis le 21 juin 2006

Sorti en France le 12 juillet 2006

Ce Superman returns ne fera pas oublier le Batman returns de Tim Burton. Tout ici ne respire que la surenchère, dans la durée d’abord, car les scènes se traînent et l’on s’ennuie ; dans la bande son ensuite, dédiée au vacarme ; dans les images enfin, truffées d’accessoires et de décors numériques, jusqu’à l’indigestion. Au point qu’on en vient à se demander si le joli bleu des yeux du garçon un peu fade qui interprète Superman ne serait pas, lui aussi, un produit de l’ordinateur !

Le spectateur aura toutefois la révélation que les natifs de la planète Krypton ne se reproduisent pas à la manière si prosaïque des Terriens, puisque, et bien que leurs relations aient toujours été d’un chaste qui satisferait George Walter Bush himself, Lois Lane a eu un enfant de Superman. Certes, ce n’est pas dit expressément, mais on le comprend lorsque cet enfant de cinq ans, voulant défendre sa mère contre les brutalités d’un malfrat, écrabouille le méchant en lui lançant... un piano à queue ! Nous vivons une époque d’enfants prodiges.

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La raison du plus faible

Mercredi 19 juillet 2006

Réalisé par Lucas Belvaux

Sorti en France (Festival de Cannes) le 24 mai 2006

Sorti en France le 19 juillet 2006

La trilogie de Lucas Belvaux, Un couple épatant, Cavale et Après la vie, sortie en 2002, avait séduit le public tout comme la critique. Ce film-ci déçoit d’autant plus. Certes, cela commence bien, avec la description minutieuse du monde ouvrier dans le bassin sidérurgique de Liège, en Belgique, et celle, pas moins réussie, des rapports humains entre « aristocrates de l’industrie », comme se désignaient eux-mêmes les travailleurs de l’acier. L’ennui est dans les péripéties, toutes prévisibles, et qui sont autant de clichés, ou presque : rien n’arrive que l’on ne voie venir longtemps à l’avance. Et cette histoire d’ouvriers en chômage ou endettés, qui ne trouvent que dans le hold-up la solution à leurs problèmes financiers, compliquée par la rechute d’un ancien braqueur qui monte le coup pour rendre service aux copains, sent le déjà vu. Avant 1940, on aurait pris Gabin à la place de Belvaux, mais l’histoire, avec tout son poids de fatalité, aurait été identique – jusqu’au suicide final du mauvais garçon qui ne veut pas retourner en prison.

Le film se voit sans trop d’ennui parce que les personnages sont humains, et filmés, comme on disait naguère, « à hauteur d’homme » ; aussi, parce que les acteurs sont bons. Mais il n’inspire guère la passion.

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Les États-Unis d’Albert

Lundi 24 juillet 2006

Réalisé par André Forcier

Sorti au Canada le 8 avril 2005

Sorti en France le 19 juillet 2006

Au début, on pense qu’on va s’amuser, car le dialogue est bien écrit et drôle ; ainsi, lorsque ce godelureau d’Albert, qu’une vieille peau veut mettre dans son lit, lui lance « Madame Pickford, je vous en prie, restez victorienne ! ». Mais très vite se vérifie le principe qu’un synopsis séduisant ne suffit pas à faire un bon film, encore faut-il un peu de mise en scène ! Or, ici, elle fait cruellement défaut, et le tout est d’une grande platitude.

Le côté fauché de la production n’arrange rien, et presque tout est filmé en gros plans, afin de masquer l’absence de décors, comme cela se pratique dans certains feuilletons de la télé. Ainsi, toute la première moitié de ce railroad movie se passe dans un train, mais on ne voit pas le train, seulement des bouts de décors et quelques transparences de paysage.

Le film est québécois. Risquons une hypothèse : tous les bons films québécois, et ils ne manquent pas, décrivent la société du Québec d’aujourd’hui. Ce film, au contraire, nous balade dans les États-Unis de 1926, et peine à les définir tels qu’ils étaient. Reste une fantaisie qui s’essouffle.

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Pusher

Mercredi 26 juillet 2006

Réalisé par Nicolas Winding Refn

Sorti au Danemark le 30 août 1996

Sorti en France le 26 juillet 2006

Film danois qui arrive chez nous avec dix ans de retard. Sujet : les ennuis d’un trafiquant de drogues. Style : la caméra sur l’épaule, procédé qui oblige les acteurs – parce qu’ils ne savent pas d’avance quand l’appareil de prise de vue sera sur eux – à ne pas relâcher la tension dramatique lorsqu’ils jouent une scène. Ces acteurs sont parfois professionnels, on en reconnaît deux ou trois vus dans d’autres films, parfois des amateurs, voire d’anciens délinquants. Enfin, l’histoire est cohérente et ne fait pas dans l’eau de rose, comme on s’en doute ; la réalité doit ressembler à cela.

Alors, qu’est-ce qui ne va pas ? C’est qu’on a déjà vu tout cela cent fois, et qu’il est difficile de s’intéresser à des personnages aussi médiocres. Mais c’est un avis personnel.

Le film a eu deux suites récentes, comme Le parrain, et qui sortent le même jour. Désolé, je ne les verrai pas.

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« Casting »

Jeudi 27 juillet 2006

Revoir Changement d’adresse à l’excellent Cinéma des Cinéastes de la rue de Clichy m’a donné l’occasion rare de déguster un sympathique court-métrage avant le film, aubaine complètement disparue dans les salles commerciales – alors même que le règlement du Centre National du Cinéma impose que toute séance doit comporter un court-métrage (en fait, le CNC, dépourvu de pouvoir et de personnel, a fini par se dégonfler devant les directeurs de salles, et il se contente aujourd’hui de demander qu’on... affiche le titre du court-métrage dans le hall, pas qu’on projette le film lui-même ! Et même cette modeste instruction n’est respectée nulle part, vérifiez).

Il s’agissait en l’occurrence d’un film de quatorze minutes, Kitchen, réalisé par Alice Winocour. L’histoire assez farce d’une femme qui n’ose pas tuer deux homards pour le dîner, essaie toutes les méthodes pour tenter de les faire mourir de mort naturelle, avant d’en occire un dans un mixeur et d’électrocuter l’autre dans sa baignoire ! Bref, comme on dit vulgairement, l’histoire d’un pétage de plomb. Double, même, puisque la seconde opération fait disjoncter le compteur d’électricité.

Mais deux petits faits curieux ont aussi retenu mon attention.

D’abord, le film n’a que deux acteurs, la femme et le mari. Mais le générique de fin (lisez toujours les génériques de fin, ils sont souvent plus intéressants que le film), révèle, dans une équipe pléthorique d’une cinquantaine de personnes, la présence d’une « directrice de casting », titre pompeux et franglaisant pour « chargée de la distribution ». Autrement dit, d’une personne qui a pour tâche de recruter acteurs et figurants. Pour DEUX acteurs ! Ne riez pas, le surmenage peut conduire aux pires extrémités.

Cela m’a rappelé L’ours, ce film de Jean-Jacques Annaud, sorti en 1988. Ce long métrage ne comportait que trois acteurs, Tchéky Karyo, Jack Wallace et André Lacombe, et pas le moindre figurant. Or le générique de fin nous apprenait que l’équipe de « casting » du film comptait quatre personnes !

Cette armée à la mode mexicaine nous rappelle que la bureaucratie n’est pas morte...

L’autre petit fait curieux est cette phrase, toujours au générique de fin : « Aucun homard n’a été maltraité durant le tournage de ce film », mention précautionneuse dont la présence vient évidemment d’une habitude états-unienne, politiquement correcte et bien-pensante. Bande d’hypocrites ! Et après le tournage, vous les avez rapporté chez le poissonnier, les deux homards ? Vous les avez remis dans l’océan, peut-être ? Vous les avez bouffés, oui !

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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.