Œuvres citées (en italiques, autres que des films de cinéma) : Grand central – Leviathan – Moby Dick – Romeos – Noordzee, Texas – Sur le chemin des dunes – Ilo Ilo – L’emploi du temps – Tôkyô sonata – Le troisième homme – Les quatre cents coups – La mariée était en noir – La planète des singes – Red 2 – J’ai rencontré le Diable – Une place sur la Terre – Ces amours-là – Leones – Touch of evil – The player – Snake eyes – L’arche russe – Grand départ – Elle s’en va – Moi et toi – Io e te – Nos meilleures années – Le conformiste – La stratégie de l’araignée – The dreamers – Luna – Le dernier tango à Paris – Novecento – Le dernier empereur – Ma vie avec Liberace – Behind the candelabra – Six feet under – I love you Philip Morris – Plein soleil – White House down – 2012 – Independence day – Magic Mike – Mon âme par toi guérie – De battre mon cœur s’est arrêté – La chambre des officiers
Personnes citées : Rebecca Zlotowski – Olivier Gourmet – Johan Libéreau – Tahar Rahim – Léa Seydoux – Alain Riou – Lucien Castaing-Taylor – Verena Paravel – Herman Melville – Laurent Ruquier – Pieter Bruegel – Francisco de Goya – Hieronymus Bosch – Joseph Mallord William Turner – Sabine Bernardi – William Shakespeare – Anthony Chen – Laurent Cantet – Kiyoshi Kurosawa – Carol Reed – Orson Welles – Gabriel Figueroa – Luis Buñuel – Anton Karas – François Truffaut – Jean Constantin – Bernard Herrmann – Jerry Goldsmith – Dean Parisot – Raphaël Enthoven – Carla Bruni – Elisabeth Ire – Elisabeth II – La reine Victoria – Helen Mirren – Sylvester Stallone – Arnold Schwarzenegger – Fabienne Godet – Benoît Poelvoorde – Frédéric Chopin – Claude Lelouch – Jazmín López – Alfred Hitchcock – Orson Welles – Robertb Altman – Brian De Palma – Aleksandr Sokurovf – Nicolas Mercier – Emmanuelle Bercot – Catherine Deneuve – Mylène Demongeot – René Féret – Bernardo Bertolucci – Sonia Bergamasco – Steven Soderbergh – Wladziu Valentino Liberace – Elvis Presley – André Rieu – Eddy Duchin – Glenn Miller – Scott Thorson – Sonja Henie – Matt Damon – Leonardo DiCaprio – Michael Douglas – Roland Emmerich – Bruce Willis – Sylvester Stallone – Channing Tatum – François Dupeyron – Abdellâtif Kechiche
Réalisé par Rebecca Zlotowski
Sorti en France (Festival de Cannes) le 18 mai 2013
Sorti en France et en Belgique le 28 août 2013
J’ignore pourquoi ce titre est au masculin, alors qu’il s’agit d’UNE centrale nucléaire. Ce qui est certain, c’est que le sujet des avantages et des inconvénients attachés aux centrales nucléaires, sujet pas tout à fait anodin, n’a jamais fait l’objet d’aucun film, ni en France, ni à l’étranger. On va donc voir celui-ci en espérant apprendre quelque chose. Mais non, presque rien. Et le seul intérêt du film est la présence de trois bons acteurs, Olivier Gourmet, Johan Libéreau et Tahar Rahim.
Et la vedette féminine, Léa Seydoux ? Mais son personnage ne sert à rien, elle incarne simplement la nana de l’histoire, sans doute parce que, promue vedette, sa présence (et une scène de nu racoleuse et inutile) permet de financer le tournage. Ici, elle est une fille volage, qui couche avec un homme pour pouvoir offrir un enfant à son futur mari, qui est stérile. Ce dont l’amant se trouve très peiné, circonstance permettant un parallèle facile entre la contamination par l’amour et par les radiations nucléaires. Mais où la réalisatrice va-t-elle chercher une trouvaille aussi originale ? Il faut bien reconnaître que toutes les scènes où paraît Léa Seydoux nous écartent du sujet, qui est l’entretien et la protection des centrales nucléaires. De sorte que, sans cesse éloigné de ce pour quoi il est venu voir le film, le spectateur s’ennuie et regrette son dérangement.
Naturellement, la publicité a raconté une fois de plus que la vedette masculine avait accepté de tourner le film « avant même d’en avoir lu le scénario ». Ce bobard revient de façon récurrente, quasiment à chaque film. Traduction : le monde du cinéma est tellement merveilleux que tout le monde s’y fait confiance. Ben voyons.
Dans l’émission Le masque et la plume, diffusée le 8 septembre, Alain Riou a noté la même chose que moi : le public a envie de voir le travail dans une centrale nucléaire, parce que jamais aucun film n’a parlé de ce sujet, mais il n’a pas envie qu’on y mêle une histoire de cocu, que le cinéma a traité des centaines de fois ! D’autant moins que cette histoire n’était pas dans le livre et a été plaquée artificiellement (et inutilement) sur ce récit. Il a du bon sens, Riou.
Réalisé par Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel
Sorti en Suisse (Festival de Locarno) le 9 août 2012
Sorti en France et en Belgique le 4 septembre 2013
Dire que ce film se réclame du cinéma parce qu’il a été fait avec des caméras (plutôt des caméscopes) ! Pour appâter le public, la publicité n’a pas lésiné : le générique a été conçu par un publicitaire qui a imaginé de l’écrire en lettres gothiques sans la moindre majuscule (c’est d’un snob !) et de recopier trois versets du Livre de Job, dans la Bible ; on prétend qu’il a été tourné sur les lieux où se passe Moby Dick, le roman d’Herman Melville (invérifiable, nous sommes en pleine mer et on ne voit rien d’autre que le chalutier) ; que le film est porté « par un élan écologique » (sic : on y laisse agoniser par asphyxie et on y massacre des milliers de poissons) ; que les images sont « sidérantes » (elles sont floues et les couleurs sont innommables) ; « qu’il révèle la beauté foudroyante des entrailles de l’océan » (on n’en voit pas grand-chose, et il est surtout pollué par les déchets de poisson qu’on y jette). On ne manque pas non plus de caser le traditionnel bobard supranaturel : les caméras traditionnelles ? « La mer les a miraculeusement toutes avalées, les unes après les autres » ! Et les images obtenues « frôlent l’abstraction, le surréalisme » – encore des gens qui ne savent pas ce qu’est le surréalisme, on se croirait chez Ruquier – et se réfèrent à Bruegel, Goya, Bosch, Turner, rien que ça.
On s’en voudrait d’oublier, au chapitre du surnaturel, que les deux auteurs, qui ont « fouillé le film, passé au crible ses 130 500 images, une à une, pour en sortir 646 images », y ont trouvé « des apparitions [...] : soldats, marins, guerriers, esclaves, monstres, serpents, bêtes, squelettes, démons ». C’est tout ? Il manque un raton-laveur. « Ces apparitions nous renvoient non seulement à une archéologie de l’océan, mais aussi à une archéologie de l’image », expliquent modestement les cinéastes.
Je vous recommande la séquence la plus appétissante du film : deux hommes, debout, massacrent des raies par centaines. L’un d’eux les tient par la tête, l’autre, muni d’un crochet qu’il plante dans une nageoire, la tourne vers lui et tranche l’organe d’un coup de couteau. Puis le premier fait pivoter l’animal d’un demi-tour pour présenter l’autre nageoire, qui subit le même traitement. Après cela, on jette le corps avec les déchets, et il ira nourrir les habitants de la mer qui ont échappé à cette entreprise écologique.
Moi, c’est terminé, je ne mange plus de poisson.
Réalisé par Sabine Bernardi
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 11 février 2011
Sorti en France le 4 septembre 2013
Mauvais signe : ce film allemand a traîné deux ans et demi avant de sortir chez nous. En contrepartie, la production l’a présenté dans... vingt-cinq festivals. Ça, c’est de la ténacité et de la course effrénée aux récompenses !
Mais est-il bon ? Pas vraiment. La réalisatrice, qui a aussi écrit le scénario, ne semble pas très sûre de ce qu’elle a voulu dire ; en tout cas, on ne la suit guère, et son scénario achoppe sur cette bizarrerie : son personnage, Miriam, une fille qui suit un traitement chimique pour devenir un garçon, Lukas, donc en passe de devenir une transexuelle dès qu’elle sera opérée (mais il faut parler de « transgenre », aujourd’hui, pour être politiquement correct, et allez donc savoir pourquoi), va donc muter en garçon... homosexuel. Ensuite, sans trop de surprise, il (ou elle) s’éprend d’un garçon, Fabio, viril mais franchement homosexuel, et l’attirance est réciproque, jusqu’au moment où Fabio découvre la vérité. Il déclare aussitôt qu’il a horreur des transexuels et lui interdit de l’approcher. Mais, par deux fois, les deux jeunes vont renouer, jusqu’à coucher ensemble – ce qu’on voit venir dès le début –, mais on ne saura pas de quelle manière, puisque la réalisatrice, visiblement, n’a pas su comment filmer la scène.
Ce canevas du garçon qui pense ne pas aimer l’autre mais finit par l’aimer quand même a déjà été utilisé, quoique beaucoup mieux, dans un film belge, Noordzee, Texas (en français, Sur le chemin des dunes). Et la référence du titre à Shakespeare est aussi prétentieuse que ridicule.
Miriam-Lukas est joué par un garçon assez convaincant, l’interprète de Fabio ne l’est pas moins, et tous deux échangent des regards brûlants. Mais le film n’offre pas davantage. On est donc déçu, et on pressent qu’il n’aura guère de succès.
Réalisé par Anthony Chen
Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2013
Sorti en France le 4 septembre 2013
Une famille apparement aisée de Singapour engage une domestique, Teresa, venue des Philippines, à laquelle, très gentiment, on confisque dès le début son passeport « pour le mettre en sécurité ». Son travail sera d’assurer les tâches ménagères, et aussi de servir de nurse au fils de la maison, Jiale, qui a huit ou dix ans et se montre plutôt insupportable – mais on devine dès le début que, conformément aux clichés du cinéma, Teresa va l’amadouer très vite et se l’attacher. Hélas, à cause de la crise de 1997, le père est licencié, et ne dit rien à sa femme, thème déjà utilisé au moins deux fois, à ma connaissance, par Laurent Cantet dans L’emploi du temps, et par Kiyoshi Kurosawa dans Tôkyô sonata. Bref, l’argent venant à manquer, on rend son passeport à Teresa, qui comprend immédiatement qu’elle doit plier bagages.
Le film est sobre, un peu inspiré par la vie du jeune réalisateur (il a vingt-sept ans et, après six courts-métrages, fait ici son premier long-métrage), très sympathique, bourré de notations justes sur l’enfance, sur l’exploitation des immigrés, et sur le chômage qui apparaît dans un pays jusqu’alors à l’abri. Mais enfin, et personne ne semble l’avoir remarqué, la réalisation comporte un magnifique faux raccord : au début de l’histoire, le garçon est victime d’un accident, qui lui vaut une fracture de l’avant-bras gauche, et pour lequel, ultérieurement, il portera un plâtre. Or, immédiatement après l’accident, on le voit prendre une douche (Teresa le lave tout nu), et il n’a aucune trace de sa fracture !
Soyons indulgents : dans le vide des programmes de cinéma actuellement, on aura au moins un film à sauver. Et comme Singapour, où l’on ne réalise rien de valable, nous envoie ce premier film qui tranche avec sa production habituelle, on ne va pas se plaindre.
Revu aujourd’hui Le troisième homme, film remarquable du grand Carol Reed, et qui date de 1949. L’histoire est envoûtante, et se passe dans la Vienne d’après-guerre, capitale d’une Autriche abondamment bombardée, divisée comme Berlin en quatre secteurs sous la férule des Alliés, quoique moins en ruines que celle du Troisième Reich. Bien entendu, elle est le siège de tous les trafics, et c’est précisément le point de départ de l’histoire : Holly Martins, écrivain sans envergure, arrive des États-Unis où il peine à gagner sa vie, et y vient parce qu’un ami d’enfance, Harry Lime, qui vit sur place, lui a offert, par correspondance, un travail dont il ne lui a pas soufflé mot. Mais lorsque Martins débarque, on lui apprend que Lime est mort : il a été victime d’un accident devant chez lui, et a déjà été enterré. Or, voulant en avoir le cœur net, Martins fait son enquête et découvre que son ami était une parfaite ordure, qui se livrait à un odieux trafic : avec la complicité d’un infirmier de l’hôpital militaire, il coupait avec de l’eau de la pénicilline volée, puis la revendait aux hôpitaux des autres secteurs, envoyant ainsi à la mort des dizaines de malades, dont de nombreux enfants. Plus tard, il s’avère que Lime n’était pas mort, que le corps enterré était celui de l’infirmier, et Lime le contacte pour lui offrir de le seconder dans son trafic. Mais Martins, indigné, refuse et aide la police à le chercher. Finalement, c’est lui qui le tue, à l’issue d’une chasse à l’homme dans les égoûts.
Le film bénéficie de nombreux atouts. Outre son thème principal, et qui relève de la morale (peut-on trahir son meilleur ami si celui-ci est un assassin ?), il y a ses interprètes, dont Orson Welles qui, comme de coutume, a écrit son propre dialogue, d’un cynisme réjouissant quoique odieux. Il y a la magnifique photographie en noir et blanc, presque toujours nocturne, si belle qu’elle serait digne de Gabriel Figueroa, le seul directeur de la photo qui était plus célèbre que les réalisateurs pour lesquels il travaillait – sauf lorsqu’il s’agissait de Luis Buñuel. Il y a la mise en scène, parfaite, très datée (abondance de plans à la caméra penchée, mais cela vaut sans doute mieux qu’une mise en scène « moderne » à la caméra portée !). Et il y a la musique, à laquelle je consacre donc un paragraphe à part.
J’ai noté que l’enregistrement actuel, sur Bluray, a conservé les sous-titres de l’époque (habituellement, on les refait, mais il est visible que cela n’a pas été le cas, alors qu’ils ne sont pas gravés sur l’image et que, placés dans un fichier à part, on peut les désactiver). En effet, le dialogue est dépourvu de ces expressions agaçantes qui sont à la mode aujourd’hui : on n’y dit pas « au final » mais « en fin de compte », qui est correct, et les soixante-dix livres sterling que coûte un flacon de pénicilline et dont il est question sont traduites dans les sous-titres par « soixante-dix mille francs », des anciens francs, exactement la valeur de l’époque – où le dollar valait 350 francs et l’once d’or 35 dollars. Et vous en trouverez, des sites sur le cinéma qui vous donnent ces précisions...
La musique, improvisée par Anton Karas et pour laquelle il n’existait aucune partition (on l’a reconstituée péniblement par la suite), a fait le succès du film, et on la joue encore tous les jours à Vienne. Elle était interprétée à la cithare, instrument typiquement viennois, et qui est très bizarre : c’est une sorte de guitare que le musicien pose devant lui, et qui comporte pas moins de quarante cordes, réparties en deux groupes, de cinq et de trente-cinq cordes. L’instrumentiste n’utilise que sa main gauche et son pouce droit pour les cinq cordes, qui servent surtout à la mélodie, et joue l’accompagnement sur l’autre groupe, avec les quatre autres doigts de sa main droite.
Or le style de cette musique, si envoûtante et obsédante qu’elle a fait injustement oublier le film, a ceci de particulier qu’il ne correspond pas du tout à celui du récit ! Elle est essentiellement folklorique et nostalgique, ce que le film n’est en rien. Ce phénomène est rare, mais il existe parfois. Ainsi, François Truffaut a toujours regretté d’avoir confié la musique de son premier long-métrage Les quatre cents coups, à Jean Constantin, un compositeur de chansons plutôt fantaisistes, et, par la suite, n’a fait appel qu’à des compositeurs célèbres et classiques. Or cette musique qu’il désavouait est pratiquement la seule, de ses films, dont le public se souvient, si l’on excepte celle que Bernard Herrmann a composé pour La mariée était en noir. Il y eut aussi la musique de Jerry Goldsmith pour La planète des singes (la première version et la seule bonne, celle de 1968), de style très avant-gardiste, et qui surprenait beaucoup.
Réalisé par Dean Parisot
Sorti en Croatie, Grèce, Israël et Corée du Sud le 18 juillet 2013
Sorti en France le 28 août 2013
Je n’aurais pas eu l’idée d’aller voir ce film s’il n’avait pas été conseillé à la radio par Raphaël Enthoven. Et convenez qu’un conseil de ce philosophe très médiatique, père du premier enfant de Carla Bruni, DOIT être suivi !
Blague à part, le film, dont l’intrigue n’a aucune importance, est aussi distrayant que bien réalisé, et voir Helen Mirren, qui a l’habitude de jouer les reines puisqu’elle a déjà interprété les deux Elisabeth et la reine Charlotte, porter encore la couronne quelques secondes, mais pas celle de la Queen, prétendre s’appeler Victoria, jouer les tueuses à gages (je n’ai pas bien compris si elle travaillait pour ou contre le MI6, les services d’espionnage – pardon ! de contre-espionnage) de Sa Majesté, et dissoudre un cadavre à l’acide dans une baignoire, ce n’est pas un spectacle quotidien.
Construit sur l’accumulation, le récit est bourré de fusillades laissant des centaines de douilles sur le sol, et de cascades très marrantes, notamment dans Paris, sur les quais de la Seine : ces sagouins ont osé emboutir l’étalage d’un bouquiniste, ce qui devrait vous faire frémir d’horreur. Naturellement, les vedettes en font des tonnes dans l’autodérision. Il n’y manque guère que Stallone et Schwarzy, inexplicablement absents. Mais il y a du faux Russe et du vrai Coréen (l’interprète de J’ai rencontré le Diable) comme s’il en pleuvait.
Réalisé par Fabienne Godet
Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 24 août 2013
Sorti en France le 28 août 2013
On rit : ce film, tourné en Belgique avec une vedette belge, n’est pas sorti dans ce pays...
« Le malheur vous oblige à être modeste », dit Poelvoorde à une femme hospitalisée pour être tombée du toit. Être scénariste francophone, apparemment, ne vous conduit pas à la même modestie qui vous éviterait d’écrire des dialogues prétentieux. Et plus tard, « Réaliser nos rêves, c’est ce qui nous tue », aphorisme complété ultérieurement par « Mais ne pas les réaliser aussi ». Mais alors, que faire ? Solution page 38.
Donc, Antoine Dumas, photographe talentueux – c’est du moins ce qu’on nous dit – est fasciné par l’Étude n° 12 opus 10 de Chopin que joue sa voisine d’en face. Il faut dire que cette étudiante en archéologie sous-marine, dans son modeste appartement, a un piano à queue, objet très répandu chez les étudiants. De toute évidence, Fabienne Godet a vu Ces amours-là, de Claude Lelouch, qui, encore plus audacieux, avait placé un Steinway dans la loge d’une concierge !... (NB : actuellement, le Steinway le moins cher coûte 136 850 euros)
Mais l’étudiante-pianiste tombe du toit (elle jurera ne pas avoir voulu se suicider, ce qu’on croit volontiers, puisqu’elle s’apprêtait à passer sa thèse), et se retrouve à l’hôpital, où Antoine, qui a photographié sa chute, va la voir, sinon il n’y aurait pas de film. Évidemment, il en tombe amoureux, mais ce n’est pas réciproque (inutile et racoleuse scène de nu copulatoire avec un autre homme, on ne saura pas qui, peu avant la fin. Sa thèse passée, elle part en Égypte faire des fouilles au large d’Alexandrie, mais elle est victime d’un autre accident dont on ne saura pas davantage, est rapatriée en France, et meurt.
Poelvoorde est bon, et il y a aussi un petit garçon qui ne le quitte pas et qui adore s’habiller en Blanche-Neige. Mais le film, un peu vide, ne dit pas grand-chose. C’est sans doute pour cela qu’après deux semaines d’exploitation, il est passé dans un placard à balais pourvu de 44 places... où j’étais le seul spectateur.
Réalisé par Jazmín López
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 3 septembre 2012
Sorti en France le 7 août 2013
Beaucoup de films argentins sortent à Paris, et on en a vu de très bons, voire d’excellents. Celui-ci tranche sur le reste, car il restera comme le pire qu’on a pu visionner depuis des années. Et sa réalisatrice, qui n’avait que vingt-huit ans lorsque son film a été présenté à Venise, s’illusionne si elle pense, avec beaucoup de prétention, que multiplier les références au cours de ses interviews (à Hitchcock, à Antonioni) va donner du corps à son film – lequel ne montre que le vide – et pourra établir « une relation plus forte » entre lui et les spectateurs : en fait, une fois de plus, j’étais le seul spectateur dans la salle où je l’ai vu (même les jeunes gérants du cinéma, que j’ai questionnés, ne l’avaient pas vu !), et, sur cinq semaines, seuls trois spectateurs ont rédigé des critiques, toutes défavorables, sur le site Allociné. Quant aux critiques professionnels, « L’Humanité » mentionne « ces lents panoramiques circulaires dont on pense qu’ils vont révéler quelque drame (...), mais non, rien », alors que « Libération » parle d’une « baguenauderie inquiétante [où] la cinéaste peine à dévier d’une démonstration de maîtrise (indéniable) assez creuse », alors que « Les cahiers du cinéma » donnent le coup de grâce en mentionnant que « le film ne repose que sur un dispositif qui s’épuise par systématisme [et qu’à] la monotonie conceptuelle vient s’ajouter un effet de déjà-vu ».
C’est navrant, car l’équipe technique (et pléthorique) du film a fait du bon travail : la photographie, entièrement en extérieurs et sans éclairage d’appoint, est très bonne, les prises de vue à la steadicam ont dû coûter cher, et le son est parfait. Tout est donc dans le scénario, ou plutôt l’absence de scénario, puisque les scènes ont été improvisées sur canevas par les six acteurs. Certes, la réalisatrice avait une préoccupation honorable : tourner le plus possible en longs plans-séquence. Mais lorsque Welles ouvre Touch of evil avec un plan qui traverse tout le centre de la ville, quand Altman fait un plan de huit minutes et demie dans The player, quand De Palma fabrique un faux plan-séquence de douze minutes et cinquante secondes au début de Snake eyes, ou quand Aleksandr Sokurov filme en un seul plan L’arche russe, qui dure 95 minutes, ils montrent des personnages qui agissent, qui parlent, dans des décors significatifs, et il se passe quelque chose sur l’écran. Ici, on ne montre que six jeunes gens qui, interminablement, marchent dans les bois – l’un disparaîtra sans que rien se soit passé qui motive cette absence –, et l’on retiendra ces deux plans : le premier montre une voiture de luxe abandonnée sur place, très endommagée, dans laquelle monte une fille qui se met à écouter du Bach en pleurant. Puis la caméra fait lentement le tour complet de la voiture et s’en écarte pour s’enfoncer dans le bois, ne montrant plus alors, durant cinq longues minutes, que des buissons et des feuilles. On se dit qu’à la fin de son travelling, elle va nous faire découvrir un drame affectant les autres personnages, mais non, ils vont très bien et préparent un feu de camp pour passer la nuit. Le second plan suit la fille qui, ayant abandonné la voiture, marche seule, dans un paysage sablonneux, et qui finit par arriver à la mer, après avoir marché durant neuf minutes environ. La caméra fait alors volte-face et montre ses quatre compagnons qui la rejoignent. Fin du film.
La réalisatrice est une actrice, que je ne connais pas. Elle devrait se borner à faire ce métier.
Réalisé par Nicolas Mercier
Sorti en France (Festival d’Angoulême) le 24 août 2013
Sorti en France le 4 septembre 2013
Le film, au bout d’une semaine, a quitté les grandes salles pour passer dans un placard à balais, où nous n’étions que deux pour le voir. Pas très étonnant, ce premier film d’un scénariste qui n’a travaillé que pour la télévision – et semble très intéressé par l’homosexualité – ne convainc guère.
En bref, Eddy Mitchell, père divorcé, commence à perdre la tête, et ses deux fils, qui ne s’entendent guère, le placent dans une maison de retraite de luxe, où son état s’aggrave. Après quelques péripéties destinées à mettre en évidence le gouffre qui sépare Luc (personnage bâclé, un scénariste homosexuel que, conformément aux habitudes françaises, on ne voit jamais écrire), et Romain (qui n’a aucun succès avec les filles et ne vit que pour travailler), le père meurt, et c’est enfin l’occasion pour les deux frères de... se marrer ensemble en commandant le cercueil.
Le film, qui a l’avantage d’être court, n’est pas désagréable, mais il ne montre aucune émotion malgré le sujet, dont on se dit qu’il n’est pas traité. Beaucoup de détails semblent là pour le pittoresque plus que pour faire avancer l’action. En fait, il n’y a rien à en dire.
Réalisé par Emmanuelle Bercot
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 15 février 2013
Sorti en France le 18 septembre 2013
Bettie a soixante ans et vit avec sa mère. Elle tient un restaurant assez chic à Concarneau. Elle a aussi un amant, qui l’abandonne pour une fille de vingt-cinq ans. Du coup, elle monte dans sa Mercedes et s’en va, comme dit le titre. Plus tard, sa fille, qui la déteste non sans raison, lui téléphone pour lui demander de garder son fils, car elle doit passer un entretien afin de décrocher un emploi : Bettie est priée de conduire le gosse chez son grand-père, qui est maire d’une petite ville très loin de là. Il s’avère que l’enfant, qui a une dizaine d’années, est parfaitement insupportable, mais, comme dans tous les films où ce genre d’affrontement est traité, on devine dès le début qu’à la fin, il va A-DO-RER sa grand-mère. Bref, le film est un festival de clichés, sur tous les sujets, à commencer par la vie de province. Très vite, il se transforme en road movie, avec tous les poncifs du genre ; comme de passer l’intégralité d’une chanson sur des images de voiture qui roule, truc déjà vu – et subi – dans dix mille films auparavant, ou d’introduire dans l’histoire des épisodes plus ou moins improvisés qui n’intéressent que la réalisatrice.
Reste Catherine Deneuve, qui se défend parce que c’est une grande professionnelle du cinéma, et une courte séquence avec Mylène Demongeot. On n’a aucun mal à deviner que Bettie va retrouver un nouvel amour en la personne de ce grand-père très fringant qu’elle ne connaissait pas et qui, d’abord très bourru, tombe évidemment amoureux d’elle, sinon il n’y aurait ni film, ni ce cliché ultra-récurrent du grand repas chez lui, lequel, à la fin, réunit tous les personnages de l’histoire, y compris ceux qui se trouvaient à cinq cents kilomètres de là et ont fait le déplacement pour justifier la scène !
Détail : le gosse est le fils de la réalisatrice. Maintenant que Chabrol est mort, elle veut voler sa spécialité (le népotisme) à René Féret, ou quoi ?
Réalisé par Bernardo Bertolucci
Titre original : Io e te
Sorti en France (Festival de Cannes) le 23 mai 2013
Sorti en France le 18 septembre 2013
Lorenzo, qui a quatorze ans, a gardé pour lui l’argent des vacances en classe de neige de son collège, et racontera ensuite des bobards au téléphone à sa mère durant toute son absence. En fait, il n’est pas absent, il est allé se réfugier dans la cave pour ne pas subir la présence de ses condisciples. Formidable, cette cave, elle est un tout petit peu plus grande que la Galerie des Glaces à Versailles, contient un lit, un canapé, un fauteuil, un lampadaire, des placards où sont rangées des dizaines de robes de femme, et elle recèle un lavabo et des toilettes à la turque, sans compter ce que Lorenzo y a apporté : un ordinateur, un walkman et... une fourmilière (symbole d’une autre civilisation). Un soupirail permet de voir l’extérieur, ce qui est bien pratique pour rompre la monotonie.
Mais comme ce début ne suffirait pas à faire un film, une fille vient le rejoindre : c’est sa demi-sœur, Olivia, dont bien sûr il ignorait l’existence. Pour tout arranger, c’est une droguée à l’héroïne, et comme elle est en manque, elle le supplie de lui trouver un médicament pour sortir de cette épreuve. Lorenzo va donc voler des somnifères à l’hôpital où se trouve sa grand-mère, et il en rapporte quelques fioles. Olivia avale le contenu d’UNE fiole, et, dès le lendemain matin, elle est GUÉRIE ! Là-dessus, on introduit un troisième personnage dans la cave (vous l’auriez parié), l’amant de la fille, qui a l’âge d’être son père mais qui est plutôt, si on a bien compris, son pourvoyeur de drogue. Lorenzo le vire, mais, quelques jours plus tard, alors que les vacances en classe de neige sont finies et que Lorenzo doit retourner dans son appartement (sa mère, au courant de rien, le trouve bronzé !), elle décide de partir, et il l’accompagne pour faire un bout de chemin ensemble avant les adieux. Fin du film.
Lorenzo est joué par un débutant qui est sans doute plus âgé que ses quatorze ans, affligé d’un acné envahissant et d’un visage aussi poilu que celui du yéti. Par chance, sa mère est beaucoup plus agréable à regarder, elle est jouée par Sonia Bergamasco, très bonne actrice qui était la pianiste terroriste dans le sensationnel téléfilm de six heures Nos meilleures années, en 2003.
Hormis peut-être deux films de ses débuts, Le conformiste et La stratégie de l’araignée, je n’ai jamais goûté les films de Bertolucci (devenu handicapé, il n’a pas tourné depuis dix ans, avec ce navet sur mai 68, The dreamers). Tantôt ils sont racoleurs, comme Luna, Le dernier tango à Paris ou Novecento, tantôt ils sont trop longs comme Le dernier empereur, tantôt les deux (encore Novecento). Aussi en ai-je sauté quelques-uns, et seule la curiosité après sa longue absence m’a incité à voir celui-ci. Mais j’estime avoir perdu mon temps, Bertolucci reste un cinéaste surfait.
Réalisé par Steven Soderbergh
Titre original : Behind the candelabra
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2013
Sorti en France le 18 septembre 2013
Pourquoi ce film a-t-il été récompensé avant-hier aux Emmy Awards, qui sont l’équivalent des Oscars pour la télévision, alors que c’est un film de cinéma ? Parce qu’il a été produit par la chaîne de télévision à péage HBO, qui a produit des chefs-d’œuvre télévisuels, comme Six feet under. Il semble que les studios de cinéma soient devenus si frileux qu’un tel sujet (la vie tumultueuse d’un couple homosexuel mâle) les ait effrayé. Mais lorsqu’on se souvient que I love you Philip Morris, présenté au festival de Sundance le 18 janvier 2009, n’a paru ensuite que dans DEUX festivals des États-Unis et n’est jamais sorti en salles, on n’est plus étonné du tout ! Si bien que HBO l’a diffusé et a eu 2,4 millions de téléspectateurs en une seule soirée.
Mais tout de même, c’est étrange, la publicité du film, pour ne pas parler de matraquage, n’a cessé de nous seriner que Valentino Liberace, pianiste homosexuel, avait été « plus célèbre qu’Elvis Presley » et autres vedettes mondiales, or jamais je n’avais entendu parler de lui ! En fait, il est totalement inconnu en France, et je dois ajouter que sa musique ne dépassait pas le niveau de celle d’André Rieu aujourd’hui ou d’Eddy Duchin autrefois, à laquelle elle ressemble beaucoup mais avec trente ans de retard puisque Duchin se produisait dans les années quarante (et si vous savez pas qui était Eddy Duchin, cherchez un peu, car il a été, lui aussi, une sorte de gloire nationale aux États-Unis, quasiment à l’égal de Glenn Miller, alors qu’il était bien moins talentueux).
L’histoire ? Agréable car visuellement flamboyante, mais bourrée de clichés sur les gays, comme il semble impossible de ne pas le faire au cinéma, et sans un atome de surprise : Scott Thorson, jeune homme plutôt beau et qui a une vocation de vétérinaire, est présenté par hasard à ce pianiste très médiatique, qui en fait très vite son homme de confiance et son amant. Scott se prétend bisexuel, sans que jamais on le voit avec une fille, et sa fortune est faite... temporairement, car il a le défaut d’être coincé et de refuser pour son compte la sodomie passive. Si bien que, frustré, Liberace lui trouve des remplaçants, lui coupe les vivres et récupère presque tous les cadeaux qu’il lui avait faits. Avec cela, une parfaite tartufferie : Liberace niait être gay, faisait raconter dans les journaux qu’il avait perdu sa virginité à seize ans avec une fille, et qu’il aimait follement Sonja Henie – une patineuse devenue vedette au cinéma : entre 1927 et 1948, elle a tourné dans treize films, nécessairement un peu étriqués sur le plan du scénario ! Mais tout cela, c’était du baratin.
C’est le gigolo abandonné qui a écrit le livre à l’origine du film. Il est ici joué par Matt Damon, dont on doit convenir qu’il est aussi talentueux que regardable (il montre fugitivement ses fesses à deux reprises, mais, contrairement à ce qui a été dit, les deux hommes ne s’embrassent en vérité jamais), et n’a pas été abîmé comme l’a été DiCaprio, vieilli de vingt ans en l’espace d’une dizaine d’années. Cependant, la vedette est Michael Douglas, qui en fait des mégatonnes, quoique pour le bon motif, puisque Liberace était tout sauf discret. On doit aussi lui rendre cet hommage, qu’il joue réellement du piano (pour l’image, pas pour le son où il est doublé), et dans des morceaux d’une folle et spectaculaire virtuosité : il a eu pour cela deux entraîneurs, et se tire parfaitement de l’épreuve.
Néanmoins, ce sont les maquilleurs qui auraient dû ramasser les récompenses ! On comprend pourquoi en voyant le film, mais j’aimerais bien savoir comment on a pu mettre des lentilles de contact au chien... qui a obtenu à Cannes la seule récompense décernée au film en France, la Palme Dog (sic) !
Aujourd’hui, j’ai voulu revoir Plein soleil, qui a été réalisé en 1960, et qu’on a ressorti le 10 juillet dernier, après l’avoir « restauré », prétendent les marchands de soupe qui vendent des DVD et des Bluray.
Horreur ! Le film a été recadré. À la sortie, il était au format 1,66:1, qui commençait à être assez répandu, mais surtout pas au format 16/9, c’est-à-dire 1,78:1, tant prisé des possesseurs de nouveaux écrans plats, car ce format N’EXISTAIT PAS ! Il y avait principalement les formats 1,37:1 (proche de celui de la télévision), le 1,50:1 (la Vistavision, procédé inventé par la Paramount mais qu’elle est seule à avoir utilisé, sans grand succès), le 2,20:1 (le Todd-Ao), le 2,35:1, et le 2,55:1 (le CinemaScope).
Comment procèdent les marchands de soupe dont je parle ? C’est très simple, ils coupent le haut et le bas de l’image, et l’affaire est dans le sac, car le cadre semble ainsi élargi, alors qu’en fait, il manque 7,4 % de la surface initiale. Comme le public ne se soucie jamais de ce genre de détail et que les réalisateurs, morts depuis longtemps, ne sont plus là pour se plaindre, cette escroquerie n’est dénoncée en aucun cas.
Dans le cas de Plein soleil, je me suis aperçu de l’arnaque dès le générique. En effet, le titre du film, dans la version vue aujourd’hui, ne tenait pas dans le cadre de l’image, il manquait le haut et le bas des caractères. Mais, me direz-vous, comment sais-tu que ce n’était pas le cas dès l’origine ? Je le sais, car j’avais fabriqué le 30 juillet 2006 un DVD avec la version qui était passée à la télévision (sur Arte, je crois), et que, là, l’image était complète, comme ici :
Moralité : n’achetez surtout pas le DVD qui doit être en ce moment dans le commerce, c’est un abus de confiance. D’ailleurs, souvent au cours du film, on constate que le haut des visages manque – c’est toujours plus flagrant que le bas, à cause des yeux et des cheveux. Cerise sur le gâteau, une annonce au début du film prétend qu’il a été restauré et numérisé dans le format 4K (théoriquement, 4096 pixels en largeur ; en réalité, 3840). Or c’est faux, l’image n’a rien gagné en définition, elle reste assez médiocre. Le moindre DVD non trafiqué donne une image meilleure.
Réalisé par Roland Emmerich
Sorti en Indonésie le 26 juin 2013
Sorti en France le 4 septembre 2013
C’est bien à tort que les critiques snobinards font la moue devant les films de Roland Emmerich, parce que ses films sont bourrés d’un humour peut-être pas tout à fait apparent, et parce qu’il est très bon dans ses réalisations. Un petit détail que personne ne relève : en 2009, il sort son film 2012 ; en 2013, il sort le présent film, qui se passe en 2014. Toujours un temps d’avance ! Cela dit, 2012 était plus spectaculaire, car White House down est plutôt un festival de castagne, mais Emmerich, peut-être parce qu’il est allemand, reste fidèle à sa marotte, démolir la Maison-Blanche, où siège le président des États-Unis – noir une fois de plus, autre constante. Pourtant, cette fois, c’est moins brutal, puisque, au lieu de l’écraser, en passant, sous un porte-avion sarcastiquement baptisé « John Fitzgerald Kennedy », il la fait démolir lentement, par petits morceaux. J’avoue, connaissant le personnage, puisque c’est la quatrième fois qu’il utilise ce gag – et il cite même son film Independence day –, m’être beaucoup amusé (et être allé voir le film en sachant parfaitement ce qui m’attendait).
Comme dans un film avec Bruce Willis ou Stallone, un héros musclé, John, va sauver le président, le pays tout entier, et, pourquoi pas ? l’Iran. En effet, deux méchants ont monté un complot contre le président Sawyer (dommage, il ne se prénomme pas Tom), l’un, parce qu’il lui en veut de n’avoir pas attaqué le pays des ayatollahs, l’autre parce qu’il a trouvé le moyen de devenir président à la place du président. Et la situation sera dénouée grâce au héros musclé dont je parlais, joué par Channing Tatum, qui est ici policier mais fut un bon strip-teaser l’année dernière, dans Magic Mike. Comme quoi, malgré ses détracteurs, il peut tout faire. Mais le traître, qui a réussi, après la mort présumée du président et celle bien réelle du vice-président, à être investi à leur place, a besoin de détruire les preuves de son complot, lesquelles se trouvent... à l’intérieur de la Maison-Blanche ; donc il envoie l’aviation pour détruire le bâtiment (duquel, à vrai dire et à ce stade, il ne reste déjà plus grand-chose vu les avanies que les diverses bagarres à la mitrailleuse et à la grenade lui ont fait subir !). Et les militaires, vous les connaissez, ils font ce qu’on leur dit, un ordre du président, fût-ce par intérim, c’est sacré. Et devinez qui va sauver la Maison-Blanche ? La petite fille de Channing Tatum, très admiratrice du vrai président (qui n’est pas mort), et qui sort sur la pelouse présidentielle en agitant un drapeau, ce qui suffit à attirer l’attention des pilotes, lesquels, du coup, hésitent à bombarder le lieu sacré, le temps, à terre, que les bons démasquent le plus méchant des méchants.
Comme on voit, tout cela est d’une crédibilité en béton.
Réalisé par François Dupeyron
Sorti en Espagne (Festival de San Sebastián) le 22 septembre 2013
Sorti en France le 25 septembre 2013
Ce titre prétentieux (il rappelle le ridicule De battre mon cœur s’est arrêté) cache le ratage de l’année ; cela, parce que le scénariste, parti d’un bon sujet pris dans le roman dont il est l’auteur, le perd en route. Et comme le réalisateur est aussi mauvais que le scénariste puisque c’est le même homme, le désastre se confirme très vite.
Le sujet ? Un homme solitaire hérite de sa mère défunte un don (de guérisseur, mais l’important n’est pas là), et refuse de s’en servir parce qu’il a peur des conséquences. Or, à moto, il a renversé un enfant, qui aboutit à l’hôpital, dans le coma, donc il tente de le ranimer, ce qui l’oblige à entrer dans cette activité pseudo-médicale et à traiter des clients. Notez qu’à aucun moment il ne guérit qui que ce soit, ce qui est un peu fort de café pour justifier son succès. Mais au bout d’une demi-heure, le sujet est oublié et on passe à autre chose, c’est-à-dire une suite de conversations si oiseuses qu’on n’est pas loin de Kechiche ! Des bagues entre copains dans un café, une bagarre dans un autre café, les bisbilles entre le frère de Frédi et sa femme pour cause d’adultère commis par le mari, des conversations avec le père (va-t-il lâcher son travail, va-t-il en reprendre un autre ?), et un début d’histoire d’amour avec une fille alcoolique qui vit dans un palais que lui a laissé son amant peintre qui la battait.
De ce délayage insensé et vite insipide, ne surnagent que deux scènes avec les mères, toutes deux agressives au départ, de l’enfant accidenté, puis d’une petite fille atteinte de leucémie, qui ne guérira pas davantage. Il y a aussi ce bébé, qu’on verra pas, et qui a bu un produit corrosif servant à déboucher les éviers mais que je ne peux le nommer, car ma déontologie met des stops à la publicité clandestine. Le tout filmé : 1. avec une caméra portée qui gigote sans arrêt et surtout sans raison, et 2. en contrejour pour la moindre prise de vue en extérieurs. Bizarrement, le réalisateur semble adorer le fait de pointer sa caméra vers le Soleil, et l’image alors devient complètement jaune – cela, une demi-douzaine de fois au moins.
Si bien que le film, déjà long (2 heures et 2 minutes), ne semble que s’étirer davantage. On a cru que Dupeyron était un réalisateur expérimenté car il avait fait La chambre des officiers en 2001, « mais c’était avant », comme dit la publicité.
Une remarque : Dupeyron n’a trouvé ni chaîne de télévision ni distributeur pour financer son film, jugé sans intérêt. Et figurez-vous que certains producteurs ont estimé que le sujet n’était pas traité. Mais où sont-ils allés chercher tout ça ?
Je répète souvent que les scénaristes français ne se documentent pas sur les milieux dans lesquels ils prétendent placer leurs personnages. Et Dupeyron illustre parfaitement cette fainéantise. Il y a dans son film une scène assez ridicule, où l’on voit son personnage principal se présenter à l’hôpital où gît, dans le coma, le gosse qu’il a renversé, afin de le voir. Une infirmière lui demande s’il est de la famille du petit accidenté, et il répond que oui, c’est son cousin ; un mensonge, donc. Elle le conduit alors jusqu’à la chambre de l’enfant, inanimé, bardé de tuyaux et sous l’assistance respiratoire d’une machine.
Mais écoutez l’infirmière : « Vous pouvez lui parler, il vous entendra peut-être. Vous pouvez aussi le toucher. Je vous laisse, si vous avez besoin de moi, je suis dans la pièce voisine ».
Je me suis renseigné : une infirmière qui laisserait un inconnu, seul, dans la chambre d’un enfant dans le coma, prendrait aussitôt la porte de l’hôpital qui l’emploie ! Au chevet d’un enfant dans cet état, on n’admet que la mère OU le père (pas les deux à la fois), et personne d’autre.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.