Œuvres citées : Captive – Serbis – Kinatay – Compliance – I comme Icare – Kirikou et les hommes et les femmes – Kirikou et la sorcière – Kirikou et les bêtes sauvages – Después de Lucía – Funny games – Bully – Daniel y Ana – Mortem – Taken 2 – Taken – Dans la maison – Ricky – Potiche – Cherchez Hortense – La guerre est déclarée – Le terminal – Psychose – Karaté Kid – Camille redouble – Big – Elle s’appelle Ruby – Ruby Sparks – There will be blood – Little miss Sunshine – In another country – Da-reun na-ra-e-suh – Ted – The beaver – César doit mourir – Cesare deve morire – Padre padrone – Good morning, Babilonia – Intolérance – Insensibles – [REC] – Nói albínói – God bless America – A horrible way to die – If... – Bachelorette – La garçonnière – Barry Lyndon – J’enrage de son absence
Personnes citées : Brillante Mendoza – Michel Ciment – Isabelle Huppert – Timothy Mabalot – Michel Ocelot – Bénédicte Galup – Susie Morgenstern – Cendrine Maubourguet – Jean-Marie Le Pen – Marine Le Pen – Jean-François Copé – Michel Franco – Larry Clark – Éric Atlan – Henri Jeanson – Olivier Megaton – Luc Besson – François Ozon – Fabrice Luchini – Pascal Bonitzer – Jérôme Garcin – Jean-Marc Lalanne – Xavier Leherpeur – Michel Ciment – Stanley Kubrick – Pascal Thomas – Éric Neuhoff – Alfred Hitchcock – Orson Welles – Sacha Gervasi – Steven Spielberg – Alma Reville – Stephen Rebello – Scarlett Johansson – Janet Leigh – Jessica Biel – Vera Miles – Anthony Hopkins – Helen Mirren – Marlon Brando – Napoléon Bonaparte – Ralph Macchio – Joe Stefano – James D’Arcy – Anthony Perkins – Wallace Langham – Saul Bass – Paul Schackman – Bernard Herrmann – Josh Yeo – John Gavin – Richard Chassler – Martin Balsam – Danny Elfman – Tim Burton – Noémie Lvovsky – Francis Coppola – Tom Hanks – Jonathan Dayton – Valerie Faris – Paul Dano – Sang-soo Hong – Éric Rohmer – Isabelle Huppert – Seth MacFarlane – Jodie Foster – Paolo Taviani – Vittorio Taviani –David Wark Griffiths – Juan Carlos Medina – Pedro Almodóvar – Luis Berdejo – Tomas Lemarquis – Bob Goldthwait – Leslye Headland – Billy Wilder – Stanley Kubrick – John Alcott – Leon Vitali – Sandrine Bonnaire
Réalisé par Brillante Mendoza
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 12 février 2012
Sorti aux Philippines le 9 juin 2012
Sorti en France le 19 septembre 2012
Décidément, j’ai bien fait de ne pas écouter l’avis de Michel Ciment sur France Inter, où il déconseillait ce film ! Il faut dire que je savais, depuis la sortie de Serbis en 2008, que Ciment détestait Mendoza, pour d’obscures raisons habillées d’un prétexte fumeux : Ciment n’aime pas les sujets de ses films, qu’il estime sans intérêt. Certes, Kinatay ne valait pas un clou, et rebutait (l’assassinat d’une prostituée par un gang de policiers véreux, qui la dépeçaient et semaient les morceaux de son corps dans les poubelles de Manille, le tout précédé et suivi d’une interminable traversée de la ville, de nuit et au milieu des embouteillages), mais tous les autres films de Mendoza que j’ai pu voir sont passionnants et fort bien faits. Passons.
L’action se déroule dans l’île de Palawan, entre juin 2001 et juin 2002, avec, à mi-parcours, la destruction des deux tours du World Trade Center, très loin de là et dont seule la radio rend compte dans la jungle philippine. Des guérilleros musulmans baptisé « groupe Abou Sayaf » (il a réellement existé) ont enlevé plusieurs personnes, de toutes nationalités, pour obtenir une rançon de leurs proches, mais en habillant leur méfait d’un prétexte : protester contre la colonisation de leur île de Mindanao et le refus du gouvernement central d’écouter leurs revendications. Il faut noter que le fait de brailler sans cesse « Allah akbar ! » et d’interdire que les femmes qu’ils gardent en otage montrent leurs bras ou leurs jambes, ou soient approchées par un homme qui ne soit pas leur mari, n’empêche pas le chef de ces révolutionnaires d’« épouser » de force une de ces femmes déjà mariée, puis de la violer. Mais rien à objecter, puisque ce dieu bienveillant a prévu que tout fidèle sera récompensé par l’attribution de soixante-dix vierges qui l’attendent au paradis...
De ce groupe d’otages émerge une Française, quadragénaire, mère de trois enfants et qui travaille dans l’humanitaire, Thérèse Bourgoine, incarnée par Isabelle Huppert, dont je ne dirai certes pas, comme Ciment, qu’elle n’a rien à faire et n’est là que pour justifier le financement du film (il est coproduit par les Philippines, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France) : elle est au contraire excellente et ne se contente pas de faire acte de présence. Certes, le film a bénéficié de gros moyens, même s’il n’y a eu aucun tournage en studio, car j’ai noté l’utilisation en plein jungle de deux caméras sophistiquées, très coûteuses, une steadicam, et une louma, cette dernière n’ayant servi que dans une seule scène. On a aussi réalisé en images de synthèse la scène poétique où Isabelle Huppert rencontre un oiseau typique du pays, un Sarimanok – qui n’existe pas, il fait partie du folklore local.
Il y a aussi cette curieuse relation qui s’instaure entre la Française et un guérillero faisant partie du groupe depuis deux ans et disant en avoir douze. Il se déclare sans famille, et, lorsqu’il s’endort à ses côtés, elle découvre qu’il a sur le dos d’atroces marques, sans doute de brûlures, dont on n’aura jamais l’explication. Touchée, la Française le prend en affection, et il semble y répondre, mais, plus tard, il la rudoie quand il croit qu’elle a voulu s’échapper. Ce personnage, très beau, est joué par un jeune acteur connu aux Philippines, Timothy Mabalot, qui en est à son huitième film et en a tourné un autre après celui-ci.
À la fin, l’armée délivre les captifs. La dernière réaction de Thérèse est d’appeler Hamed, le jeune garçon, mais il a probablement été tué.
Réalisé par Craig Zobel
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 21 janvier 2012
Sorti en France le 26 septembre 2012
On n’est pas surpris que ce curieux film soit sorti d’abord au festival de Sundance, où l’on n’apprécie rien tant que le bizarre et le bien-pensant... En fait, le film est une illustration du principe de la soumission à l’autorité, déjà illustré par la séquence la plus marquante d’un film d’Henri Verneuil, I comme Icare, et par une émission de télévision passée il y a quelques années sur France 2, qui avait produit un tel scandale qu’elle est restée sans suite. Résumons : un volontaire, dans le cas du film (plusieurs, dans le cas de l’émission de télé), soumettait un individu à des chocs électriques de plus en plus intenses, parce que le maître de jeu de l’expérience « scientifique » à laquelle il croyait participer en donnait l’ordre. S’estimant couvert par une autorité supérieure, il obéissait, sans savoir que la victime était en réalité un comparse, un acteur simulant la douleur qu’il était censé ressentir. Le but caché était de voir jusqu’où irait ce véritable cobaye, apprenti tortionnaire. Lorsque le pot-aux-roses était révélé, on procédait à l’explication de l’expérience et au debriefing des motivations, et c’était gratiné.
Ici, la gérante d’un fast-food reçoit un coup de téléphone que lui passe un prétendu policier, lui prescrivant de fouiller l’une de ses jeunes employées, laquelle aurait volé une cliente. De fil en aiguille, cela va très loin, la pauvrette est déshabillée entièrement, puis laissée à la garde d’un autre employé masculin, puis à celle du fiancé de la gérante, et tous obéissent au « policier », qui est en fait un employé de banque, père de famille et... détraqué sexuel, la séquence culminant lorsqu’il ordonne au fiancé de fesser la fille pour la « punir », puis de se faire faire une fellation pour le récompenser d’avoir si bien obéi au policier ! Bien entendu, celui-ci sera démasqué lorsqu’un homme, employé du fast-food et possesseur, lui, d’un cerveau, refusera de prendre la succession de cette chaîne d’imbéciles naïfs, enverra promener ce faux policier qui lui demande « des trucs pas nets », et fera prévenir la véritable police !
L’astuce du scénario consiste à ne pas montrer le faux policier pendant la première moitié du film, donc à ne pas révéler l’imposture, laissant le spectateur comprendre par lui-même qu’il y a imposture. Le défaut du scénario, c’est qu’on peine à croire que les personnages soient bêtes à ce point et avalent tout... bien que, dans la réalité, les choses se soient passées ainsi ! En somme, le vrai peut n’être vraisemblable, un autre l’a dit avant moi. Mais passons, et ne pinaillons pas.
Techniquement, presque tout le film est réduit à cette longue conversation téléphonique en temps réel et quasiment à huis-clos. Comme souvent, des cartons de début et de fin avertissent que tout cela est tiré de faits réels, mais peu importe, les États-Unis sont un pays de fous, de crédules et de barbares, où de telles choses n’étonnent plus.
La réalisation est très classique, et très fauchée, ce qui ne nuit pas en l’occurrence. On s’étonne en revanche un peu que certains passages musicaux soient joués au violoncelle. On croyait que ce genre de prétention était typique des films français ! Mais la fin, superflue, est assez plate, où la gérante, poursuivie en justice par la victime, avoue qu’elle a tout gobé. On l’avait compris...
Réalisé par Michel Ocelot
Sorti en France le 3 octobre 2012
Troisième et dernier film sur Kirikou, le petit Africain qu’avait naguère inventé Michel Ocelot, et que la pression populaire l’a contraint à prolonger – mais ce sera le dernier épisode, car son auteur refuse de le laisser utiliser par d’autres que lui. Il a bien raison, on a vu ce que sont devenus Lucky Luke et Astérix.
Il s’agit de cinq contes africains, qu’il a écrit, seul ou avec Bénédicte Galup, Susie Morgenstern et Cendrine Maubourguet. C’est merveilleusement poétique, souvent drôle, parfois émouvant, et toujours aussi soigné et aussi personnel. Pour ma part, j’ai préféré celui où le village rejette d’abord un jeune garçon targui trouvé dans les environs, et qui était tombé de chameau lors d’une tempête : perdu, il est recueilli par Kirikou, et les obstacles causés par la méfiance, mère de la xénophobie (il a la peau blanche, est-il donc malade et contagieux ?), vont bientôt s’estomper.
Toutes ces aventures se terminent bien, et les spectateurs enfants devraient se régaler. Hélas, à la séance de ce matin au Rex, j’étais seul dans la très grande salle, avec une dame noire, sans doute antillaise, et qui était aussi enthousiaste que moi. Je vais écrire à Michel Ocelot pour qu’il envoie le DVD à la famille Le Pen, et peut-être aussi à Jean-François Copé.
Il faut noter ceci : le film et les deux qui l’ont précédé (Kirikou et la sorcière et Kirikou et les bêtes sauvages) ne sont pas distribués aux États-Unis, pas plus que dans certains pays arabo-islamiques, où la nudité des personnages est un objet de scandale. C’est la pudibonderie qui devrait être un objet de scandale.
Réalisé par Michel Franco
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2012
Sorti en France le 3 octobre 2012
Mexicain, ce film, ne sortira dans son pays d’origine que le 12 de ce mois. Son titre signifie « Après Lucie ».
Pour une fois, je serai d’accord avec les critiques, qui, souvent, aiment un film pour ce qu’il ne dit pas. Ils appellent cela « le non-dit », et s’en gargarisent. Et il est vrai que certains détails du récit ne sont pas élucidés. Par exemple, où est allée se réfugier Alejandra, qu’on croit morte, après sa disparition ? Comment se fait-il que le conducteur de la voiture dans laquelle se trouvait le jeune homme que le père d’Alejandra enlève en pleine rue n’ait pas réagi lorsque son passager a été extirpé de la voiture ? Que contenait le gâteau que ses condisciples ont obligé Alejandra à manger et qu’on nous dit répugnant ? Pourquoi la voiture dans laquelle la mère d’Alejandra (la Lucía du titre) est morte accidentée a-t-elle été retrouvée, avec les clés sur le contact et totalement remise à neuf, avant d’être abandonnée ?
Donc, la mère, Lucía, qu’on ne verra jamais, est morte. Le veuf, Roberto, et sa fille Alejandra quittent leur ville de Puerto Vallaca, et vont s’installer à Mexico. Le père, qui travaillait dans un restaurant en qualité de chef et qui annonce en ouvrir un autre dans la capitale, déprimé, démissionne très vite de sa nouvelle place où il n’était en fait qu’employé. Sa fille, elle, semble mieux intégrée dans son nouveau lycée, mais un soir, ayant trop bu, elle s’envoie en l’air avec un de ses camarades de classe, qui filme les ébats avec son téléphone, Alejandra étant parfaitement consciente de ce qu’il fait. Hélas, la vidéo se retrouve sur Internet, bien que le garçon, par la suite, nie l’avoir mise en ligne lui-même. Toujours est-il qu’Alejandra devient le souffre-douleur du lycée, les garçons la traitent de « pute », et les filles la frappent et vont jusqu’à lui couper les cheveux. Même, lors d’un voyage de la classe au bord de la mer, l’un des garçons lui pisse dessus. C’en est trop, Alejandra entre dans la mer et disparaît. En fait, elle se cache et ne reparaîtra plus à ceux qu’elle a connus et qui la croient morte.
Plus tard a lieu une enquête réclamée par le père, qui a reçu par la poste une copie de la vidéo. Qui la lui a envoyée ? Là encore, on n’en saura rien. Mais le garçon qui a filmé le document est enlevé par Roberto, qui le ligote, l’emmène sur le littoral, le charge dans un bateau et le flanque à l’eau une fois au large – un peu comme à la fin de Funny games, de Michael Haneke. Fin du film.
Michel Franco utilise la même technique que Manoel de Oliveira : absence de musique, caméra immobile. Mais les décors, nombreux cette fois, sont aussi le cadre de scènes débordant de sens et typiques de l’époque actuelle, dont la déplorable coutume des brimades scolaires, qualifiées aujourd’hui de « bullying » (voir Bully, le film de Larry Clark, sorti en 2001). Rien de pénible, néanmoins, et beaucoup de péripéties se déroulent hors du cadre de l’écran – le contraire, donc, de ce cinéma détestable qui veut en mettre plein la vue et n’est que repoussant.
Le réalisateur s’était déjà fait remarquer (en bien, même si j’avais d’énormes réticences) avec son premier long métrage, Daniel y Ana, dont je n’avais pas du tout apprécié l’invraisemblance. Ici, au contraire, tout est crédible, on peut donc voir ce film et s’y intéresser.
Réalisé par Éric Atlan
Sorti au Mexique (Festival de Oaxaca) le 7 novembre 2010
Sorti en France et en Belgique le 3 octobre 2012
Bien que sorti en 2010, et uniquement dans des festivals, ce film n’apparaît sur les écrans français qu’aujourd’hui : les distributeurs ne sont pas fous, et prévoient bien que ce navet ne tiendra pas longtemps l’affiche. Filmé en noir et blanc avec un acteur et quatre actrices, tous mauvais, fondé sur une intrigue visant les bobos (une femme affonte « son âme », qui copule avec elle et la sépare d’un ancien amour), appuyé sur un dialogue prétentieux et faussement métaphysique, tourné presque entièrement dans une chambre lugubre d’un hôtel improbable, farci de scènes lesbiennes racoleuses – voir l’affiche – et interminables, en outre soutenu, croient les auteurs, par une musique pseudo-symphonique qui ne s’interrompt quasiment jamais, ce film est un véritable repoussoir, et beaucoup de spectateurs, lassés, quittent la salle bien avant la fin.
Semble vouloir illustrer cette définition que donna jadis Henri Jeanson : cinéma où le public est de trop.
Réalisé par Olivier Megaton
Sorti en France (Festival de Deauville) le 7 septembre 2012
Sorti en France, en Belgique et en Suisse le 3 octobre 2012
Mal m’en a pris de ne pas consulter plus attentivement la fiche du film ! J’aurais pu vérifier qu’il était produit par Luc Besson, qui a aussi écrit le scénario. On était donc certain du résultat...
Je n’avais pas vu Taken, et j’ignorais tout de cet épisode précédent, où Bryan Mills, ex-agent de la CIA, avait arraché sa fille des mains d’un gang albanais mafieux qui enlevait des filles pour les prostituer. Comme il avait tué le responsable, le père de cette petite ordure veut venger cette mort, et enlève son ex-femme et sa fille durant un voyage à Istanbul. La plus grande part du récit est donc constituée de courses de voitures dans cette ville très photogénique, et qui est le seul attrait du film. Et, comme toujours, au son d’une musique tonitruante, surtout à base de percussions. On joue avec les nerfs du spectateur, car s’ajoutent à cela des centaines de coups de feu et deux ou trois scènes de sadisme annoncé, quoique non abouti. De tout cela, qui est décourageant, on se lasse bien avant la fin.
Réalisé par François Ozon
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 10 septembre 2012
Sorti en France et en Belgique le 10 octobre 2012
La forme du film illustre le propos du professeur de français incarné par Luchini : le premier souci d’un auteur doit être de répondre à la question « Que doit-il se passer maintenant ? ». En foi de quoi, le scénario s’efforce de multiplier les relances, comme on dit à la radio pour désigner l’interruption obligatoire que le meneur de jeu d’un magazine d’informations doit opérer pour feindre de questionner le chroniqueur – ladite interrogation étant bien entendu rédigée par le chroniqueur lui-même.
Ici, c’est l’apprenti écrivain, un lycéen de seize ans qui par extraordinaire s’intéresse moins aux sports et aux téléphones mobiles qu’aux mathématiques, mais ne peut s’empêcher d’écrire tous les jours (tout à fait comme votre – très humble – serviteur), c’est cet écrivain en herbe, donc, qui imagine et rédige au jour le jour les rebondissements de cette histoire, filmée de façon réaliste mais qui a tout d’un conte – et le dialogue fait très précisément référence aux Mille et une nuits et à son calife que la conteuse Schéhérazade doit à tout prix intéresser, nuit après nuit, si elle ne veut pas être exécutée par son époux.
L’ennui, c’est qu’après un début séduisant, plus le comportement de Luchini devient invraisemblable, moins on s’attache à cette histoire. Il n’est pas question d’en critiquer l’invraisemblance, car ce n’est pas le propos ; encore moins le petit côté fantastique des apparitions du même Luchini dans des scènes où il ne peut pas être présent ; mais plutôt le manque d’intérêt des péripéties inventées par le scénariste : deux coucheries peu probables, un baiser attendu depuis très longtemps mais sans suite, et un suicide imaginé, auquel on ne croit pas une demi-seconde. Si bien que l’aspect théâtral de cette histoire (tirée d’une pièce espagnole), de plus en plus évident, incite à se demander, d’abord où Ozon veut en venir, puis à s’interroger sur sa capacité à rebondir : après le désastre de Ricky et l’apparent redressement réussi avec Potiche, on se dit que l’indéniable talent de conteur du réalisateur pourrait être mieux employé. Et il est dommage que, pour obtenir des réponses à cette question, il faille, plutôt que de voir le film, lire les interviews du réalisateur sur son travail de cinéaste et l’origine de son inspiration. Tout cela devrait être évident. Pas explicité, et a posteriori !
Quand Le masque et la plume, émission de « critiques » sur France Inter, est trop favorable à un film que TOUS les auditeurs ont détesté – comme la semaine dernière avec Cherchez Hortense, de Pascal Bonitzer –, lesdits auditeurs écrivent à Jérôme Garcin pour se plaindre, et mettent en avant leur affreux soupçon : vous dites du bien de vos copains cinéastes. Ce type de courrier a provoqué, de la part des critiques mis en cause, un démenti catégorique : aucun, vous entendez, AUCUN de nous ne connaît ce cinéaste ! Pas plus que les autres cinéastes, du reste.
Ben voyons... Il est très connu que les critiques de cinéma ne rencontrent jamais de réalisateurs ni d’acteurs. Pas même dans les festivals de cinéma, à commencer par celui de Cannes. Or les mêmes critiques, tels Jean-Marc Lalanne et Xavier Leherpeur, participent aux émissions de Canal Plus durant ce festival, que les cinéates fuient, c’est notoire. Bref, c’est juré, les uns et les autres ne se rencontrent en aucun cas.
C’est aussi une hallucination qui m’a fait croire que le lundi 4 juillet 2011, Jean-Marc Lalanne a présenté en avant-première, au Centre Pompidou, et en compagnie de la réalisatrice et de l’acteur principal, La guerre est déclarée, film qu’il a couvert de fleurs dans sa présentation, et qu’il a ensuite défendu ardemment dans la même émission de France Inter lors de sa sortie fin août.
De même, Michel Ciment ne connaissait pas du tout Stanley Kubrick, et s’il l’a interviewé au moins quatre fois, a publié un livre sur lui et n’a jamais fait la moindre réserve sur ses films, même sur le pire, le dernier, c’est en songe, probablement, qu’il a trouvé l’inspiration.
Enfin, le producteur et présentateur Jérôme Garcin ne connaît absolument pas le cinéaste Pascal Thomas, bien que celui-ci ait fait partie du jury qui, le 5 juin 2008, lui a décerné le prix (littéraire) Duménil, consistant en une modeste somme de soixante mille euros, que Garcin a empochée, l’un des autres jurés étant, mais c’est un pur hasard, Éric Neuhoff, critique dans son émission de France Inter.
Tous ces gens ne connaissent pas le copinage. Ce sont de purs esprits, voyez-vous.
Remontez de quelques notules, et relisez ce que je disais de Mortem le lundi 8 : que cet épouvantable navet ne « tiendra[it] pas longtemps l’affiche ». Bien vu : il a tenu... une semaine ! Dès le surlendemain de ma critique, mercredi 10, il était relégué au Studio 28, une salle de Montmartre qui se spécialise dans la tentative de repêchage des films ayant fait un bide. Il y passe une fois par jour, et pas tous les jours (rien avant lundi 15 à 18 heures).
Un triomphe.
Mon titre ressemble à un enfonçage de porte ouverte : on le sait bien, qu’Alfred Hitchcock faisait du cinéma, c’est même le plus grand réalisateur de l’histoire (et ça, ce n’est pas moi qui le dis, c’est Orson Welles). Non, en réalité, Hitchcock va être le héros d’un film, intitulé « Hitchcock » par le plus grand des hasards. On n’y avait pas encore pensé ! Certes, vous me direz qu’il y a déjà eu un navet où un acteur jouait son rôle. Mais rien à voir.
Donc, ce film, réalisé par un certain Sacha Gervasi, qui était le scénariste du film de Spielberg Le terminal et n’a fait qu’un court métrage avant cela, est déjà terminé et va être présenté le 1er novembre à l’AFI Fest (American Film Institute, à Los Angeles). Il prétend raconter une histoire sentimentale entre sir Alfred et sa femme Alma Reville, durant le tournage de Psychose. Le scénario est tiré d’un livre de Stephen Rebello, et les interprètes en sont Scarlett Johansson (Janet Leigh, la voleuse tuée sous la douche), Jessica Biel (Vera Miles, sa sœur qui la recherche), Anthony Hopkins (Hitchcock himself), Helen Mirren (qui joue Alma Reville, madame Hitchcock, et ressemble à Alma comme Brando ressemblait à Napoléon, que pourtant il a interprété !), Ralph Macchio (l’ex-jeunot de Karaté Kid, qui joue le scénariste de Psychose Joe Stefano), James D’Arcy (qui joue Anthony Perkins, le fou qui se prenait pour sa mère), Wallace Langham (qui joue Saul Bass, le concepteur du générique de Psychose), Paul Schackman (qui joue Bernard Herrmann, le génial musicien de Psychose et de six autres films du maître), Josh Yeo (qui joue John Gavin, l’amant de la fille tuée sous la douche), Richard Chassler (qui joue Martin Balsam, l’interprète du détective Arbogast que « la mère » tue dans l’escalier).
La musique a été composée par Danny Elfman, qu’on ne présente plus, comme on dit à la télé : il fait la musique des films de Tim Burton.
Moi, je rigole d’avance à l’idée que la presse va écrire qu’Anthony Hopkins ressemble à Hitchcock « de façon hallucinante » : on nous fait le coup chaque fois. Mais constatez plutôt ci-dessous cette ressemblance hallucinante avec le véritable Hitchcock, présent sur le bandeau en haut de cette page :
Réalisé par Noémie Lvovsky
Sorti en France (Festival de Cannes) le 25 mai 2012
Sorti en France le 12 septembre 2012
Un thème souvent utilisé au cinéma, celui du personnage adulte qui change d’époque et se retrouve à celle de sa jeunesse. Tom Hanks, dans Big, a joué un tel rôle à ses débuts. Ici, Camille, divorcée, dans la quarantaine et mère d’une fille de vingt-trois ans, se réveille au Jour de l’An 2008 en lycéenne de seize ans, amoureuse du très passionné Éric. Elle a toujours le physique d’une femme de quarante ans, mais nul ne s’en soucie, et elle retrouve ses parents et ses copines de classe telles qu’elles étaient autrefois. Elle va tenter, alors, d’empêcher les évènements malheureux dont elle a eu connaissance entre-temps, par exemple la mort de sa mère, mais, bien sûr, n’y parviendra pas. En compensation, le professeur quadragénaire qu’elle a connu durant son incursion dans le passé et qui a remplacé dans son cœur l’Éric devenu infidèle en 2008 (ça va, vous suivez ?), elle le retrouvera septuagénaire quand elle reviendra à son âge mûr, mais peu importe, il lui plaît toujours, et... il se souvient d’elle en dépit des années qui se sont écoulées.
Ce scénario un peu extravagant n’a aucune faille et bénéficie d’une interprétation aussi parfaite que la réalisation. C’est la révélation d’un cinéma français auquel on avait un peu cessé de croire. Et, pour une fois, le Centre national du cinéma n’a pas gaspillé bêtement notre argent en lui accordant son avance sur recettes.
Réalisé par Jonathan Dayton et Valerie Faris
Titre original : Ruby Sparks
Sorti aux États-Unis le 25 juillet 2012
Sorti en France le 3 octobre 2012
Le titre original s’inscrit dans le ciel, tracé par un avion publicitaire. Ce doit être le symbole de quelque chose, mais on vous laisse imaginer de quoi. En tout cas, la vedette du film, Paul Dano, est l’un des rares acteurs pour lesquels je me dérange même si je ne sais rien du film : il était si éblouissant, dans There will be blood !
Ici, Paul Dano joue Calvin, jeune un romancier à succès, dont le premier livre l’a fait qualifier de génie, mais qui a du mal à en produire un second, y compris après des années. En foi de quoi, et parce qu’en outre il ne réussit pas à séduire les filles, il consulte un psy, qui lui conseille d’écrire sur la fille dont il rêverait. Or la fille qu’il imagine par écrit s’incarne, tombe amoureuse de lui, et s’installe avec lui. Il ne tarde pas à découvrir que, chaque fois qu’il écrit quelque chose à son sujet, elle le fait ! Si, par exemple, il tape sur sa vieille machine à écrire « Ruby parlait très bien le français », elle se met à s’exprimer dans cette langue qu’elle ignore.
Ce thème du Pygmalion moderne et involontaire, qui n’est pas complètement inédit dans les comédies de cinéma et de théâtre, donne lieu à toutes sortes de péripéties amusantes, mais tout tourne au vinaigre après une dispute où, parce qu’il veut sortir et qu’elle préfère regarder la télé, scène maladroite dans ce contexte, Ruby lui lance qu’il ne décide pas pour elle. Défié, il se met à écrire des ordres absurdes, qu’elle exécute immédiatement sans pouvoir se retenir. Mais c’est, répétons-le, la scène la moins réussie du film. Excédé, il la laisse partir, néanmoins l’épilogue repart de zéro : Calvin a écrit son livre sur Ruby, le livre a du succès, il rencontre une Ruby en train de le lire, qui a tout oublié, et tous deux décident de reprendre depuis le début.
Les deux réalisateurs sont les mêmes que pour ce grand succès que fut Little miss Sunshine. C’est une bulle de savon, mais plaisante.
Réalisé par Sang-soo Hong
Titre original : Da-reun na-ra-e-suh
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2012
Sorti en France le 17 octobre 2012
Trois scénarios de courts métrages imaginés par une étudiante. Tous trois mettent en scène une Française, présentée sommairement (elle change de statut à chaque fois), et qui fait un séjour en Corée. En fait, elle se trouve dans une petite ville du littoral sans le moindre intérêt, et cherche à repérer un phare qui serait l’endroit à voir, mais nul n’est capable de la renseigner.
Les trois récits apportent quelques variantes dans les personnages et ce qu’ils font, mais l’essentiel consiste en de plates conversations où certains, très imaginatifs, ont voulu voir du Rohmer ! On en est très éloigné...
Isabelle Huppert tourne beaucoup en Asie. Cette fois, elle eut été bien inspirée de mieux choisir son metteur en scène, qui n’a rien à dire dans le cas présent.
Réalisé par Seth MacFarlane
Sorti au Canada le 29 juin 2012
Sorti en France le 10 octobre 2012
Là où Jodie Foster s’était magistralement plantée avec The beaver, Seth MacFarlane réussit brillamment, peut-être parce que l’élément sur lequel repose le film se prête davantage à la comédie qu’au drame. Ted, dont le nom est le diminutif de teddy bear, qui désigne les ours en peluche, est un cadeau qu’a reçu pour Noël le jeune John, âgé de dix ans. Il devient illico son « ami pour la vie » et son principal soutien, car Ted est vivant, et même plus : il boit, il dit des grossièretés, il fume de la drogue, il invite des pétasses à la maison, à ce détail près que son fabricant, Hasbro, a omis de lui donner un organe essentiel et qui ferait de lui l’alter ego parfait pour un jeune Yankee hétérosexuel, banal et sans ambition.
L’élément discordant sera la petite amie, Lori, que John a introduite dans sa vie après l’avoir estourbie par maladresse au cours d’une soirée. C’est que Lori supporte mal la présence de Ted, qui est toujours là malgré les années, et le fait qu’il exerce, estime-t-elle, une mauvaise influence sur John, lequel « ne s’assume pas », comme disent toutes les filles jalouses, ces casse-pieds !
Le spectateur, lui, ne souhaiterait pas du tout la disparition de Ted et s’amuse franchement. Tout au plus trouve-t-il un peu superflu l’épisode de ce père dingue qui, ayant voulu acheter Ted pour son fils obèse, mais n’ayant essuyé qu’un refus, l’enlève, ce qui occasionnera une bien inutile course de voitures dans les rues de Boston, et la mort (provisoire) de Ted, qui ressuscite parce que Lori, contrite, a souhaité qu’il revienne.
Le dialogue est éblouissant dans le genre politiquement (très) incorrect. Par exemple ce commentaire : « Quoi de plus efficace que le rêve d’un petit garçon ? Oui, mais l’hélicopère Apache, avec ses mitrailleuses et ses missiles, est encore plus efficace comme machine à tuer ! ». En effet.
Le réalisateur, âgé de 39 ans, n’avait tourné jusqu’ici que des séries télévisées. Il fait aussi la voix de l’ours en peluche, évidemment incarné par des images de synthèse si bien faites que la présence de ce personnage n’étonne personne.
Réalisé par Paolo Taviani et Vittorio Taviani
Titre original : Cesare deve morire
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 11 février 2012
Sorti en France le 17 octobre 2012
La scène en couleurs qui ouvre le film montre l’affrontement théâtralisé de Brutus, l’un des meurtriers de Jules César, avec celui qui va le tuer sur sa prière. Puis la caméra recule, et nous étions sur la scène d’un théâtre où l’on joue Shakespeare. Les spectateurs applaudissent, et les acteurs regagnent... leur cellule : tout cela se passait une prison de haute sécurité, à Rome. La suite, filmée en noir et blanc, montre le recrutement des acteurs-prisonniers, puis leurs répétitions dans tous les lieux de la prison, et enfin le retour à la scène du début, de nouveau en couleurs. Les cartons de fin, comme toujours, nous disent ce que sont devenus les protagonistes du film – lesquels, soit dit en passant portent leurs vrais noms, et à leur demande.
Les frères Taviani, qui ont débuté en 1954 dans le court métrage et le documentaire, ont bénéficié longtemps, mais surtout auprès de la critique, d’une cote extrêmement élevée. J’avoue pour ma part n’avoir guère apprécié que Padre padrone (« Père et patron »), drame social plutôt réussi, mais j’avais estimé extrêmement stupide l’argument de leur Good morning, Babilonia, en 1987 : deux frères italiens, sculpteurs, émigrés aux États-Unis, consacraient tous leurs efforts à fabriquer la gigantesque statue d’un éléphant, simple élément de décor du film Intolérance, de David Wark Griffiths, et cet éléphant, qu’en réalité on aperçoit à peine et fugitivement dans le film terminé, leur... apportait la gloire. Ben voyons.
Le présent film, austère, intéressant sans être passionnant, démontre que le seul gagnant possible, c’est Shakespeare ! Heureusement, il est court (le film, pas Shakespeare).
Réalisé par Juan Carlos Medina
Sorti en France (Festival Cinespaña de Toulouse) le 3 septembre 2012
Sorti en France le 10 octobre 2012
Pas vraiment un film d’horreur, comme le dit la publicité, car la réalisation nous épargne toute scène gore. Plutôt un film qui commence dans le fantastique et se poursuit dans la politique. Mais la situation est vraiment horrible, elle, car on traite ici du fascisme espagnol et de ses séquelles.
Tout commence en 1931, quand est découvert dans les Pyrénées un groupe d’enfants insensibles à la douleur. Comme on les juge dangereux pour eux-mêmes et pour les autres, on les enferme à l’hôpital de Canfranc, chacun dans une cellule capitonnée, et on tente de leur enseigner la douleur que ressentent les autres. Mais un des garçons, ulcéré que son amie soit morte, tue le médecin (un Juif allemand ayant fui le nazisme), et devient ultérieurement, sous le nom de Berkano, un tortionnaire au service des fascistes qui entre-temps ont investi l’hôpital et en ont fait un centre d’interrogatoires – au sens nazi. Bien plus tard, en 1964, il mettra enceinte une des prisonnières taxée de communisme, mais l’enfant qui naît est enlevé à la mère et confié à l’adoption d’un couple qui vient de perdre son bébé. Cet enfant, David Martel, devenu de nos jours neurochirurgien, est atteint d’un cancer qui nécessite une greffe de moelle épinière, et ses parents adoptifs sont obligés de lui révéler qu’ils ne peuvent lui faire ce don, puisqu’ils ne sont pas compatibles. Mais il enquête et retrouve Berkano et le corps de sa vraie mère, qui disparaissent dans un incendie.
Ces deux histoires sont entrelacées, et le scénario, fort sophistiqué, fertile en retours en arrière, parfois difficile à suivre, a été très soigné, soutenu par une réalisation brillante. Il est évident que les Espagnols ne se sont pas remis des trente-neuf années de la dictature franquiste, et c’est tout à l’honneur des meilleurs cinéastes du pays que d’en faire l’exégèse. Ce n’est pas ce mauvais cinéaste qu’est devenu Almodóvar, lequel n’a en tête que le sexe, qui se risquerait sur ce terrain.
Après seulement deux courts métrages, le réalisateur fait ici son premier long métrage, qu’il a écrit avec le scénariste de [REC] Luis Berdejo. L’acteur Tomas Lemarquis, interprète de Berkano adulte, jouait dans Nói albínói, sorti en 2003 et dont j’ai rendu compte.
J’ai beau connaître et donc aimer le cinéma depuis l’âge de deux ans (mais non, ce n’est pas un bobard ni une exagération !), je trouve indécente cette agitation autour du dernier film sur les aventures de James Bond, qui sort aujourd’hui. En réalité, on nous fait le coup une ou deux fois par an, celui du film qui serait « un évènement mondial ». La dernière fois, notez, cela avait complètement foiré, parce qu’un cinglé, aux États-Unis – ce doit être un hasard si la chose s’est passée dans ce pays – avait mitraillé la foule de spectateurs du dernier opus sur Batman. Du coup, la sortie en grande pompe à Paris avait été annulée.
Alors, bien sûr, on a ressorti les accessoires de la grande messe, et prétendu que cette dernière mouture des tribulations patriotiques de 007 dépassait toutes les précédentes, parce que Sir James, cette fois, y montrait ses faiblesses. Ouais, je vous le dirai quand je l’aurai vu, ce qui ne presse pas, mais comme l’argument a déjà servi précisément pour Batman en juillet, c’est du réchauffé.
Ils ne savent plus quoi trouver, les publicitaires ?
Réalisé par Bob Goldthwait
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 9 septembre 2011
Sorti en France le 10 octobre 2012
Une scène placée au milieu du film donne des envies : Frank est au cinéma ; derrière lui, quatre jeunes font du bruit, bouffent du popcorn, téléphonent et se fichent de lui ; devant, lui, un type téléphone à sa femme, prétendant être au bureau. Excédé, il sort une arme, flingue trois des jeunes (il épargne une fille, qui ne parlait pas et ne téléphonait pas), puis le type qui avait commencé à filmer la tuerie avec son bidule. Si vous n’avez jamais rêvé de cette réaction, c’est que... vous n’êtes jamais allé au cinéma !
Bref, Frank a perdu son travail parce qu’il a fait livrer ses fleurs à une collègue de bureau qui avait eu une mauvaise journée, juste pour la réconforter. Oui, mais, pour avoir son adresse, il a consulté son dossier ! Accusé de harcèlement, il est fichu à la porte dans l’heure. Cela lui inspire de réaliser ses fantasmes, consistant jusqu’alors à rêver qu’il abat ses voisins, sans oublier leur bébé qui braille sans cesse. Et il devient une sorte de Clyde Barrow, à qui vient s’associer une Bonnie Parker aussi fâchée que lui avec le monde entier.
Ne surtout pas croire que le film plaide pour l’auto-défense et la vente libre des armes, il fait plutôt dans l’humour noir. Au début, on le trouve assez jouissif, puis on prend conscience qu’il prêche beaucoup, car les discours contre tout se multiplient : contre la télévision et ses émissions qui font du buzz en moquant les faibles, contre les manifestants qui veulent la peau d’Obama, contre la méchanceté, contre la bêtise, contre un pays sans âme et qui se complaît dans la cruauté. Ah, si seulement il fustigeait aussi cette manie d’appeler « America » les États-Unis ! Mais non, là, on a oublié d’y penser...
Il paraît que le réalisateur s’est un peu inspiré d’un film d’horreur qui n’est pas sorti chez nous, mais aux États-Unis en 2010, A horrible way to die. La fin, une séquence de fusillade générale où tout le monde meurt, rappelle un peu l’épilogue du film de Lindsay Anderson, If..., à ce détail près qu’If... ne donnait jamais dans le comique.
Réalisé par Leslye Headland
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 23 janvier 2011
Sorti en France le 17 octobre 2012
Petit film pas cher (il a coûté trois millions de dollars seulement), sorti d’abord, ô surprise ! au festival politiquement correct de Sundance... C’est donc, surprise moindre, un navet.
D’un groupe de quatre copines de lycée, la première à se marier est la plus grosse, par conséquent la dernière dont on attendait qu’elle trouve chaussure à son pied. À partir de ce thème surexploité, le film est ainsi le récit très peu inattendu de la nuit qui précède la cérémonie, avec son cortège d’incidents calamiteux, canevas qui nourrit le tiers des films comiques hollywoodiens. Il est d’ailleurs assez évident qu’on a ici adapté une pièce de théâtre, qui, curieusement, était semble-t-il fondée sur l’un des sept péchés capitaux, la gourmandise, puisque le personnage principal était boulimique. On a peine à le croire. En tout cas, les prétextes bidons n’ont pas manqué pour tenter de masquer la vulgarité de l’entreprise.
Dommage. La réalisation n’est pas mauvaise, mais le dialogue et les péripéties sont à ce point orduriers, et sans la moindre pause, qu’on s’en lasse rapidement. Dire que la réalisatrice prétend s’être inspirée de La garçonnière, le chef-d’œuvre de Billy Wilder ! Elle en est très loin.
Revu hier Barry Lyndon, film de Kubrick datant de 1975, et qui dure trois heures et cinq minutes. Or, depuis ma première vision, je n’aime pas beaucoup ce film, et je n’ai pas changé d’avis ! Kubrick, se souvenant qu’il a débuté comme photographe, a fait là un film de photographe, les images de John Alcott, surtout en extérieurs, sont absolument somptueuses, mais il est tombé dans l’exercice d’un tic qui devient vite agaçant.
Tout le monde sait, en effet, que le réalisateur s’était mis en tête de tourner plusieurs scènes à la seule lueur des bougies, puisque, à l’époque où le film se passe, la fin du dix-huitième siècle, on ne s’éclairait guère autrement ; or il estimait faux l’éclairage des films « d’époque ». Résultat : il a fait un film encore plus faux !
Détails techniques : Kubrick s’était donc procuré l’objectif possédant l’ouverture la plus large possible, un Carl Zeiss pour appareil photo, avec une focale de 50 mm et une ouverture maximale de f/0.7 (ce qui signifie que le diamètre de la lentille frontale avait un diamètre utile de 72 millimètres (mais plus large dans la réalité), développé spécialement pour la NASA qui voulut photographier l’alunissage de la capsule Apollo en 1969, mais encore jamais utilisé au cinéma. Il le fit monter sur une caméra Mitchell BNC réaménagée spécialement, faisant encore gonfler le budget déjà élevé de son film, qui passa à 11 millions de dollars, somme considérable à l’époque.
Une telle ouverture limita considérablement la profondeur de champ de l’objectif, et la plupart des images sont floues ! Outre cela, Kubrick a été obligé de tricher, et l’on voit bien, dans certaines scènes, qu’il a fallu... ajouter des projecteurs pour pouvoir distinguer les arrière-plans. Ainsi, dans l’une des dernières scènes filmées de cette façon, on repère parfaitement les ombres portées des étagères situées au fond du décor : elles tombent de haut en bas, ce qui indique la présence d’un éclairage placé au-dessus du plateau !
Ces scènes parfaitement inutiles reviennent pas moins de dix fois, aux minutes 42, 54, 63, 88, 94, 99, 109, 111, 119 et 125.
Cela mis à part, le film est très froid, et on ne voit un peu de vie qu’à partir de la scène, une heure avant la fin, où Redmond Barry rosse son beau-fils devant tout le monde, s’attirant sa haine définitive. À vrai dire, ce personnage, Lord Bullington, est le seul qui soit complexe et intéressant, car il a l’air d’un être humain. Son interprète, Leon Vitali, est ensuite devenu l’assistant personnel de Kubrick.
Réalisé par Sandrine Bonnaire
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2012
Sorti en France le 31 octobre 2012
N’ayant pas vu le premier film que Sandrine Bonnaire a consacré à sa sœur autiste, je ne savais rien de ses capacités à concevoir et réaliser un film. Eh bien, ma religion est faite, elle n’est pas taillée pour ce métier. Après un démarrage qui intrigue (un homme renoue avec une femme qu’il a aimée, et avec laquelle il a eu un enfant, mort ensuite, ce qui a brisé leur union, mais il est très attiré par l’enfant qu’elle a eu avec son second mari), on est bien obligé de constater que l’histoire s’enlise dans le grotesque : le garçon s’entiche sans trop de raison de cet inconnu pourtant lugubre, qui vient ensuite... s’installer dans la cave de l’immeuble où vit la famille. Découvert par le père qui le rosse, l’intrus renonce et s’en va.
Plusieurs spectateurs aussi. Ceux qui restent étouffent leurs bâillements.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.