JPM - Films vus - Notules -  Décembre 2012

Notules - Décembre 2012

 

Plus courtes que les critiques, les notules traitent d’un ou plusieurs films, ou de sujets d’actualité en rapport avec le cinéma. Jusqu’en septembre 2004, elles provenaient de divers forums aujourd’hui disparus. Par la suite, elles s’en affranchissent et sont rédigées directement ici.

Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Populaire – Vertigo – Piazza FontanaRomanzo di una strage – Nos meilleures années – La meglio gioventù – Sur le chemin des dunesNoordzee, Texas – Titanic – Unstoppable – Douze hommes en colère – Argo – La planète des singes – ArbitrageUn jour de chanceLa chispa de la vida – Le gouffre aux chimères – Ace in the hole – No man’s land – Crimes à Oxford – Un crime farpait – Aída – Télé Gaucho – Les visiteurs du soir – Les enfants du paradis – Royal affairEn kongelig affæreLes visiteurs du soirLes mouchesFear and desireLa scandaleuse de BerlinA foreign affair – Un, deux, trois – L’homme qui ritLe capitaine Fracasse – Edward aux mains d’argent – Nicolas Le Floch – Touristes – SightseersL’odyssée de PiLife of Pi

Personnes citées : Régis Roinard – Kim Novak – James Stewart – Alfred Hitchcock – Bernard Herrmann – Marco Tullio Giordana – John Fitzgerald Kennedy – Aldo Moro – Bavo Defurne – Céline Dion – Tony Scott – Denzel Washington – Yul Brynner – Telly Savalas – Ben Affleck – Mohammed Reza Pahlavi – Ruhollah Khomeiny – John Chambers – Nicholas Jarecki – Richard Gere – Olivier Gourmet – Álex de la Iglesia – Billy Wilder – Kirk Douglas – Danis Tanovic – Eduardo Casanova – Michel Leclerc – Albert Jaccard – Sara Forestier – Félix Moati – Marcel Carné – Jules Berry – Nikolaj Arcel – Caroline Mathilde de Hanovre – Christian VII – Frederik VI – Johann Struensee – Mikkel Boe Folsgaard – Jacques Prévert – Fernand Ledoux   Jules Berry – Arletty – Marie Déa – Alain Cuny – Jean-Paul Sartre – Stanley Kubrick – Billy Wilder – Marlene Dietrich – Horst Buchholz – Adolf Hitler – Jean-Pierre Améris – Victor Hugo – Marc-André Grondin – Gérard Depardieu – Grigori Raspoutine – Alexandre Dumas – Jacques de Molay – Jules Mazarin – Charles de Batz d’Artagnan – Joseph Fouché – Georges Jacques Danton – Eugène-François Vidocq – François Vatel – Hercule-Savinien Cyrano de Bergerac – Christophe Colomb – Marin Marais – Auguste Rodin – Jésus – Tim Burton – Stéphane Moucha – Ben Wheatley – Ang Lee – Gérard Depardieu – Suraj Sharma – Manoj Shyamalan – Jean-Pierre Jeunet

Populaire

Vendredi 2 novembre 2012

Réalisé par Régis Roinsard

Sorti en France (Festival de Sarlat) le 17 novembre 2012

Sorti en France, en Belgique et en Suisse romande le 28 novembre 2012

Un film délicieux, qui fléchit un peu dans le dernier tiers, quand l’histoire, pour devenir sentimentale, se dramatise un peu. Pas beaucoup, soyons juste. Cela commence en 1958, dans la région de Lisieux, où vit Rose Pamphyle, 21 ans, qui vit avec son père veuf dans le bazar de famille. Son seul don est de taper à la machine, avec deux doigts mais très vite. Cherchant un travail de secrétaire chez un petit assureur de la ville, elle est engagée sur ce seul critère, car le patron, naguère sportif, est pris du désir bizarre d’en faire une championne du monde de la dactylographie. Dès la première minute, comme dans TOUS les films de compétition, on sait qu’elle va effectivement le devenir et qu’elle épousera son patron.

C’est un premier film, et, pour une fois, il n’est pas raté lamentablement. Au contraire, scénario et réalisation sont des modèles du genre, même s’ils sont calqués ouvertement sur les comédies hollywoodiennes des années cinquante, ce que, justement, on ne sait pas faire en France.

Tout le monde a également noté une curieuse citation de Vertigo, la scène où Kim Novak, enfin transformée, sort de la salle de bains et se présente à James Stewart, nimbée d’une lumière verte émanant d’une enseigne sur la façade de l’hôtel ; à cette différence près que la robe de Rose est rouge, et que la lueur est bleue (elle est verte chez Hitchcock). Même la musique de cette courte scène imite (mal) celle de Bernard Herrmann.

Clin d’œil final : le patron de Rose a crayonné un vague projet, et, à la fin, le soumet à deux types de chez IBM. Il vient d’inventer la machine à écrire à boule, qui révolutionnera ce type d’engin – aujourd’hui disparu !

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Piazza Fontana

Mardi 4 décembre 2012

Réalisé par Marco Tullio Giordana

Titre original : Romanzo di una strage

Sorti en Italie le 30 mars 2012

Sorti en France le 28 novembre 2012

Chaque fois que Giordana sort un film, on ne manque jamais de rappeler qu’il s’est fait connaître en 2003 par un chef-d’œuvre fabriqué pour la télévision, heureusement sorti en salles (et en DVD), Nos meilleures années – en italien, La meglio gioventù. Ne pas oublier d’ajouter qu’il n’est jamais parvenu à rester au même niveau...

L’histoire rapportée ici est vraie, c’est celle d’un attentat commis à Milan le 12 décembre 1969, où une bombe explosant dans une banque fit 17 morts et 88 blessés. On accusa les anarchistes, ce qui était invraisemblable, or les véritables instigateurs étaient à la fois la droite dure nostalgique du fascisme, les services secrets à la solde du Pouvoir, et cette fraction de l’OTAN qui servait les intérêts des États-Unis. But de l’attentat : flanquer la trouille au bon peuple pour lui inspirer l’envie d’une dictature à la grecque, donc justifier par anticipation un coup d’État à venir.

Inutile de dire que l’enquête sur les causes n’aboutit jamais, et que, chaque fois qu’un gêneur s’approcha trop près de la vérité, il mourut d’un accident – tout comme après la mort de Kennedy aux États-Unis. Il y a des constantes dans le crime politique.

Le film devait normalement passionner les Italiens, qui sont directement concernés. En France, beaucoup moins, car nous ne connaissons pas les personnages, hormis Aldo Moro, souvent ministre et président du Conseil de centre-gauche, mais c’est parce que lui aussi est mort assassiné, en 1978. Le film est riche en dialogues qui mériteraient sans doute une seconde vision, afin de comprendre les tenants et aboutissants de cette affaire, où les seuls perdants furent... les familles des victimes, qui durent payer les frais de procès.

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Sur le chemin des dunes

Mercredi 5 décembre 2012

Réalisé par Bavo Defurne

Titre original : Noordzee, Texas

Sorti en Belgique le 16 mars 2011

Sorti en France le 5 décembre 2012

Pour une fois, c’est en France que le film sort en dernier, et affublé d’un titre à usage interne, qui ne veut rien dire.

Plutôt daté (reconstitution soigneuse de la fin des années soixante), le film montre un amour naissant sur le littoral belge entre deux jeunes garçons, Pim, quinze ans au début et dix-sept à la fin, et Gino, qui a trois ans de plus et travaille déjà comme apprenti dans un garage. La mère de Pim, ancienne chanteuse, va d’un amant à un autre, et finira par s’en aller en laissant seul son fils, lequel, rêveur et taciturne, passe son temps à dessiner – plutôt bien. Ayant commencé une attache avec Gino, le pauvre Pim est vite abandonné par son ami, qui aime aussi les filles et va s’installer à Dunkerque avec une Française qu’on ne verra jamais. Il revient dans la scène de fin, qu’on se rassure, puisque, finalement, c’est bien Pim qu’il aime.

La scène la plus significative est celle où la mère de Gino, qui agonise sur son lit d’hôpital, prend les mains des deux garçons et les réunit : sans qu’un mot soit dit, elle a tout compris.

Pim est au centre du film et paraît dans toutes les scènes ; Gino disparaît un long moment. Les deux mères sont très présentes, ainsi que Sabrina, la sœur de Gino, amoureuse sans espoir de Pim et qui a tout compris, elle aussi.

Le film est très pudique, bourré de détails significatifs, et plutôt bien joué. C’est le premier long métrage de son auteur, et il est tiré d’un roman. Il ne sort que dans cinq villes en France, avec un nombre réduit de séances. Bref, une sortie sabotée ! Notons que l’affiche prévue en Belgique a dû être retirée puis remplacée par une autre, car elle « choquait » les imbéciles. Je l’insère donc ici, pour que vous mesuriez son caractère évidemment scandaleux :

 

Noordzee-Texas

 

Quelle horreur, n’est-ce pas ?

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Les génériques de fin

Jeudi 6 décembre 2012

Les génériques de fin de films, où s’accumulent d’innombrables mentions que les spectateurs ne lisent pas – ce qui devrait faire réfléchir les producteurs –, ont été imposés par les syndicats états-uniens. Et, dans la foulée, la France a suivi, puisque nous ne savons résister aux bons exemples venus d’Outre-Atlantique.

On passerait sa vie à relever les crétineries qui s’y entassent, et j’ai autre chose à faire. Mais tout de même, de temps à autre, on peut bien se payer les têtes des types qui nous imposent entre six et neuf minutes de film supplémentaire (et s’imposent de faire fabriquer une musique d’accompagnement d’égale durée, puisque le silence est une denrée invendable, et c’est ainsi que Titanic s’est vu agrémenté d’une chanson de Céline Dion dont le réalisateur ne voulait pas), appendice que nul ne voit puisque les spectateurs gagnent la sortie dès que ledit générique démarre, et qu’il n’est donc visionné que par ceux qui ont oublié de se réveiller – si j’ose cette supposition hardie.

Hier soir, j’ai revu à la télévision le dernier film du défunt Tony Scott, Unstoppable, une histoire de train emballé. Le film est ce qu’il est, purement digestif, mais son générique de fin contient deux détails curieux. D’abord, il y a cette mention dans la liste du personnel technique, en anglais mais je traduis : « Coiffeur de M. Denzel Washington : Untel ». Ce détail est d’autant plus crucial que Denzel Washington, la vedette du film, promène tout au long du récit un crâne rigoureusement rasé. Le coiffeur n’a pas dû être débordé, pas plus, naguère, que ceux de Yul Brynner ou de Telly Savalas, mais enfin, il a dû passer la tondeuse avant le début du tournage, travail évidemment harassant qu’il m’est arrivé de faire (sur autrui), et on ne pouvait pas priver la postérité de ce tuyau capital (le mot capital s’impose, s’agissant d’une tête humaine).

Et puis, mais c’est quasiment obligatoire, cette mention à la toute fin : « Aucun animal n’a été blessé durant le tournage de ce film ». Logique imparable : il n’y a aucun animal dans le film, donc il tombe sous le sens qu’aucun n’a été blessé ! Je propose d’ajouter, à la fin de Douze hommes en colère, la mention « Aucune femme n’a été harcelée sexuellement durant la réalisation de ce film » !

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Argo

Vendredi 8 décembre 2012

Réalisé par Ben Affleck

Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 31 août 2012

Sorti en France le 7 novembre 2012

Cette histoire, extravagante mais dont on nous assure qu’elle est vraie, remonte à 1979, lorsque l’Iran exigea des États-Unis qu’on lui livre le shah Mohammed Reza Pahlavi, affreux dictateur qui avait fui la révolution de Khomeiny, s’était réfugié en Occident et se trouvait sur le point de mourir d’un cancer. Naturellement, refus des États-Unis, d’où l’attaque et l’occupation de leur ambassade à Téhéran par les étudiants et les révolutionnaires furieux. Les employés de l’ambassade furent donc pris en otage, mais six d’entre eux avaient réussi à s’échapper et avaient trouvé asile à l’ambassade du Canada. N’étant plus protégés par l’extraterritorialité de leur propre ambassade, dès lors en danger d’être exécutés comme « espions », il urgeait de les tirer de là, et la CIA fut chargée de cette mission. Soit dit en passant, ce n’est pas la France qui se donnerait autant de mal pour ses ressortissants...

C’est l’agent Tony Mendez qui trouva la solution après que toutes les autres possibilités fussent écartées : envoyer en Iran une fausse équipe de cinéma, chargée de repérer les endroits susceptibles de permettre la réalisation sur place... d’un film de science-fiction baptisé « Argo » ! Bien entendu, il fallait préparer minutieusement tous les détails, dont la rédaction d’un scénario, la fabrication d’un story board, et la constitution d’une équipe de production sous la houlette de John Chambers, personnage hollywoodien tout à fait réel, puisqu’il était l’auteur des masques simiesques de La planète de singes !

Contre toute attente, la ruse réussit, et l’on put, mais de justesse, faire évader les six faux Canadiens, munis de faux papiers et d’une fausse biographie (les Iraniens sont méfiants, et tout sauf idiots). Ce qui donne lieu à une séquence de pure suspense, à l’aéroport Mehrabad de Téhéran, séquence réglée à la seconde près.

C’est le troisième film de Ben Affleck comme réalisateur, et le premier long métrage qu’il réussit pleinement. Comme il a borné ses ambitions à faire un film de divertissement, cela lui a été bénéfique. La première partie est bourrée de fines allusions à l’univers impitoyable d’Hollywood, et l’on s’amuse beaucoup. Les Iraniens, eux, ne sont pas trop caricaturés. Bien entendu, les extérieurs n’ont pas été tournés en Iran, mais en Turquie. Néanmoins, quelques images de Téhéran sont présentes dans le film.

Seule réserve : le cliché de la situation familiale de Mendez – rôle que Ben Affleck s’est réservé –, évidemment divorcé et séparé de son fils de dix ans, comme dans tous les films. Ce détail ne joue aucun rôle dans l’histoire, mais le public rejetterait une histoire avec un héros heureux en ménage. Aux États-Unis, seul le président a ce privilège.

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Arbitrage

Mercredi 12 décembre 2012

Réalisé par Nicholas Jarecki

Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 21 janvier 2012

Sorti en France le 12 décembre 2012

L’histoire très banale d’un grossium de New York qui a commis quelques malversations et doit les dissimuler pour pouvoir revendre son affaire avec bénéfice. Hélas pour lui, il a un accident de voiture alors qu’il se trouvait avec sa maîtresse, et elle est tuée sur le coup. Aller trouver la police, c’est provoquer une enquête qui va tout révéler, atomiser sa famille dont il est si fier, et empêcher la vente. Alors, il cache tout, avec l’aide d’un jeune Noir auquel il a naguère rendu un grand service. Mais un inspecteur de police retors, et qui a tout compris, veut le coincer, et fabrique une fausse preuve...

La fausse preuve sera dévoilée, la vente aura lieu, et tout le monde sera content, sauf l’épouse légitime, qui a tout compris et fait un peu de chantage : la fortune du père passe à ses enfants.

Le film, correct mais plutôt froid, est le premier long métrage de son réalisateur. À cette occasion, il a raconté cette première rencontre avec sa vedette : « J’étais allé déjeuner chez Richard, dans un petit bed and breakfast qu’il tient avec sa femme ». Ciel ! Le beau Richard tient donc une pension ? Tout comme, en Belgique, Olivier Gourmet tient un hôtel ? Plaignons les artistes obligés de travailler.

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Un jour de chance

Vendredi 14 décembre 2012

Réalisé par Álex de la Iglesia

Titre original : La chispa de la vida

Sorti en Espagne le 30 novembre 2011

Sorti en France le 12 décembre 2012

Je n’ai malheureusement pas vu le film de Billy Wilder Le gouffre aux chimères (titre original, Ace in the Hole, sorti en 1951), dont Álex de la Iglesia s’est inspiré : un mineur indien était coincé dans un tunnel, et un journaliste pourri, joué par Kirk Douglas, faisait de son histoire un feuilleton qui finissait par lui échapper. Ici, un publicitaire raté, au chômage et à qui un ancien ami, président de société, vient de refuser un travail, est victime d’un accident sur le chantier d’un théâtre antique : tombé sur le support métallique prévu pour y couler du béton, il se trouve avec une barre de fer enfoncée dans le crâne ! Il ne souffre pas, mais on ne peut le retirer de là sans risquer de le tuer. En somme, il est un peu dans la situation de ce soldat, dans No man’s land, de Danis Tanovic, bon film de 2001 sur la guerre en Yougoslavie : un soldat était couché sur une mine menaçant d’exploser au moindre mouvement. Comment l’en tirer, et les organes d’information pouvaient-ils faire pression sur le commandement militaire pour que les grands chefs se démènent un peu ? Question qui restait sans réponse. Déjà, dans ce film, pessimisme total, pimenté de comique macabre.

D’Álex de la Iglesia, je n’ai vu que Crimes à Oxford, d’après un roman policier en espagnol de Guillermo Martínez, et Un crime farpait (il n’y a pas de faute de frappe, c’est bien « farpait »), comédie grinçante qui semble être son genre de prédilection. En tout cas, ce dernier film est bien dans la ligne, puisque c’est une sorte de jeu de massacre visant en vrac les autorités (il y a là un maire plutôt gratiné), les cadres de grosses sociétés, et principalement la télévision, qui fait son miel de toutes choses, mais de préférence les pires. Le scénario est soigné aux petits oignons ; tout au plus, mais c’est personnel, regretterai-je la lourdeur d’un symbole comme celui que vous pouvez voir sur la photo ci-dessous, montrant le personnage accidenté dans l’attitude de Jésus sur la croix – mais couché. Je suis le premier à railler le folklore qui tourne autour de Jésus, mais dans le cas présent, c’est saugrenu et hors sujet. Néanmoins, sans doute a-t-on voulu doubler le symbole religieux par un autre : un capitaliste crucifié dans un théâtre antique représentant la culture...

 

La chispa de la vida

 

Le film mêle l’émotion avec l’humour noir, la première étant réservée aux scènes de famille. J’ai noté qu’échappant au cliché, le personnage du jeune fils, musicien de rock, bien que bardé de piercings (il a un anneau dans le nez), décoré de divers tatouages, et porteur d’un maquillage et d’un uniforme de gothique, se révèle un garçon tendre et gentil, qui finit pieds nus parce que son père l’a prié, si lui-même n’en réchappait pas, de se débarrasser de ses bottes ! Ce qui se produit en effet. Ce personnage est interprété par Eduardo Casanova, jeune acteur gay de 21 ans, inconnu en France mais très connu en Espagne pour son rôle de Fidel dans le feuilleton Aída – que nous n’avons pas vu. Ce personnage, reconnaissons-le, n’est pas le seul qui sauve l’honneur, car il y a aussi sa sœur et sa mère ; ce vigile qui, ayant involontairement causé l’accident, est le premier à secourir Roberto ; et la jeune et gentille journaliste de télévision, qui accepte de filmer une interview du mourant pour le seul usage de sa femme, laquelle refusera de livrer le document à la télévision. Tous les autres sont à fourrer dans le même sac, et le film implique même les spectateurs du drame, citoyens de Cartagena, qui s’installent sur les gradins de l’arène comme pour ne rien perdre de la mise à mort !

C’est très désabusé, mais nous voyons chaque jour des raisons de partager ce point de vue.

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Télé Gaucho

Lundi 17 décembre 2012

Réalisé par Michel Leclerc

Sorti en France le 12 décembre 2012

Plutôt un joyeux foutoir, qui n’a aucune chance d’intéresser les autres pays, car il s’agit d’un film nostalgique de Télé Bocal, petite chaîne de télévision clandestine et faite pour les gens du quartier de Paris qui la faisaient. Tout le monde l’a donc oubliée, sauf, justement, ceux-là, les très rares qui l’ont vue, et dont le réalisateur faisait partie !

Naturellement, tous étaient « de gauche » (pas du Parti Socialiste, évidemment), et n’avaient en tête que la révolution, pas la vraie, la sanglante, mais celle dont ils rêvaient et qui n’a jamais existé nulle part ailleurs que dans leur imagination. C’était Mai-68, avec presque trente ans de retard.

Le film, qui est principalement une satire des télévisions commerciales, contient plusieurs scènes de manifestations, prises sur le vif (on y voit même Albert Jaccard !), et tout tourne autour de deux personnages, celui de Clara la maladroite, joué par Sara Forestier, et surtout celui de Victor, jeune naïf incarné par un Félix Moati dont je soupçonne que le réalisateur est un peu amoureux, vu son insistance à le montrer tout nu sans la moindre raison ! Cela dit, faute de mieux, il a une bonne bouille.

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Ressortie : Les visiteurs du soir

Lundi 17 décembre 2012

Demain, les salles de cinéma reprennent Les visiteurs du soir, dans une version remise à neuf. Certes, ce n’est pas le meilleur film de Marcel Carné (je préfère de loin Les enfants du paradis), mais il y a tout de même Jules Berry, qui incarne un sacré démon. On n’avait pas vu ce film depuis des années, et, personnellement, je ne l’ai vu qu’à la télévision.

Je sais déjà que j’irai voir le film au Brady, parce que cette salle ne passe pas de pub, et qu’il n’y a pas foule. À moins que, comme pour Les enfants du paradis ressorti récemment, il n’y ait qu’une seule salle dans tout Paris pour passer le film ; auquel cas, il n’y aura pas le choix !

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Royal affair

Mardi 18 décembre 2012

Réalisé par Nikolaj Arcel

Titre original : En kongelig affære

Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 16 février 2012

Sorti en France le 21 novembre 2012

Film un peu trop long et glacé, sur une fraction de l’histoire du Danemark à partir de 1770. Caroline Mathilde de Hanovre, sœur du roi d’Angleterre, a épousé le roi du Danemark Christian VII, qui est un curieux mélange de rustre avec les femmes et de grand amateur de poésie. Or ce roi s’entiche d’un médecin allemand, Johann Struensee, qui a la même passion du théâtre, et en fait son homme de confiance, allant jusqu’à dissoudre le Conseil royal (le véritable gouvernement) pour le nommer à sa tête – avec lui-même toutefois.

Or ce médecin partage avec la reine Caroline une autre passion, pour les idées nouvelles des philosophes français, de sorte que, d’une part, il devient l’amant de la reine délaissée, qui mettra une fille au monde, et, d’autre part, communique ses idées libérales au roi, qui se lance dans une série de réformes empreintes d’humanité.

Naturellement, cela ne plaît pas à tout le monde : les aristocrates et la reine-mère complotent, font trahir le médecin libéral par un de ses amis, et le font condamner à mort.

Par chance pour le pays, le successeur de Christian VII, son fils Frederik, sera un excellent roi, règnera très longtemps, rétablira toutes les lois libérales que son père avait finalement annulées, et ira même plus loin dans le libéralisme, faisant du Danemark le pays civilisé qu’il est encore.

Comme noté au début, la réalisation est assez statique, mais l’histoire est passionnante. On remarque surtout l’interprétation d’un acteur étonnant, Mikkel Boe Folsgaard, qui joue le roi déséquilibré.

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Les visiteurs du soir

Jeudi 20 décembre 2012

Réalisé par Marcel Carné

Sorti en France le 5 décembre 1942

Ressorti en France le 19 décembre 2012

Au fond, ce film n’a d’intérêt qu’historique, parce que réalisé par Marcel Carné, aussi pour le scénario et les dialogues co-écrits par Jacques Prévert. Mais le tandem, plutôt orienté vers le social, n’était pas à l’aise avec la féerie, ni avec la société médiévale (l’histoire est censée se passer en mai 1485). Pour ne rien arranger, si Fernand Ledoux est crédible et si Jules Berry, qui n’arrive que dans la deuxième heure, compose un Satan plutôt pittoresque, les autres acteurs sont à la limite du ridicule. On ne peut croire que les habitants du château prennent Arletty pour un jeune garçon (elle avait tout de même 44 ans !), et le couple formé par Marie Déa et Alain Cuny est tout sauf romanesque. Et puis, le Diable transformant en statues le couple d’amoureux, et s’apercevant a posteriori qu’on entend toujours battre leur cœur sous la pierre, c’est d’une naïveté de neuneu, sans doute nécessitée par le souci de donner une morale à cette histoire.

Cela dit, on a, au temps de la Nouvelle Vague et même avant, condamné le film pour des raisons douteuses, argüant que, puisque Prévert et Carné l’avaient tourné sous l’Occupation, il fallait que ses auteurs aient eu de la sympathie pour la Collaboration ! C’était stupide, et rien n’a pu créditer cette thèse. Ou alors, Sartre, qui a fait jouer Les mouches à la même époque exactement, au théâtre, devant un public d’officiers allemands, était aussi un sympathisant des nazis. Mais qui veut noyer son chien...

Donc, à voir, mais par curiosité surtout. Cependant, aujourd’hui, les curieux ne se bousculaient pas : j’étais le seul spectateur de la grande salle du Brady. À la sortie, on m’a aussi appris que la soirée d’avant-première, avant-hier, n’a pas eu davantage de succès. Mais je vois très bien pourquoi : au Brady, on ne vend ni popcorn ni boissons sucrées. Ces gens ne connaissent rien au cinéma.

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Fear and desire

Vendredi 21 décembre 2012

Réalisé par Stanley Kubrick

Sorti aux États-Unis le 31 mars 1953

Sorti en France le 14 novembre 2012

Film qu’on croyait disparu, et qui réapparaît avec près de soixante ans de retard. La critique est ICI.

Comme pour Les visiteurs du soir traité ci-dessus, le film a surtout un intérêt historique. Il est donc à voir, mais pour cette seule raison. D’ailleurs, il est sorti en France dans la plus grande discrétion, ni « Le Canard » ni Le masque et la plume n’en ont parlé, et les spectateurs ne se bousculent pas aux rares séances même pas quotidiennes (trois spectateurs, dont moi-même, hier, à la seule projection du jour).

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La scandaleuse de Berlin

Lundi 24 décembre 2012

Réalisé par Billy Wilder

Titre original : A foreign affair

Sorti aux États-Unis le 30 juin 1948

Sorti en France le 22 avril 1949

Ressorti en France le 14 novembre 2012

Pour rire sainement, on peut compter sur Billy Wilder, car, avec lui, satire dans tous les coins. Il tourna ce film à Berlin (partiellement) en 1947, avec Marlene Dietrich qui ne fit pas le déplacement, mais s’y trouve aujourd’hui, quoique sous une dalle. Il y retourna en 1961 pour Un, deux, trois, avec un autre Allemand, Horst Buchholz – l’un des plus beaux garçons du cinéma mondial –, pour se moquer cette fois du communisme et du capitalisme. Il faut dire que Marlene traîna un peu les pieds, car cela n’emballa pas cette ardente militante de l’antinazisme, de jouer dans une scène où Hitler lui baisait la main !

Comme toujours, le dialogue est truffé de vannes égratignant les États-Unis, telle celle-ci, dans la première scène : « Nourrir les affamés, c’est de la démocratie ; laisser l’étiquette sur le pain, c’est de l’impérialisme ! »...

Bref, l’Oncle Sam délègue à Berlin occupée une mission parlementaire qui doit enquêter sur la moralité de ses troupes d’occupation, soupçonnées, non sans raison, de trafiquer notamment avec le marché noir local, et d’exploiter la population, dans le style « Je t’échange ton argenterie de famille contre cinq tablettes de chocolat ». Et justement, le capitaine John Pringle est à la colle avec une chanteuse de cabaret, Erika Von Schlütow, qui fut la maîtresse d’un dignitaire nazi. Pour faire contraste, la mission est commandée par une femme extrêmement coincée, qui va évidemment tomber amoureuse de l’officier.

On rit souvent, mais certaines scènes sentimentales m’ont paru alourdir le récit. La mise en scène, elle, est éblouissante.

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L’homme qui rit

Mercredi 26 décembre 2012

Réalisé par Jean-Pierre Améris

Sorti aux États-Unis le 30 juin 1948

Sorti en France le 26 décembre 2012

Adapté d’un roman de Victor Hugo, mais on n’y sent pas le souffle et à peine l’indignation de l’auteur du livre. Le bon acteur qu’est Marc-André Grondin semble ne guère y croire. Seul Depardieu compose un personnage où il sait mettre des nuances. Il n’y a pas, chez nous, d’autre acteur hugolien. Lui qui a joué Raspoutine, Alexandre Dumas, Jacques de Molay, Mazarin, Volpone, Don Salluste, d’Artagnan, Fouché, Danton, Vidocq, Titus, Vatel, Tartuffe, Balzac, Porthos, Obélix, Cyrano, le colonel Chabert, Christophe Colomb, Marin Marais, Rodin, Zadig, et... Bérurier, si demain on lui propose Jésus, il le fera !

L’histoire de cet homme qui en fait ne riait pas est connue : un aristocrate ayant connu des bisbilles avec le roi est privé de son fils, qui est confié à un médecin fou, lequel taille au rasoir un faux sourire sur les joues du garçon – comme le futur Joker de Batman. L’enfant, qui s’est échappé, est recueilli par un forain et devient acteur, comme dans Le capitaine Fracasse. Mais une duchesse, qui a assisté à son spectacle, s’entiche provisoirement de lui, sa véritable origine est découverte, et il fait scandale au Parlement, auquel il appartient de droit, en prononçant un discours révolutionnaire. Là-dessus se greffe une mièvre histoire d’amour avec la jeune aveugle qui s’est enfuie avec lui, histoire à laquelle on ne peut s’intéresser, tant l’actrice est fade.

On a tenté de rattacher le film à l’univers de Tim Burton, riche en personnages bizarres et malheureux de leur infirmité. Mais la comparaison, écrasante, dessert le film et son réalisateur, qui semble avoir visé trop haut : on est très loin d’Edward aux mains d’argent !

Détail qui n’intéressera pas grand-monde : le compositeur de la musique, Stéphane Moucha, est le même que celui de la série Nicolas Le Floch ; or l’un de mes meilleurs amis a été son instituteur ! Et, pour une fois, ce n’est pas de la soupe comme dans la plupart des films français. Bien entendu, dans les hautes sphères de la critique, on prétendra le contraire.

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Touristes

Vendredi 28 décembre 2012

Réalisé par Ben Wheatley

Titre original : Sightseers

Sorti en France (Festival de Cannes) le 23 mai 2012

Sorti en France le 26 décembre 2012

Malgré sa mère qui l’étouffe et ne cesse de lui rappeler qu’accidentellement, elle a causé la mort de son chien Poppy, Tina, trentenaire, tient à prendre une semaine de vacances en compagnie d’un homme qui lui plaît, Chris, en dépit de sa barbe et de ses cheveux roux. Mais Chris va se révéler comme un cinglé qui, lorsqu’un importun l’énerve, n’hésite pas à le tuer. Or Tina, un peu étonnée au début, y prend goût. Mieux encore, c’est elle qui occit le seul copain que Chris s’est fait pendant ces vacances. Et lorsque leur congé prend fin et que Chris propose qu’ils se suicident tous les deux en se jetant du haut d’un pont, elle accepte, mais... le laisse sauter seul !

Ce festival d’humour noir et macabre n’emporte pas l’adhésion, parce que quelque chose ne colle pas. C’est peut-être dû au fait que le réalisateur a tourné son film sans prendre connaissance du scénario, inconséquence que benoîtement il avoue, comme si elle servait sa réputation.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

L’odyssée de Pi

Lundi 31 décembre 2012

Réalisé par Ang Lee

Titre original : Life of Pi

Sorti aux États-Unis le 28 septembre 2012

Sorti en France le 19 décembre 2012

Pi, jeune Indien de Pondichéry, se nomme en réalité Piscine Molitor Patel, parce qu’un ami de son père, « qui collectionnait les piscines », lui avait juré que l’eau de cette piscine parisienne était si pure qu’on pouvait y faire son café ! Lorsque Pondichéry fut rétrocédée à l’Inde par la France, le père de Pi créa un zoo à l’emplacement d’un hôtel chic, mais les affaires allant mal, il décida, n’étant propriétaire que des animaux, d’émigrer avec eux au Canada. Hélas, le cargo japonais qui s’y rendait fit naufrage, toute la famille se noya, seul Pi, âgé de 17 ans, parvint à prendre place sur un canot de sauvetage, avec... un zèbre, un orang-outan, une hyène et un tigre du Bengale. La hyène tua le zèbre et l’orang-outan, le tigre tua la hyène, et Pi dut continuer son odyssée en la seule compagnie du félin, qu’il put dresser mais non apprivoiser (c’est impossible).

Après bien des tribulations, Pi aborda au Mexique, et le tigre, nommé Richard Parker (!), partit sans se retourner, ce qui causa beaucoup de peine à Pi. Soigné à l’hôpital, Pi dut raconter son histoire aux agents d’assurance des armateurs du cargo, mais on ne le crut pas, aussi conta-t-il une autre histoire, dans laquelle les passagers du canot était sa mère, un matelot hindouiste, le cuisiner du bateau (un sale type, assassin et cannibale, joué naturellement par Gérard Depardieu), et lui-même. Plus tard, devenu adulte, marié, père de deux enfants, Pi raconte ces deux histoires à un jeune écrivain, et lui demande laquelle il préfère. « Celle avec le tigre », répond l’écrivain.

Ce film, plus malin qu’on le croirait, s’avère être un conte philosophique magnifiquement illustré par une réalisation brillante, où le numérique se taille la part du lion, car on ne montre que des évènements impossibles ! Et il fallait être aussi sot qu’un critique de France Inter pour estimer que les images de synthèse sont laides, alors qu’au contraire, elles sont splendides. Pi est incarné successivement par quatre acteurs, selon son âge, mais celui qui occupe la majeure partie du récit, Suraj Sharma, est beau et talentueux.

Les spectateurs ont de la chance : c’est Ang Lee qui a fait le film. On frémit en songeant que ce ringard de Shyamalan aurait voulu s’attaquer à cette histoire, issue d’un roman. Heureusement, il a changé d’avis et réalisé un navet à la place. On a aussi échappé à Jean-Pierre Jeunet... Il faudra songer à en remercier le Ciel.

En bref : à voir.Haut de la page

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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.