Œuvres citées (en italique, autres que des films) : Mysterious skin – Doom generation – Nowhere – La mauvaise réputation – Marnie – La maison du docteur Edwardes – Va, vis et deviens – Les enfants – Brice de Nice – Captain Sky et le monde de demain – L’inconnu du Nord-Express – La guerre des mondes (1953) – Wuthering heights – Star wars – 20 heures 10 pétantes – Le magicien d’Oz – Docteur Kinsey – Akoibon – Mon petit doigt m’a dit – Dig ! – Woodstock – Gimme shelter – Robots – Garden state – In your hands – Festen – Anthony Zimmer – Marnie – L’inconnu du Nord-Express – La mort aux trousses – La main au collet – Spartacus – Cléopâtre – Satyricon – Ben Hur – The take
Personnes citées : Gregg Araki – Pedro Almodóvar – Alfred Hitchcock – Radu Mihaileanu – Christian Vincent – Jean Dujardin – Jim Carrey – Mike Myers – Peter Sellers – Jerry Lewis – James Huth – Les Robin des Bois – Kerry Conran – George Pal – Steven Spielberg – Orson Welles – Laurence Olivier – Victor Fleming – Fred Astaire – Bill Condon – Sigmund Freud – Édouard Baer – Pascal Thomas – Agatha Christie – Ondi Timoner – Les Rolling Stones – Chris Wedge – Carlos Saldanha – Zach Braff – Natalie Portman – Zach Braff – Annette K. Olesen – Lars von Trier – Jérôme Salle – Yvan Attal – Sophie Marceau – Christine Deviers-Joncour – James Mason – Cary Grant – Stanley Kubrick – Kirk Douglas – Dalton Trumbo – Charles Laughton – Peter Ustinov – Tony Curtis – Laurence Olivier – Federico Fellini – Avi Lewis – Naomi Klein – Michael Moore
Réalisé par Gregg Araki
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 3 septembre 2004
Sorti en France le 30 mars 2005
De Gregg Araki, faute d’avoir vu Doom generation, je ne connaissais que Nowhere, œuvre de hippie homo un peu attardé, très mode, et dont le dénouement irrationnel, en forme de pied de nez (un très beau garçon nu se transformait en cafard !), vous laissait perplexe. Avec Mysterious skin, on peut dire que le réalisateur s’est passablement assagi, car le film est on ne peut plus classique dans sa forme.
Sur le fond, en revanche, il est plus honnête que La mauvaise réputation, film très surfait de Pedro Almodóvar, puisque la pédophilie, cette fois, est bel et bien au centre de l’histoire... et que le sujet y est abordé franchement. Davantage que dans la presse, qui fait paradoxalement ses choux gras d’un thème tabou, tout en le traitant avec la superficialité d’usage.
Deux garçons de huit ans, Neil et Brian, ont été « séduits » par leur entraîneur de base-ball. Mais les conséquences en seront aussi différentes que peuvent l’être les deux garçons. Neil est déjà homosexuel, et seuls les niais s’étonneront qu’il en soit conscient à huit ans ; or, comme il n’a subi aucune violence et que sa famille n’a rien de reluisant, il trouve la situation agréable et flatteuse – circonstance que les journaux ne rapportent en aucun cas dans des affaires semblables, alors que ce n’est pas si rare. De chouchou en titre, il va devenir le rabatteur de l’homme, et l’aider à convaincre ses futures proies. De tout cela, il gardera un excellent souvenir. Plus tard, par plaisir, gloriole, et pour glaner un peu d’argent, il se fera faire des fellations par tous les mâles de sa petite ville... sans jamais savoir que le préservatif n’est pas fait pour les caniches, détail que le spectateur avale difficilement, si je puis dire. Brian, lui, n’en a conçu que de la honte, il a complètement occulté tout cela, n’a aucune vie sentimentale, et il est tombé dans une lubie qui a volontiers cours aux États-Unis, puisqu’il pense avoir été enlevé par des extraterrestres.
Les deux garçons, qui ne se sont pas revus, se retrouvent dix ans plus tard, et vous avez compris que Neil va contribuer à dissiper l’amnésie de Brian. Au passage, on apprend en quoi consistaient les pratiques sexuelles et masochistes du séducteur, qui a disparu entre-temps de la circulation (et sa maison, dans laquelle ils se sont introduits, est curieusement nickel, comme si elle était encore habitée). La séquence, quoique émouvante, ne manque pas de naïveté, mais Araki n’est pas le premier qui tente de résumer une psychanalyse en une seule scène, Hitchcock en personne est tombé avant lui dans ce traquenard : voir Marnie et La maison du docteur Edwardes...
La presse a dit grand bien de ce film. De toute évidence, elle s’est laissé convaincre par le sujet, qui n’a jamais été traité avec sérieux par le cinéma. Mais le résultat, bien qu’adroit dans la réalisation des séquences gênantes et qui du coup ne le sont plus – dilemme dont il est difficile de sortir –, est assez terne, il faut bien l’avouer.
Réalisé par Radu Mihaileanu
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin) le 11 février 2005
Sorti en France le 30 mars 2005
Certes, si l’on veut survivre, Israël en guerre vaut mieux que l’Éthiopie durant la famine créée voici plus de vingt ans par le sinistre Mengistu. Cet enfant chrétien que sa mère fait passer pour juif, afin que le Mossad le récupère et l’admette dans le convoi des Juifs éthiopiens pour Jérusalem, il sera effectivement sauvé, et nous assisterons à son adaptation, assez difficile, à un univers complètement différent, au sein d’une famille d’adoption francophone – coproduction oblige.
Ce pourrait être le drame de la transplantation et du déracinement, mais en fait, en dépit des heurts dus principalement au racisme anti-noir pratiqué par les Juifs orthodoxes, on va vers un happy end un peu forcé, auquel ne manquent seulement pas les retrouvailles, au dernier plan, avec la mère laissée sur place au début.
Néanmoins, et en dépit du peu de surprises que réserve le scénario, et d’une musique souvent trop alanguie dans le redoutable style « publicité pour Gaz de France » – ceux qui subissent quotidiennement depuis deux lustres cette épouvantable rengaine pseudo-tiers-mondiste savent de quoi je parle –, c’est assez émouvant, parfois drôle, et les trois garçons qui interprètent le faux Salomon sont plutôt bons. Tous les trois juifs, soit dit en passant, ce qui contredit le postulat du film...
Une très belle scène, la seule qui témoigne d’un souci de mise en scène absent de tout le reste : l’enfant, à peine arrivé en Israël, doit prendre une douche ; et, affolé de voir l’eau sale ficher le camp par la grille au sol, il tente d’en empêcher l’écoulement vers l’égoût. En Afrique, l’eau est un luxe dont les Occidentaux n’ont plus conscience. Là-bas, si on veut en boire et conserver sa santé, on doit la filtrer goutte à goutte. Tout de suite, elle en prend davantage de valeur, forcément.
Réalisé par Christian Vincent
Sorti en France et en Belgique le 6 avril 2005
Privé par une ex-épouse rancunière et tatillonne de la garde de ses deux enfants, qu’il ne peut voir qu’à dates et heures fixes, Pierre se met en ménage avec Jeanne, mère de deux enfants elle aussi. Comment s’en tirer ?
L’observation est assez juste, ce n’est jamais dramatique, les adultes comme les gosses jouent plutôt bien, mais enfin, le moindre téléfilm sur les chaînes publiques en dit autant, et nous pouvons en voir deux ou trois par semaine. À quoi sert ce genre de film au titre si peu engageant ? À nourrir les futurs programmes de la télé, justement.
Réalisé par James Huth
Sorti en Belgique le 30 mars 2005
Sorti en France le 6 avril 2005
L’acteur Jean Dujardin a imaginé, pour l’interpréter, cette histoire d’un prétendu champion de surf, qui n’est pas tenu de justifier cette qualité, puisqu’il vit à Nice, où les rouleaux générés par la marée sont comparables à ceux qu’on peut admirer à Chamonix. Lorsque le hasard propulse notre imposteur à Biarritz, il se ridiculise, comme de bien entendu.
Cette histoire est traitée sur le mode inepte, genre qui exige un acteur doué pour la démesure : Jim Carrey ou Myke Myers aujourd’hui, Peter Sellers ou Jerry Lewis naguère. Mais Dujardin n’est pas fait pour cela, son jeu est forcé, il ne fait rire à aucun moment.
Le film est réalisé par un tâcheron, James Huth, qui n’a guère à son actif qu’une pantalonnade avec les Robin des Bois – des « comiques » de télé tels qu’engendrés par notre époque si fertile en génies du rire.
Pour tout arranger, l’image est d’une laideur qu’on voit rarement.
Réalisé par Kerry Conran
Titre original : Sky Captain and the world of tomorrow
Sorti en Italie (Festival de Venise) en septembre 2004
Sorti en France le 16 mars 2005
Histoire de pallier l’absence de scénario, on bourre le film de références cinématographiques, à L’inconnu du Nord-Express, par exemple – film que les spectateurs habituels de ce genre de produit, car c’en est un, ignorent sans doute. Ils ne connaissent pas davantage le logo de RKO utilisé dans la scène de l’appel à la radio, ni La guerre des mondes, de George Pal (qui ressortira forcément bientôt, puisque Spielberg en a fait un remake), ni la version radiophonique de la même œuvre, qui a fait la célébrité d’Orson Welles, où des répliques ont été piquées. Ont-ils, ces mêmes spectateurs, remarqué une enseigne de théâtre affichant Wuthering heights, que Laurence Olivier – voir plus loin – jouait sur scène, ou le nom de Victor Fleming dans un graffiti ? Bref, l’équipe du film s’est divertie à multiplier de fugitives private jokes que le public ne verra pas.
Passe encore, si le film n’était aussi ennuyeux, aussi débile que Star wars, et plutôt laid : tous les acteurs, qui n’ont travaillé que devant des écrans bleus puisque l’essentiel a été fait sur ordinateur, semblent filmés à travers ce filtre diffuseur teinté de marron que le réalisateur de 20 heures 10 pétantes se croit obligé d’employer quand un chanteur invité pousse sa chansonnette sur le plateau.
Mal conçu, en outre : quand on doit écouter une conversation qui éclaire l’action, l’attention du spectateur est distraite par ce qui se passe en arrière-plan (la séquence au cinéma, avec, sur l’écran, Le magicien d’Oz). Une erreur de débutant !
Et puis, pour figurer le savant fou, on a eu le culot de ressusciter Laurence Olivier, mort en 1989, et qui n’en demandait pas tant. Vous allez voir qu’avec cette manie du numérique, elle va finir par se réaliser, ma vieille blague sur Fred Astaire embauché dans un film porno intitulé Astaire X !
Réalisé par Bill Condon
Titre original : Kinsey
Sorti aux États-Unis (Festival de Telluride) le 4 septembre 2004
Sorti en France le 6 avril 2005
Encore un film qui intéresse davantage par son contenu que par sa forme cinématographique. Kinsey, un peu oublié aujourd’hui bien qu’il ait sans doute rendu davantage de services que Freud, avait observé que ce qui rendait les relations amoureuses difficiles, c’était souvent le sentiment de culpabilité attaché à la notion de normalité : faute de savoir comment se comportent les autres dans leur vie intime, on se croit facilement « anormal ». Alors que cette notion de normalité est un non-sens scientifique !
Sa lutte pour établir la plus grande base de données possible, ses affrontements avec l’opinion publique et les groupes de pression, et les répercussions sur sa propre vie conjugale, font l’objet de ce récit romancé, mais honnête. D’un point de vue historique, c’est instructif.
Réalisé par Édouard Baer
Sorti en France le 13 avril 2005
En effet !
Réalisé par Pascal Thomas
Sorti en France le 13 avril 2005
À propos d’une défunte qui avait été commandant : « Non seulement elle était dans l’Armée, mais elle faisait des conquêtes ! – Oui, c’est devenu rare, chez les militaires. »
Fidèlement adapté, avec beaucoup d’adresse, d’un roman d’Agatha Christie, enfin un film français délicieux, cocasse, avec des dialogues brillants et une utilisation intéressante de l’absurde – à l’opposé de celle qu’en a faite Édouard Baer dans son ridicule Akoibon.
C’est si jouissif qu’on ne prête aucune attention à l’enquête, dont tout le monde se fiche. D’ailleurs, le cinéma n’est pas fait pour ça, et les intrigues concoctées par Dame Agatha sont toujours excessivement compliquées, de sorte que, pour les réalisateurs, la recherche du coupable est en général le cadet de leurs soucis. Ils ont bien raison !
Réalisé par Ondi Timoner
Titre original : Dig!
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 18 janvier 2004
Sorti en France le 13 avril 2005
Le titre, qui signifie « Creuse ! », doit être une allusion à une scène célèbre d’un film de Sergio Leone.
Les films sur les groupes de rock sont excessivement rares, ce genre musical ayant, semble-t-il, perdu la bataille contre le rap – et on ne peut que le déplorer. Si bien que j’ai vu Dig ! dans une salle quasi-déserte, où le plus jeune des autres spectateurs devait être quadragénaire.
Dommage que ce film-ci, qui vient après des dizaines d’années de quasi-absence du rock au cinéma, déçoive un peu, car, hormis les habituelles péripéties déjà vues ailleurs et donc très peu inattendues (alcool, drogue, paranoïa, bagarres, concerts annulés, insultes envers le public, ennuis avec la police), il ne se passe pas grand-chose, et le dénouement est absent, puisque les aventures de ces deux groupes amis puis rivaux continuent encore, semble-t-il.
C’est beaucoup moins palpitant que l’euphorisant Woodstock et surtout le mouvementé Gimme shelter, qui racontait entre autres un concert des Rolling Stones où il y avait eu mort d’homme, provoquée par les Hell Angels. Ici, en comparaison, c’est très calme... et la musique est peu présente, finalement.
Réalisé par Chris Wedge et Carlos Saldanha
Sorti à Singapour le 10 mars 2005
Sorti en France le 6 avril 2005
Production des studios Dreamworks. Ce type de films, en images de synthèse, coûte beaucoup plus cher et demande bien plus d’efforts que les anciens dessins animés, dont on dit que Disney les abandonne définitivement.
En tout cas, c’est aussi plus inventif. Et quelques idées subversives peuvent passer par ce canal. Ici, on montre le principe de la société de consommation, qui repose, le chômage servant de justification, sur cette idée simpliste : fabriquons des machines qui tombent rapidement en panne, afin de vendre plus vite le modèle suivant (dans le film, on dit les « mises à jour », c’est le terme usité en informatique, où tout matériel ou logiciel est démodé le jour même de sa sortie). Et surtout, éradiquons du vocabulaire le mot réparer, c’est trop obscène !
Réalisé par Zach Braff
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 16 janvier 2004
Sorti en France le 20 avril 2005
Jouée par lui, mise en scène par lui, une tranche de vie d’un jeune acteur dans les jours qui suivent le décès de sa mère et son retour temporaire au domicile familial. Au début, on regarde avec curiosité, parce qu’il y a quelques personnages pittoresques. Puis on comprend que c’est un truc, montrer des gens « décalés », comme il faut dire aujourd’hui, et qui disent et font un peu n’importe quoi. L’ennui s’installe peu à peu, et on finit par s’en foutre complètement. Natalie Portman, dans le style « nana trop cool », est horripilante ; l’acteur-réalisateur Zach Braff, fade. Et des chansons comblent les trous de l’action, comme toujours.
Réalisé par Annette K. Olesen
Titre original : Forbrydelser
Sorti au Danemark le 23 janvier 2004
Sorti en France le 13 avril 2005
Titre À La Con, car Forbrydelser signifie crimes en danois...
Un couple qui se croyait stérile va pourtant avoir un enfant. Mais les examens laissent prévoir que le bébé risque d’être handicapé. Les époux se résignent à l’avortement. Phrase-clé : au médecin qui parle d’« enlever le foetus », la femme répond « Vous dites foetus, et moi, enfant ». Tout est résumé en six mots.
Cette histoire toute simple est traitée en évitant les clichés, notamment celui de la femme qui se ravise à la dernière minute : la grossesse sera bien interrompue. Il est vrai que nous sommes en Scandinavie. Partout ailleurs, notamment en France ou aux États-Unis, la morale convenue aurait pointé son vilain nez.
L’originalité du film vient de ce que la femme est un pasteur, et qu’elle travaille comme aumônier dans une prison pour femmes. Une autre histoire se greffe sur la première, celle d’une criminelle qui a laissé son bébé mourir de soif puis l’a jeté à la poubelle. C’est sans doute ce qui explique le titre danois – voir plus haut. Paradoxe, le personnage n’a rien d’odieux, et montre une réelle dignité. Un amour commence entre elle et un gardien de la prison, idylle vite interrompue, elle aussi, par l’administration.
Le tout est filmé selon la fameuse charte Dogma 95, invention de Lars von Trier, qui s’est bien gardé de la suivre dans ses films : pas de musique, pas d’éclairage d’appoint, pas de décors construits, etc. Dogma n’avait connu qu’une réussite, le fameux Festen, et convient parfaitement à cette histoire tout aussi austère.
Réalisé par Jérôme Salle
Sorti en France et en Belgique le 27 avril 2005
Jérôme Salle a vu Hitchcock, et il rentabilise sa culture ! Le film commence comme Marnie, avec une femme qui va prendre un train, et qui porte un sac de voyage en cuir ; on la suit de dos, longuement, dans la gare, sans voir son visage ; la caméra est au niveau de ses jambes, comme dans L’inconnu du Nord-Express. Plus tard, dans le train, elle drague un type, comme Eve Kendall dans La mort aux trousses. Les deux personnages principaux, qui se baignent sur la Côte d’Azur, vont bronzer sur un ponton individuel, comme dans La main au collet...
D’ailleurs, tout le film pompe La mort aux trousses, et devrait s’intituler George Kaplan plutôt qu’Anthony Zimmer : Yvan Attal est pris pour un espion-trafiquant, qu’on ne voit jamais, qui existe ou qui n’existe pas, l’épilogue vous le dira ; Sophie Marceau, qui s’est fait la tête de Christine Deviers-Joncour, s’entend demander si elle trahit tous les hommes qu’elle aime ; et la maison de la fin s’inspire directement de celle que possédait James Mason, alias Vandamm, au Mont Rushmore. Mais tout cela, Le masque et la plume va vous en parler à la première occasion, parions-le ; il est donc inutile que je développe.
Soyons aimable : ce n’est pas un plagiat, les emprunts ne portent que sur des détails, c’est un « hommage », comme on dit... Hélas, l’histoire est moyennement passionnante et ne tient que très peu les promesses du début. Le coup de théâtre de la fin, j’ai le regret de le dire, on le voit venir longtemps à l’avance. Et Yvan Attal, par-dessus tout, manque de charisme. N’est pas Cary Grant qui veut.
Réalisé par Stanley Kubrick
Sorti aux États-Unis le 6 octobre 1960
Sorti en France le 15 septembre 1961
Étrange : quand Spartacus est sorti, en 1960, nul n’a écrit que c’était un chef-d’œuvre. Aujourd’hui, on le couvre de fleurs, parce qu’entre-temps, Kubrick est devenu illustre. En fait, le film, qui vient de repasser sur Arte, n’est pas très bon, nettement inférieur au Cléopâtre de Manckiewicz, par exemple, et ne porte que rarement la marque de son réalisateur ; lequel n’est pour rien dans sa conception, puisqu’il a pris le train en marche après que Kirk Douglas, vedette et producteur exécutif, eut renvoyé le réalisateur qui avait commencé le tournage, Anthony Mann.
Le film n’est pas pour autant négligeable, mais, avant tout, ce n’est pas un péplum, comme on l’affirme souvent et bêtement. En fait, deux conceptions se sont affrontées : Kirk Douglas, Juif d’origine polonaise, voulait un scénario qui fasse le parallèle entre l’histoire de la révolte des esclaves et l’histoire du peuple juif, alors que le principal scénariste, Dalton Trumbo, communiste, ne voulait que plaider pour les droits de l’Homme. De toute évidence, son avis a prévalu, et Kubrick, bien que juif lui aussi, n’a pas suivi le projet de son producteur.
Le film est bien fait, un peu trop long (trois heures et quatre minutes à la sortie, trois heures et dix-huit minutes dans la version restaurée en 1991), les vedettes font leur numéro, cabotinant à outrance (de la part de Charles Laughton, et de Peter Ustinov dans une moindre mesure, ce n’est pas étonnant), et les scènes de bataille n’avaient pas recours au numérique, ce qui est reposant. En revanche, la représentation des corps crucifiés le long de la via Appia est ridicule, et Kubrick aurait dû se documenter un peu sur ce supplice typiquement romain.
Il semble que la scène de drague homosexuelle entre Tony Curtis et Laurence Olivier soit une initiative de Kubrick lui-même, on ne sait trop pourquoi, car le thème lui était étranger – comme il l’était à Fellini, qui a eu tort de s’y frotter dans son très raté Satyricon. Cette scène vient juste après celle de Ben-Hur, l’année précédente. Ils sont volontiers farceurs, à Hollywood, quoi qu’on en dise.
Réalisé par Avi Lewis
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 3 septembre 2004
Sorti en France le 27 avril 2005
Où il est démontré que les livres et le cinéma n’ont qu’un lointain rapport entre eux : Avi Lewis réalise ce film, The take (« La prise », sous-entendu : de pouvoir) sur un scénario de Naomi Klein. Celle-ci est connue pour son livre, No logo, qui en vaut dix, et qui démonte les mécanismes du libéralisme économique, tout en décrivant par le menu les ravages qu’il commet partout dans le monde.
Or il est fréquemment reproché aux militants de critiquer sans fournir de solution. Naomi Klein a cru pouvoir y remédier en prenant l’exemple d’une entreprise de fabrication de céramiques, en Argentine, où les ouvriers ont « réquisitionné » usine et matériel, et font tourner tout cela eux-mêmes, le patron étant mis à l’écart malgré l’intervention de l’État.
On ne sait trop si la réussite de ce coup d’état est avérée, on sait encore moins si l’exemple peut être étendu à d’autres entreprises et à d’autres pays, car l’Argentine présente un cas assez spécial. Mais il est certain que toutes les tentatives d’autogestion, partout ailleurs, ont mal tourné. Le film ignore purement et simplement ces échecs. Partant, il ne démontre rien. Accessoirement, bien qu’assez court, il ennuie très vite.
C’est l’inconvénient du cinéma militant : il n’intéresse guère que les militants. Naomi Klein proclame qu’elle ne veut pas faire « du Michael Moore », mais Michael Moore, quoique très contesté, sait manier la dérision, l’arme la plus puissante qui soit, et il est autrement efficace.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.