Œuvres citées : Transamerica – Un ami parfait – C.R.A.Z.Y. – Mambo italiano – Mortuary – Amazing stories – Quatre étoiles – Les bronzés – Da Vinci code – Klimt – Bubble – Ocean’s twelve – A bittersweet life – Dalkomhan insaeng – Secrets de famille – Keeping Mum – Arsenic et vieilles dentelles – Noblesse oblige – Quatre mariages et un enterrement – Bernie – Les aiguilles rouges – Mayrig – 588 rue Paradis – Uno – Mission : Impossible III – Comme t’y es belle – Le caïman – Il caimano – La dame de Shangaï – Journal intime – La chambre du fils – Volver – La mauvaise réputation
Personnes citées : Duncan Tucker – Felicity Huffman – Kevin Zegers – Antoine de Caunes – Francis Girod – Jean-Marc Vallée – Patsy Cline – Charles Aznavour – Marc-André Grondin – David Bowie – Tobe Hooper – Steven Spielberg – Christian Vincent – Isabelle Carré – José Garcia – François Cluzet – Audrey Tautou – Ron Howard – Raoul Ruiz – Tom Cruise – John Malkovich – Bernard-Henri Lévy – Steven Soderbergh – Ji-woon Kim – Niall Johnson – Rowan Atkinson – Maggie Smith – Bernadette Chirac – Albert Dupontel – Jean-François Davy – Henri Verneuil – Damien Jouillerot – Aksel Hennie – Tom Cruise – Jennifer Garner – Jeffrey Jacob Abrams – Philip Seymour Hoffman – Silvio Berlusconi – Orson Welles – Nanni Moretti – Pedro Almodóvar
Réalisé par Duncan Tucker
Sorti en Allemagne (Festival de Berlin ) le 14 février 2005
Sorti en France le 26 avril 2006
On sait peu de chose du scénariste-réalisateur Duncan Tucker, sinon qu’il est assez jeune et n’a fait avant ce film qu’un court métrage, The Mountain King, en 2000, qu’il a exposé ses peintures et ses photographies, et a publié une nouvelle. Mais Transamerica est assez réussi pour qu’on puisse attendre d’autres réalisations.
Pour une fois, un road movie repose sur un autre thème qu’un voyage et les rencontres qu’il suscite ; en fait, tout pourrait se dérouler au même endroit, plutôt qu’entre New York et Los Angeles : Bree, né homme, se sent femme et attend impatiemment l’opération qui lui donnera l’identité désirée. Mais un appel téléphonique lui révèle qu’il est père d’un garçon de 17 ans, en prison à New York pour possession de drogue, et dont il ignorait l’existence. On a déjà vu cela dans le dernier film de Jim Jarmusch, et l’intérêt n’est pas là. L’intérêt est dans l’évitement des clichés habituels, surtout celui de l’hostilité de départ qui se mue en sympathie au fil du voyage. En effet, Bree paie la caution du garçon et l’emmène en voiture à Los Angeles, ce qui est peut-être un peu tiré par les cheveux. Il s’avère que le garçon n’a rien d’un petit voyou, même s’il se prostitue à l’occasion faute de trouver mieux. Bree n’a rien dit à son fils et lui fait croire qu’il est une femme, membre d’une église, et qui est chargée par sa supérieure d’une mission d’accompagnement.
Inutile de dire que Toby ne va pas tarder à découvrir que son accompagnatrice est un accompagnateur, sans comprendre toutefois le lien familial qui les rattache. D’où la séquence comique, peu avant la fin, quand la mère de Bree découvre son petit-fils, s’entiche de lui, le couvre de cadeaux, l’appelle sans arrêt « Mon chou » et veut le garder ! Cet épisode précède le drame, lorsque Bree révèle enfin la vérité à Toby, alors que, pour « la » remercier, le garçon s’apprêtait à faire l’amour avec son propre père. Écrasé par la révélation, il le frappe, se sauve et gagne Hollywood, où il se fait engager dans un studio qui fabrique des films pornos gays.
La fin est amère : Bree s’est enfin fait opérer, et Toby lui rend visite, mais déclare qu’il ne pardonne pas. C’est cette fin qui donne son prix à l’histoire, en quelque sorte, car elle n’est pas hollywoodienne du tout.
Bree est jouée par Felicity Huffman, qui a vraiment l’air d’un homme voulant se transformer en femme, et Toby est interprété par Kevin Zegers, beau garçon talentueux.
Réalisé par Francis Girod
Sorti en France (Festival de Mamers ) le 24 mars 2006
Sorti en France le 26 avril 2006
Le professeur Barth a mis au point une méthode pour détecter facilement, dans les aliments, le prion auquel nous devons ce si beau gag de la vache folle, qui nous a bien occupés durant une dizaine d’années, avant d’être détrôné par la grippe aviaire. Mais les industriels suisses de l’agro-alimentaire lui achètent son procédé, car ils n’ont pas envie de voir leur petit commerce gêné par des gens qui ont le bête souci de ne pas tomber malades. Pour bien faire, en prime, ils le poussent au suicide, ce qui révèle un vrai talent de communicants.
Mais Julien, un journaliste non moins suisse incarné par Antoine de Caunes, a mené son enquête et va tout révéler dans son journal. Afin de parer le coup, une firme chocolatière, Swichoco, l’achète pour huit cent mille dollars. Tout irait pour le mieux dans le monde le plus pourri possible, si Julien n’avait un copain de travail, Lucas, qui récupère les informations abandonnées et entend bien les publier, lui. Les deux hommes se battent, Julien reçoit un coup de pelle sur la tête, reste deux jours dans le coma, et se réveille, ayant tout oublié des deux mois précédents – épisode qui n’a rien d’un cliché, bien entendu. Il va passer le reste de son temps à tenter de récupérer sa mémoire, mais, au moment où il va y parvenir et découvrir qu’il est une parfaite ordure, son ex-ami Lucas est lui aussi « suicidé » par les marchands de chocolat. Julien s’en console, s’achète une belle bagnole avec une partie des huit cent mille dollars et part au soleil... mais les chocolatiers font sauter sa voiture.
Tout cela, un peu caricatural, se suit sans trop d’ennui, mais la mise en scène date des années soixante-dix. Il faut dire qu’elle est de Francis Girod, un vétéran qui ne déteste pas la provocation de style gros sabots...
Moralité : boycottez le chocolat suisse ! Et la Suisse en général, refuge de tous les planqués de l’impôt.
Réalisé par Jean-Marc Vallée
Sorti au Canada le 27 mai 2005
Sorti en France le 3 mai 2006
Si les prénoms des enfants de la famille québécoise Beaulieu, à savoir Christian, Raymond, Antoine, Zachary et Yvan, forment par leurs initiales le mot Crazy, qui est aussi le titre d’une chanson de Patsy Cline, ce n’est qu’une accroche doublée d’une fausse bonne idée, car le film ni les personnages ne sont dingues le moins du monde. Tout au plus, le père – passionné de cette chanteuse, d’Aznavour et de vieux disques vinyle – et ses trois aînés sont-ils des ploucs homophobes. Pas de chance pour Zachary (joué par l’excellent Marc-André Grondin), branché rock, avec une préférence pour David Bowie, et qui lorgnerait plutôt du côté des garçons. Le malheureux se fait sans arrêt traiter de « fiff », diminutif de fifille et argot québécois pour pédé, ce qui est parfaitement injuste, puisqu’il couche avec sa cousine et n’a jamais touché un garçon avant ses vingt ans, lors d’un voyage à Jérusalem. Et seule la mort de son frère Raymond lui permettra de retrouver l’affection de son père, et surtout d’être accepté pour ce qu’il est.
C’est volubile, dépourvu de scènes de sexe, un peu brouillon, un peu trop long, mais vivant, et surtout pas racoleur. Plus proche de la triste réalité, moins optimiste que Mambo italiano, sorti en 2003. Le film a ramassé des monceaux de récompenses dans son pays d’origine.
On notera ce détail curieux : bien que le film parle français, il est parfois sous-titré ; c’est que l’accent et parfois le vocabulaire du Québec ne sont pas forcément compréhensibles au profane hexagonal. Ce qui vous permettra de ricaner sous cape en notant que, lorsqu’un personnage parle de « belles filles », le sous-titreur se croit autorisé à traduire par « des filles canons ». À cette engeance, l’argot est devenu si naturel et ils sont à ce point ignares, qu’ils pensent que c’est le vocabulaire normal de tout un chacun.
Réalisé par Tobe Hooper
Sorti en France (Festival de Cannes) le 12 mai 2005
Sorti aux États-Unis le 13 janvier 2006
Sorti en France le 3 mai 2006
Il y a deux possibilités. Soit vous êtes pétrifié de respect devant la réputation d’un réalisateur qui a naguère sorti un film resté dans l’histoire du cinéma (pour de plus ou moins bonnes raisons). Dans ce cas, face à Mortuary, vous direz que Tobe Hooper, l’auteur du déjà ancien Massacre à la tronçonneuse, « joue avec les codes du film d’horreur » : maison délabrée et sinistre, morts qui reviennent à la vie, substances bizarres qui ont une affinité pour le sang, cimetières, vomissements en geysers, monstre pitoyable qui vit dans un tombeau, conflit entre la police et les jeunes (à propos de drogue) ou entre groupes de jeunes, petite fille terrorisée qui pousse des cris stridents à longueur de film, et fin ouverte – un classique de la paresse pour qui ne sait pas imaginer une conclusion.
Soit vous estimerez qu’il n’y a rien de nouveau dans tout ça et que Tobe Hooper radote à coups d’autocitations. Et vous rappellerez, vachards, que depuis 1987 et un épisode de Amazing stories (produit par Spielberg), Hooper a surtout fait de la télé. Il devrait pouvoir y retourner.
Réalisé par Christian Vincent
Sorti en France (Festival de L’Alpe d’Huez) le 20 janvier 2006
Sorti en France le 3 mai 2006
Quoi ! L’hôtel Carlton de Cannes, célébrissime palace, n’a QUE quatre étoiles ? On est déçu...
Le film, lui, en ramassera beaucoup moins, car il appartient à la très vaste catégorie des comédies qui ne font pas rire. Certes, ce n’est pas vulgaire comme Les bronzés 3, et tant qu’Isabelle Carré se trouve à l’écran, c’est supportable, car elle rayonne, bien que son personnage soit à côté de la plaque ; mais les excellents José Garcia et François Cluzet ont beau en faire des mégatonnes, ils ne compensent pas la platitude des dialogues et la banalité des péripéties. Le spectateur, lui, s’ennuie ferme face à cette tentative de ressusciter la comédie hollywoodienne de la haute époque – esprit en moins.
J’étais certain qu’un jour ou l’autre, l’actrice Audrey Tautou proférerait une bourde. C’est dans le dernier numéro du canard publicitaire des salles UGC, « Illimité », où je puise encore la force de vivre. Interrogée sur le roman Da Vinci code, qui a fait l’objet d’un film prochainement présenté en ouverture du Festival de Cannes (c’est une tradition, on ouvre toujours ce festival par la vision d’un navet), et dans lequel cette actrice moyennement douée joue un rôle qui lui va comme un tablier à une vache, voici ce qu’elle en dit : « Je l’ai trouvé efficace, très bien ficelé. Mais je ne me doutais pas qu’il serait adapté au cinéma ».
Passons sur le « très bien ficelé », alors qu’on trouve en librairie des monceaux de livres qui démontrent que l’auteur de Da Vinci code s’est donné beaucoup de mal pour écrire n’importe quoi, autant sur les lieux de Paris qui lui servent de décor que sur les évènements historiques ; mais ne pas s’être douté que le bouquin serait adapté au cinéma, c’est assez farce. Le livre se présente en effet comme une succession de chapitres dont la plupart ne dépassent pas les deux pages, changeant chaque fois de personnages et de lieux, et qui est la copie conforme de ce qu’on désigne au cinéma par « montage alterné ». Aux yeux de quiconque sait lire, le Da Vinci code a bel et bien été rédigé en vue d’être adapté au cinéma.
Mais pas de chance, c’est tombé sur Ron Howard...
Réalisé par Raoul Ruiz
Sorti aux Pays-Bas (Festival de Rotterdam) le 20 janvier 2006
Sorti en Autriche le 3 mars 2006
Sorti en France le 26 avril 2006
Le genre de film qui vous donne envie d’aller voir la dernière production de Tom Cruise...
John Malkovich, un Klimt qu’on ne voit jamais peindre – le comble du snobisme –, batifole avec des tas de filles nues, et déambule lugubrement dans des réceptions mondaines. Il s’y ennuie, et nous encore plus. Pourtant, une scène, au début, semblait annoncer mieux : Klimt écrase un gâteau sur le visage d’un convive, puis s’excuse et l’essuie soigneusement avec un mouchoir. Mais BHL s’était fait porter pâle.
Réalisé par Steven Soderbergh
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 3 septembre 2005
Sorti aux États-Unis le 27 janvier 2006
Sorti en France le 10 mai 2006
Ce film de Steven Soderbergh est plus estimable que son Ocean’s twelve, d’autant plus qu’il est réalisé très simplement et clairement... en apparence ! Car l’explication manque, et réside peut-être dans l’aspect physique des personnages.
Cette histoire d’un meurtre commis chez des provinciaux modestes (tous travaillent dans une fabrique de poupons en plastique), et jouée par des amateurs, intéresse au début, mais pour son aspect social : nous sommes chez les petites gens, les ouvriers. Rien n’annonce l’assassinat de Rose par Martha. Lorsqu’il survient, la cause de ce crime n’est pas élucidée, donc tout cela ressemble à ces films où le but est d’égarer le spectateur sans lui fournir aucune explication. En fait, cette explication réside dans les visages : Kyle est beau, très beau, et il est jeune ; Rose, quoique déjà mère, est jeune aussi, pas laide, alors que Martha frise la quarantaine, et surtout elle est obèse. Il faut donc imaginer qu’elle est amoureuse de son camarade, alors que rien ne passe sur les visages ni dans les conversations (jamais il n’est question d’amour), et qu’elle soupçonne Rose et Kyle de commencer une idylle. Dès lors, inconsciemment jalouse, elle étrangle sa future rivale. Mais, au fond, nous n’en savons rien...
C’est donc l’exemple typique du film ambigu. Essai intéressant, il satisfera peu de spectateurs.
Réalisé par Ji-woon Kim
Titre original : Dalkomhan insaeng
Sorti en Corée du Sud le 1er avril 2005
Sorti en France (Festival de Cannes) le 15 mai 2005, puis en salles le 10 mai 2006
Film de la Corée du sud, dont le vrai titre est Dalkomhan insaeng (apparemment, c’est plutôt du malaisien), fondé sur une histoire qui n’a rien d’original : un chef de gang charge un jeune sous-fifre, Sun-woo, de surveiller sa petite amie, dont il soupçonne qu’elle le trompe, et de l’abattre si ses soupçons s’avèrent. Mais le garçon n’a pas le courage de passer à l’acte, et dès lors, c’est lui dont la vie ne vaut plus rien. Complication : il s’est brouillé aussi avec un gang rival. Au bout du compte, beaucoup de violence et de nombreux combats très sanglants.
Pourquoi, dans ce cas, y voir un bon film ? Parce que la violence, certes un peu trop abondante, n’y est pas stylisée, mais montrée dans sa réalité brute. Le contraire de ce que font nos amis « enjoliveurs », ceux qui, lorsqu’un personnage reçoit une balle dans la poitrine, lui font faire un saut de trois mètres en arrière, cliché inepte sur un effet qui ne peut se produire dans la réalité, puisque la physique s’y oppose (une balle perforante ne produit aucun choc de cette force) . La brutalité est sordide, et ce film le montre bien. En supplément, le récit est bien conduit et reste compréhensible. On notera cette courte scène où Sun-woo, qui a été battu et blessé par ses adversaires, est laissé suspendu, ligoté, au bout d’une corde ; du sang coule de sa bouche et dégouline sur le sol... tandis qu’une femme de ménage, indifférente, passe la serpillère, sans un mot, sans un regard.
Mais tout de même, ce Sun-woo, quelle nature ! Avec une demi-douzaine de coups de surin dans le bide, une balle dans le cou et une autre dans la poitrine, il parvient à dévaster un cabaret puis exécuter une dizaine de malfrats. C’est Raspoutine !
Réalisé par Niall Johnson
Titre original : Keeping Mum
Sorti au Royaume-Uni le 2 décembre 2005
Sorti en France le 10 mai 2006
Film britannique sur un double schéma classique : la domestique engagée dans une famille et qui se rend indispensable, et les meurtres en série commis par de délicieuses vieilles dames, genre dont l’archétype fut naturellement Arsenic et vieilles dentelles. C’est savoureux, mais pas délectable, car le tout est un peu mou. Le film cité, ainsi que Noblesse oblige, par exemple, avaient davantage de rythme. Quant au gag final, on le voit venir d’assez loin.
Rowan Atkinson refait son numéro d’ecclésiastique bafouilleur mis au point dans Quatre mariages et un enterrement. Et la merveilleuse Maggie Smith, qui ressemble de plus en plus à Bernadette Chirac, assène les coups de pelle comme Bernie, précisément, le faisait dans le film d’Albert Dupontel.
Réalisé par Jean-François Davy
Sorti en France (Festival du film d’aventures de Valenciennes) le 16 mars 2006
Sorti en France le 10 mai 2006
Il y a trente ans, on ne connaissait Jean-François Davy que par ses films pornos. Lorsqu’il est passé au cinéma « normal » en 1982, ce fut un échec, et, entre 1984 et aujourd’hui, il est resté vingt-deux ans sans faire de film. La soixantaine passée, il fait comme naguère Henri Verneuil qui, tournant le dos à une carrière très commerciale, la termina en réalisant deux films sur son enfance et sa jeunesse d’immigré arménien, Mayrig et 588 rue Paradis.
Davy filme donc un événement de sa jeunesse, en septembre 1960, et il faut reconnaître que c’est plutôt réussi, pas du tout gnan-gnan, et presque exempt de clichés, sinon de maladresses. La montagne est présentée pour ce qu’elle est, magnifique mais encore plus terrifiante que la mer. Et ses garçons, puisqu’il s’agit d’une troupe de scouts qui se sont égarés, sont fort bien décrits et interprétés. On trouvera juste Damien Jouillerot un peu caricatural dans le rôle d’un jeune garçon dont le frère, soldat en Algérie, finit par se faire tuer – cliché attendu depuis le début.
Réalisé par Aksel Hennie
Sorti en Norvège le 10 septembre 2004
Sorti en France (Festival d’Angers) le 23 janvier 2005
Sorti en France le 10 mai 2006
Uno est un jeu de cartes, dans lequel on doit se débarrasser une à une de toutes ses cartes, selon une règle de couleurs précise. Tout comme le jeune Norvégien David doit se débarrasser des multiples ennuis dans lesquels il s’est fourré. Au gymnase où il travaille, le fils du patron a introduit une arme à feu, et il trafique également dans la revente de drogue ; lorsque la police découvre le tout, David est sommé par les flics de dénoncer le responsable. Jeté au cachot pour un temps indéterminé (ils ont une drôle de conception de la garde à vue, en Norvège), il parle afin de sortir, car son père est mourant. Relâché, il arrive trop tard, et, en prime, il a désormais sur le dos à la fois son patron et les Pakistanais fournisseurs de drogue, qui n’ont pas été payés. On pense un instant que cela va s’arranger, mais non.
C’est l’histoire d’un garçon qui a peu à se reprocher mais sert de bouc émissaire, filmée avec très peu de moyens et beaucoup de sincérité. Le scénario est plus complexe que le précédent résumé le laisse croire ; il est l’œuvre d’un acteur de trente ans, Aksel Hennie, qui joue le rôle de David, et dont c’est aussi la première réalisation.
Le public de la soirée inaugurale du Festival de Cannes est uniquement composé d’invités, gens de cinéma et célébrités, il a donc en général cette décence, on est entre soi, d’applaudir le film, du reste exclu de la compétition, qui est présenté ce soir-là – fût-il très mauvais, comme c’est invariablement le cas.
La projection hier soir du Da Vinci code, d’ailleurs montré la veille aux seuls journalistes, marquera donc une nouvelle ère, car il a reçu un accueil que les amateurs de clichés qualifieraient de « glacial » : des rires au passage des séquences dramatiques, aucun applaudissement à la fin, projection arrêtée avant la fin du générique, rien n’a manqué au camouflet. Le réalisateur Ron Howard s’est éclipsé sans demander son reste, et la vedette féminine, Audrey Tautou, a fondu en larmes.
Voilà qui nous venge du matraquage publicitaire qu’on nous a infligé durant des mois. Si seulement cela pouvait inciter la direction du festival à choisir l’année prochaine un bon film pour ouvrir les festivités...
Réalisé par J.J. Abrams
Sorti en Italie le 24 avril 2006
Sorti en France le 3 mai 2006
Comme je ne lis pas les critiques professionnels, j’ignore si l’un d’eux a relevé que ce film n’était qu’une resucée, en plus long, d’une multitude d’épisodes de ce feuilleton idiot à la gloire de la CIA, le délirant Alias : mêmes missions au bout du monde, décidées à la dernière minute et portant sur le vol d’un objet mystérieux dont on ne saura rien (baptisé ici « Patte de lapin », sic), mêmes agents rompus à tous les sports et parlant toutes les langues, mêmes gadgets capables de tout faire en un rien de temps, mêmes exploits informatiques invraisemblables, même ambiance de sadisme, même violence, même abondance de cascades, bagarres, explosions, même invincibilité du héros, et j’en oublie certainement. Seule différence, Tom Cruise, qui court sans arrêt, remplace Jennifer Garner. Rien d’étonnant dans ces similitudes, le réalisateur et co-auteur du scénario est Jeffrey Jacob Abrams, créateur du feuilleton ci-dessus nommé, et qui a tenu cinq saisons à la télévision.
C’est parfois distrayant (comment s’introduire dans le Vatican en escaladant un mur de dix-huit mètres de haut, on n’a rien trouvé de plus simple), parfois ennuyeux (les scènes d’amour, à la limite du risible). Mais il y a Philip Seymour Hoffman, et c’est l’un des meilleurs « méchants » de cinéma qu’on ait vus.
Réalisé par Lisa Azuelos
Sorti en Italie le 24 avril 2006
Sorti en France le 10 mai 2006
Les péripéties ne sont que prétexte, tout est dans le dialogue, débité de façon volubile. Comme il s’agit exclusivement de folklore juif, les spectateurs non concernés, à l’instar de votre (très humble) serviteur, risquent de rater la moitié des vannes. Pas grave, il en reste suffisamment. Mais enfin, ce n’est pas La vérité si je mens...
Réalisé par Nanni Moretti
Titre original : Il caimano
Sorti en Italie le 24 mars 2006
Sorti en France le 22 mai 2006
Ce film illustre les inconvénients de la publicité : on nous a tant seriné que Le caïman était « un film sur Berlusconi », qu’on est forcément déçus. Il y est à peine question de Berlusconi, sauf à la fin, dans la séquence beaucoup trop tardive du procès imaginaire, qui voit l’ancien président du Conseil – condamné à sept ans de réclusion – et ses partisans s’en prendre au tribunal. Séquence tardive, car elle tombe, comme un cheveu sur la soupe, après presque deux heures de péripéties sur un couple qui se sépare, et parce que, entre-temps, dans la réalité de l’Italie, Berlusconi a été battu aux élections, et qu’il a donc quitté le pouvoir.
Tout le reste est l’histoire d’un producteur de films ringards, un peu tombé dans l’oubli, et qui tente de revenir à la surface en produisant un film d’après un scénario qu’il n’a même pas lu. Un peu la même aventure que celle d’Orson Welles téléphonant aux studios d’Hollywood pour leur proposer un scénario : prié d’en donner le titre, il invente et répond « La dame de Shanghaï ». Si bien qu’ensuite, coincé par son bluff, il dut effectivement écrire et réaliser un film portant ce titre ! Mais le Bruno de l’histoire n’est pas Orson Welles, et ses démélés conjugaux et familiaux, en fait, renvoient aux précédents films, très personnels, de Nanni Moretti, Journal intime et La chambre du fils. Hélas, l’intérêt est bien moindre, car on cherchera en vain dans Le caïman la moindre trace d’émotion.
Réalisé par Pedro Almodóvar
Sorti en Espagne le 10 mars 2006
Sorti en France le 19 mai 2006
Comme il s’agit d’un film d’Almodóvar, c’est le cas de parler d’« auberge espagnole », car beaucoup de critiques professionnels ont apporté à leur vision du film ce qu’ils ont voulu y trouver. Mais le prétendu « refus de la mort » de la part des personnages (et de l’auteur du scénario) n’existe que dans leur imagination. Cette niaiserie sentimentale, en effet, est absente de l’histoire, et Carmen Maura, loin de jouer un fantôme, incarne en fait une femme qui se cache après avoir tué son mari parce qu’il la trompait. Il n’y a donc pas un atome de surnaturel dans tout cela. Mais on nous a déjà fait le coup avec le précédent film d’Almodóvar, La mauvaise réputation, vendu comme une histoire sur la pédophilie chez les ecclésiastiques, alors que cet épisode nauséeux était en fait inventé par un personnage de maître-chanteur désireux de soutirer de l’argent à un prêtre. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude.
Le film lui-même, très loin d’être le meilleur de son auteur, ne méritait en tout cas certes pas la Palme d’Or du Festival de Cannes, comme le réalisateur l’espérait, et le prix d’interprétation collectif attribué à ses actrices n’est qu’un lot de consolation, car elles ne font rien d’exceptionnel non plus. En résumé, un petit film bien propre et insignifiant.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.