Œuvres citées (entre parenthèses, autre que des films) : Mother – Madeo – The Host – Tokyo ! – Merde – Disgrace – Sherlock Holmes (2010) – Vidocq – Le pacte des loups – La vie privée de Sherlock Holmes – Lebanon – Beaufort – Valse avec Bachir – Brothers – Brødre – Autant en emporte le vent – Ministry of fear – Espions sur la Tamise – Une exécution ordinaire – La party – Citizen Kane – Stage fright – Basic – Irréversible – 21 grams – Babel – Le voyou – Tsar – Ivan le terrible – Ivan Groznyy I – Ivan Groznyy II – Gerboise bleue – La régate – I love you Phillip Morris – Attrape-moi si tu peux – L’autre Dumas – Les trois mousquetaires – Valentine’s day – Happy days – Pretty woman – Love actually – Liberté – Maréchal nous voilà
Personnes citées : Joon-ho Bong – Léos Carax – Steve Jacobs – John Malkovich – Robert Downey – José Garcia – Guy Ritchie – Luc Besson – Arthur Conan Doyle – Jude Law – Nigel Bruce – Colin Blakely – Billy Wilder – Samuel Maoz – Jim Sheridan – Susanne Bier – Natalie Portman – Jake Gyllenhaal – Tobey Maguire – Pavel Lounguine – Dino Risi – Luis-Miguel Dominguin – Jérôme Garcin – Jean-Luc Godard – Fritz Lang – Marc Dugain – André Dussollier – Joseph Staline – Blake Edwards – Peter Sellers – Alfred Hitchcock – Marlene Dietrich – John Mac Tiernan – Alejandro González Iñárritu – Claude Lelouch – Pavel Lounguine – Yvan le Terrible – Serguei Mikailovitch Eisentein – Joseph Staline – Bernard Bellefroid – Cyrano de Bergerac – Orson Welles – Charles Chaplin – Luchino Visconti – Alfred Hitchcock – Jean Renoir – Woody Allen – Ken Loach – Éric Rohmer – Jacques Demy – Jerry Lewis – Michael Youn – Pierre-François Martin-Laval – Chantal Lauby – Ramzy Bedia – Nicolas Hulot – Glenn Ficarra – John Requa – Jim Carrey – Erwan McGregor – Phillip Morris – Steven Russell – George Bush – Safy Nebbou – Alexandre Dumas – Auguste Maquet – Benoît Poelvoorde – Gérard Depardieu – Dominique Blanc – Garry Marshall – Ashton Kutcher – Jennifer Garner – Shirley MacLaine – Julia Roberts – Taylor Lautner – Tony Gatlif – Philippe Pétain – James Thiérrée
Réalisé par Joon-ho Bong
Titre original : Madeo
Sorti en France (Festival de Cannes) le 16 mai 2009
Sorti en Corée du Sud le 28 mai 2005
Sorti en France le 27 janvier 2010
De Joon-ho Bong, je n’avais pas du tout aimé The Host, film de monstre assez ridicule, mais qui avait rallié les suffrages de la critique, parce qu’une scène rendait responsable de la naissance du monstre la pollution provoquée par une usine chimique installée en Corée par les États-Unis. C’était puéril. Ensuite, le même réalisateur a fait le troisième et dernier sketch de Tokyo !, film à demi raté à cause des élucubrations du skech signé Léos Carax et intitulé finement Merde.
Ici, c’est beaucoup mieux. La Mère, qui n’a pas de nom, est à la fois vendeuse de plantes médicinales et acupunctrice. Plutôt désargentée, elle vit seule avec son fils d’une vingtaine d’années, Do-joon, qui est, disons, un peu simple d’esprit. Vierge mais pas impuissant, il dort encore à côté de sa mère, sans qu’aucune idée d’inceste se glisse dans l’histoire. Mais voilà qu’Ah-jung, lycéenne que Do-joon connaissait et convoitait, est retrouvée assassinée. La police pense tenir le coupable en la personne de Do-joon, qui est incarcéré. Comme l’avocat conseillé à la Mère est un incapable, elle décide de faire seule son enquête pour tirer son fils de prison. Ses recherches aboutissent lorsqu’elle retrouve le seul témoin du meurtre, un brocanteur. Pas de chance, il est prêt à témoigner que Do-joon est bel et bien l’auteur du meurtre, qui était plutôt un accident, mais que Do-joon a néanmoins tenté de dissimuler. Pour protéger son fils, la Mère, alors, tue le brocanteur et met le feu à sa maison.
Mais la police avertit la Mère qu’elle a retrouvé le véritable assassin (un certain JP, qui est de surcroît mongolien, deux détails qui m’offensent personnellement). Do-joon est libéré. Mais il rend à sa mère un objet qu’il a trouvé dans les décombres de l’incendie et qui appartient à sa génitrice : « Comment as-tu pu laisser ça ? ». Elle sait alors qu’il sait.
La dernière scène montre la Mère qui se plante dans la cuisse une de ses aiguilles d’acupuncture. Suicide ? Probablement. Mais on n’en saura rien, car on ne voit pas la suite.
Non seulement le scénario est bien écrit et le récit, bien que n’élucidant pas l’énigme, est fort clair, mais le film est mis en scène remarquablement : abondance des détails signifiants, emplacement de la caméra, mouvements d’appareils, atmosphère, jeu de l’actrice principale, tout est parfait. Si seulement nos réalisateurs français pouvaient en prendre de la graine !
Réalisé par Steve Jacobs
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 6 septembre 2008
Sorti en France le 3 février 2010
David Lurie, professeur de poésie romantique à l’université de Cape Town, en Afrique du Sud après l’apartheid, a une aventure avec une de ses étudiantes, noire et tout à fait consentante. Or la chose se sait, et on le renvoie de l’université, alors qu’il a reconnu ses torts. Il va rejoindre sa fille Lucy, qui tient une ferme dans l’est du pays, sans autre aide que celle d’un voisin noir, Petrus. Mais trois jeunes voyous noirs attaquent la ferme, saccagent tout, volent tout ce qu’ils peuvent, violent Lucy, et tentent de le tuer – mais il en réchappe.
Après cela, David est stupéfié par le fait que sa fille refuse de porter plainte, et qu’elle accepte que l’un des violeurs, un parent de Petrus, vienne s’installer à côté de chez elle. Pour comble, Lucy se retrouve enceinte !
Il faudra du temps à l’ex-professeur avant d’admettre tout cela, de décider qu’il va s’installer définitivement chez sa fille, et de comprendre qu’on ne peut lutter contre les circonstances qui imposent de vivre près de gens qui vous détestent.
John Malkovich, d’ordinaire voué aux personnages forts, est ici une humble victime (il n’a rien à se reprocher, pas même l’aventure qui lui a valu son renvoi), et il joue ce rôle sans jamais élever la voix. Le film, tout à fait inhabituel, inspire une sorte de malaise, sans doute parce que le racisme anti-Blancs, jamais désigné, et nié par certains, est omniprésent, et ce malaise, c’est sans doute ce que recherchait son auteur.
Mal distribué, le film ne sort que dans cinq salles parisiennes – alors que Sherlock Holmes bénéficie de vingt-sept salles dans la même ville. Sorti sans aucune publicité, il n’a rassemblé que quatre spectateurs à la première séance, où j’étais présent.
Publiphobe et le revendiquant sans états d’âme, je refuse d’aller voir ce navet. Non seulement la publicité dont on nous accable depuis des mois a produit l’effet dissuasif habituel (quand donc les distributeurs comprendront-ils qu’à trop en faire dans la retape, on dégoûte par avance le chaland ?), mais j’ai lu tout récemment l’interview d’un des deux vedettes du film, le mauvais acteur Robert Downey – qui ressemble un peu trop à José Garcia.
Il explique, non seulement que le réalisateur Guy Ritchie est un as de la pellicule (il a écrit un film avec Luc Besson, alors vous imaginez...), mais que son propos est de « dépoussiérer » le mythe créé par Arthur Conan Doyle, en rendant au personnage les caractéristiques que lui seul y voit : un expert en arts martiaux et un « boxeur des rues ».
Étrange : j’ai lu à deux reprises l’intégrale des romans et nouvelles mettant Holmes en scène, et non seulement toute cette poussière m’avait échappé (elle ne doit exister que dans le crâne de Downey lui-même), mais j’avais vu chez Holmes un autre aspect. Sans doute inattentif, j’avais cru à un intellectuel tourmenté, plus attaché à son violon qu’au nunchaku, et qui recherchait l’apaisement dans les drogues dures. Quant à voir le bon docteur Watson sous les traits juvéniles du beau Jude Law, après Nigel Bruce et l’excellent Colin Blakely, il me faudrait davantage d’imagination. Tout est donc de ma faute.
Bref, le film est sorti aujourd’hui et se fait quelque peu étriller, comme il fallait s’y attendre pour un projet aussi subtil qu’une histoire belge : humour au rabais, grossièreté satisfaite, ballet de bagarres et d’explosions, tout semble y être, sauf la surprise d’une bonne surprise. En somme, on réédite le coup de Vidocq ou de l’hilarant Le pacte des loups, annoncés comme des sommets du genre et qui ont sombré dans le ridicule.
Par chance, je possède le DVD de la meilleure version possible : La vie privée de Sherlock Holmes, de Billy Wilder. Qui, lui, est un vrai maître du cinéma.
Réalisé par Samuel Maoz
Sorti en Italie (Festival de Venise) le 8 septembre 2009
Sorti en France le 3 février 2010
Une partie de la critique – pas toute, soyons juste – en bave des ronds de chapeau, et cela s’explique très simplement : il s’agit d’un film-concept. Je compte rédiger bientôt un petit [Entracte] sur la notion de film-concept, mais en attendant, sachez que Lebanon est l’illustration, non pas tant d’une histoire, que d’une idée : faire un film entier à l’intérieur d’un tank ! La caméra n’est placée à l’extérieur que pour les deux génériques, dans un champ de tournesols, et allez donc savoir pourquoi.
Ce tank appartient à l’armée israélienne, que les gens initiés appellent « Tsahal », allez donc savoir pourquoi-bis. Depuis quand donne-t-on un petit nom à des machines de guerre ? C’est pour faire plus gentil ? Toujours est-il qu’en 1982, au début de la guerre au Liban, ce tank, avec les quatre hommes qu’il contient, a été envoyé en mission dans ce pays, avec ordre de traverser on ne sait quelle ville – sans doute Beyrouth – pour gagner un point de ralliement, l’hôtel Saint-Tropez. Mais l’engin est brinquebalant, a du mal à démarrer, les hommes ne savent ni ce qu’ils font là ni ce qui justifie les ordres qu’on leur donne, et doivent faire face à un petit chef qui se trouve à l’extérieur, ainsi qu’à un phalangiste libanais, un type horrible qui veut faire parler un prisonnier arabe qu’on leur a remis, et le menace des pires tortures (énucléation, émasculation, écartèlement).
La gageure étant difficile à tenir sur quatre-vingt-dix minutes sans montrer quelques vues de l’extérieur, nous sommes censés savoir ce qui s’y passe grâce à un viseur, que je suppose monté sur un périscope – et veuillez pardonner mon ignorance de ce qui se trouve à l’intérieur d’un tank israélien, mais je promets de me documenter au plus vite. Or ce viseur, étrangement mobile et capable de faire des gros plans sur les visages des humains situés dans son champ, me semble relever davantage de l’utopie que de la réalité.
Ce n’est pas inintéressant au début, puis on se lasse un peu, car enfin, l’histoire ne progresse guère. Ou alors, cela ne se voit pas à l’écran, ce qui revient au même. Ce qui sauve le film, c’est que les caractères sont bien décrits, que les exactions d’Israël ne sont pas dissimulées par ce cinéaste pourtant israélien, et que l’ambiance sonore permet de recréer plutôt bien ce qui devrait être un cauchemar pour claustrophobe. Malgré tout, dans le même genre, on peut préférer Beaufort, qui était une réussite totale, ou Valse avec Bachir, qui était d’un tout autre niveau.
Réalisé par Jim Sheridan
Sorti en Israël le 3 décembre 2009
Sorti en France le 3 février 2010
Remake hollywoodien d’un film danois de Susanne Bier, sorti en 2004, Brødre. Étrangement, le dernier sorti, qui est plus court de deux minutes, semble plus long, ce qui incite à réfléchir sur ce qui fait paraître les films plus ou moins longs. J’y reviendrai peut-être un jour, en prenant Autant en emporte le vent comme sujet d’études.
Alors que Brødre, construit différemment, commençait par le retour du soldat chez lui, où il trouvait son frère installé à sa place, et n’évoquait le drame en Afghanistan que par le recours au flashback, Brothers ne s’en autorise aucun et raconte l’histoire dans l’ordre strictement chronologique. Pourquoi pas ? En revanche, il accumule les scènes familiales à grands coups de clichés, donc c’est là que le bât blesse, car la vision est celle d’Hollywood et n’offre aucune originalité. Il s’ensuit que tout est prévisible.
Ajoutons que, si Natalie Portman et Jake Gyllenhaal sont à la hauteur, Tobey Maguire est à la fois trop juvénile pour incarner un commandant de l’armée des États-Unis, et pas assez bon acteur pour se tirer de ce qu’il doit faire. En fait, il est souvent à contretemps, et ne réussit que sa scène de colère, où il doit tout casser dans la cuisine après la (fausse) révélation que son frère est devenu l’amant de sa femme.
Dimanche dernier, sur France Inter, Le masque et la plume traitait, entre autres, d’un film du réalisateur russe Pavel Lounguine. Et m’a bien diverti la prononciation de ces précieuses ridicules que sont les participants de cette émission.
De mon point de vue, on est une précieuse ridicule quand on va chercher midi à quatorze heures, et que, par exemple, on attribue une prononciation absurde à un mot étranger qui se prononce EXACTEMENT comme il s’écrit en français. Comme patio, par exemple (où le « t » est un « t », et rien d’autre, ce qui n’empêche pas les niais de prononcer passio). Déjà, on avait connu, quand il vivait encore, un attentat phonétique contre le grand réalisateur italien Dino Risi, constamment désigné sous le nom fantaisiste de « Ridzi », alors que la lettre « s » entre deux voyelles se prononce « z », en italien comme en français. Il y avait eu aussi, autrefois, le nom de ce fameux torero, Luis-Miguel Dominguin, régulièrement rebaptisé « Louisse-Migouelle Domine-Gouine », ce qui faisait bien marrer nos voisins espagnols.
Eh bien, Lounguine a bénéficié, si j’ose dire, d’un traitement identique, et tous les critiques (sauf Danièle Heymann), sans oublier le présentateur Jérôme Garcin, l’ont appelé « Loune-Gouine ». C’était aimable pour lui, merci !
En russe, Lounguine s’écrit Лунгин. Six caractères cyrilliques, dont le premier, Л, est notre « L » ; le deuxième, у, se prononce « ou » ; le troisième, н, est notre « N » ; le quatrième, г, se prononce comme un « G » dur ; le cinquième, и, est l’équivalent de « I »; et le dernier, н, est encore notre « N ». Pas de gouine dans tout cela.
Godard a dit que les travellings étaient affaire de morale. Il aurait pu ajouter que les cadrages étaient affaire de compréhension. Illustrons.
Les amateurs de DVD ainsi que les possesseurs d’écran de télévision en 16/9 ne semblent plus s’étonner, encore moins se révolter, de voir les anciens films saccagés comme ils le sont. Cette mutilation consiste à prendre un film au format 1,37, proche de celui de la télévision (1,33, c’est-à-dire 4/3), et qui était celui du cinéma courant avant la vogue des écrans élargis ; puis à couper une bande horizontale en haut et en bas de l’image. Reste donc une image que je qualifie justement d’élargie, plutôt que de large. Quelle importance ? diront ceux à qui rien n’importe, ceux qui, par exemple, supportent de se voir infliger des films en version doublée, à la télévision aussi bien qu’en salles, où l’on a pris la mauvaise habitude de passer certains films en V.F. dans la journée, et de ne projeter la V.O. qu’aux dernières séances, le soir.
Quelle importance ? Eh bien, prenons un exemple. Dans Ministry of fear, de Fritz Lang (titré en français Espions sur la Tamise, un classique), le héros et la fille se trouvent dans un immeuble et veulent échapper à des espions nazis. Deux minutes avant la fin du film, ils quittent un appartement et se dirigent en hâte vers l’ascenseur. Là, ils s’aperçoivent que le voyant indiquant l’activité de l’ascenseur vient de s’allumer. Conclusion, les espions arrivent par l’ascenseur. Ils s’engouffrent alors dans l’escalier, ce qui leur permet de s’enfuir et de sauver leur peau. Or ce voyant lumineux est placé, dans le cadre, tout en haut de l’image du film, à la limite de l’écran au format 1,37. Si l’on mutile le film pour en faire un faux 16/9, cette partie de l’image sera sacrifiée, le spectateur ne verra plus le voyant de l’ascenseur, et ne comprendra pas pourquoi les deux personnages rebroussent chemin.
Autrement dit, le réalisateur s’est échiné à composer un cadrage qui explique ce qui se passe, mais il risque de voir son travail annulé par des marchands de soupe.
Réalisé par Marc Dugain
Sorti en France le 3 février 2010
Œuvre d’un romancier qui porte son livre à l’écran, c’est aussi un film de style ordinaire – comprenez, qui ne fait pas les pieds au mur –, sans toutefois posséder de qualités cinématographiques proprement dites. Les acteurs sont tous bons, et le maquilleur de Dussollier, qui l’a métamorphosé en Joseph Staline, peut espérer un César.
Une maladresse m’a gêné, qui montre qu’un romancier, même talentueux, peut ne pas être la personne la plus indiquée pour filmer son roman : lorsque la guérisseuse est conduite dans l’antichambre et doit longuement attendre avant d’être reçue (elle ne sait pas encore par qui), elle dit à la secrétaire qu’elle a besoin d’aller aux toilettes ; or celle-ci la rabroue : elle ira plus tard. Puis la fille est introduite en présence de Staline, et se déroule alors une scène où la tension dramatique devrait dominer. Mais non, le spectateur ne pense qu’à ce qui doit obséder la malheureuse à ce moment, l’envie d’aller aux toilettes. Il s’ensuit qu’on n’écoute pas le dialogue et qu’on attend la délivrance de la fille. On repense à La party, le fameux film de Blake Edwards, où Peter Sellers subissait un tourment identique durant les vingt premières minutes de la réception chez son producteur. Bref, c’est une maladresse de scénariste inexpérimenté. Bien sûr, le sens est clair : Staline décide de tout, même de quand vous devez vider votre vessie. Mais l’identification du spectateur à l’héroïne se fait automatiquement, on souffre pour elle, et on perd un peu le fil de l’histoire.
Pour le reste, rien à dire, ce n’est ni ennuyeux ni follement intéressant, sauf ce qui concerne la tyrannie en URSS, qui, bien représentée, ne semble jamais caricaturale. C’est sans doute l’essentiel.
Lorsque j’étais enfant, disons vers cinq ou six ans, et que je découvrais le cinéma en y allant chaque dimanche avec mes parents, ce qui me déplaisait le plus, c’était les retours en arrière – les flashbacks. Je ne théorisais pas encore, bien entendu ; simplement, ce procédé me mettait mal à l’aise, je l’estimais malhonnête.
Aujourd’hui, je reconnais qu’il peut être nécessaire de faire des flashbacks ; que sans cette technique de narration, certains chefs-d’œuvre comme Citizen Kane n’existeraient tout simplement pas ; et qu’un récit entrecoupé de retours en arrière peut être meilleur... dans certains cas. J’ai ainsi relevé la semaine dernière que le film Brothers, raconté dans l’ordre chronologique strict, était moins bon que l’original danois Brødre, tourné cinq ans plus tôt et qui faisait appel au flashback pour expliquer ce qui était arrivé au personnage principal. En fait, impossible de généraliser ; parfois c’est nécessaire, parfois non.
Outre les nécessités du récit, il peut arriver que le flashback recèle une vraie tare : quand il est mensonger ! Expliquons.
Le public a été habitué à douter, éventuellement, de ce que les personnages disent, mais à croire à ce qu’il voit. Or, si le réalisateur montre dans un flashback un évènement qui n’a jamais eu lieu, il trompe le public en vertu de cette confiance que le spectateur accorde à ce qu’il voit sur l’écran. C’est assez rare, mais c’est arrivé. Ainsi, dans son Stage fright, Alfred Hitchcock a inséré au début du film une scène où Marlene Dietrich ment, racontant un évènement qui n’a pas eu lieu ; et comme le réalisateur filme cette scène imaginaire et la montre en flashback, le spectateur y croit. Toute sa vie, ensuite, Hitchcock a regretté d’avoir fait cela, et il a eu raison de le regretter. Il y a eu aussi, à un autre niveau, ce film de John Mac Tiernan, Basic, où les flashbacks, très nombreux, sont TOUS mensongers ! Le spectateur, qui a été témoin de meurtres n’ayant pas eu lieu, se sent floué, à juste titre.
De nos jours, le flashback est utilisé comme une béquille par des scénaristes ou des réalisateurs qui disposent d’une scène forte, mais désirent la cacher au spectateur pour ne la révéler qu’à la fin – le but étant, soit de ne pas tirer toutes leurs cartouches au début (donc c’est bien un artifice de narration, à la limite de la malhonnêteté), soit d’empêcher le spectateur de comprendre avant que le metteur lui fournisse une explication, au moment qui lui convient à LUI, metteur en scène. Et c’est encore plus malhonnête, puisque cela revient à prolonger la durée du film et donc à le soutenir artificiellement. C’est pourquoi Irréversible est l’exemple type du film à ne pas faire, puisqu’il n’est composé que de flashbacks, et que les séquences fortes se situent tout au début. Ensuite, plus on avance, plus on s’englue dans la guimauve.
L’un des spécialistes de cette technique du brouillage des pistes, c’est Alejandro González Iñárritu, et j’avais fait sur son 21 grams toutes les réserves que le film m’inspirait. Il a d’ailleurs fini par se planter complètement avec son Babel. Rien de nouveau, dès 1970, Lelouch avait joué à ce petit jeu dans Le voyou, mais avec encore moins de scrupules, puisque le spectateur n’était nullement averti qu’il voyait des flashbacks : une histoire était divisée en trois parties, qui étaient livrées dans le désordre quand on croyait les voir dans l’ordre. Vivement critiqué, Lelouch, me semble-t-il, n’a jamais récidivé.
Réalisé par Paven Lounguine
Titre original : Царь
Sorti en France (Festival de Cannes) le 17 mai 2009
Sorti en Russie le 4 novembre 2009 et en France le 13 janvier 2010
Il s’agit du tsar Yvan le Terrible, déjà pris pour objet d’étude par Eisenstein dans... Ivan le terrible, film en deux parties (titres originaux : Ivan Groznyy I en 1944 et Ivan Groznyy II en 1958, noir et blanc). À ce propos, j’ai lu cet avis burlesque écrit par je ne sais quel critique, affirmant que Staline avait A-DO-RÉ la première partie mais détesté la seconde. Il avait dû voir cette seconde partie par l’intermédiaire d’une table tournante, attendu qu’il est mort en 1953 !
La Russie n’a jamais eu de chance, son peuple n’a pas connu, au cours de toute son histoire, une seule minute de liberté, de démocratie, voire de civilisation, et cela semble ne pas devoir s’arranger avant longtemps. Bref, Yvan, avec sans doute Pierre le Grand, fut l’un des plus cinglés et des plus sauvages de tous ses souverains absolus. Le film, qui se concentre sur quelques mois et sur son affrontement avec le métropolite Philipp, commence en douceur – relative, nous sommes en Russie – et finit dans un festival d’atrocités, que la caméra, soyons juste, ne décrit pas avec complaisance. On aurait facilement pu tomber dans le gore, mais ce piège a été évité.
Si je reste réservé sur cette œuvre qui ne mérite aucun reproche, c’est sans doute que mon caractère trop méditerranéen est allergique à tout ce qui vient du Nord en général et à l’âme slave en particulier. Mais je ne chercherai pas à en dégoûter les autres ! De toute façon, le film n’a pas eu grand succès.
Réalisé par Djamel Ouahab
Sorti en France le 11 février 2009
Vu avec un an de retard, parce que passé inaperçu lors de sa sortie, et parce que l’actualité a remis sous nos yeux l’histoire de cette horreur : il y a deux jours, le gouvernement français a enfin admis que soit mis sur la table le dossier jusqu’ici secret des victimes des expériences françaises sur la bombe atomique, commencées au Sahara quelques mois avant l’indépendance de l’Algérie (le 13 février 1960), et qui furent poursuivies après. À cette occasion, l’Association des Vétérans des Essais Nucléaires français (l’AVEN) et la mairie de Paris ont organisé à l’Hôtel de Ville une projection de ce film, qui relate le premier essai atomique français souterrain à Reggane. J’y étais invité.
(Notes : « Gerboise bleue » était le nom de code des expériences souterraines, et « Gerboise verte », celui des expériences dans l’atmosphère, qui les avaient précédées. Et puis ceci : le sigle de l’AVEN associe le « V » au mot vétérans, mais quelque chose me dit qu’on avait d’abord pensé au mot victimes. Quelqu’un a mis son veto ? Rappelons que la FNACA – Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie, qui participait à cette manifestation –, se signale par son gaullisme hystérique et sigmatise sans arrêt les anciens combattants que dérange la date du 19 mars comme fête commémorative qu’elle veut imposer, alors que le gouvernement en a choisi une autre, complètement neutre)
On apprend dans ce film quelques détails instructifs : lors des négociations qui devaient déboucher sur le cessez-le-feu du 19 mars 1962, le gouvernement français avait exercé un chantage sur les négociateurs du FLN : nous mettons fin à la guerre, mais vous nous louez (pour quatre ans, semble-t-il) une zone circulaire de mille kilomètres de rayon autour de Reggane, pour que nous y poursuivions nos expériences sur la bombe atomique. Les négociateurs avaient signé. La première expérience sur une bombe au plutonium, le 1er mai 1962 à Beryl, fut catastrophique, car, prévue pour être souterraine, elle ne le fut pas : des failles s’ouvrirent dans la montagne, un nuage radioactif s’abattit sur toute la région, les populations sahariennes qu’on n’avait pas mises à l’abri furent contaminées, et les neuf soldats français qu’on avait envoyés pour les avertir de se mettre à l’abri le furent également. Voir la notule sur le téléfilm Vive la Bombe !
De ces neuf soldats contaminés, nous en voyons deux dans le film, dont un horriblement mutilé : il a perdu toute la moitié gauche de la face, son orbite est creuse et communique avec le nez, et il subit encore greffe sur greffe. Il s’appelle Lucien Parfait, et je n’ose pas mettre sa photo ici, c’est insoutenable. Nous voyons aussi des enfants, deux petites filles de Reggane, infirmes à vie bien que nées quarante ans après l’explosion. Soit dit en passant, deux ministres français furent aussi contaminés le même jour, Pierre Messmer, ministre des armées, futur Premier ministre, et Gaston Palewski, ministre de la Recherche et des affaires atomiques. Ce dernier mourut d’une leucémie vingt-deux ans plus tard, persuadé que c’était une conséquence de sa contamination. Messmer lui-même mourut d’un cancer, mais seulement en 2007.
Bien entendu, lorsque la France mit fin aux expériences et rendit le Sahara, on ne nettoya pas tout. Le Sahara était devenue une poubelle radioactive, et l’est encore.
Le plus surprenant, dans ce film, est qu’un nom n’est prononcé qu’une fois, celui de De Gaulle, et sans que la phrase, dans la bouche d’un avocat algérien, soit le moins du monde accusatrice. Pourtant, tout cela n’a eu lieu que par sa volonté de posséder l’arme nucléaire. Passe encore, mais que dire du fait que les populations locales n’ont été ni secourues ni soignées, que les soldats encore survivants ne sont ni indemnisés ni pris en charge financièrement pour leurs traitements médicaux, et... qu’on ait envoyé, au moins à l’un d’eux, des émissaires de l’armée (en civil) lui faisant comprendre qu’il avait intérêt à se taire ? Ce chef d’État, De Gaulle, déifié par tout une fraction de la population française et dont TOUS les hommes politiques actuels se réclament encore, ne devrait-il pas être envoyé à sa place : dans les poubelles de l’Histoire ?
Que dire enfin de ces soldats français qu’on a pris comme cobayes, afin de mesurer les effets de la radioactivité sur le corps humain ? Cela paraît incroyable, mais c’est vrai, et reconnu aujourd’hui par le gouvernement.
Réalisé par Bernard Bellefroid
Sorti en Belgique (Festival de Namur) le 8 octobre 2009
Sorti en France le 17 février 2010
Film belge qui, contrairement à la majorité des films français axés sur les tourments sentimentaux des trentenaires, a quelque chose à dire. Un garçon, auquel le résumé du film attribue quinze ans (mais il en a visiblement plus, l’interprète a vingt-et-un ans), se passionne pour le sport de compétition, en l’occurrence, l’aviron. Mais il vit seul avec son père divorcé, qui le bat régulièrement. Si bien que, pour dissimuler ses cicatrices, il manque parfois l’entraînement.
Les scènes de sport sont très bien filmées, et on échappe à la fin optimiste, puisque, victime d’une fracture au poignet, le jeune homme perd l’épreuve du championnat. On n’explicite pas non plus la raison qui pousse ce père à être violent envers un fils que pourtant il aime.
Une très belle séquence, qui montre qu’on peut traiter le spectateur comme un individu intelligent : deux garçons du club d’aviron se détestent. Alors l’entraîneur les fait travailler en tandem... en pleine mer. Une fois loin de la côte, il les laisse se débrouiller tout seuls, et, pour gagner le littoral, ils sont bien obligés de ramer en équipe. Résultat, ils deviennent amis. Rien n’est dit, c’est la situation qui explique ce que la psychologie aurait alourdi.
Hier soir, j’aurais pu assister, au siège neuilléen de la Warner, à l’avant-première d’un film qui ne sortira que le 31 mars. Je n’y suis pas allé, pour deux raisons dont chaque est suffisante seule, aurait dit Cyrano.
La première est qu’il s’agissait d’un film français. Attention, je ne dédaigne pas systématiquement TOUS les films français. Nous avons en France quelques réalisateurs chevronnés, capables de réussir leurs films, voire de les vendre à l’étranger. Cependant, certains films français me tapent sur les nerfs, parce que, deux fois sur trois, ce sont des premiers films réalisés par un acteur qui commence à être bankable, comme on dit si joliment, et qui profite de sa notoriété récente pour proposer un scénario à la commission du Centre National du Cinéma, chargée de l’avance sur recettes. J’ai déjà parlé de ce système qui permet, à des gens n’ayant jamais fait leurs preuves, d’obtenir une partie du financement d’un projet de film, contre la promesse toute théorique de rembourser dès que le film aura fait un beau succès et remporté un tas d’argent – ce qui ne se produit quasiment jamais. En pratique, c’est l’un des innombrables moyens que nous avons, en France de jeter par la fenêtre l’argent public, puisqu’il s’agit bel et bien d’argent public (jusqu’à preuve du contraire, c’est le cas des fonds rapportés par une taxe !). Moyennant quoi, un acteur qui se lance dans cette « aventure », pour parler comme à la télévision, écrit ou fait écrire une histoire propre à rassembler quelques-uns de ses copains acteurs, et voilà le public reparti pour déguster un de ces « films de potes » qui, au bout d’une ou deux semaines d’exploitation, s’en va garnir les placards des chaînes de télé ayant contribué aussi à sa fabrication, qui le diffuseront si elles le jugent capable de réunir une « part de marché » suffisante. Je n’énumère pas les dizaines d’exemples qui viennent à l’esprit de tout un chacun, votre écran d’ordinateur est trop petit.
L’autre raison de mon boycott est que la séance de projection à laquelle j’étais convié était annoncée comme une master class. En clair, après le film, le réalisateur, un rigolo insignifiant que je ne nomme pas et qui se présente désormais comme « acteur, réalisateur, scénariste, dialoguiste, adaptateur français » (à ce dernier adjectif près, on croirait la carte de visite d’Orson Welles), accompagné d’un autre acteur plus connu qui a déjà réalisé un film et a reçu un prix d’interprétation à Cannes, collectif il est vrai – ce qui relativise la performance –, entendait répondre aux questions des spectateurs et leur dire tout-tout-tout sur le cinéma, tel un maître au savoir universel face à une classe d’ignares. On adore ce genre de prétention. C’est vrai, imaginez par exemple un spectateur de base comme votre (très humble) serviteur, ayant appris le cinéma grâce aux films d’auteurs aussi obscurs que Luchino Visconti, Alfred Hitchcock, Jean Renoir, Orson Welles, Woody Allen, Ken Loach, Éric Rohmer, Jacques Demy ou Jerry Lewis (eh oui, Jerry a enseigné à l’Université de Californie, et ses cours ont été publiés), ou grâce à la lecture de leurs livres ou de leurs interviews ; en quoi croyez-vous que consiste son plus cher désir ? Certainement, apprendre leurs secrets de professionnels de la part d’artistes aussi incontestables que Michael Youn, Pierre-François Martin-Laval, Chantal Lauby, Ramzy Bedia ou Nicolas Hulot.
Réalisé par Glenn Ficarra et John Requa
Sorti aux États-Unis (Festival de Sundance) le 18 janvier 2009
Sorti en France le 2 février 2010
La tournée publicitaire faite par les deux interprètes, sur le mode admirez-comme-on-se-marre, ne rend pas service au film, qui n’a rien d’une comédie loufoque telle que Jim Carrey en a tourné dix mille. C’est en réalité un beau film d’amour, qui rappelle souvent – l’amour en plus, justement – le Attrape-moi si tu peux de Steven Spielberg, puisque le principal personnage est un arnaqueur qui multiplie les rôles pour acquérir l’argent dont il a besoin et donner une vie de rêve au garçon dont il est tombé amoureux en prison.
Le film est correctement réalisé, et l’interprète du timide Phillip Morris, l’acteur Erwan McGregor, m’a paru meilleur que son partenaire. Mais peu importe. Mentionnons plutôt, d’une part, une bévue des sous-titres, qui traduisent « Are you top or bottom? » par « Tu préfères être en haut ou en bas ? », comme s’il s’agissait de choisir son lit dans un dortoir (alors que cela signifie « Tu es actif ou passif ? »), et d’autre part les cartons de fin, qui fournissent la conclusion de cette histoire qu’on nous dit vraie : Phillip Morris est sorti de prison en 2006, mais son amant Steven Russell a écopé de la prison à perpétuité, bien que n’ayant commis aucune violence, puisqu’il a seulement pris plusieurs identités et a commis quelques arnaques, au détriment surtout d’une société de recouvrement à laquelle il avait pourtant fait gagner de l’argent (mais il s’était attribué une « commission » de... 50 %, ceci expliquant cela, au pays du dollar-roi). Motif de la sentence : « avoir ridiculisé l’État du Texas et son gouverneur George Bush ». En effet, ce crime méritait bien perpète.
Réalisé par Safy Nebbou
Sorti en France le 10 février 2010
Un de ces films pseudo-historiques comme on en fait un ou deux par an chez nous. Il met en scène Alexandre Dumas et son collaborateur Auguste Maquet, le véritable auteur, dit-on, du roman Les trois mousquetaires. Ici, on leur prête une aventure assez rocambolesque, qui devient franchement absurde à partir du moment où la nana de service entraîne Maquet – qu’elle prend pour Dumas – dans un complot républicain, alors qu’il est monarchiste. À ce stade, on commence à bâiller.
C’est Maquet qui est au centre de l’histoire, et Benoît Poelvoorde est d’une retenue rare, au contraire de Depardieu qui, contrairement à ce qu’a prétendu la presse, est aussi sobre dans son jeu qu’il peut l’être à table. Mais enfin, le film est agréable à regarder, à cause des décors naturels et des interprètes féminines, surtout Dominique Blanc.
Réalisé par Garry Marshall
Sorti en Égypte le 10 février 2010
Sorti en France le 17 février 2010
Longtemps producteur et réalisateur de télévision, patron connu de Happy days qu’il produisit pendant onze ans, Garry Marshall n’a commencé au cinéma qu’en 1982, et on le connaît surtout pour Pretty woman, assez mauvais film qui a fait un triomphe, en 1990. Valentine’s day appartient au redoutable genre du film choral, et reprend sans complexes le canevas de Love actually. Seul changement, ce film racontait dix histoires d’amour en Angleterre pendant les fêtes de Noël ; ici, nous sommes à Los Angeles le jour de la Saint-Valentin, qui semble encore plus envahissante là-bas que chez nous.
Le film n’est ni bon ni mauvais, il n’ennuie jamais, car il montre une troupe d’acteurs aimés du public et qui font chacun son petit numéro. On retient Ashton Kutcher en optimiste invétéré, Jennifer Garner qui débite une tirade vacharde pour se venger de l’homme qui l’a trompée, Shirley MacLaine qui rejoue une scène d’un de ses vieux films devant l’écran qui la repasse, Julia Roberts en capitaine, et Taylor Lautner qui exécute une jolie cascade en sportif maladroit. C’est juste un peu trop long.
Réalisé par Tony Gatlif
Titre original : Korkoro
Sorti au Canada (Festival de Montréal) en août 2009
Sorti en France le 24 février 2010
Titre français banal et passe-partout (dommage de n’avoir pas gardé en France le titre original prévu, qui signifie pauvre) pour ce film de Tony Gatlif, un cinéaste auquel je ne m’étais jamais intéressé, or je sens que je vais rester sur ma première impression, qui n’est pas très bonne. Gatlif fait des films sur le seul sujet qui l’intéresse, les Tsiganes, les Roms, les Gitans, et c’est son droit. Mais cela restreint d’autant le public de ses films. Ici, nous sommes au temps de l’Occupation, et de la loi que Pétain avait promulguée, interdisant à ce peuple, pour la durée de la guerre, de mener la vie nomade qui est la sienne. Si bien que, profitant de ce que cette loi fut inévitablement violée par les intéressés, on les arrêta pour les refiler aux nazis, qui en firent ce que vous savez en les dirigeant vers Auschwitz et autres lieux d’extermination. Ils furent des centaines de milliers ainsi sacrifiés à la bêtise et au fanatisme.
Je confesse n’être allé voir Liberté que pour James Thiérrée, qui en est l’une des trois vedettes – un honneur qui ne lui est fait que pour la première fois, alors que c’est un génie de la scène et qu’il a vingt-trois films à son actif (sans cesse « redécouvert », comme disent avec originalité les journalistes, il a été sélectionné en 2007 pour le César du « meilleur espoir masculin », alors qu’il avait trente-trois ans et en était à son... vingtième film. Sic). Je ne rappellerai pas, comme le fait toute la presse, de qui il est le petit-fils, parce qu’à son âge et avec son talent, il peut se passer de grand-père, et l’affluence aux théâtres où il se produit et où il est impossible de se procurer des places le prouve assez. Je n’évoquerai donc plus jamais cette ascendance et laisserai ce cliché à mes chers confrères. Mais je déplore qu’une fois de plus, on lui attribue un rôle où il joue les idiots.
Le film m’a semblé plutôt bien mis en scène (voir les scènes avec les chevaux), mais le scénario est un peu faiblard, et dérive parfois vers le franchement ennuyeux. Cela s’anime un peu lorsque Thiérrée au violon, avec un accompagnateur à la guitare, joue en jazz le fameux Maréchal nous voilà, mais cette scène satirique ne dure pas plus d’une minute.
Déclaration de Gérard Depardieu au festival du film grolandais, à propos du cinéma français : « C’est un milieu bourré de fric, et aussi bourré de cons. Alors j’essaie de m’arranger avec la connerie et avec le pognon ».
Il a tout compris !
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.