Œuvres citées (en italique, autres que des films) : Les mauvais joueurs – Un fil à la patte – Shizo – Affreux, sales et méchants – Shall we dance? – L’entreprenant Mr Petrov – Hair – The bandwagon – Boudu sauvé des eaux – Trois... extrêmes – Little Cheung – Oldboy – Creep – Belphégor, le fantôme du Louvre – Arsène Lupin – Lemming – Ressources humaines – Harry, un ami qui vous veut du bien – Hans le joueur de flûte – En bonne compagnie – American pie – No logo – Tartuffe – Last days – Elephant – Gerry – Nordeste – Le crime farpait – Le crime était presque parfait – La vie criminelle d’Archibald de la Cruz – Avant qu’il ne soit trop tard – Le pont du roi Saint-Louis – Imposture – La meilleure façon de marcher – La vie est un long fleuve tranquille – Tiré à part – La maison de cire – Kingdom of heaven – Gladiator – Signes – Le tombeau
Personnes citées : Frédéric Balekdjian – Michel Deville – Georges Feydeau – Darry Cowl – Mathieu Demy – Charles Berling – Ettore Scola – Mark Sandrich – Fred Astaire – Ginger Rogers – Richard Gere – Peter Chelsom – Milos Forman – Jennifer Lopez – Forest Whitaker – Cyd Charisse – Vincente Minelli – Jean Renoir – Michel Simon – René Fauchois – Gérard Jugnot – Fruit Chan – Chan-wook Park – Takashi Miike – Christopher Smith – Jean-Paul Salomé – Claude Barma – Dominik Moll – Laurent Cantet – Charlotte Rampling – Charlotte Gainsbourg – Paul Weitz – Naomi Klein – Kurt Cobain – Gus Van Sant – Marguerite Duras – Juan Diego Solanas – Carole Bouquet – Álex de la Iglesia – Alfred Hitchcock – Luis Buñuel – Laurent Dussaux – Mary McGuckian – Patrick Bouchitey – Kathy Bates – Harvey Keitel – Robert DeNiro – Samuel Le Bihan – Patrick Bouchitey – Bernard Rapp – Jackie Berroyer – Luc Besson – Frédérique Bel – Claude François – Agnès Jaoui – Ridley Scott – Saladin – Night M. Shyamalan
Réalisé par Frédéric Balekdjian
Sorti en France (Festival de Valenciennes) le 19 mars 2005
Sorti en France le 20 avril 2005
Une fiction réaliste, tournée en caméra portée dans le quartier du Sentier, à Paris. Scènes de rue, petits et gros trafiquants, joueurs de bonneteau, combines, tabassages, représailles parfois sanglantes, immigrés clandestins. Tout cela pourrait être riche de clichés, mais y échappe, grâce à un traitement très réaliste et au jeu naturel des comédiens, la plupart inconnus. On ne joue ni sur les bons sentiments, ni sur l’étalage de la violence gratuite. Ce n’est pas un grand film, mais un film qui échappe au tapage médiatique – une bonne raison de le voir, puisqu’il passe plutôt inaperçu.
Réalisé par Michel Deville
Sorti en France le 27 avril 2005
Un exploit ! Ne pas faire rire avec une pièce de Feydeau...
La recette ? Réécrire le dialogue, supprimer deux personnages pour les remplacer par d’autres, et rajouter des gags idiots. Bref, se croire trop malin, plus malin que l’auteur. C’est souvent le propre des metteurs en scène.
Exemple de gag idiot : un valet se cogne à la caméra et demande pardon. Naguère, lorsque Darry Cowl s’excusait ainsi auprès d’un chien, on s’esclaffait, car l’acteur était naturellement drôle. Mais quand c’est Mathieu Demy... La presse a beaucoup cité, aussi, l’intrusion saugrenue d’un téléphone portable dans cette histoire qui se passe à la fin du dix-neuvième siècle – saugrenue, puisque le reste du film ne joue pas sur les anachronismes, mais plutôt sur la frénésie sexuelle.
À noter, pour les amateurs, une interminable scène de nu masculin, qui prétend moderniser la scène en caleçon du dernier acte. On se permettra de dire que Charles Berling gagne à rester vêtu. Notons aussi la vulgarité de l’affiche.
Par ailleurs, je tiens à faire remarquer que, contrairement à la totalité des critiques qui clichetonnent à tout va chaque fois qu’il est question de Feydeau, je ne suis pas tombé dans ce travers consistant à employer ce mot qu’on lui associe de manière systématique, qui commence comme mec et rime avec Annick. Je l’ai déjà dit, on a sa fierté.
Réalisé par Gulshat Omarova
Titre original : Shiza
Sorti en France (Festival de Cannes) le 21 mai 2004
Sorti en France le 4 mai 2005
Le titre de ce film qui se passe au Kazakhstan est en fait Shiza, mais les distributeurs ont rebaptisé le film, et l’on pense deviner pourquoi : c’est le surnom d’un garçon, or un mâle ne saurait porter un prénom qui se termine par « a », question de virilité ! (Les Italiens, qui ne craignent pas de prénommer certains garçons Andrea, en sont dépourvus, comme chacun sait)
C’est l’histoire d’un jeune de quinze ans, tenu pour malade et un peu débile, mais qui ne l’est pas tant que ça. Recruté par l’amant de sa mère pour dénicher des candidats-boxeurs qui s’affronteront dans des matches clandestins, il va plonger dans le monde de la combine, commettre un vol, puis un meurtre, tout cela sans le moindre état d’âme. Le récit montre essentiellement les conséquences de la misère sur le sens moral, selon le même principe que le film de Scola, Affreux, sales et méchants, quoique en moins volubile. La fin optimiste semble un peu plaquée sur le tout.
Réalisé par Peter Chelsom
Sorti aux États-Unis le 15 octobre 2004
Sorti en France le 4 mai 2005
Rien à voir avec le film de Mark Sandrich, en 1937, finement distribué chez nous sous un magnifique Titre À La Con, L’entreprenant Mr Petrov : Fred Astaire y incarnait un homme qui savait danser mais s’inscrivait à un cours de danse pour approcher une jeune femme séduisante et professeur de danse, Ginger Rogers. Ici, Richard Gere ne sait pas du tout danser mais cherche surtout à tromper son ennui, ce qui est beaucoup plus moral, vous pensez bien !
On attend au tournant le réalisateur Peter Chelsom : va-t-il faire aussi mal, dans les scènes de danse, que ce pauvre Milos Forman dans Hair ? Va-t-il hacher le montage, à coups de plans d’un quart de seconde et trop rapprochés pour montrer les corps des danseurs – signe infaillible d’amateurisme ? Eh bien, pas tout à fait, mais presque ; si bien qu’on ne retient rien des scènes en question, d’ailleurs réduites au minimum. Il s’ensuit que tout l’intérêt de l’histoire est centré sur les personnages, lesquels, avouons-le, ne passionnent qu’à demi : un homme d’affaires bourré de fric ; sa femme et ses gosses idiots ; une belle fille trop sérieuse et qui le restera (c’est Jennifer Lopez) ; un obèse qui ressemble beaucoup à Forest Whitaker, veut séduire la fille qu’il aime, et n’a trouvé que la danse pour y parvenir ; une femme d’âge mûr et qui voudrait qu’on la regarde enfin ; un bureaucrate que ses collègues trouvent ennuyeux et qui se prétend dingue de football pour sauver la face ; deux détectives comme on n’en voit qu’au cinéma ; et une sorte de macho qui prétend venir aux cours « pour les nanas », mais qui en fait est homo.
Ce n’est ni bien ni mal, ni très ennuyeux ni très prenant. Pas déshonorant, mais on n’est guère comblé. À noter que Fred Astaire et Cyd Charisse apparaissent dans un extrait télévisé de The bandwagon, le fameux film de Minelli. Et là, de la part du réalisateur, c’est du masochisme.
Réalisé par Jean Renoir
Sorti en France le 11 novembre 1932
Ressorti en France le 16 mars 2005
Arte a diffusé le film de Jean Renoir, daté de 1932. Aucun doute, il s’agissait d’une pantalonnade sans grande crédibilité – ce qui ne signifie pas sans intérêt.
Pour Michel Simon, qui était producteur, il s’agissait d’utiliser une pièce de théâtre (de René Fauchois) fort propre à lui fournir une formidable occasion de cabotinage. Aussi ne s’en est-il pas privé, au mépris de toute vraisemblance, et, pourquoi ne pas le dire, au détriment de son jeu d’acteur : il y est assez mauvais. Quant à son personnage, il est carrément monstrueux d’égoïsme : aux yeux de Boudu, qui se fiche du tiers comme du quart, les autres n’existent absolument pas. Malaise... et seule originalité du film.
Pour Jean Renoir, c’était surtout l’occasion de railler les valeurs de la bourgeoisie. Mais enfin, on est encore loin de La règle du jeu. Si bien que tous ses personnages sont grotesques. Soixante-treize ans après, c’est peu dire que cela ne fonctionne plus. De toute évidence, cette façon de manier la satire est dépassée, de nos jours.
Dès lors, on comprend que Gérard Jugnot ait voulu remanier complètement l’histoire. L’ennui, c’est qu’en voulant l’humaniser un peu, il a tout banalisé, et l’a privée du moindre intérêt.
De là à penser que c’est un sujet infilmable, il n’y a qu’un pas.
Réalisé par Fruit Chan, Chan-wook Park et Takashi Miike
Titre original : Three...extremes
Sorti en Corée du Sud le 20 août 2004
Sorti en France le 4 mai 2005
Trois moyens métrages asiatiques, trois variantes du fantastique.
Dumplings, film hongkongais de Fruit Chan, est une fable ironique et cruelle. Tante Mei paraît si jeune, mais c’est parce qu’elle a découvert une recette de jouvence : elle confectionne, consomme et vend des raviolis fourrés aux foetus humains ! Les plus efficaces doivent être faits avec un foetus de cinq mois, dont on imagine bien qu’elle se les procure illégalement, avortant elle-même des femmes en détresse. Le jour où une de ses bonnes clientes constate que le « régime » ne semble pas fonctionner, ladite cliente s’avorte seule avec une aiguille à tricoter, récupère le foetus et l’ingurgite en ravioli. L’horreur, mais filmée avec raffinement, comme seuls certains Asiatiques savent le faire. En 1999, Fruit Chan avait réalisé Little Cheung, assez bon film dont j’ai parlé ailleurs.
Des trois, Cut est mon préféré. Le titre est un jeu de mots, ce terme signifiant couper quelque chose, mais aussi interrompre une prise de vue ou faire le montage d’un film. En effet, un réalisateur à succès se trouve pris en otage par un obscur figurant qui jalouse son sort : trop beau, trop riche, et surtout trop gentil ! Il coupera un par un les doigts de l’épouse pianiste du réalisateur, si celui-ci ne prouve pas qu’il peut être aussi mauvais que tout un chacun... en étranglant une fillette (qui d’ailleurs est un garçon, le propre fils du fou) ! Filmé dans un décor unique, à la fois somptueux et de très mauvais goût, c’est un drame étouffant, sanglant, mais pas complaisant, sur un scénario extrêmement sophistiqué, délirant, là encore d’un raffinement inouï. Le réalisateur coréen, Chan-wook Park , s’est fait connaître chez nous en 2003 avec Oldboy.
Box souffre de venir après les deux autres films, mais il est plus court, ce qui compense. Dû au Japonais Takashi Miike, véritable stackhanoviste (puisque, à 45 ans, il a réalisé soixante-trois films et téléfilms), il décrit les affres d’une femme de vingt-cinq ans qui, à l’âge de dix ans, a provoqué accidentellement la mort de sa sœur jumelle, qu’elle jalousait. Ici, rien de vraiment inquiétant, et le récit rabâche un peu.
Réalisé par Christopher Smith
Sorti en Allemagne (Frankfurt Fantasy Filmfest) le 10 août 2004
Sorti en France le 4 mai 2005
Une fille est aux prises avec un monstre qui s’est réfugié dans le métro de Londres, à la station Charing Cross, en plein centre de la capitale. Assez violent et terrifiant, le film a trois avantages : d’abord, il ne donne aucune explication, et c’est tant mieux ; ensuite, les décors sont très réussis et créent à eux seuls l’atmosphère de terreur indispensable ; enfin, il ne joue pas sur ce qu’il conviendrait d’appeler « l’effet coup de cymbales », tant prisé des réalisateurs primaires, et qui consiste à faire brusquement surgir un élément inattendu dans le cadre de l’image, tout en soulignant cette intrusion par une forte ponctuation sonore, propre à vous faire sursauter dans votre fauteuil, ce qui est très intelligent.
En revanche, on observe que l’élémentaire loi du genre n’est pas connue du réalisateur : la terreur ne subsiste que lorsque le danger reste inconnu ; dès qu’on voit ce qui la provoque, on s’habitue vite et on a moins peur, voire plus du tout. Or le monstre du métro, au demeurant complètement raté sur le plan visuel, apparaît aux deux-tiers du film et ne quitte presque plus l’écran, de sorte que le spectateur, dès cet instant, décroche et s’ennuie un peu.
On s’en voudrait de ne pas relever une nouvelle perle de nos amis les sous-titreurs : chaque fois qu’il est question d’argent, la somme en livres sterling est traduite en euros dans les sous-titres, alors que les Britanniques n’ont pas voulu de cette monnaie ! Encore un effort, les gars, et traduisez « Waterloo station » par « gare d’Austerlitz ». Ce sera bon pour l’amour-propre des Français.
Réalisé par Jean-Paul Salomé
Sorti en France et en Suisse le 4 avril 2001
TF1 a diffusé ce film de Jean-Paul Salomé, à qui l’on doit aussi le très loupé Arsène Lupin. L’un annonce l’autre : mêmes scénarios tarabiscotés et incompréhensibles, qui ne servent que de prétexte à étaler toute la palette actuelle des trucages par ordinateur. Pour public de moins de douze ans, donc. On est très loin du feuilleton télévisé de Claude Barma, en 1965, pourvu d’une intrigue solide, et qui ne faisait pas dans l’épate.
Saisissons cet insignifiant prétexte pour préciser un point : ces trucages sont fréquement désignés par le public sous l’expression « effets spéciaux ». C’est une impropriété de terme. Dans le monde du cinéma, les effets spéciaux, en abrégé SFX, sont des trucages matériels, comme les faux incendies, les explosions, les destructions de maquettes ou de décors miniatures, etc. En revanche, les images de synthèse réalisées sur un ordinateur sont des trucages numériques. On peut évidemment mélanger les deux types de trucages dans la même image, d’où la confusion courante.
Réalisé par Dominik Moll
Sorti en France le 11 mai 2005
Ce film de Dominik Moll, ancien assistant de Laurent Cantet sur Ressources humaines, ouvrira ce soir le Festival de Cannes, premier des trois films français en compétition. Disons tout de suite que ce réalisateur avait mieux réussi son Harry, un ami qui vous veut du bien. L’histoire commence de manière séduisante, installant une atmosphère lourde qui doit beaucoup au jeu des quatre acteurs – le personnage de Charlotte Rampling étant particulièrement gâté sur ce plan. Mais, à partir de l’accident dont est victime Alain, au milieu du film, on mélange le réel et l’imaginaire, de façon un peu gratuite, et le spectateur ne sait plus très bien où il en est. Toujours cette allergie à la simplicité qui gâche la plupart des bonnes histoires, aujourd’hui, sous prétexte de les rendre plus intéressantes... mais avec l’effet contraire ! Il devine, en tout cas, le spectateur, que la gentille Charlotte Gainsbourg va prendre la place de la méchante Charlotte Rampling (a-t-on choisi ces actrices à cause de leurs prénoms identiques ?), et que tout va tourner mal.
Ce qui n’empêche pas quelques rires dans la salle, au vu des malheurs qui s’abattent sur le pauvre Alain, un garçon qui n’a pourtant rien à se reprocher ; également, à cause d’un gadget idiot, une webcam volante, truc de scénariste ayant le tort d’apporter un élément comique dans un film qui ne veut surtout pas l’être.
Et le lemming ? Présent du début à la fin pour ajouter une pincée de mystère bidon, il ne joue aucun rôle dans l’histoire, pas plus que les deux personnages qui viennent discourir sur cet animal. Un symbole, sans doute. Mais on aura au moins appris que la légende à l’origine de l’opéra Hans le joueur de flûte ne repose sur rien : les lemmings ne se suicident pas en masse.
Réalisé par Paul Weitz
Titre original : In good company
Sorti aux États-Unis le 6 décembre 2004
Sorti en France le 11 mai 2005
Paul Weitz avait réalisé le premier American pie, en 1999. Des films de la trilogie, c’était le meilleur. Ici, tout en restant dans la comédie, on traite d’un sujet sérieux, le licenciement économique et les compressions de personnel causées par le rachat des entreprises sous prétexte de « synergie », redoutable mode qui sévit depuis quelques années dans l’univers du commerce de masse (consultez votre journal économique habituel).
Bien fait, pas trop virulent, interprété par des acteurs sympathiques, le film, selon la mode hollywoodienne, agrémente son épilogue d’un discours moralisateur qui résume en quelques phrases la teneur d’un chapitre de No logo, le livre de Naomi Klein – celui traitant du branding. Et il faut avouer que le spectateur qui n’a pas lu le livre aura un peu de mal à saisir le sens de cette tirade contre les entreprises géantes dont l’ambition n’est plus de vendre des produits, mais de vouloir imposer un prétendu style de vie ; alors que l’histoire qu’il vient de voir ne parlait que du chômage des cadres, licenciés sous couleur de rajeunissement.
Autre curiosité, le film se conclut comme Tartuffe, par l’intervention d’un super-patron qui remet de l’ordre en punissant les méchants et en rétablissant les bons dans leurs légitimes droits. Le cinéma commercial nous étonnera toujours...
La nouvelle Constitution européenne menace-t-elle la fameuse exception culturelle française ? Beaucoup l’affirment, or la question, ardue, sort du cadre de ce site. Ce qui n’est pas contestable, c’est l’existence de cette exception.
Sur les 5302 salles de cinéma de France, il s’en trouve environ 2000 qui sont classées « art et essai », proportion énorme – surtout si l’on fait la comparaison avec les autres pays européens. Il faut dire qu’elles sont subventionnées, puisqu’elles reçoivent de l’État entre 5 et 10 pour cent de leur chiffre d’affaires annuel.
C’est aussi chez nous que l’on va le plus souvent au cinéma, en Europe : 3,33 fois par année, en moyenne, contre 2,22 fois en moyenne dans les autres pays de l’Union européenne. Et cela ne baisse pas, puisque en 2004, le nombre d’entrées a crû de 12,4 %, avec 194 800 000 spectateurs dans les salles (l’Allemagne n’en a eu que 150 millions).
Voilà pour la fréquentation.
Pour la fabrication, la France a produit ou coproduit 167 films en 2004, quand la Grande-Bretagne n’en produisait plus que 47 (et 80 en 1999). L’Italie tient bon avec 100 à 110 films par an, et l’Espagne en fabrique entre 85 et 100. De sorte que l’Europe des Vingt-Cinq a produit 764 films, dépassant les États-Unis avec 611. Matière à réflexion...
Et puis, l’hégémonie états-unienne est moins sensible chez nous, puisque ses films ne rassemblent plus que 47,4 % des entrées, en baisse de 4,8 % par rapport à l’année précédente. Alors qu’elle augmente chez nos voisins, malheureusement.
Enfin, cocorico ! En Europe, presque un dixième des entrées en salles se fait au bénéfice d’un film français. Inutile de dire qu’aux États-Unis, c’est une autre paire de manches : nos films restent cantonnés à quelques petites salles new-yorkaises et aux festivals. Et pour cause : dans ce pays, on n’aime ni les films doublés, ni les films sous-titrés ! Le bilan, dès lors, est vite fait.
Réalisé par Gus Van Sant
Sorti en France et en Italie le 13 mai 2005
Le film sort aujourd’hui au festival de Cannes et à Paris. Comme, d’une part, la presse ne s’est pas privée d’écrire qu’il était inspiré de la vie d’un personnage réel, Kurt Cobain, musicien de rock, qui s’est suicidé, comme, d’autre part, presque tous les films de Gus Van Sant se terminent par un suicide, le spectateur, qui s’ennuie mortellement, attend l’épilogue avec impatience. Il ne verra pas le suicide, mais la « montée au ciel » de l’âme du suicidé, sous la forme de son corps nu, en surimpression, qui émerge du cadavre et grimpe un escalier invisible. Scène d’une naïveté rarement vue.
Blague à part, c’est le plus mauvais film de Gus Van Sant, qui les collectionne – le précédent étant Elephant, évidemment couronné de la Palme d’Or au même festival, il y a deux ans. Fait à l’économie (pas de son stéréo, pas d’acteurs connus, très peu de mouvements d’appareil, montage réduit à sa plus simple expression puisque c’est une suite basique de plans-séquences très longs et très vides), il montre des personnages dont on ne sait rien, et qui ne font rien. L’anti-héros, rebaptisé Blake, déambule comme un zombie, marmonne quelques borborygmes, se fait à manger, barbote dans une rivière, et chante une chanson qui semble ne pas devoir se terminer. On ne se réveille que pour deux scènes, les seules dialoguées, qui n’ont du reste rien à voir avec l’histoire : l’une avec un démarcheur en publicité, l’autre avec deux membres d’une secte qui font du porte-à-porte, deux jumeaux dotés du même nom et du même prénom – comme dans Gerry, film antérieur du réalisateur, et autrement plus intéressant.
C’est le retour de Marguerite Duras ?
Réalisé par Juan Diego Solanas
Sorti en France (Festival de Cannes) le 12 mai 2005
Sorti en France le 13 mai 2005
Hélène, française, est en Argentine pour tenter de trouver un bébé qu’elle pourrait adopter. On l’oriente vers une filière mafieuse, qui lui vend un nouveau-né pour 33 000 euros. Mais le bébé, atteint d’une maladie incurable, est voué à la mort dans les semaines qui viennent. Hélène va-t-elle se rabattre sur une jeune fille de 18 ans qui cache sa grossesse à son patron de peur d’être renvoyée, ou sur l’enfant à naître d’une mère célibataire en passe d’être expulsée ?
Le tableau, que peint ce film, des trafics d’enfants dans le tiers-monde n’est pas flatteur pour l’espèce humaine.
Carole Bouquet est parfaite. Pourquoi « Le Canard enchaîné » la trouve-t-il théâtrale ? Pas maquillée, le visage ridé et couvert de tavelures, elle est loin de la prétendue ambassadrice d’un parfum à la mode, et paraît enfin son âge, 48 ans. Mais c’est cela, en fait, les fameuses « stars » dont on nous rebat les oreilles, qui inspirent aux jeunes niais tant de rêves, et collent tant de complexes aux jeunes gens dotés d’un physique ordinaire : le plus souvent, elles ne sont pas l’incarnation de la beauté, elles illustrent plutôt le talent des maquilleurs et prouvent l’efficacité des logiciels de retouche photographiques !
Réalisé par Álex de la Iglesia
Titre original : Crimen ferpecto
Sorti au Canada (Festival de Toronto) le 10 septembre 2004
Sorti en France le 13 mai 2005
Non, il n’y a pas de faute dans le titre. Et il évoque vaguement le titre français d’un film d’Hitchcock, Le crime était presque parfait, alors qu’une des péripéties, celle du mannequin de cire brûlé dans la chaudière, rappelle plutôt Ensayo de un crímen, de Buñuel (ce qui signifie « Répétition d’un crime », mais distribué en France sous le titre La vie criminelle d’Archibald de la Cruz). Et c’est bien un film espagnol.
Rafael, coureur de jupons et as de la vente en grand magasin, se fait souffler le poste de direction qu’il convoitait, à la suite d’une gaffe. Plus tard, il tue accidentellement son heureux rival. Une vendeuse obscure et moche, prénommée Lourdes, a tout vu et l’aide à faire disparaître le corps, mais elle présente l’addition, comme prévu : le mariage ! Rafael ne peut pas la faire disparaître aussi, car la police le soupçonne déjà du meurtre de son collègue. Il ne lui reste plus qu’à organiser sa propre disparition. Cru mort, il reparaît cinq ans plus tard, tel qu’il ne voulait surtout pas être, dans la peau d’un minable, propriétaire d’un petit magasin de vêtements. Alors que sa « veuve » possède à présent un énorme magasin et parade en vedette de la nouvelle mode dite « clownesque ». Le miracle de Lourdes, en quelque sorte...
Le premier tiers, rythmé, stylisé, alerte, est superbe. Après le meurtre, le style devient un peu caricatural, il y en a trop. Et le tout semble longuet. Avec vingt minutes de moins, le film était presque farpait !
Réalisé par Laurent Dussaux
Sorti en France (Festival du Film d’Aventures de Valenciennes) le 19 mars 2005
Sorti en France le 4 mai 2005
Une bande d’amis ou supposés tels – mais on n’a pas vraiment cette impression – passent régulièrement leurs vacances dans un chalet de montagne appartenant à l’un d’eux. Quand le chalet va être vendu, dernière réunion. Intrigues, embrouilles, et surtout disputes et scènes, avec l’amour ou le sexe, homo ou hétéro, pour thème central. Aucune surprise. Dès le début, lorsqu’on voit défiler une troupe d’acteurs de seconde zone, on sent qu’on va s’ennuyer, et cela ne rate pas. Une fois de plus, le drame (quand ce n’est pas la comédie) de mœurs « à la française ». Il est permis de s’en lasser.
Réalisé par Mary McGuckian
Titre original : The bridge of San Luis rey
Sorti en Espagne le 22 décembre 2004
Sorti en France le 25 mai 2005
Le film a coûté cher en décors, costumes et salaires des acteurs, mais on se demande où il veut aller. Le thème : un moine enquête sur l’existence des cinq victimes d’une passerelle qui s’est rompue, dans les environs de Lima, au Pérou, à l’époque de la Périchole – qui est un des personnages de l’histoire. Au bout de six ans d’investigations, il publie le résultat de ses recherches, qui déplaît parce que des personnages connus sont en cause. Et l’Inquisition condamne l’enquêteur au bûcher ! Auparavant, on aura revécu en flashbacks ces différents récits. Le meilleur est celui de cette aristocrate présentée injustement comme l’incarnation de la sottise, animée d’un amour trop ardent pour sa fille, qui ne la paye que d’indifférence. Or, malgré l’interprétation de la grande Kathy Bates, on reste de glace.
Outre cette absence d’émotion qui flanque le film par terre, il est permis de s’agacer devant ce gaspillage : le public se dérange pour voir des vedettes internationales, Kathy Bates déjà nommée, Harvey Keitel, Robert DeNiro (bien qu’il n’ait rien tourné de bon depuis une vingtaine d’années), mais on leur donne pour partenaires des acteurs français de quatrième ordre, dont l’ectoplasmique Samuel Le Bihan (!). Et, dans cette histoire cent pour cent hispanophone, tout le monde parle anglais. Même les inscriptions, affiches, lettres, sont rédigées en cette langue. Jusqu’à quand les films resteront-ils dénués de toute crédibilité parce que le souci de rentabilité impose, croit-on, une langue prétendument comprise par tous ?
Réalisé par Patrick Bouchitey
Sorti en France (Festival de Cannes) le 19 mai 2005
Sorti en France le 25 mai 2005
Le public connaît Patrick Bouchitey pour son premier rôle dans La meilleure façon de marcher, film de 1976, pour un petit rôle de curé chantant dans La vie est un long fleuve tranquille, en 1988, et pour ses spots télévisés avec des animaux post-synchronisés, énonçant des dialogues qu’on estime en général géniaux et que je me permets de trouver stupides. Il réalise à présent ce film sur les milieux littéraires, qui montre un professeur de littérature, critique professionnel, écrivain raté mais prêt à tout, donc à voler le livre d’autrui pour le publier sous son nom.
Ce n’est pas le premier film qui traite d’un thème voisin. La tentative la plus récente était Tiré à part, première œuvre de Bernard Rapp, nettement plus excitante et documenté. Ici, on s’intéresse aux tréfonds de l’âme d’un usurpateur, et le moins qu’on puisse dire, c’est que le traitement ne fait pas dans le primesautier, malgré la présence de Jackie Berroyer en co-scénariste, la production due à Luc Besson, et une courte apparition de la fameuse « blonde » de Canal Plus, Frédérique Bel, dans le rôle d’une étudiante en appareil dentaire (sic). La musique, des chœurs religieux à plein volume, indique bien, à qui n’aurait pas compris, qu’on n’est pas là pour plaisanter.
Hélas, après un début qui tient la route, l’histoire bascule sitôt la fille séquestrée par l’auteur qui veut lui voler son manuscrit. Car cela devient n’importe quoi. Et l’on ne compte plus les récits comme celui-ci, qui commencent de façon séduisante puis s’égarent, parce que les personnages ont un comportement aberrant. Vous penseriez, vous, qu’une étudiante gardée prisonnière par un dingue n’aurait de cesse de prendre la poudre d’escampette, puis de lui faire payer ce qu’elle a subi en allant directement à la police ? Esprits médiocres que vous êtes ! Ici, la victime se contente d’observer le silence, mais elle accepte de dîner aux chandelles avec son ravisseur, de dormir dans son lit, de se balader avec lui dans la campagne, et même d’écrire pour lui un second bouquin ! Sa vengeance consistera à s’évader enfin et à publier ce deuxième livre, pour lequel, vous l’auriez parié, elle obtiendra un prix littéraire flatteur – puisque c’est ainsi que se terminent obligatoirement tous les films parlant de littérature (voir le dernier film d’Agnès Jaoui). Dénouement qu’on pressent dès la première bobine, tant il est original.
Réalisé par Jaume Collet-Serra
Titre original : House of wax
Sorti aux États-Unis le 25 avril 2005
Sorti en France le 25 mai 2005
Point de départ classique, un groupe de jeunes qui viennent fourrer leur nez là où ils n’auraient pas dû. En l’occurrence, ils tombent en panne de voiture dans un village éloigné de tout. Le réalisateur déploie beaucoup d’adresse pour nous dissimuler que personne n’habite cet endroit, hormis un garagiste trop cordial, et son frère qui reste à la maison. La curiosité du coin, c’est son musée de cire, qui a la particularité d’être construit EN cire ! Et le moteur de l’intrigue, c’est que le frère qu’on ne voit d’abord pas, au physique monstrueux, est aussi un artiste-sculpteur, dont le frère garagiste, monstrueux au moral, exploite le talent afin de terminer l’œuvre de leur mère défunte, le fameux musée, on le devine. Le public découvre assez vite que les mannequins sont en fait de vrais cadavres, les anciens habitants du village, recouverts de cire, ce qui doit vous inviter à la circonspection si, en visite au Musée Grévin, vous tombez en arrêt devant l’effigie de Claude François.
Au passif du film, son extrême lenteur, génératrice d’un ennui certain, et les révélations mal graduées puisque apparaissant trop tôt. À son actif, une excellente photographie, mais surtout une musique soignée, plutôt subtile, et qui ne donne jamais dans l’effet « coup de cymbales » qu’on dénonce ici inlassablement. Quant à l’idée du très spectaculaire incendie final, lorsque le musée et les personnages se mettent à fondre, elle méritait en effet d’être exploitée.
Malgré tout, ce n’est pas le grand film que cela aurait dû être, il y a trop de conventions, et les personnages n’ont aucune existence.
Réalisé par Ridley Scott
Sorti au Royaume-Uni le 2 mai 2005
Sorti en France le 4 mai 2005
Cinq ans après Gladiator, Ridley Scott remet ça : même étalage de violence, même déluge de trucages numériques, même grisaille, même atmosphère lugubre, même envahissement du récit par des scènes de combats... et même ennui chez le spectateur.
Du côté du scénario, ce n’est pas plus sérieux que le film cité plus haut. Exemple, dialogue entre Saladin et un personnage du camp musulman :
– Combien de victoires Dieu a-t-il accordé à notre camp avant ma venue ?
– Peu, en raison de nos péchés, répond son interlocuteur.
J’ai l’immense peine de faire ici remarquer que cette bourde majeure n’est pas sans rappeler celle commise par l’ineffable Shyamalan dans son film Signes, lorsqu’une protestante demandait à son pasteur de l’entendre en confession : la notion de « péché » est absente de l’univers mental des musulmans, qui ne s’y réfèrent en aucun cas, pas plus qu’au sentiment de culpabilité.
Cela mis à part, on a au moins l’honnêteté de charger au maximum les chrétiens, qui, lors de leurs croisades, se sont conduits comme des gougnafiers, sous un prétexte bidon, « délivrer le tombeau de Jésus », prétendument annexé par les musulmans. Si Jésus avait eu un tombeau, il est évident que la légende de sa résurrection ne tenait plus... pas davantage que la religion chrétienne, qui ne repose que sur ce postulat – voir la critique sur Le tombeau !
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.