Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Mort sur le Nil – Death on the Nile – Frenzy – Le limier (1972) – Le limier (2007) –Meurtre au soleil – Equus – Amadeus – Le guépard – Le grand embouteillage – L’ingorgo – Le plaisir – Max Ophüls – Jacques Natanson – Guy de Maupassant – Le crime de l’Orient-Express – Murder on the Orient Express – Meurtre au soleil – Evil under the Sun
Personnes citées : John Guillermin – Anthony Shaffer – Agatha Christie – Bette Davis – Mia Farrow – Jon Finch – Olivia Hussey – George Kennedy – Angela Lansbury – Simon MacCorkindale – David Niven – Maggie Smith – Jack Warden – Jack Cardiff – Anthony Schaffer – Peter Schaffer – Nino Rota – Federico Fellini – Cristian Dura – Luigi Comencini – Sidney Lumet – Paul Dehn – Charles Lindbergh – Jean-Pierre Cassel – John Gielgud – Ingrid Bergman – Anthony Perkins – Guy Hamilton – Peter Ustinov – Jane Birkin – Maggie Smith
De John Guillermin, en 1978. Titre original, Death on the Nile. Scénario d’Anthony Shaffer, d’après le roman d’Agatha Christie. Durée, 2 heures et 20 minutes. Couleurs (Technicolor), format 1,85:1. Sorti aux États-Unis le 29 septembre 1978, en France le 27 octobre 1978.
J’avais vu ce film une ou deux fois, mais en version française, ce qui nous privait des scènes polyglottes, nombreuses, même si l’une d’elles est bizarre : Jane Birkin, qui joue une domestique française, et Peter Ustinov, qui est Poirot – le détective belge –, se parlent en français ; or les deux acteurs ont un accent britannique prononcé... À part cela, les dialogues sont aussi en anglais, allemand et arabe.
Comme chacun a lu le roman, très ingénieux comme toujours, d’Agatha Christie, tout le plaisir vient, non pas de découvrir une fin que l’on connaît déjà, mais de voir cette foule d’acteurs célébrissimes (outre les deux nommés, viennent parader, tous dans de grands rôles, Bette Davis, Mia Farrow, Jon Finch, Olivia Hussey, George Kennedy, Angela Lansbury, Simon MacCorkindale, David Niven, Maggie Smith et Jack Warden !) en faire des tonnes dans des rôles conventionnels qui ne leur sont pas habituels.
Décors et costumes sont largement plus somptueux que la moyenne, la croisière sur le Nil ferait rêver si on ignorait qu’on crève de chaleur en Égypte, et le film ne paraît pas trop long.
Ajoutons que la photo est due à un maître, aussi réalisateur, Jack Cardiff, qui a photographié un nombre incalculable de chefs-d’œuvre, que le scénario est signé par Anthony Schaffer, scénariste réputé (Frenzy, Le limier pour les deux versions, Meurtre au soleil, autre aventure d’Hercule Poirot, et frère jumeau de Peter Schaffer, auteur au théâtre d’Equus et d’Amadeus), et que la musique est composée par Nino Rota, qui a fait la partition pour Le guépard et les films de Fellini.
Seule fausse note, mais qui ne peut surprendre personne, le sous-titreur, Christian Dura, s’obstine à désigner comme un revolver le petit pistolet qui est l’arme du crime. C’est d’autant plus ridicule que, dans le dialogue anglais, il est clairement question de pistol. Ces deux armes sont très différentes, comme on sait.
De Luigi Comencini, en 1979. Titre original, L’ingorgo. Scénario du réalisateur et de Ruggero Maccari et Bernardino Zapponi. Co-scénaristes : Roxane Boutang (version française), Peter Berling (version allemande) et José Luis Martínez Mollá (version espagnole). Durée, 2 heures et une minute. Couleurs (Eastmancolor), format 1,66:1. Sorti en Italie le 12 janvier 1979, en France le 21 novembre 1979.
J’ai traité, dans les notules sur les sorties, le mauvais film d’Emma Dante, Palerme. Or, comme on sait, la télévision établit ses programmes en tenant compte de l’actualité ; aussi n’est-il pas étonnant qu’Arte ait programmé Le grand embouteillage, qui abordait ce sujet en 1979, et beaucoup mieux, car Luigi Comencini était un maître du cinéma italien (tout en étant parfaitement francophone, puisqu’il a fait ses études en France).
Le résultat est ce film très lucide pour la société italienne de cette époque, dont on peut supposer qu’après le passage dévastateur de Berlusconi à la tête du gouvernement, elle ne s’est pas améliorée ! Toutes les médiocrités et les crimes qui accablent les sociétés de consommation y passent, y compris les viols collectifs et la passivité des témoins.
Du cinéma qui ne parlait pas pour ne rien dire. On doit néanmoins regretter que la version diffusée soit la version doublée en français. Il est vrai que plusieurs acteurs du film sont français.
De Max Ophüls, en 1952. Scénario du réalisateur et de Jacques Natanson, d’après trois nouvelles de Guy de Maupassant. Durée, 1 heure et 37 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sorti en France le 14 février 1952.
D’Ophüls, c’est loin d’être le film que je préfère, car, des trois nouvelles qui ont donné naissance au scénario, seule la deuxième est originale et intéressante, et a fourni un sketch riche et d’une longueur qui lui fournit un peu de profondeur.
La première parle d’un vieillard qui, n’acceptant pas de vieillir, se cache sous un masque pour fréquenter les bals. Pris d’un malaise, il est ramené chez lui par un docteur, auquel l’épouse du vieillard raconte qu’il a tous les défauts, mais qu’elle l’aime toujours, en souvenir de sa gentillesse passée. Quant à la troisième, elle raconte platement qu’un peintre fauché croit tomber amoureux de son modèle, mais qu’une fois riche, elle ne l’intéresse plus. Elle menace de se jeter par la fenêtre, il l’en défie, elle le fait, mais ne meurt pas. Il passera le reste de sa vie à la pousser dans son fauteuil roulant. Ces deux histoires balancent entre le lugubre et le sinistre.
La deuxième nouvelle montre les pensionnaires d’une « maison » accueillante de Normandie prendre un jour de congé (désarroi des mâles de la petite ville) pour aller à la campagne assister à la communion de la nièce de Madame. Il est à la fois touchant et désopilant de les voir pleurer devant un spectacle si familial, mais le « devoir » les rappelle vite chez elles.
Ophüls faisait fabriquer et filmait à merveille des décors somptueusement compliqués, et l’on admire ses mouvements de caméra si descriptifs, tels qu’on n’en voit plus jamais dans le cinéma français.
La distribution est éblouissante.
De Sidney Lumet, en 1974. Titre original, Murder on the Orient Express. Scénario de Paul Dehn, d’après le roman d’Agatha Christie. Durée, 2 heures et 8 minutes. Couleurs (Technicolor), format 1,66:1. Sorti aux États-Unis le 24 novembre 1974, en France le 16 avril 1975.
Tiré de l’un des romans les plus originaux et les plus pervers de la grande Agatha Christie, puisque le crime commis en lieu clos n’a pas été accompli par un assassin, mais par douze ! Ils voulaient venger la cascade de décès qui avaient suivi l’enlèvement d’un enfant – rappelant fortement celui du fils de Charles Lindbergh. Tous ces meurtriers sont interprétés par de grandes vedettes, et la réalisation du maître Sidney Lumet est éblouissante, surtout dans les scènes d’exposition du début.
Quelques erreurs dans les dialogues, néanmoins. On comprend mal pourquoi Poirot, qui est belge et d’expression française, parle anglais quand il converse avec le personnage de Pierre, joué par Jean-Pierre Cassel, qui est français, alors que, lorsqu’il est seul et se parle à lui-même, il le fait en français (avec un accent britannique à couper au couteau). Également, pourquoi Cassel, au moment où il poignarde l’horrible victime, le fait en prononçant en anglais la phrase qui dédit ce meurtre à sa fille morte.
En compensation, un délicieux jeu de mots en anglais, intraduisible : le personnage du majordome joué par John Gielgud lit un livre, et son voisin belge lui demande si c’est un roman érotique : “Is it about sex?”. Et Gielgud, feignant d’avoir compris six, répond que non, “It is ten thirty” (Il est dix heures trente). Là, le sous-titreur rend son tablier, et le jeu de mots passe inaperçu !
À noter que, pour son interprétation, Ingrid Bergman a reçu un Oscar, le troisième de sa carrière (un critique malveillant avait écrit qu’elle « courait après son Oscar » dans ce rôle de femme un peu attardée), et qu’Anthony Perkins s’y révèle un acteur exécrable, maniéré et surjouant constamment. Dans d’autres films, il lui arrive d’être bon, mais là, c’est un désastre.
Au cinéma, ils pullulent, ces faux raccords qui sont des erreurs de réalisation : erreurs dans les temps (tel plan se déroule à midi, mais, sans transition, le plan censé lui succéder immédiatement est filmé en fin d’après-midi), dans les accessoires (telle cigarette change constamment de longueur, tel verre à moitié vide se révèle plein au plan suivant sans avoir été rempli, telle voiture a changé de couleur), dans les costumes (un personnage a sa cravate de travers dans un plan, mais elle est bien droite dans le plan qui suit, ou la couleur de ses bottes a changé sans qu’il se soit déshabillé), dans les décors (ici, une chaise est présente, elle a disparu dans le plan suivant, mais elle revient un peu plus tard), dans les détails (un personnage achève d’écrire une lettre, la page est pleine, mais au plan suivant, il reste un large espace au bas de la feuille), etc. Je signale que, par pure malice, je n’ai cité que des erreurs relevées dans les films de Kubrick !
Le film dont il est question dans cette notule n’y échappe pas, et les erreurs les plus voyantes concernent la longueur du train, qui est un petit train. Or, quand il quitte la gare d’Istanbul, à la vingtième minute, on le voit défiler devant la caméra immobile, plantée sur le quai, et le spectateur peut en compter les wagons : il y en a trois, la voiture de Calais est la deuxième, juste après le wagon-restaurant qui la sépare de la locomotive, et porte le numéro 7. Mais, dès la minute suivante, on constate la présence d’un wagon supplémentaire. Il est toujours là à la minute 23 (la caméra est fixée dessus), ainsi qu’à la minute 25, quand le train passe sur un petit pont, mais il a disparu à la minute 28, quand le train est vu en plan général, dans le paysage enneigé, avant l’arrêt à Belgrade, où il réapparaît. Néanmoins, après cela, on compte cinq wagons : a-t-on rajouté une voiture en gare de Belgrade ? Pourtant, à la minute 34 puis à la minute 77, on compte très nettement quatre wagons qui se détachent sur la voie couverte de neige, où le train a dû s’arrêter, bloqué.
De Guy Hamilton, en 1982. Titre original, Evil under the Sun. Scénario d’Anthony Shaffer, d’après le roman d’Agatha Christie. Durée, 1 heure et 57 minutes. Couleurs, format 1,85:1. Sorti en Australie le 12 février 1982, en France le 21 avril 1982.
La distribution est aussi prestigieuse que pour les deux films précédents, même si Peter Ustinov, en dépit de son talent, n’est pas fait pour incarner Hercule Poirot ! Le film a été tourné aux Baléares, et Jane Birkin, qui est l’un des deux assassins, est meilleure comédienne que chanteuse plus tard. Maggie Smith apparaît bien jeune, et cela surprend.
Cela mis à part, l’intrigue est complètement invraisemblable, mais ce n’est pas ce que le public recherche : il réclame des acteurs cabotinant à tout va, et il est servi !
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.