Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Rivière sans retour – River of no return – Les pianos mécaniques – Los pianos mecánicos – Les pianos mécaniques – Regarde les hommes tomber – Mr and Mrs Bridge – Captives à Bornéo – Three came home – Le pont de la rivière Kwaï – La valse des pantins – The king of comedy – Taxi driver – Les nerfs à vif (1991) – New York stories – La dernière tentation du Christ – Les nerfs à vif (1962)
Personnes citées : Otto Preminger – Frank Fenton – Louis Lantz – Robert Mitchum – Marilyn Monroe – Juan Antonio Bardem – Henri-François Rey – Salvador Dali – Melina Mercouri – Hardy Krüger – Renaud Verley – Didier Haudepin – Jean Anouilh – Henry de Montherlant – Roger Vadim – Peter Brook – Luchino Visconti – James Ivory – Ruth Prawer Jhabvala – Evan S. Connell – Paul Newman – Joanne Woodward – Robert Sean Leonard – Ismail Merchant – Jean Negulesco – Nunnally Johnson – Agnes Newton Keith – Sessue Hayakawa – Claudette Colbert – Martin Scorsese – Paul D. Zimmerman – Robert DeNiro – Francis Ford Coppola – Woody Allen – Jack Lee Thompson – Jerry Lewis
De Juan Antonio Bardem, en 1965. Titre original, Los pianos mecánicos. Scénario du réalisateur, d’après le roman du même titre, d’Henri-François Rey. Durée, 1 heure et 34 minutes. Couleurs, format 4/3. Sorti en France le 21 avril 1965, en Espagne le 17 juin suivant. La télévision a diffusé la version doublée pour la France.
Distribution facheusement internationale : les acteurs sont anglais, allemand, grecque, suédoise, espagnols et français, mais tout le monde parle français, sauf la Suédoise, dans la version diffusée – et sans doute espagnol dans la version originale, quand il est précisé que certains personnages, précisément, ne parlent pas l’espagnol. On ne mentionnerait pas cet effroyable navet s’il n’illustrait deux points. D’abord, le fait que les modes changent, et que nul aujourd’hui ne se risquerait plus à filmer cette histoire où, hormis les jeunes personnages, ne se rencontrent, dérivant de bar en hôtel, que des intellectuels friqués et tarés, alcooliques et voguant d’une aventure sexuelle à une autre, dans un décor provisoirement à la mode (c’était Cadaquès, près de l’ancienne résidence de Salvador Dali – village ici rebaptisé Caldeya). Ensuite, qu’il ne faut jamais confier les dialogues à l’auteur du livre qui a servi au scénario. Henri-François Rey, quelle qu’ait pu être les qualités de son livre (je l’ai lu, et j’ai oublié s’il en avait), est incapable de s’abstraire de son texte pour écrire de vrais dialogues de cinéma : ce qui passe dans un texte écrit ne passe plus à l’écran, et le résultat, pompeux, outrancier, tarabiscoté, garantit le ridicule.
Une scène, qui atteint le summum du grotesque, ne figurait pas dans la version que j’avais vue, tant en France qu’en Algérie ou au Maroc : Melina Mercouri, nue mais recouverte de glaïeuls, apparaissait ainsi sous les yeux de Hardy Krüger, et un dialogue burlesque sur sa triste existence s’engageait. La scène, sans doute jugée trop ridicule, avait été coupée à l’époque de la sortie, mais elle était rétablie dans la version que Ciné Cinéma Classic a diffusée ; je l’ai donc visionnée pour la première fois, et elle illustre bien ce que je disais plus haut.
Ne surnagent que les jeunes personnages. Renaud Verley, dans le rôle d’un garçon de 17 ans très beau, très amoureux et très idéaliste, qui mourra brûlé qui l’incendie qu’il a allumé, et Didier Haudepin, acteur enfant doué (au théâtre, il a joué Anouilh et Montherlant, et au cinéma, chez Roger Vadim, Peter Brook et Luchino Visconti), mais, n’aimant pas ce métier, il l’a abandonné pour devenir réalisateur puis producteur de cinéma (Regarde les hommes tomber, c’était lui). Il y a des gens qui ne manquent pas de sagesse.
D’Otto Preminger, en 1954. Titre original, River of no return. Scénario de Frank Fenton, d’après une histoire de Louis Lantz. Durée, 1 heure et 31 minutes. Couleurs, format 2,55/1. Sorti aux États-Unis le 30 avril 1954, en France le 12 novembre 1954.
Un western tourné au Canada, principalement en extérieurs. C’est l’histoire d’un homme bourru, joué par Robert Mitchum, qui sort de prison après avoir purgé sa peine pour avoir tué un homme en lui tirant dans le dos : il voulait protéger un ami que cet homme allait tuer. Il retrouve ainsi son fils de neuf ans, mais celui-ci, apprenant cette histoire, en veut à son père et lui bat froid. Cependant, le garçon sera lui-même amené à tuer un autre homme, cette fois pour protéger son père. Réconciliation.
Marilyn Monroe joue la pin-up de service, mais son rôle n’est pas essentiel, alors, pour avoir quelque chose à faire, elle chante en s’accompagnant à la guitare (pas certain qu’elle joue réellement). Peu variée, la musique, nostalgique, est aussi légèrement insistante.
Le film est simple et beau. Il a surtout l’avantage d’être court, et illustre bien, a contrario, l’évolution néfaste d’Hollywood, qui autrefois savait faire sobre, mais a perdu cette faculté. Aujourd’hui, pour évoquer le passé, on ne se contente plus d’une simple phrase, ou d’une mimique, ou d’un objet, on insère des scènes inutiles, qui augmentent démesurément la longueur des films. Pas un seul remake qui ne dure une heure de plus que l’original !
De James Ivory, en 1990. Scénario de Ruth Prawer Jhabvala, d’après les romans d’Evan S. Connell. Durée, 2 heures et 6 minutes. Couleurs, format 4/3 à la télévision, mais qui apparemment n’était pas le format original (1,85/1). Sorti en Allemagne le 1er novembre 1990, aux États-Unis le 23 du même mois, en France le 2 janvier 1991.
L’histoire d’une famille aux États-Unis, qui commence avant la Deuxième Guerre Mondiale et s’achève un peu après. Père rigide (Paul Newman), très à droite, regard glaçant, peu démonstratif ; mère (Joanne Woodward), profondément refoulée, d’une réserve névrotique, déçue par la froideur de son mari et désorientée face à ses enfants qui grandissent. Jamais question de sexe entre les deux générations, mais la mère glisse un livre sur Les mystères du mariage sous les yeux de sa progéniture, dans les grandes occasions. Et, lorsque son fils (Robert Sean Leonard), qui s’est engagé dans l’aviation pendant la guerre, revient avec une moustache, elle multiplie les allusions pour qu’il la rase – en vain – parce que système pileux égale puberté !
Le film est un peu au-dessous de ce que fait habituellement le tandem Merchant-Ivory, mais reste néanmoins intéressant, notamment grâce aux acteurs.
De Martin Scorsese, en 1982. Titre original, The king of comedy. Scénario de Paul D. Zimmerman. Durée, 1 heure et 49 minutes. Couleurs, format 1,85/1. Sorti en Islande le 19 décembre 1982, aux États-Unis le 18 février 1983, en France le 18 mai 1983.
Ce film n’a guère connu de succès, et l’on comprend pourquoi en le voyant. Robert DeNiro y joue encore le rôle d’un personnage obstiné, qu’il avait inauguré dans Taxi driver, et qu’il reprendra dans Les nerfs à vif, toujours avec ce réalisateur, quoique sur un mode différent. Or ce type de personnage met régulièrement le spectateur mal à l’aise, et rend son identification impossible avec l’anti-héros vu à l’écran.
On prend conscience, avec ce film déjà, combien Scorsese est un réalisateur surfait. Et on en eut confirmation deux ans plus tard, avec son sketch raté de New York stories, où sombra également Coppola, et dans lequel Woody Allen fut le seul à réussir l’épisode qui lui était assigné. Ce fut encore le cas avec La dernière tentation du Christ, et le naufrage fut évident avec Les nerfs à vif, simple remake, totalement raté, d’un film de Jack lee Thompson, sorti en 1962. Non que Scorsese soit un incapable, vu sous l’angle de la technique ; mais le choix de ses histoires et sa façon de les raconter pèchent toujours d’une manière ou d’une autre.
De ce film-ci, ne surnage que Jerry Lewis dans un rôle dramatique. S’il s’était chargé de la mise en scène et lui avait appliqué son style sophistiqué, le résultat eût été bien différent !
De Jean Negulesco, en 1950. Titre original, Three came home. Scénario de Nunnally Johnson, d’après le livre autobiographique d’Agnes Newton Keith. Durée, 1 heure et 46 minutes. Noir et blanc, format 1,37/1. Sorti aux États-Unis le 26 février 1950, en France le 15 septembre de la même année.
Il s’agit du séjour, dans un camp de prisonnières tenu par les Japonais, d’un groupe de femmes, pendant la Deuxième Guerre Mondiale, incarcération vue par la narratrice, qui raconta cela dans un livre. Comme elle était déjà écrivain auparavant et que son livre, plutôt favorable aux Asiatiques, était connu et apprécié du colonel japonais dont dépendait le camp, le récit alterne les hauts et les bas : lorsque le colonel (joué par Sessue Hayakawa, qui tenait un rôle quasi-similaire dans Le pont de la rivière Kwaï) était présent, le sort de la prisonnière s’améliorait, mais, dès qu’il avait le dos tourné, cette femme était brimée, voire torturée par ses sous-fifres.
Très bien photographié, et joué par Claudette Colbert, l’une des très rares actrices françaises qui ait réussi à Hollywood, le film a le mérite de dévoiler, bien avant celui cité plus haut, que les Japonais étaient pires que les nazis – ce que les exactions montrées ici n’évoquent que très pudiquement.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.