Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : David Copperfield – The personal history, adventures, experience, and observation of David Copperfield the younger of Blunderstone Rookery (which he never meant to be published on any account) – Capitaines courageux – The skin game – Le dernier de la liste – The list of Adrian Messenger – Parade de printemps – Easter parade – Pickpocket – Prestupleniye i nakazaniye – Crime et châtiment – Psychose – Psycho – Frenzy – Meurtre dans un jardin anglais – The draughtsman’s contract – Barry Lyndon – La ronde de nuit – The falls – La rupture – La femme infidèle – Que la bête meure – Le boucher
Personnes citées : George Cukor – Hugh Walpole – Howard Estabrook – Lenore J. Coffee – Charles Dickens – W.C. Fields – Charles Laughton – Freddie Bartholomew – Rudyard Kipling – David Niven – Frank Lawton – Alfred Hitchcock – John Huston – Anthony Veiller – Philip MacDonald – Kirk Douglas – Frank Sinatra – Robert Mitchum – Burt Lancaster – Tony Curtis – Charles Walters – Frances Goodrich – Albert Hackett – Sidney Sheldon – Guy Bolton – Fred Astaire – Ann Miller – Marlene Dietrich – Judy Garland – Robert Bresson – Fedor Dostoievsky – Martin LaSalle – Pierre Étaix – Joseph Stefano – Robert Bloch – Janet Leigh – Anthony Perkins – Bernard Herrmann – Jerry Lewis – Anthony Shaffer – Arthur La Bern – Patrick Brion – Peter Greenaway – Rembrandt Harmenszoon van Rijn – Stanley Kubrick
De George Cukor, en 1935. Scénario de Hugh Walpole, Howard Estabrook et Lenore J. Coffee, d’après le roman de Charles Dickens. Durée, 2 heures et 10 minutes. Noir et blanc, format 1,37/1. Sorti aux États-Unis le 18 janvier 1935, en France le 20 novembre 1935. Et ressorti aux États-Unis en 1962.
Le roman de Dickens, qui portait le titre interminable de The personal history, adventures, experience, and observation of David Copperfield the younger of Blunderstone Rookery (which he never meant to be published on any account), a été adapté, au cinéma et à la télévision, pas moins de seize fois. C’est le seul film où le comique acerbe W.C. Fields, auteur et interprète de ses propres films, joue un rôle sérieux, qu’il mourait d’envie d’interpréter, celui de Micawber. Or il était incapable de prendre l’accent britannique, et de retenir le dialogue qui avait été écrit pour Charles Laughton. En dépit de ce handicap, il se tira d’affaires assez bien. C’est le très jeune Freddie Bartholomew qui joue David enfant, à onze ans, et pour la première fois aux États-Unis et en vedette. Deux ans plus tard, il eut le rôle principal dans Capitaines courageux, d’après Kipling, mais on dut rajeunir le personnage de trois ans. Enfin, David Niven devait interpréter David Copperfield adulte, mais cela ne se fit pas, et on engagea Frank Lawton, qui avait tenu un petit rôle pour Alfred Hitchcock dans The skin game, en 1931.
Il y a peu à dire sur David Copperfield, film classique et un peu terne.
De John Huston, en 1963. Titre original : The list of Adrian Messenger. Scénario d’Anthony Veiller, d’après une histoire de Philip MacDonald. Durée, 1 heure et 38 minutes. Noir et blanc, format 1,85/1. Sorti aux États-Unis le 29 mai 1963, en France à une date inconnue, probablement la même année.
Il s’agit d’une enquête policière sur des assassinats. La liste du titre est celle de personnes disparues dans des accidents mystérieux, et Adrian Messenger confie à son ami Anthony Gethryn la mission d’enquêter sur elles, mais lui-même est tué dans un accident d’avion.
On ne sait si ce film est une plaisanterie ou une escroquerie : l’affiche attire le spectateur avec une distribution prestigieuse, Kirk Douglas, Frank Sinatra, Robert Mitchum, Burt Lancaster, Tony Curtis, excusez du peu... mais on ne voit que Kirk Douglas dans le rôle de l’assassin. À la fin, les autres vedettes, qu’on n’a pas vues, viennent se démasquer : sous divers maquillages, elles ont toutes joué des comparses, qui du reste n’ont pas reçu de nom. Ainsi, Burt Lancaster a interprété... une femme qui s’opposait à la chasse au renard !
Le tout est bien réalisé, mais extrêmement frustrant, bien entendu. À voir comme une curiosité.
De Charles Walters, en 1948. Titre original : Easter parade. Scénario de Frances Goodrich, Albert Hackett, Sidney Sheldon et Guy Bolton, d’après une histoire de Frances Goodrich et Albert Hackett. Durée, 1 heure et 47 minutes. Couleurs (Technicolor), format 1,37/1. Sorti aux États-Unis le 30 juin 1948, en France le 22 septembre 1958.
Cette histoire est une bulle de savon : Don Hewes et Nadine Hale sont un couple de danseurs, mais Nadine, voulant voler de ses propres ailes, quitte Don, qui engage la première venue pour la remplacer. Ce sera Hannah Brown... qui ne sait pas du tout danser ! Mais il fait son apprentissage, et ils finissent par avoir du succès. Pourtant, lorsqu’on veut les engager pour un spectacle des Ziegfeld Follies, il refuse parce que Nadine y joue aussi. Ce qui n’empêche pas Hannah d’être jalouse. Et, un soir, dans un cabaret où apparaît Nadine, celle-ci l’invite à un duo. Drame. Cependant, tout va bien se terminer, ainsi que dans toute comédie musicale.
Fred Astaire joue Don, et la superbe Ann Miller interprète Nadine. Celle qui avait les plus belles jambes du cinéma, à donner de l’urticaire à Marlene Dietrich, n’a aucun mal à éclipser cette pauvre Judy Garland, actrice passable, mais ni très belle ni bonne danseuse. Fred est extraordinaire, comme presque toujours.
De Robert Bresson, en 1959. Scénario du réalisateur, d’après le roman de Fedor Dostoievsky Prestupleniye i nakazaniye (en français, Crime et châtiment). Durée, 1 heure et 15 minutes. Noir et blanc, format 1,37/1. Sorti en France en décembre 1959.
On connaît la manière de Robert Bresson, d’une rigueur janséniste : jamais rien de superflu, surtout pas dans les dialogues. Et pas de vedettes, pas d’acteurs, ou alors débutants, comme ici Martin LaSalle qui fit carrière ensuite, surtout dans des films de langue espagnole. On y voit aussi Pierre Étaix, également débutant dans un rôle muet.
La vérité oblige à dire que les scènes de vol, trop rapides, ne sont pas crédibles, et que l’on ne comprend rien à la technique employée, sauf exception. Pas d’émotion non plus, sauf sans la scène finale, où le couple convient qu’il s’aime, mais les amoureux sont séparés par le grillage d’une cellule de prison !
C’est sa sobriété qui rend le film estimable. Aujourd’hui, les films sont tout à fait à l’opposé : des pensums interminables, bourrés de scènes inutiles et tape-à-l’œil.
D’Alfred Hitchcock, en 1960. Titre original, Psycho. Scénario de Joseph Stefano, d’après le roman de Robert Bloch. Durée, 1 heure et 49 minutes. Noir et blanc, format 1,85/1 dans la distribution actuelle. Sorti aux États-Unis le 16 juin 1960, en France le 2 novembre de la même année.
Sauf cinq exceptions avec la VistaVision de Paramount, Hitchcock, en réalité, n’a jamais utilisé l’écran large, et Psychose, qui n’était pas du lot, est sorti en 1,37/1. Les versions dans ce format sont devenues introuvables, mais elles ont existé en cassette VHS, où l’image est plus étendue vers le haut et le bas ; autrement dit, la version actuelle est une version mutilée !
Le film est trop célèbre pour qu’il soit nécessaire de faire un commentaire. Rappelons seulement qu’il a été tourné rapidement avec une équipe réduite de télévision, et n’a pas coûté plus de huit cent mille dollars. Hitchcock, selon ses dires, s’était amusé à faire « de la direction de spectateurs », en les expédiant sur plusieurs fausses pistes et en tuant sa vedette Janet Leigh au bout de quarante-neuf minutes – moins de la moitié de la durée du film.
Il faut aussi avouer que la scène finale d’explication par un psychiatre est fumeuse, et que les pensées qui traversent l’esprit de « la mère » (Anthony Perkins) provoqueraient aujourd’hui le rire, tant le point de vue de l’époque est dépassé. Chaque fois qu’Hitchcock s’est attaqué à la psychanalyse, il s’est planté ! L’intérêt vient donc moins de l’histoire que de la façon dont elle racontée, et aussi mise en musique par le génial Bernard Herrmann.
Rappelons qu’à sa sortie, ce film faisait peur. Il a même valu à Hitchcock une condamnation de la part de Jerry Lewis, qui disait lui en vouloir beaucoup à cause de cela. Les mœurs ont bien changé, en cinquante ans...
D’Alfred Hitchcock, en 1972. Scénario d’Anthony Shaffer, d’après un roman d’Arthur La Bern. Durée, 1 heure et 56 minutes. Couleurs (Technicolor), format 1,85/1 dans la distribution actuelle, mais ce n’était probablement pas le format d’origine, et le film a été mutilé, j’en possède la preuve sous la forme d’une cassette VHS – voir les deux images ci-dessous. Sorti en mai 1972 au Festival de Cannes, puis à Londres le 25 mai 1972, et le lendemain en France.
Ce film, qui a marqué le retour (très provisoire) d’Hitchcock dans sa ville natale, est très anglais ! Hélas, il marque aussi le renoncement du maître à ses personnages glamour et distingués : tous, ici, sont d’une vulgarité jamais vue chez Hitchcock. Et c’est la première fois qu’il filme une femme nue, alors qu’au temps de Psychose, il parlait des « parties taboues du corps de la femme », sic...
Cela dit, cette histoire d’un innocent pris pour un étrangleur sadique est réjouissante, farcie d’humour macabre ou satirique selon les scènes (la cuisine française en prend pour son grade), et bénéficie d’un scénario qui est un chef-d’œuvre du genre. Quant au dénouement, il ménage deux retournements de situation en quelques secondes, et on n’a jamais fait plus virtuose.
Voici comment la télévision diffuse aujourd’hui les films d’Hitchcock : l’image du haut provient d’une ancienne diffusion, sur France 3, dans le Cinéma de minuit piloté par Patrick Brion ; celle du bas est extraite de la version qu’a diffusée Ciné Polar, donc toute récente.
Il est facile de constater comment on procède aujourd’hui : non seulement l’image d’origine est largement amputée en haut et en bas, mais les marchands de soupe coupent aussi les bords droit et gauche. Encore quelques décennies, et il ne restera plus que la bande sonore.
De Peter Greenaway, en 1982. Titre original : The draughtsman’s contract. Scénario du réalisateur. Durée, 1 heure et 43 minutes. Couleurs, format 1,66/1. Sorti en Italie (au Festival de Venise) en septembre 1982, et, hors festivals, aux États-Unis le 22 juin 1983, en France le 15 février 1984. Curieusement, ce film entièrement tourné en extérieurs dans le Kent semble n’être pas sorti alors au Royaume-Uni.
L’histoire, qui se passe en 1694, est celle de Neville, dessinateur talentueux mais cynique et imbu de lui-même. L’épouse d’un riche propriétaire terrien (qu’on ne verra jamais vivant), Mr Herbert, lui commande douze dessins de la propriété de son mari. Mais il exige un contrat draconien lui accordant le champ libre, y compris... sur la personne de la femme qui l’a engagé. De plus, les dessins terminés montrent des indices semblant prouver qu’Herbert a été assassiné. Mais ils compromettent les hôtes de Mrs Herbert, et il finit lui-même assassiné.
Le style du film, suave et très classique par les dialogues et la photo qui n’est pas sans rappeler le Barry Lyndon de Kubrick, fait passer une kyrielle de scènes scabreuses, et le récit est farci de plans mystérieux, comme ces statues animées qui ne jouent aucun rôle mais le ponctuent régulièrement.
Peter Greenaway est quelqu’un de très spécial, il a été peintre, ce qui se voit dans ses films (le dernier sorti, La ronde de nuit, est sur Rembrandt), et écrivain. Son premier long-métrage, The falls, qui durait trois heures et quinze minutes, a été précédé de... vingt-quatre courts-métrages, certains réalisés pour la télévision. Il a des idées très arrêtées sur le cinéma, qui pour lui est mort depuis que les téléviseurs sont équipés d’une télécommande, et prédit que le cinéma d’aujourd’hui disparaîtra comme avant lui le cinéma muet, « que plus personne ne regarde ».
Le film dont il est question ici est son deuxième long-métrage, et, les alternant avec d’autres documentaires et courts-métrages, il en a tourné onze, de plus en plus bizarres et... de plus en plus ratés. Tous contiennent des nus masculins en intégralité, bien que le réalisateur ne soit apparemment pas homosexuel. Cette contradiction est, semble-t-il, unique dans le cinéma.
De Claude Chabrol, en 1970. Scénario du réalisateur, d’après un roman de Charlotte Armstrong. Durée, 2 heures et 4 minutes. Couleurs (Eastmancolor), format 1,85/1. Sorti en France le 26 août 1970.
Après les trois meilleurs films de Chabrol, La femme infidèle, Que la bête meure et Le boucher, un film très étrange et qui n’a eu aucun succès. La vedette en était Stéphane Audran, qui fut mariée avec le réalisateur et a joué dans trois de ces quatre films – plus dix autres avant et six après ! Elle est ici remarquable en femme qui s’est mariée au-dessus de sa condition, avec un malade mental, et à qui sa belle-famille tente de prendre son enfant. Elle va se défendre avec acharnement, et gagner.
En fait, comme d’habitude, Chabrol rate son scénario, et le film est sauvé par ses interprètes, surtout, en dehors de sa vedette, par Michel Bouquet, glaçant en grand bourgeois qui tente de détruire sa bru, et Jean-Pierre Cassel, en petit voyou prêt à tout pour gagner de l’argent. Il faut préciser que tous les acteurs sont à contre-emploi : Annie Cordy en Jean Carmet en parents désespérés d’une enfant handicapée mentale, Mario David, qui jouait habituellement les boxeurs débiles, en comédien raté mais intègre, et Jean-Claude Drouot, ex-Thierry la Fronde, en malade drogué.
Le film n’a pas plu au public et ne passe quasiment jamais à la télévision. La fin est particulièrement loupée, mais cela, c’est la signature de Chabrol !
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.