JPM - Films vus à la télé - Août 2011

Films vus à la télé - Août 2011

 

Il y a aussi des films à la télévision ! De bonnes chaînes du câble ou des satellites en diffusent, souvent d’excellents, parfois de grands classiques. On donnera sa préférence à celles qui ne massacrent pas l’image du film en y inscrivant leur logo, et, bien entendu, qui présentent les œuvres en version originale. Hélas, les chaînes du groupe Canal Plus ont renoncé à cette restriction, affichant de la publicité (!) sur le générique de fin – seules les chaînes d’OCS respectent encore les téléspectateurs... Après France 3 qui a conservé son Cinéma de Minuit durant des décennies, c’est aujourd’hui France 5 qui a pris le relais, avec toujours Patrick Brion comme présentateur et maître d’œuvre. Tous les films vus ne sont pas traités ici, on ne parlera que des meilleurs, ou des plus intéressants – ce qui n’est pas forcément la même chose.

Œuvres citées : L’année dernière à Marienbad – Stavisky – Les sentiers de la gloire – La montée au cielSubida al cieloLes trois singesÜç maymunProfession : reporterThe passenger

Personnes citées : Alain Resnais – Alain Robbe-Grillet – Volker Schloendorff – Delphine Seyrig – Francis Seyrig – Stanley Kubrick – Luis Buñuel – Manuel Altolaguirre – Juan de la Cabada – Manuel Reachi – Nuri Bilge Ceylan – Ebru Ceylan – Ercan Kesal – Michelangelo Antonioni – Mark Peploe – Peter Wollen – Jack Nicholson

L’année dernière à Marienbad

Lundi 8 août - Arte

D’Alain Resnais, en 1961. Scénario d’Alain Robbe-Grillet. Durée, 1 heure et 34 minutes. Noir et blanc, format 2,35/1. Sorti en France le 25 juin 1961.

L’une des pires manifestations du snobisme : nombre de critiques tressèrent des couronnes à ce film creux, surtout parce que le public populaire ne comprenait goutte aux intentions des deux auteurs, et que, par conséquent, faire mine de s’y être intéressé vous faisait paraître intelligent. Or le leit-motiv de Resnais durant le tournage, à ce que rapporta Volker Schloendorff qui était deuxième assistant, fut « Je ne sais pas du tout ce que ça va donner » ! Et puis, Resnais « avait la carte », il la garda toute sa vie, pas question par conséquent d’émettre sur ses films la moindre réserve, y compris quand le ratage était flagrant, comme pour son Stavisky – mais il y en eut d’autres...

Il semble que l’équipe du tournage fut très heureuse sur ce travail, et la cause en est évidente : le film repose non pas sur une histoire, puisqu’il n’y en avait aucune, mais sur la technique. Ainsi, pour ce travelling arrière dans lequel Delphine Seyrig avançait vers la caméra, laquelle reculait d’autant, et cela sur une allée, on dut résoudre le problème posé par le chariot de la caméra, qui ne pouvait rouler sur du gravier, ni reposer sur des rails qui auraient été vus. Alors, on la fit rouler sur un chemin construit avec du contre-plaqué sur lequel on avait peint du gravier en trompe-l’œil ! Ce genre de bricolage est un défi que les techniciens adorent surmonter, car cela leur fournit une tâche un peu inhabituelle et valorise leur réputation. Mais les trois acteurs, eux, n’avaient rien à faire que prendre des poses hiératiques et réciter inlassablement le même dialogue abscons. Au total, un monument d’ennui, paraissant interminable, car il ne montrait aucune péripétie (un homme tente de persuader une femme d’abandonner son mari pour le suivre, mais elle ne se souvient pas de l’aventure qu’ils sont censés avoir eu « l’année dernière » dans un palace). Quant à la musique, lugubre et jouée principalement à l’orgue, due au frère, Francis Seyrig, de la vedette féminine, elle ne cessait quasiment jamais.

Le tournage, terminé dans un studio de Paris, avait surtout eu lieu dans plusieurs châteaux, dont celui de Schleissheim, en Bavière, où Kubrick avait filmé Les sentiers de la gloire quatre ans plus tôt. Le film, en réalité, intéressa surtout les amateurs de jeux de société : plusieurs scènes, en effet, montrent un jeu qui fit fureur quelque temps et prit le nom de « Jeu de Marienbad ». On y joue avec des cartes, ou des jetons, ou des allumettes, disposés sur quatre rangées. Ce jeu déclencha une mode de recherches permettant de trouver une méthode gagnante infaillible, et des mathématiciens s’y frottèrent avec pas mal de ridicule, car la solution, beaucoup plus simple – dix-sept combinaisons perdantes... à laisser à son adversaire –, ne faisait appel qu’à la mémoire. Dans le film, quelques personnages anonymes émettaient des hypothèses, dont une seule est la bonne, mais exprimée incomplètement : le premier qui joue perdra. Encore fallait-il préciser : si les adversaires connaissent tous les deux la solution. Bref, au cas où ce jeu antique vous intéresserait, allez lire ceci, et vous deviendrez imbattable !

En bref : à fuir.Haut de la page

La montée au ciel

Dimanche 14 août 2011 - Ciné+ Classic

De Luis Buñuel, en 1952. Scénario du réalisateur et de Manuel Altolaguirre et Juan de la Cabada, d’après une  histoire de Manuel Reachi. Durée, 1 heure et 25 minutes. Noir et blanc, format 1,37/1. Sorti au Mexique le 26 juin 1952, en France le 20 août de la même année.

Installé au Mexique, Buñuel y a réalisé un certain nombre de films dont beaucoup n’ont pas été vus en France, parce que c’était des ouvrages alimentaires. Ce film-ci fait partie du lot, mais il n’en est pas moins intéressant, parce que tout entier dirigé vers la vie du petit peuple, et bourré d’humour. La réalisation est plutôt fauchée, mais cela importe peu, car l’intérêt ne réside que dans les portraits des personnages et les relations entre eux.

Bref, les noces d’un jeune homme sont interrompues quand sa mère se trouve à l’agonie. Il doit alors affronter l’avidité de ses deux frères, qui veulent surtout mettre la main sur la petite maison que la mère possède à Mexico. Oui, mais elle n’a fait aucun testament, voudrait la léguer au plus jeune enfant de la famille, et le fils pas encore marié doit se rendre à la ville voisine pour en ramener le notaire. Le voyage, cahotique, a lieu dans un autocar à bout de souffle, et se voit sans cesse interrompu par toutes sortes d’incidents. Pour comble, le notaire, trop âgé pour se déplacer, remplit des papiers où le bon fils devra apposer les empreintes digitales de sa mère (qui ne sait pas écrire). Lorsqu’il est de retour, elle est morte, mais il profite d’une courte absence de ses frères pour imprimer les empreintes de la défunte sur le précieux document ! Et la morale est sauve.

Film assez court, joué par des acteurs locaux qui nous sont inconnus. C’est une bulle de savon. Mais un bon réalisateur peut mettre sa marque aussi sur des films sans importance.

En bref : à voir.Haut de la page

Les trois singes

Mercredi 17 août 2011 - Ciné+ Club

De Nuri Bilge Ceylan, en 2008.  Titre original, Üç maymun. Scénario du réalisateur, de Ebru Ceylan de l’Ercan Kesal. Durée, 1 heure et 49 minutes. Couleurs, format 2,35/1. Sorti en France le 16 mai 2008 (au Festival de Cannes), puis en salles le 14 janvier 2009. En Turquie, son pays d’origine, le 24 octobre 2008.

Le titre français est la traduction du titre turc, et fait référence à ces statuettes allégoriques montrant trois primates qui miment les trois comportements censés illustrer l’hypocrisie : ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire. Or l’histoire n’a guère de rapport avec ce thème. Et, franchement, malgré son succès d’estime, j’avoue n’avoir guère apprécié cette œuvre lente, peu dialoguée, sans musique, et dont la photographie est aussi déprimante et peu attrayante que ses interprètes. Il s’agit en réalité d’un mélo comme on en faisait dans les années cinquante : Servet est un homme riche qui fait de la politique, et qui a malencontreusement provoqué un accident mortel en conduisant. Il paye son chauffeur Eyüp pour s’accuser à sa place, et, en échange, il continuera de lui verser son salaire et lui donnera un pécule confortable à sa sortie de prison. Mais, lorsque Eyüp sort de prison neuf mois plus tard, il soupçonne sa femme Hacer d’avoir un amant. Elle nie, mais il ne se trompait pas, son amant n’était autre que... Servet ! Or elle s’accroche à celui-ci quand il veut la larguer. Plus tard, Servet est retrouvé mort, et c’est Ismaïl, le fils d’Eyüp et Hacer, qui avoue le meurtre à ses parents. Eyüp, alors, va soudoyer un pauvre hère pour qu’il s’accuse, mais on ne saura pas si cela se fait, car le film se termine sans conclure.

Visiblement, les auteurs ont voulu faire un film d’atmosphère sans trop se soucier ni de psychologie ni de vraisemblance. Tous les goûts sont dans la nature.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

Profession : reporter

Jeudi 25 août 2011 - Ciné+ Classic

De Michelangelo Antonioni, en 1975. Titre original : The passenger. Scénario du réalisateur, de Mark Peploe et de Peter Wollen. Durée, 2 heures et 6 minutes. Couleurs (Metrocolor), format 1,85:1. Sorti en Italie le 28 février 1975, en France le 18 juin 1975.

Jack Nicholson incarne nonchalamment un journaliste, David Locke, chargé de rassembler de la documentation pour un film sur une guerre se passant au Sahara – sans doute au Tchad. Dans un hôtel perdu, l’occupant de la chambre voisine vient à mourir ; or il ressemblait un peu à Locke, et celui-ci, lassé de sa vie sans but, prend son identité... et son agenda, puis il va aux rendez-vous du mort, qui s’avère être un trafiquant d’armes. Naturellement, un tas d’ennuis le guettent, et on finit par le retrouver mort dans un hôtel miteux, en Espagne.

Ce film, dont la lenteur rappelle celle de Blow up neuf ans plus tôt, est surtout connu pour son avant-dernier plan, qui dure environ sept minutes, et qui a fait pousser des hurlements d’admiration à la critique : la caméra est dans la chambre d’hôtel où David vient de s’allonger sur le lit, elle s’approche très lentement de la fenêtre qui donne sur une place où divers personnages ont diverses activités, passe à travers les barreaux, se retrouve sur la place, s’y déplace un peu, pivote pour filmer la fenêtre par laquelle elle vient de passer, se rapproche, et nous laisse voir David, mort sur son lit (je résume, évidemment). Certes, ce plan compliqué brille par sa virtuosité, et il a dû être ardu à filmer... mais à quoi sert-il ?

Cette fin mise à part, l’histoire est très artificielle, et le récit, trop long, est assez ennuyeux. Mais ce trait est la marque de fabrique d’Antonioni.

En bref : à voir à la rigueur.Haut de la page

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Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.