Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : La bandera – Hôtel du Nord – Deburau – Les enfants du paradis – Mon oncle – Les vacances de monsieur Hulot – Psychose – Les oiseaux – Les tontons flingueurs – Jour de fête – Sous le ciel de Paris – Sous le ciel de Paris coule la Seine – Le septième voyage de Sinbad – The 7th voyage of Sinbad – Jason et les Argonautes
Personnes citées : Julien Duvivier – Charles Spaak – Pierre MacOrlan – Francisco Franco – Pierre Renoir – Anabella – Jean Gabin – Sacha Guitry – Jean-Gaspard-Baptiste Deburau – Jan Kašpar Dvorák – Georges Eugène Haussmann – Charles Deburau – Jean-Louis Barrault – Jacques Tati – Jacques Lagrange – Jean L’Hôte – Alfred Hitchcock – René Lefèvre – Henri Jeanson – André Claveau – Brigitte Auber – Nathan Juran – Ken Kolb – Bernard Hermann – Ray Harryhausen – Patrick Maurin – Patrick Dewaere
De Julien Duvivier, en 1935. Scénario du réalisateur et de Charles Spaak, d’après le roman de Pierre MacOrlan. Durée, 1 heure et 36 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sorti en France le 25 septembre 1935.
Un homme a commis un meurtre à Paris, dont on ne saura jamais le mobile. Il fuit en Espagne sous le pseudonyme de Pierre Gilieth, puis, désargenté, s’engage dans la Légion étrangère espagnole, où l’on ne demande rien aux nouveaux engagés, et où se trouvent aussi des Français. Il est envoyé au Maroc, alors sous protectorat de la France et de l’Espagne. Mais un policier, Lucas, l’a suivi pour tenter de l’arrêter, et le suivra jusqu’à la mort – celle de Gilieth, car Lucas sera le seul survivant d’une opération très meurtrière.
Les légionnaires du film sont incarnés par des soldats espagnols que le général Franco, qui commandait alors les troupes espagnoles dans le nord marocain, avait prêté à la production, de sorte que le film lui avait été dédié lors de sa sortie. Naturellement, lorsque le film est ressorti après la guerre, on a fait sauter la dédicace, qui faisait mauvais genre... Et puis, le succès avait fondu, car on ne voyait plus alors la colonisation du même œil qu’en 1935 ! Il faut dire qu’on n’y désignait les rebelles marocains que sous le sobriquet de « salopards ».
Je dois à la vérité de dire que, si les acteurs masculins sont tous excellents, spécialement Pierre Renoir qui joue le capitaine baroudeur (il est balafré, a perdu un œil et une main, et a pris la tête de ses hommes quand il sait très bien que tout le monde va se faire tuer dans l’opération), on a beaucoup de mal à croire qu’Anabella joue une Marocaine. Elle sera très différente, trois ans plus tard, dans Hôtel du Nord, dans le rôle de la jeune suicidée qui échappe à la mort. J’ajoute que l’anecdote du policier – qui suit le même délinquant jusqu’au Maroc pour tenter de le mettre en prison – ne tient pas plus la route que celle de Javert pousuivant Jean Valjean pendant presque trente ans. Il est vrai que Gabin, qui joue ici Gilieth, jouera aussi Jean Valjean en 1958 ! Quand on a pris le pli...
De Sacha Guitry, en 1951. Scénario du réalisateur, d’après sa pièce. Durée, 1 heure et 33 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sorti en France le 29 juin 1951.
Le vrai Jean-Gaspard-Baptiste Deburau, né en Bohême en 1796, s’appelait Jan Kašpar Dvorák, et il fit toute sa carrière à Paris, comme mime. Son père était déjà artiste (danseur de corde), et Baptiste, comme on le nommait dans Les enfants du paradis, fut la vedette du théâtre des Funambules, sur le « boulevard du Crime » – que le baron Haussmann détruisit pour en faire l’actuelle Place de la République. Son fils Charles continua dans le même style et créa le personnage de Pierrot, et c’est justement le retrait de Jean-Baptiste et l’avèvenement de Charles qui a intéressé Sacha Guitry, pour en faire une pièce qu’il joua lui-même (dans le rôle-vedette, bien entendu !) entre 1918 et 1951. Mais on se permettra de penser que le personnage a été mieux incarné, quoique un peu édulcoré, par Jean-Louis Barrault dans Les enfants du paradis, en 1945.
Dans le film de Guitry, Deburau est en effet âgé, et il découvre que son jeune fils de vingt ans a la vocation. Un peu jaloux mais aimant, il lui donne les conseils d’usage (on peut en voir un extrait ICI, entre les temps 1:33 et 2:12), et la scène de fin laisse entendre que le fils connaîtra le succès – ce qui est conforme à la vérité historique. Mais Guitry lui-même, quoique marié cinq fois, n’a jamais eu d’enfant. Son film trahit-il un peu de regret ? Quant à l’acteur qui joue le fils, Michel François, né en 1929, qui avait débuté à huit ans et a fait une carrière honorable, il vit toujours, et c’est le seul survivant du film.
De Jacques Tati, en 1958. Scénario du réalisateur, de Jacques Lagrange et de Jean L’Hôte. Durée, 1 heure et 57 minutes. Couleurs (Eastmancolor), format 1,37:1. Sorti en France le 10 mai 1958.
Le film, trop connu pour être longuement commenté, est l’un des rares films français qui aient reçu un Oscar du meilleur film étranger aux États-Unis, l’année même de sa sortie (il a aussi remporté la Palme d’Or au Festival de Cannes). C’est d’autant plus justifié qu’il est l’un des deux chefs-d’œuvre de son auteur, avec Les vacances de monsieur Hulot.
À la télévision française, il est diffusé trop rarement, alors qu’il ne se passe guère de mois sans qu’un film d’Hitchcock soit programmé, généralement Psychose ou Les oiseaux. On le voit moins souvent que Les tontons flingueurs ! La précédente diffusion de Mon oncle avait eu lieu en juin 2011, sur Arte, et la chaîne l’avait massacré en incrustant une annonce sur le générique de début, et en couvrant la bande son avec une voix féminine lisant la liste des acteurs principaux.
Ici, Tati confirme la présence du personnage qu’il a créé, M. Hulot, bien plus drôle et plus humain que son personnage du facteur François dans Jour de fête. Son comique, basé sur l’observation des petites gens, n’est jamais méchant, et, s’il ne provoque pas de grands éclats de rire, il permet de sourire constamment. C’est rarissime au cinéma.
De Julien Duvivier, en 1951. Scénario du réalisateur et de René Lefèvre, dialogue du commentaire d’Henri Jeanson. Durée, 1 heure et 54 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sorti en France le 21 mars 1951.
Le film s’appelle aussi « Sous le ciel de Paris coule la Seine », d’après le titre de la chanson que chante André Claveau en ouverture de l’histoire ; laquelle est commentée sarcastiquement par François Périer en voix off. Il s’agit de ce qu’on n’appelait pas encore « un film choral », où presque tous les personnages appartiennent au petit peuple.
Les péripéties sont très sombres, ce qui ne surprend guère chez Duvivier, la plupart des personnages échouent ou sont sur le point d’échouer, et l’héroïne, jouée par Brigitte Auber, est assassinée le jour où une voyante lui a prédit amour, fortune et célébrité !
C’est souvent touchant, parfois un peu forcé (cette vieille femme qui refuse de manger tant qu’elle n’a pas trouvé un litre de lait pour ses chats, et que ceux-ci, affamés, attaquent lorsqu’elle revient les mains vides), mais l’émotion n’est pas absente, et, quoique assez méconnu, le film est plutôt émouvant.
De Nathan Juran, en 1958. Titre original, The 7th voyage of Sinbad. Scénario de Ken Kolb. Durée, 1 heure et 28 minutes. Couleurs (Technicolor), format 1,85:1. Sorti en Allemagne de l’Ouest le 5 décembre 1958, en France le 12 décembre 1958.
Ancien architecte, l’Autrichien Nathan Juran a bifurqué en 1937 vers le décor de cinéma, avant de devenir réalisateur et de réaliser bon nombre de films d’aventures fantastiques, comme le présent film, dont le souci de la vérité oblige à convenir qu’il n’est pas très bon. Les décors, justement, sont assez indigents, et les acteurs sont franchement médiocres.
En général, on met à l’actif du film la musique de Bernard Hermann, qui s’avère pourtant plutôt banale et très au-dessous de sa production habituelle, et les trucages animés de Ray Harryhausen, grand spécialiste de l’animation image par image (il est mort le 7 mai de cette année, à 92 ans), sont loin d’atteindre la complexité de ceux qu’il devait faire avec Jason et les Argonautes, cinq ans plus tard.
Je n’aurais pas rendu compte de ce film médiocre si le générique de fin ne révélait un détail curieux : le Génie de la lampe, qui est un enfant, a été doublé en français par un certain Patrick Maurin. Or ce nom fut le premier pseudonyme de Patrick Dewaere, qui avait alors onze ans ! Inutile de dire que vous ne trouverez ce renseignement nulle part ailleurs qu’ici.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.