Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Voici le temps des assassins – Bleeder – Pusher – Michael Kohlhaas – Drive – Only God forgives – New York 1997 – Les enfants du paradis – L’auberge des Adrets – Les visiteurs du soir – L’assassin habite... au 21 – La grande illusion – Les diaboliques – Le corbeau – Miquette et sa mère
Personnes citées : Julien Duvivier – Jean Gabin – Danièle Delorme – Gérard Blain – Germaine Kerjean – Nicolas Winding Refn – Mads Mikkelsen – John Carpenter – Marcel Carné – Jacques Prévert – Jean-Baptiste Debureau – Sacha Guitry – Frédérick Lemaître – Pierre-François Lacenaire – Arletty – Jean-Louis Barrault – Alexandre Trauner – Henri-Georges Clouzot – Stanislas-André Steeman – Pierre Fresnay – Noël Roquevert – Pierre Larquey – Jean Tissier – Suzy Delair – Bourvil
De Julien Duvivier, en 1956. Scénario du réalisateur et de Charles Dorat et Maurice Bessy, adaptation et dialogue des mêmes et de Pierre-Aristide Bréal. Durée, 1 heure et 53 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sorti en France le 13 avril 1956.
C’est une banalité d’écrire que Duvivier avait une vision très noire de la vie, et ce film ne contredirait pas ce point de vue : c’est l’histoire d’une fille de vingt ans au visage d’ange, qui roule un brave homme, s’en fait épouser, tente de le faire assassiner par son amant qu’elle a dupé par ses mensonges (et qu’elle assassine, lui, avec succès), et qui finit sous les crocs du chien de ce jeune homme, lequel venge ainsi son maître !
Hormis cet épilogue auquel il est difficile de croire, le film est parfait dans sa conception et son interprétation. Le brave homme, un restaurateur des Halles, est joué par Gabin, qui colle au rôle, la petite salope est interprétée par Danièle Delorme, qui est éblouissante, et le jeune amant est joué par Gérard Blain, qui est touchant. Mais il y a aussi Germaine Kerjean, terrible en mère détestant toutes les femmes qui approchent son fils, et qui corrige... à coups de fouet la future criminelle.
Les Halles, tantôt filmées sur place, tantôt reconstituées en studios, sont très crédibles. Hélas, le quartier a beaucoup changé...
De Nicolas Winding Refn, en 1999. Scénario du réalisteur. Durée, 1 heure et 38 minutes. Couleurs, avec des passages en noir et blanc, format 2,35:1. Sorti au Danemark le 6 août 1999. Pas sorti en France, à l’exception de ce passage à la télévision.
Refn est devenu célèbre en France avec sa trilogie Pusher, sur le trafic de drogue au Danemark, dont je n’ai vu que le premier épisode, sorti en 1996 et qui m’avait suffi. Je n’avais pas voulu voir les deux autres, datant de 2004 et 2005. Ces trois film, et aussi Bleeder, ont pour acteur Mads Mikkelsen, acteur atypique et dont le dernier film, Michael Kohlhaas, est français. Et puis, Refn a connu le triomphe avec son Drive, tourné aux États-Unis, et réussi à duper tout le monde et passer pour un maître du cinéma. Or son film suivant, Only God forgives, a permis de prendre conscience que Refn, n’ayant rien à dire, se contente de mettre sa technique et sa culture cinématographique au service d’histoires où éclate sa maladie mentale – ce qu’on aurait dû percevoir dès le début, puisque tout n’y est que violence gratuite et débile, poussée jusqu’au sadisme.
Les beaux déplacements de caméra, les éclairages savants, les décors violemment colorés... et les abondantes citations de titres de films ne parviennent pas à dissimuler qu’il ne montre que des idiots ne connaissant rien en dehors de l’hystérie et des actes aussi violents qu’absurdes. Un exemple tiré de Bleeder : le personnage central, apprenant que sa petite amie est enceinte, et qui ne veut pas d’enfant, la frappe. Le frère de cette femme, pour le punir, paie un sidéen pour qu’il injecte au coupable un peu de son sang, afin de lui coller le sida. L’autre, dès lors, certain de mourir – c’est absurde, on ne perd pas forcément à cette loterie, dont le résultat peut en outre se faire attendre des années –, veut lui rendre la monnaie de sa pièce. Pour cela, il se tire une balle dans la main, et, avant de se suicider, l’arrose de son propre sang, croyant ainsi le contaminer à son tour.
Ce tombereau de bêtise est en général pris très au sérieux par nos critiques, qui en bavent d’admiration. Moi, Refn, je l’inscris désormais sur ma liste noire.
De John Carpenter, en 1981. Titre original, Escape from New York. Scénario du réalisateur et de Nick Castle. Durée, 1 heure et 39 minutes. Couleurs (Metrocolor), format 2,35:1. Sorti au Japon le 23 mai 1981, en France le 24 juin 1981.
Un avion qui se dirige tout droit vers le World Trade Center, à New York ? Non, nous ne sommes pas en 2001, mais en 1997, et il n’est pas bourré de terroristes décidés à frapper le Pays de la Liberté dans ce qu’il a de plus cher, c’est un planeur qui va se poser sur la terrasse. À son bord, un truand venu pour exfiltrer, comme on ne disait pas encotre en 1981, le président des États-Unis, dont l’avion s’est bêtement écrasé sur New York. Pas de chance, à cette date, l’île de Manhattan a été transformée en pénitencier, tous ses habitants sont d’horribles malfrats condamnés à la prison à vie, il n’y a aucun gardien mais des murs infranchissables, et les prisonniers peuvent y faire tout ce qu’ils veulent, puisqu’ils sont entre eux !
Pour corser l’histoire, le passager du planeur a vingt-deux heures pour trouver le président (il va le trouver très vite, bien sûr) et le faire évader. En échange, l’amnistie pour ses délits passés ; en contrepartie, s’il n’est pas sorti dans ce délai, on lui a injecté sous a peau deux petites bombes qui le tueront.
On voit combien tout cela est sunbil. Mais enfin, on n’attend pas de John Carpenter qu’il fasse de la philosophie ; il montre de la castagne, et c’est assez bien fichu pour lui valoir des armées d’admirateurs béats.
Cela dit, on fait moins bien aujourd’hui, avec beaucoup plus de moyens.
De Marcel Carné, en 1945. Scénario et dialogue de Jacques Prévert. Durée, 3 heures et 10 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sortien France le 9 mars 1945.
Le chef d’œuvre de Carné, avec Prévert en scénariste-dialoguiste, qui n’a jamais été aussi bon que dans ses travaux pour le cinéma. Son histoire fourmille de personnages divers sans qu’aucun soit en vedette, et le drame culmine dans la scène de fin, qui se joue paradoxalement dans une joyeuse atmosphère de carnaval.
Il faut noter que plusieurs personnages ont réellement existé : le mime Jean-Baptiste Debureau (Sacha Guitry fera aussi un film sur lui), le comédien Frédérick Lemaître, et le poète assassin Pierre-François Lacenaire (quel dommage qu’on l’ait affublé d’une coiffure aussi ridicule !). Sans compter les trois auteurs de la pièce L’auberge des Adrets, tournée en ridicule par Lemaître, qui en fit un triomphe – c’est authentique.
Une fois de plus, Arletty était trop âgée pour le rôle, elle avait 47 ans, mais c’est un peu moins visible que, trois ans auparavant, pour Les visiteurs du soir, où elle frôlait le ridicule. Mais la grande actrice pouvait paraître très belle, et on ne voyait plus son âge. Tous les autres sont parfaits, surtout Jean-Louis Barrault en Baptiste.
Le film est sorti un mois avant la capitulation de l’Allemagne nazie, et on avait pu mettre au générique le nom du décorateur Alexandre Trauner, qui, juif, n’aurait pu y figurer du temps de l’Occupation. On lui doit le prodigieux décor du Boulevard du Crime, reconstitué en extérieurs aux studios de la Victorine, à Nice.
D’Henri-Georges Clouzot, en 1942. Scénario du réalisateur et de Stanislas-André Steeman, d’après le roman de ce dernier. Durée, 1 heure et 24 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sorti en France le 7 août 1942.
Le premier film de Clouzot. C’est une comédie policière, mais qui donne déjà des indications sur ce que seront les drames à suivre, et les principaux traits du cinéma de cet auteur : le pessimisme et le mépris dans lequel il tient la plupart des hommes. Et cela se traduit par un dialogue percutant et truffé de vacheries lancées par le personnage principal, un commissaire de police sans illusions, incarné par un Pierre Fresnay qui n’a plus rien à voir avec La grande illusion !
Les futurs acteurs favoris de Clouzot sont déjà là : Noël Roquevert, infirme comme il le sera dans Les diaboliques, et et Pierre Larquey, assassin comme il le sera dans Le corbeau, alors que tous deux sont des acteurs comiques. Avec Jean Tissier, autre acteur comique, ils incarnent le trio de... tueurs en série qui terrorise Paris et surtout le gouvernement. Suzy Delair est là aussi, en maîtresse enquiquineuse du commissaire, une chanteuse prête à tout pour paraître sur une scène de théâtre.
C’est court, et on s’amuse, ce qui ne sera pas toujours le cas ensuite avec Clouzot, qui ne fera qu’une autre comédie, avec Bourvil, Miquette et sa mère.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.