Œuvres citées : Le genou de Claire – HH, Hitler à Hollywood – Ma nuit chez Maud – Le jouet – I comme Icare – Beaucoup de bruit pour rien – Much ado about nothing
Personnes citées : Éric Rohmer –Jean-Claude Brialy – Fabrice Luchini – Béatrice Romand – Jean-Louis Trintignant – Marie-Christine Barrault – Françoise Fabian – Antoine Vitez – Francis Veber – Pierre Richard – Michel Bouquet – Claude Chabrol – Marcel Dassault – Henri Verneuil – Kenneth Branagh – William Shakespeare – Joss Whedon
D’Éric Rohmer, en 1970. Scénario du réalisateur. Durée, 1 heure et 45 minutes. Couleurs (Eastmancolor), format 1,37:1. Sorti en France le 11 décembre 1970.
Revu avec plaisir ce film du très raffiné Éric Rohmer, qui ne faisait rien comme tout le monde : ses intrigues reposaient sur les dialogues, très écrits, et dans une langue impeccable. Les personnages sont toujours intelligents, et savent analyser avec précision – et nuances, une notion disparue au cinéma – leurs sentiments et les motifs de leurs actions. Jean-Claude Brialy joue un attaché culturel quadragénaire qui séjourne au bord du lac d’Annecy, car il désire vendre sa maison familiale, avant de se marier en Suède, où il est basé. Il y retrouve une vieille amie, une Italienne qui écrit des romans et va lui servir de confidente, et il fait la connaissance d’une famille aisée, mère veuve puis divorcée, pourvue de deux grandes filles, dont la Claire du titre, laquelle va lui fournir le but de ses vacances : pouvoir poser la main sur son genou !
On se doute bien que cet objectif un peu farfelu n’est qu’un prétexte au marivaudage des personnages, qu’il va être atteint via une combine un peu perfide, mais que tout s’arrangera au dernier plan.
Les paysages sont superbes, et Fabrice Luchini, dans un petit rôle, joue à dix-neuf ans son deuxième film. Mais c’est Béatrice Romand, dans le rôle de la sœur de Claire, qui retient l’attention. Elle fera encore quatre films avec Rohmer. Elle joue son propre rôle, comme une foule d’autres acteurs, dans cette fantaisie qu’était HH, Hitler à Hollywood.
D’Éric Rohmer, en 1969. Scénario du réalisateur. Durée, 1 heure et 50 minutes. Noir et blanc, format 1,33:1. Sorti en France le 4 juin 1969.
Revu sans plaisir excessif ce film du même Éric Rohmer, tourné à Clermont-Ferrand l’année précédente, et qui oppose les divers points de vue sur la religion et l’incroyance religieuse, au travers de quatre personnages : Jean-Louis Trintignant est à la fois coureur de jupons (un peu assagi) et catholique pratiquant ; Marie-Christine Barrault est une étudiante de vingt-deux ans tout aussi catholique, mais dont on apprendra à la fin qu’elle cache un lourd secret, comme toujours au cinéma ; Françoise Fabian, pleine de classe, est un médecin sans religion, sans mari, et qui n’a rien contre les aventures avec des hommes intelligents ; et Antoine Vitez est un philosophe pascalien, athée, pervers et jaloux.
Tout cela est assez artificiel, mais les dialogues, très écrits comme toujours chez Rohmer, parviennent à ne pas nous faire plonger dans le sommeil, et c’est beaucoup. J’avoue ne pas avoir très bien compris l’épilogue, mais c’est sans importance, car le film, très statique, reste néanmoins du grand cinéma, et trois acteurs sur les quatre valaient le déplacement (devinez qui est le quatrième).
De Francis Veber, en 1976. Scénario du réalisateur. Durée, 1 heure et 35 minutes. Couleurs (Eastmancolor), format non précisé, sans doute 1,78:1. Sorti en France le 8 décembre 1976.
Francis Veber, que la critique habituellement traite mal, fait pourtant ici une comédie à caractère social, plus intelligente qu’il y paraît, puisque c’est en fait une analyse de l’humiliation qu’un personnage humble et modeste (merveilleux Pierre Richard) peut subir de la part d’un grand patron, paternaliste mais impitoyable dès qu’on lui déplaît (glaçant Michel Bouquet, habitué à ce genre de rôle, qu’il avait déjà tenu pour Chabrol en 1970, dans La rupture). La scène-clé est celle où le patron en question, inspiré dit-on par Marcel Dassault, ordonne au rédacteur en chef du journal de se déshabiller entièrement et de circuler tout nu dans les bureaux. L’homme, d’abord interloqué, commence à obtempérer, mais son patron l’interrompt avec cette question : « Qui est le plus cinglé, celui qui donne un ordre idiot, ou celui qui y obéit ? ». Cette scène rappelle, mais sur le mode comique, celle de la soumission à l’autorité, qu’Henri Verneuil avait incluse un peu artificiellement dans I comme Icare, mais sur le mode dramatique.
Bien sûr, comme Veber débutait dans la réalisation, le film n’est pas un chef-d’œuvre de mise en scène, il brille surtout par sa direction d’acteurs. Le postulat, celui d’un homme « acheté » pour servir de jouet à un sale gosse qui se révèle finalement un garçon adorable, est aussi un peu dur à gober, mais il faut prendre cette histoire comme une fable, réussie en fin de compte.
De Kenneth Branagh, en 1993. Scénario du réalisateur, d’après la pièce de William Shakespeare Much ado about nothing. Durée, 1 heure et 51 minutes. Couleurs (Technicolor), format 1,85:1. Sorti aux États-Unis le 7 mai 1993, en France le 26 mai 1993.
Tourné en Toscane par un bon réalisateur qui a plusieurs fois porté Shakespeare à l’écran, le film, assez agité, est beau, classique et magnifiquement interprété par les meilleurs acteurs possibles. On n’a pas cherché, contrairement à la mode actuelle, à « dépoussiérer » une œuvre qui n’en avait nul besoin, et le résultat est brillant : décors, costumes, chansons, mise en scène, aucune fausse note, et Shakespeare est magnifiquement mis en valeur.
À comparer avec le misérable ratage vu en février, dû à un incapable, Joss Whedon, qui a voulu transposer la pièce de nos jours et en costumes modernes (avec téléphone mobiles, s’il vous plaît !), filmé dans sa propre maison de Californie, et en faisant jouer le personnage de Conrad par... une fille ! Sans même modifier son nom...
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.