Œuvres citées (en italiques, autres que des films) : Inglourious basterds – Notre agent à La Havane – Our man in Havana – L’homme qui rétrécit – The incredible shrinking man – La souris qui rugissait – Je suis une légende – Duel – L’affaire Maurizius – Scènes de chasse en Bavière – Jagdszenen aus Niederbayern – Les désarrois de l’élève Törless – Dorothea – La faille – Un dieu rebelle – L’éveil de Maximo Oliveros – Ang pagdadalaga ni Maximo Oliveros – The Pacific – Helmet for my pillow – With the old breed – China Marine – Red blood, black sand – Il faut sauver le soldat Ryan – Jurassic Park
Personnes citées : Quentin Tarantino – Brad Pitt – Adolf Hitler – Christoph Waltz – Éric Neuhoff – Carol Reed – Graham Greene – Fulgencio Batista – Alec Guiness – Burl Ives – Maureen O’Hara – Noel Coward – Ralph Richardson – Grégoire Aslan – Ernie Kovacs – Jack Arnold – Richard Matheson – Richard Alan Simmons – Steven Spielberg – Julien Duvivier – Jakob Wassermann – Charles Vanel – Eleonora Rossi-Drago – Anton Walbrook – Madeleine Robinson – Jacques Chabassol – Peter Fleischmann – Martin Sperr – Jean-Claude Carrière – Auraeus Solito – Michiko Yamamoto – Nathan Lopez – Timothy Van Patten – David Nutter – Jeremy Podeswa – Graham Yost – Carl Franklin – Tony To – Bruce C. McKenna – Robert Leckie – Eugene Sledge – Chuck Tatum – Tom Hanks – Joe Mazello
De Quentin Tarantino, en 2009. Scénario du réalisateur. Durée, 2 heures et 23 minutes. Couleurs, format 2,35/1, évidemment tronqué sur les côtés par la télévision, qui n’a jamais respecté ce format trop large (et les salles ne font pas mieux). Sorti en France (Festival de Cannes) le 20 mai 2009, puis en salles le 19 août de la même année. Sorti aux États-Unis deux jours après.
J’avais évité le film lors de sa sortie en salles, mais je l’ai vu à la télévision lors d’une soirée où rien d’autre ne s’offrait à moi. Notons tout de suite que toute la publicité du film s’est faite sur Brad Pitt, qui interprète un capitaine états-unien juif, chef d’un commando, les Bâtards, décidé à massacrer le plus possible de nazis durant la Deuxième Guerre Mondiale, et à... rapporter le scalp de leurs victimes, si l’on peut dire ! Or son rôle est très secondaire, et l’histoire est tout autre : elle se concentre sur une jeune femme juive qui a échappé au massacre de sa famille par les sbires d’un « chasseur de Juifs » nazi, et qui, devenue ensuite – sous un faux nom – propriétaire d’un cinéma à Paris, va se venger en... incendiant sa propre salle, lors d’une soirée de gala pour la présentation d’un film de propagande hitlérienne, où doit assister tout le gratin du Troisième Reich, Hitler y compris. Et c’est ainsi que le Führer finit sous une rafale de mitrailleuse, dans un cinéma parisien en flammes ! On voit comme la vérité historique est le souci constant de Tarantino.
Trait curieux, pendant les dix premières minutes, on ne parle que le français à l’écran, au point que j’ai cru que Canal Plus diffusait une version doublée. Mais non, tout se passe en France, beaucoup de personnages sont français, certains joués par des acteurs de chez nous, et les autres sont incarnés par des acteurs bilingues, voire trilingues.
Le principal défaut de ce film tient à son scénario, dont on ne sait dans quel sens il part, et qui n’y va pas par le plus court chemin, à tel point qu’on croirait voir du Lelouch. Tout ce qui concerne le commando des Bâtards, notamment, pourrait être coupé sans dommage... mais le film perdrait sa vedette ! Comme écrivait autrefois un critique du « Canard Enchaîné », c’est un film qui prend son temps... et le nôtre (variante : un grand film dans le sens de la longueur). Plus sobre, il durerait une heure de moins, et ce ne serait pas plus mal. Il a au moins révélé Christoph Waltz, excellent acteur autrichien, inconnu chez nous (au point qu’Éric Neuhoff avait dit qu’il débutait, alors que cet acteur avait derrière lui quatre-vingts films !), et qui a remporté l’Oscar de la meilleure performance pour un rôle secondaire, ce qui est parfaitement saugrenu, puisqu’il a le rôle principal du film.
De Carol Reed, en 1959. Titre original : Our man in Havana. Scénario de Graham Greene, d’après son roman. Durée, 1 heure et 51 minutes. Noir et blanc, format 2,35/1, tronqué pour la télévision. Sorti au Royaume-Uni le 30 décembre 1959, en 1960 en France.
L’histoire se passe à Cuba, juste avant la révolution castriste, donc dans un pays ravagé par la corruption de Batista, dictateur local et marionnette des États-Unis. Alec Guiness interprète Jim Wormold, un modeste commerçant britannique (il vend de l’électro-ménager), pourvu d’une fille étudiante, Milly, que courtise le chef de la police, le capitaine Segura, sans scrupules et tortionnaire. Comme Wormold a besoin d’argent, il accepte d’être recruté par les services secrets de son pays, afin de constituer sur place un réseau d’espions, mais, ne sachant comment faire, il imagine. Très vite, à Londres, on le considère comme le meilleur agent de l’hémisphère nord, mais, revers de la médaille, la police locale ne tarde pas à intercepter et décoder les messages qu’il envoie à ses chefs, et s’efforce de l’éliminer. À la fin, par égard pour Milly, le capitaine Segura lui sauve la mise, et Wormold quitte le pays.
On voit que cette histoire est essentiellement satirique, et que l’auteur s’est régalé. Le film est très classique, réalisé par cet excellent metteur en scène que fut Carol Reed, et le spectateur a de quoi jubiler lui aussi. D’autant plus que la distribution est épatante : outre Alec Guiness, le film réunit Burl Ives, Maureen O’Hara (dans un petit rôle), le grand dramaturge Noel Coward, Ralph Richardson, le Français Grégoire Aslan, et Ernie Kovacs.
De Jack Arnold, en 1957. Titre original : The incredible shrinking man. Scénario de Richard Matheson, d’après son roman, et de Richard Alan Simmons. Durée, 1 heure et 21 minutes. Noir et blanc, format 1,85/1. Sorti aux États-Unis le 22 février 1957, en France le 17 mai 1957.
Jack Arnold, depuis l’enfance, s’est passionné pour le fantastique et la science-fiction, et il a eu la chance de débuter à Hollywood à un moment où personne n’y connaissait quoi que ce soit, si bien que nul n’intervenait dans son travail et qu’il pouvait faire ce qu’il voulait. Aussi, tout au long de soixante-neuf films et téléfilms, s’en est-il donné à cœur joie. Et les succès ne lui ont pas manqué, même s’il a traité d’autres genres, comme la satire avec La souris qui rugissait.
Le film vient d’un livre célèbre de Richard Matheson, auteur prolifique, très connu au cinéma, notamment pour Je suis une légende, adapté deux fois, et pour Duel, qui a fait connaître Spielberg. Matheson a eu l’intelligence de modifier la structure de son histoire, et, alors que le livre abondait en retours en arrière, le scénario qu’il en a tiré est strictement chronologique. Le drame de cet homme qui, empoisonné par un insecticide puis irradié par un nuage atomique, perd chaque jour un peu de sa taille jusqu’à devenir quasi-microscopique, a priori prête à rire, mais le livre et le film, en réalité, débouchent sur une acceptation de son sort et prennent peu à peu une dimension métaphysique, d’autant plus que le dénouement est absent. Ne craignons pas de dire que le film est un chef-d’œuvre, aussi bien par sa conception que par sa réalisation.
Les trucages, nombreux, fabriqués à une époque où le numérique n’existait pas, sont, comme on dit aujourd’hui, « bluffants ». Et si les acteurs sont inconnus, le résultat n’en a que davantage de poids.
Un mot sur la chaîne qui l’a diffusé tardivement : TCM, c’est Turner Classic Movies, qui est une filiale de la Warner. Son siège français est à Neuilly (j’y ai souvent assisté à des projections de presse), quoique elle émette depuis Londres. Ses programmes sont excellents, mais elle sabote sa réputation en maintenant son logo sur toute la durée des films, ce qui ôte toute envie de les voir s’ils ne sont pas en écran large (car, dans ce cas précis, l’écran large affiche des bandes noires, et le logo tombe sur cette surface inutilisée, qu’on peut masquer sur les téléviseurs munis d’un zoom). Mauvais calcul, car les cinéphiles l’évitent. On ne peut à la fois se dire chaîne du cinéma classique de langue anglaise, et massacrer les films.
De Julien Duvivier, en 1954. Scénario du réalisateur, d’après le roman de Jakob Wassermann. Durée, 1 heure et 50 minutes. Noir et blanc, format 1,37/1. Sorti en France le 4 juin 1954.
Un film de procès, situé en Suisse, et traité avec de longs flashbacks. Le fils de seize ans d’un procureur qui avait obtenu dix-huit ans auparavant la condamnation d’un suspect de meurtre, persuadé que l’homme était innocent, refait l’enquête et parvient à découvrir que l’assassin était un autre homme. Le faux coupable est gracié, mais il se suicide.
Le film est très noir, ce qui était fréquemment le cas chez Duvivier. Pas de happy end ici : le fils du procureur renie son père, le procureur, incarné à la perfection par Charles Vanel, perd donc son fils, la femme qui était la cause du drame vieillit prématurément, et l’innocent meurt. Tandis que le vrai meurtrier explique au jeune garçon que la société se fiche bien des lois !
Le récit est loin d’être parfait, outre son postulat ridicule d’une enquête sur une erreur judiciaire menée à bien par un garçon naïf de seulement seize ans. Eleonora Rossi-Drago et Anton Walbrook sont doublés en français, ce dernier, qui interprète l’assassin, surjoue, de l’avis général, et Madeleine Robinson n’apparaît qu’une dizaine de minutes. En compensation, le jeune homme, joué par Jacques Chabassol, a un visage d’ange. Mais la réalisation, comme toujours chez Duvivier, est parfaitement maîtrisée.
De Peter Fleischmann, en 1969. Scénario du réalisateur et de Martin Sperr, d’après la pièce de ce dernier. Durée, 1 heure et 28 minutes. Noir et blanc, format 1,37/1, stupidement recadré pour la télévision, afin de satisfaire les possesseurs d’écrans 16/9. Sorti en Allemagne de l’Ouest le 29 mai 1969, et le même mois en France, au Festival de Cannes.
Martin Sperr, auteur de la pièce qui est à l’origine du film (cela ne se voit pas trop), joue le personnage principal, celui d’Abram, un jeune mécanicien de vingt ans, un étranger, qui revient chez sa mère, dans un village de Bavière. Mais les ragots réservés aux étrangers courent. On prétend qu’il sort de prison, qu’il est homosexuel, qu’il a couché avec le jeune idiot du village, et on le couvre de quolibets. Sa mère elle-même, qui gobe toutes ces fadaises, le maudit et souhaite le voir en prison. Lassé, il veut prendre le car pour fuir le patelin, mais on l’en empêche, parce qu’Hannelore, la prostituée locale, a prétendu qu’il était le père de son enfant. Un peu plus tard, elle le provoque, il la poignarde et s’enfuit dans les bois, mais tous les villageois se mettent en chasse et le capturent. Il finit par être livré aux gendarmes.
J’avais vu ce film en salle, et j’ai voulu le revoir à la télévision, mais je confesse que c’était une mauvaise idée. Très coté, le film ne brille pas par la subtilité, et le réalisateur a terriblement chargé la barque, accumulant dialogues et gestes d’une vulgarité rarement vus au cinéma, le but étant naturellement de décrire une humanité comme il la conçoit ! Le réalisme est poussé au point que les acteurs – si ce sont des acteurs, mais on pense plutôt à des amateurs recrutés sur place – tuent réellement le cochon et le dépècent, sous les yeux des enfants présents, tout en échangeant de joyeuses obscénités. On est vaguement écœuré, et on n’adhère pas. Quelle différence avec Les désarrois de l’élève Törless !
Les autres films de Fleischmann, qui avait étudié le cinéma à l’IDHEC, à Paris, il semble qu’on ne les ait pas distribués en France, sauf Dorothea, en 1974, La faille, en 1975, et Un dieu rebelle, écrit avec Jean-Claude Carrière, en 1989.
De Auraeus Solito, en 2005. Titre original : Ang pagdadalaga ni Maximo Oliveros. Scénario de Michiko Yamamoto, qui, malgré son nom japonais, est une scénariste des Philippines. Durée, 1 heure et 40 minutes. Couleurs, format 16/9. Sorti aux Philippines le 13 juillet 2005, en France le 15 octobre 2006 (au Festival de Lyon) et le 4 avril 2007 dans le reste du pays.
Couvert de récompenses pour la qualité de son scénario, le film est assez audacieux, puisqu’il traite la pédophilie à l’envers, si l’on peut dire : ici, c’est Maximo, un garçon de douze ans, qui tombe amoureux d’un adulte, Viktor, un policier de vingt-cinq ans. De toute évidence, et une scène vers la fin le prouve, cet amour est partagé, mais la tragédie sépare les amoureux, et Maximo ne veut plus revoir Viktor.
Maximo est très efféminé, ce qui ne dérange personne, pas même son père et ses frères (sa mère est morte), qui parlent de lui comme de leur « jolie petite sœur » et lui conseillent de trouver plutôt un petit ami de son âge ! Imaginez cela en Europe...
À l’actif du film, le charme du jeune garçon, Nathan Lopez, qui avait quatorze ans lors du tournage, et qui a continué une carrière d’acteur (il a aujourd’hui dix-neuf ans, mais aucun de ses films n’a été vu en France), et bien sûr la tranquille audace du scénario. Au passif, une réalisation pas toujours à la hauteur, et une interprétation inégale ; le garçon, en particulier, ne sait pas jouer les scènes où il doit pleurer. Également, le fait qu’on a beaucoup de mal à croire que l’assassinat de son père a finalement rendu Maximo hétérosexuel ! Mais enfin, le film est à voir et revoir.
Feuilleton en dix épisodes, réalisé pour la chaîne HBO par la compagnie Dreamworks. Réalisé par Timothy Van Patten (épisodes 1, 7 et 9), David Nutter (épisodes 2 et 8), Jeremy Podeswa (épisodes 3 et 10), Graham Yost (épisode 4), Carl Franklin (épisode 5), Tony To (épisode 6). Scénario de Bruce C. McKenna, d’après les livres de Robert Leckie Helmet for my pillow, d’Eugene Sledge With the old breed et China Marine, et de Chuck Tatum Red blood, black sand. Durée, 52 minutes par épisode. Couleurs, format 16/9. Diffusé à la télévision aux États-Unis à partir du 14 mars 2010, en France à partir du 6 septembre de la même année.
Produit par Tom Hanks et Steven Spielberg, cette œuvre monumentale et réussie est un hommage aux combattants, et tout spécialement aux Marines, pendant la guerre du Pacifique contre les Japonais. Les séquences de combat, nombreuses, sont très violentes et rappellent le début du film de Spielberg Il faut sauver le soldat Ryan. C’est constamment émouvant, particulièrement le dernier épisode, qui décrit le retour des combattants à la vie civile et ne contient aucune scène de guerre : le soldat Eugene Sledge, auteur ensuite de deux des livres qui ont donné naissance au scénario, a perdu goût à la vie et demeure prostré, repoussant toute possibilité de s’intéresser à quoi que ce soit, notamment pas aux femmes (dans la réalité, cet état fut heureusement transitoire, il s’est ensuite marié et a eu des enfants). Tous les personnages montrés ont réellement vécu, et trois seulement vivent encore – mais pas Eugene Sledge, qui est mort le 3 mars 2001.
À noter que le personnage de Sledge est joué par Joe Mazello, qui intérprétait le petit garçon dans Jurassic Park, en 1993 (il avait dix ans). On ne peut pas dire qu’il est beau, mais il a un visage intéressant, et c’est un excellent acteur.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.