Œuvres citées : Pépé le Moko – Casbah – Algiers – L’aigle à deux têtes – Ludwig – La belle et la bête – Le testament d’Orphée
Personnes citées : Julien Duvivier – Jean Gabin – Fréhel – Fernand Charpin – Hedy Lamarr – Charles Boyer – Walter Wanger – Jean Cocteau – Jean Debucourt – Georges Marny – Louis II de Bavière – Luchino Visconti – Edwige Feuillère – Silvia Monfort – Jean Marais – Yvonne de Bray – Capucine – Germaine Lefèbvre – Édouard Dermithe
De Julien Duvivier, en 1937. Scénario du réalisateur et d’Henri La Barthe, d’après son roman, adaptation de Jacques Constant, dialogues d’Henri Jeanson. Durée, 1 heure et 34 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sorti en France le 28 janvier 1937.
Sans doute pas le meilleur film de Duvivier, mais l’un des plus connus. Il est célèbre pour son interprétation, notamment de Gabin, et pour une courte scène où Fréhel, ancienne chanteuse à succès, écoute l’un de ses vieux disques et se met à chanter en duo avec elle-même, et c’est bien émouvant. Les autres acteurs sont très bons, sauf peut-être Charpin, qui n’est pas dans son personnage, car il était fait pour jouer Panisse ! Il y a aussi le décor de la Casbah d’Alger, reconstitué dans les studios de Pathé, à Paris. Mais certains plans ont bien été faits à Alger, on reconnaît parfaitement le port, les arcades du boulevard qui le domine et l’entrée de l’Hôtel Aletti.
Je me permets toutefois de trouver la fin un peu excessive, voire ridicule : Gabin se poignarde parce qu’il a été arrêté au moment où il allait quitter l’Algérie en bateau, avec la femme dont il vient de tomber amoureux. Gabin en Roméo, on n’y croit pas.
Anecdote fâcheuse : l’année suivante, on en a fait un remake à Hollywood, Casbah, (en version originale, c’était Algiers), avec Hedy Lamarr et Charles Boyer, et son réalisateur, Walter Wanger, avait l’intention de faire détruire toutes les copies du film de Duvivier. Mais ce sagouin jaloux n’a pas réussi dans son projet.
De Jean Cocteau, en 1948. Scénario du réalisateur, d’après sa pièce de théâtre. Durée, 1 heure et 33 minutes. Noir et blanc, format 1,37:1. Sorti en France le 22 septembre 1948.
Cette diffusion sur une mauvaise chaîne (elle garde son logo sur l’image pendant toute la durée du film) est sans doute due au fait que le lendemain était le cinquantième anniversaire de la mort de Jean Cocteau. En l’occurrence, il portait à l’écran la pièce qu’il avait fait jouer deux ans plus tôt au théâtre Hébertot, en conservant les interprètes, à l’exception de Jean Debucourt, l’une des vedettes de la Comédie-française, qui remplaçait Georges Marny. Le tournage eut lieu au château de Pierrefonds, dans l’Oise, et l’intrigue, un drame qui mêlait la politique et la romance, s’inspirait lointainement d’un épisode bavarois, au cours duquel le roi Louis II, complètement fou, avait étranglé son médecin avant de se noyer dans un lac (voir le Ludwig de Visconti).
Il faut dire que le film a très mal vieilli, et que les tics de Cocteau (décors surchargés, obsession des éclairages à la bougie, statues mystérieuses, diction ampoulée des acteurs, le pire étant dans La belle et la bête, qui est ressorti et que je n’irai pas revoir) ont du mal à tenir le coup aujourd’hui. Et puis, Cocteau commet une belle bourde dès la première scène, lui qui se croyait familier des grands de ce monde, en faisant dire à un grand-duc (le personnage de Jean Debucourt) « SA Majesté veut-elle que... » alors qu’il s’adresse à la reine... Voir ICI.
Les acteurs, eux, sont prestigieux. Edwige Feuillère joue la reine, Silvia Monfort sa dame de compagnie, Jean Marais est le révolutionnaire qui veut assassiner la souveraine et tombe amoureux d’elle, Jean Debucourt est une sorte de grand chambellan, Yvonne de Bray la présidente, et l’on reconnaît même Capucine, qui s’appelait encore Germaine Lefèbvre, dans un petit rôle non mentionné au générique, ainsi qu’Édouard Dermithe, qui succéda à Jean Marais dans le cœur de Cocteau sous le surnom de Doudou (il est présent dans Le testament d’Orphée – puisque Cocteau se reconnaissait dans Orphée !).
L’auteur désirait opposer « une reine d’esprit anarchiste et un anarchiste d’esprit royal », mais cela donne lieu à un coup de foudre auquel on ne croit guère, et à des scènes peu crédibles. Ah, celle où le chef de la police donne au révolutionnaire un rendez-vous dans une cabane au sommet d’un arbre, ou celle dans laquelle la reine, que son amoureux, provoqué volontairement, vient de poignarder dans le dos, trouve la force d’aller saluer le peuple à son balcon !
On se souvient surtout de la dernière séquence où Jean Marais s’effondre en arrière et dévale un escalier sur le dos, car il n’y a aucun trucage ici : il faisait ses cascades lui-même, et tombait de la même manière chaque soir au théâtre. En réalité, le public attendait ce clou, et Cocteau avait été assez rusé pour le placer tout à la fin (d’ailleurs, puisque les deux vedettes meurent à cet instant, comment aurait-il fait autrement ?).
Bref, le film n’est plus guère qu’une curiosité qu’on va visiter pour dire qu’on l’a vue.
Sites associés : Yves-André Samère a son bloc-notes films racontés
Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1er janvier 1970.